ÉCHANGES AVEC LA SALLE

De gauche à droite, M. Ahmet Insel, M. Garo Paylan, M. Philippe Kaltenbach, Mme Ay°e Günaysu et M. Cengiz Aktar

M. Benjamin ABTAN, président de l'EGAM - Je voudrais dire quelques mots pour les personnes qui sont ici, qui représentent d'autres intellectuels et qui prennent des risques pour leur carrière professionnelle, pour leur liberté et pour leur vie. C'est admirable. Ils méritent toute notre admiration et notre soutien.

Le mouvement antiraciste européen regroupe des associations dans toute l'Europe mais n'est pas une organisation arménienne.

Nous sommes engagés depuis la création du mouvement en faveur de la reconnaissance du génocide arménien et par rapport à la question de la démocratisation des droits humains en Turquie.

Nous sommes présents dans tous les pays, mais en particulier en Turquie. Même si le sujet n'était pas lié à la question de la démocratisation, il serait totalement légitime de s'engager pleinement en faveur de la reconnaissance du génocide arménien, car c'est un sujet qui touche à des questions et à des valeurs fondamentales. C'est un sujet d'actualité du fait du racisme qui se déploie aujourd'hui, notamment en Turquie, mais pas seulement, et également du fait du négationnisme qui se situe dans la continuité de la logique génocidaire et des menaces qui peuvent exister.

Sevag Balikçi a été tué un 24 avril parce qu'il était arménien. Toutes les menaces que reçoivent Garo Paylan ou ceux qui s'engagent sur le sujet vont dans le même sens, et si les critiques de l'opposition par rapport à ce qui se passe vis-à-vis de l'État arménien sont légitimes, les événements qui se déroulent au Karabagh reflètent évidemment une tendance génocidaire du fait de la haine qui se déploie contre l'État arménien.

Il est important de s'engager, car ces sujets sont d'actualité. Aujourd'hui, la société civile turque ne compte plus aucun coupable de génocide, ils sont tous morts. Néanmoins, il faut lutter en Turquie contre le négationnisme de l'État, contre l'éducation au négationnisme et à la haine. Ceux qui luttent ont pour cela besoin de soutien et que l'on fasse pression. La seule chose que nous puissions faire, c'est accompagner la société civile qui se bat pour cette cause, notamment à travers les commémorations.

Je vous invite à rejoindre les délégations internationales que nous montons avec nos partenaires de l'Union générale arménienne de bienfaisance Europe (UGAB Europe) depuis plusieurs années maintenant, soutenues par de nombreuses personnalités et associations, comme le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), le collectif Vigilance arménienne contre le négationnisme (VAN), Séta Papazian, afin de soutenir ceux qui sont sur le front au quotidien et qui risquent leur vie.

Il existe certes d'autres manières de les soutenir, mais nous n'avons pas d'autres choix, au vu de la situation, pour résister à la dérive totalitaire de l'État, que de soutenir ceux qui résistent. C'est un impératif moral. Peut-être y aura-t-il un jour une reconnaissance de la population ou de l'État. Je suis également pessimiste à ce sujet, mais nous n'avons pas d'alternative.

M. Albert KALAYDJIAN, Conseiller pour les relations internationales au groupe de l'UDI-UC du Sénat - Nous sommes ici dans la salle Clemenceau. Je relisais hier soir quelques phrases que celui-ci avait écrites en 1912, au sujet des massacres de 1895 et 1896. Il estimait que ceux-ci avaient été commis au nom d'une idéologie nationaliste, et non au nom d'une religion, excluant ainsi l'islam.

Ne pensez-vous pas qu'il soit fait justice du génocide arménien par l'islam turc, car il est vrai que le génocide de 1915 a été perpétré pour des raisons religieuses et par des nationalistes du Comité Union et Progrès ?

En second lieu, comment expliquez-vous cette fascination des intellectuels et de la classe politique française vis-à-vis de la Turquie négationniste en général et de l'AKP ? Alexandre Adler, qui se trompe souvent, avait parlé de démocrates musulmans. Moi qui suis d'essence politique démocrate chrétienne, cela m'a beaucoup choqué.

Comment expliquer cette fascination tant vis-à-vis du président Erdoðan que de Mustafa Kemal Pacha et des kémalismes ? J'aurais la cruauté de rappeler que le Parti républicain du peuple a été longtemps membre de l'Internationale socialiste. Fils d'un rescapé du grand massacre de Smyrne en 1922, je suis bien placé pour rappeler que le génocide arménien perpétré par le Comité Union et Progrès a été achevé en septembre 1922, à Smyrne, par Mustafa Kemal Pacha.

Mme Claire MOURADIAN, Directrice de recherche au CNRS - Comment expliquez-vous le fait que, après deux cents ans de tentatives de réformes, les premières chartes de Gülhane, le Hatti-Humayoun, la Constitution de 1876, son rétablissement en 1908, les constitutions turques successives, les réformes pour transformer le pays en vue de davantage de démocratie et intégrer les minorités n'aboutissent pas, même avant l'ère du nationalisme moderne ? Est-ce parce que les choses sont venues d'en haut, et parfois même souvent de l'extérieur ?

Par ailleurs, la République turque est bâtie sur le traité de Lausanne, mentionné dans la Constitution, qui reconnaît des droits culturels et religieux pour trois groupes, les Grecs, les Juifs et les Arméniens. Or, dès 1926, sous la pression, ces trois groupes ont dû renoncer « spontanément » à leurs droits et privilèges, comme si eux-mêmes n'en avaient plus besoin.

Comment jongle-t-on aujourd'hui, dans la Turquie contemporaine, entre le traité de Lausanne, fondement de la République turque jusqu'à nos jours si je ne me trompe, et l'annulation, sous Mustafa Kemal, des droits et privilèges, ces groupes n'ayant dès le début pas eu le droit d'exister en tant que tels ? Je ne parle même pas des Kurdes...

De la salle - Je voudrais remercier toutes les organisations et mouvements de France et d'Arménie.

Comment se fait-il qu'on n'ait pas parlé du Karabagh ? Que s'y passe-t-il depuis dix ans ? Le Karabagh connaît de graves problèmes.

M. Cengiz AKTAR - Albert Kalaydjian a soulevé deux questions à propos de l'islam. Certes, il s'est bien agi d'un sursaut nationaliste qui remonte à l'invention de la Nation. Les historiens disent d'ailleurs que la Nation turque a été la dernière à avoir été inventée dans l'Empire ottoman.

Le socle, le ciment de la Nation turque est bien l'islam. Le discours est nationaliste, mais ne se réfère pas aux mêmes concepts que les autres Nations, pas même la langue : tous les Turcs, en 1923, ne parlaient pas turc. L'échange de populations entre la Grèce et la Turquie n'était pas un échange de populations entre Grecs et Turcs, mais entre orthodoxes et musulmans, même si cet islam n'a pu se manifester sur la place publique. C'est là la grande différence.

L'islam a eu l'occasion de se manifester après 1980, et le parti aujourd'hui au pouvoir se réclame de cette religion. Vous avez questionné le concept de démocratie musulmane. Il faut rendre à César ce qui est à César. Ce parti, malgré tous ses défauts et ses lacunes, a permis un travail de mémoire, mais pas seulement. Il a également soutenu la candidature de la Turquie à l'Union européenne.

Beaucoup de sociologues et d'historiens de la période récente estiment que l'Europe a été abusée à cet égard. Il n'empêche que le mot de génocide a été prononcé pour la première fois alors que ce parti était au pouvoir. Je ne peux le méconnaître, sans parler d'autres réformes révolutionnaires qu'on n'a pas le temps d'évoquer ici, comme l'abolition de la peine de mort.

Ce n'est pas notre sujet mais, pour les politologues, l'expérience de l'AKP a été une « belle expérience », mais malheureusement ratée, qui n'a pas débouché sur la démocratie musulmane.

Or, le monde espérait beaucoup que l'expérience politique de l'AKP ferait cesser le tabou classique de la science politique selon lequel l'islam et la démocratie ne peuvent fonctionner ensemble.

Est-ce que cela n'a pas fonctionné pour des raisons inhérentes à l'islam ? Je n'en sais rien. La question est ouverte. Croyez-moi, tous les sociologues de l'islam politique y réfléchissent aujourd'hui !

Claire Mouradian a demandé si le travail démocratique avait été vain. Il faut croire que, lorsqu'on casse le cosmopolitisme et la richesse ottomane, la démocratie ne peut tenir. C'est ce que Garo a évoqué l'autre jour au Parlement. Il a déploré le fait que l'on ait perdu notre richesse et que la multitude soit partie depuis longtemps. Après les Kurdes, ce sera le tour des Turcs qui refusent le discours officiel du parti au pouvoir.

Toutes ces tentatives n'ont donc pas donné le résultat escompté. Sevan Nichanian -qui est en prison pour avoir retapé des maisons grecques dans un village abandonné près d'Éphèse, ce que tout le monde fait en Turquie- a écrit un livre dont on peut traduire le titre par La République erronée , dont les fondements ont été mal posés dès le départ.

Enfin, pour ce qui est du traité de Lausanne, les minorités n'y sont pas citées expressément. Elles sont citées comme minorités religieuses mais, dès sa signature, l'État a tout fait pour ignorer le traité de Lausanne. Pour les Arméniens, c'était déjà fait. Il restait les Grecs. Ils en ont subi le contrecoup en 1964, date à laquelle des milliers de Grecs d'Istanbul et d'Imbros
-Gökçeada- ont dû partir, fermant ainsi la parenthèse du chapitre consacré aux minorités de Lausanne.

Mme Ay°e GÜNAYSU - À mon humble avis, l'islam est un des facteurs clés pour expliquer les crimes qui ont été commis dans le passé et qui sont commis aujourd'hui.

Nombre de mes amis de gauche qui appuient la démocratie sont contre. Ils me critiquent et pensent que je suis islamophobe. On pourrait le dire d'une certaine façon car, selon moi, le génocide arménien n'aurait jamais pu être exécuté par les jeunes du Comité Union et Progrès à une si grande échelle si la population locale n'y avait pas participé.

Il existait deux motivations. Je ne suis pas historienne, mais je pense qu'après le Sultan Mehmed, les musulmans étaient considérés comme inférieurs. Leurs témoignages devant les juges n'étaient pas même pris en compte. Ils ne pouvaient porter certaines couleurs, etc. Bien que leur statut sous l'Empire ottoman ait été meilleur que sous la République turque, force est de reconnaître que ce sont eux qui ont participé au génocide et exécuté les personnes, car la haine des chrétiens était bien présente.

L'autre élément déclencheur a été l'avarice, l'appât du gain, et le fait de posséder davantage de biens, de jeunes filles, etc.

Par ailleurs, malgré le traité de Lausanne, la République n'a pas permis l'ouverture d'écoles arméniennes en Anatolie.

Il était par exemple stipulé que les îles grecques d'Imbros et de Ténédos devaient devenir autonomes. Elles devaient s'auto-administrer. On a violé le traité au vu et au su des signataires. Personne n'a levé le petit doigt. On a procédé à un nettoyage ethnique dans ces îles. Je n'entrerai pas dans les détails, épouvantables, mais vous pouvez vous documenter à ce sujet.

Peut-on, dans la Turquie moderne, réconcilier tout cela ? La haine des chrétiens est profondément ancrée chez les Turcs et existe encore. C'est une grande motivation de l'Empire ottoman.

Ainsi, la ville kurde de Cizre, dans le département de Sirnak, traite les Arméniens de « salauds » en utilisant des haut-parleurs installés dans des véhicules militaires armés. Il y reste très peu d'Arméniens, mais la haine nationaliste et la haine religieuse perdurent.

M. Ahmet INSEL - On peut effectivement se poser la question de l'islam. Je suis personnellement athée. Affirmer que l'islam est responsable dans cette affaire apparaît comme une tautologie. Dans une société à dominante musulmane, le conservatisme et la haine sont alimentés par la religion dominante.

Les Allemands n'étaient pas musulmans et ils ont pourtant tué des millions de Juifs, mais la haine du Juif découlait de la religion dominante. Les Hutus n'étaient pas musulmans et ont cependant massacré les Tutsis. Ce sont d'autres valeurs qui expliquent leur geste.

Les Khmers rouges ont bien organisé un auto-génocide mais ils n'étaient ni musulmans, ni catholiques. Ils avaient d'autres références, probablement religieuses, sous couvert du communisme.

À Sebrenica, les génocidaires n'étaient pas musulmans, mais serbes orthodoxes et agissaient dans une logique ethno-religieuse extrêmement marquée.

Certes, il existe dans l'islam des facteurs qui permettent ces massacres et cette domination, car il s'agit d'une religion qui veut être dominante. Toute religion ou toute croyance qui se veut dominante est capable de faire la même chose. Le problème vient de la volonté et de la culture de la domination. Mais si l'on estime que cela vient de l'islam, il faudrait mettre à l'écart deux milliards de musulmans pour que la démocratie puisse s'exercer ?

Il faut bien que l'on fasse avec, que l'on puisse trouver des dynamiques de démocratisation dans l'islam, comme on l'a fait pour le catholicisme, l'orthodoxie, ou le paganisme, etc., et prendre garde à ne pas commettre d'autres génocides.

Qu'est-ce qui fait que les réformes ne fonctionnent pas depuis 200 ans ? Qu'est-ce qui fait qu'on ne parvient pas à sortir de l'autoritarisme ? Chez nous, c'est la permanence de l'autoritarisme qui est la plus marquante. Avant l'AKP, on était déjà dans un pays autoritaire. On ne parvient pas à en sortir. Les Russes non plus. Depuis deux siècles, ils tentent de réaliser des réformes, mais ne réussissent pas à s'affranchir de l'autoritarisme -pas plus que les Chinois.

Notre problème a probablement été la sortie de l'Empire ottoman. Si les Hongrois se jettent aujourd'hui dans l'autoritarisme, n'est-ce pas parce qu'ils s'en sont eux-mêmes mal sortis ? Quant aux Polonais, ils ont aussi subi la sortie de l'Empire. Il faut donc se poser la question sur le long terme.

Le problème est certes religieux et sociopolitique, mais il provient aussi d'une volonté de domination d'une minorité sur les autres. Au fond, le problème, dans le cas de l'Empire ottoman, vient du fait que la majorité sunnite refuse l'égalité avec les autres. Dans la Turquie d'aujourd'hui, la majorité turque refuse l'égalité avec les Kurdes. Nous avons un problème majeur d'égalité citoyenne, religieuse ou ethnique. Cela ne provient pas des Kurdes, mais des Turcs, comme en 1856 : les musulmans avaient alors soi-disant accepté de reconnaître l'égalité, tout en souhaitant ne plus jamais en entendre parler.

S'agissant du traité de Lausanne, trois citoyennetés différentes ont en fait été instaurées, d'abord celle accordée aux Turcs « turcisés », une citoyenneté accordée aux Kurdes car les fondateurs de la République avaient espoir que les Kurdes puissent être assimilés dans la majorité turque, et une troisième citoyenneté, celle que les hautes juridictions ont appelé les « citoyens étrangers », pour lesquels il n'existait aucun espoir d'assimilation. La politique était alors de les pousser vers l'extérieur -et ils ont réussi.

C'est ce qui explique pourquoi on demandera aux Grecs et aux Arméniens de ne pas utiliser leurs droits. On ne fermera toutefois pas les écoles mais ce sera la preuve qu'ils ne désirent pas s'assimiler, exactement comme les Jacobins au XVIII e siècle en France. On retrouve tout à fait cette volonté d'assimilation, non sur la base linguistique, mais religieuse : les Grecs, les Arméniens, les Juifs ne veulent pas s'assimiler parce que la figure dominante de la République, quoi qu'on dise, est d'abord religieuse.

M. Garo PAYLAN - Kemal Pacha Atatürk était probablement athée, comme Ahmet, mais il a instrumentalisé l'islam à des fins génocidaires. Aujourd'hui, le ministre de la justice propose de revenir au kémalisme, mais c'est une façade.

Il y a 100 ans, nous représentions 40 % de la population. Aujourd'hui, nous ne sommes que 0,1 %, de surcroît tous chrétiens, et tout cela se déroule sous les yeux des pays occidentaux. J'ai lu les comptes rendus des discussions du traité de Lausanne. Le génocide arménien n'était pas une affaire importante à l'époque.

Aujourd'hui, nous vivons les jours les plus sombres de notre histoire et nous avons de graves problèmes. On entend à nouveau les mêmes expressions que l'on entendait il y a quarante ou soixante ans.

Les Arméniens voudraient juste vivre mieux, mais ne savent pas comment y arriver. C'est le voeu des Turcs, des Kurdes ou des Arméniens. Le radicalisme et l'ultranationalisme viennent empoisonner nos relations. Nous sommes tous coupables de ce qui se passe en Syrie, en Afghanistan ou en Turquie. La Turquie est candidate pour rejoindre les pays schizophrènes. Si personne ne prend ses responsabilités, alors nous allons droit dans le mur. Nous allons continuer à nous entretuer et risquons de perdre notre foi en l'avenir.

Nous gardons cependant espoir, mais nous devons être soutenus par les uns et les autres. Nous devons également soutenir ce qui a été fait par le président François Hollande et la chancelière Angela Merkel.

Ils n'ont pas tenu compte de la situation politique de la Turquie et se sont préoccupés des réfugiés. Nous sommes les derniers dans le monde musulman à pouvoir demeurer un pays diversifié, mais nous ne savons pas comment y arriver. Nous avons besoin de soutien et d'aide. Cette aide doit venir de quelque part, faute de quoi nous perdrons tout espoir pour notre pays.

Mme Pascaline MARRE, photographe - Merci beaucoup d'être là. Je suis heureuse de revoir Ahmet Insel et Cengiz Aktar, que j'avais croisés en Turquie, où j'ai travaillé sur un projet concernant le génocide arménien.

Pourriez-vous nous parler de la jeune génération turque ? Comment se place-t-elle face à la politique du président Recep Tayyip Erdoðan concernant le génocide arménien ?

De quels moyens de résistance la jeunesse favorable à la démocratie dispose-t-elle ?

Mme Fatma CAKIR - Je représente les étudiants au conseil d'administration du département Eurasie de l'Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales), qui comporte l'arménologie, la kurdologie, le persan, etc.

Je suis turque et ma langue étrangère est le kurde. Nous oeuvrons pour le vivre ensemble des peuples.

Hrank Dink était intervenu dans le journal L'Express , en 2006, ainsi que dans une émission de télévision, à la même date, à propos de la loi sur la reconnaissance du génocide arménien en Allemagne et en France.

Je ne suis pas là pour débattre de la position de la France à ce sujet. Cependant, en tant que Française d'origine turque, je constate que nous ne contribuons pas à la réconciliation des peuples et que ceci nous sépare chaque jour un peu plus.

En outre, on importe à chaque fois des problèmes extérieurs à la France. Je nous souhaite un avenir meilleur, car cela divise les communautés arméniennes, turques, kurdes, etc. Cela revient tout le temps, et je n'ai jamais entendu parler de réconciliation. En tout cas, cela ne se sentait pas dans les discours, et cela me dérange un peu, à vrai dire.

M. Philippe KALTENBACH - Tous les avis sont respectables. Nous sommes le pays de la liberté d'expression. La question mérite d'être posée. Nous avons à la tribune des personnes compétentes pour répondre.

De la salle - Une journaliste a dit que l'espoir viendra peut-être du lien entre les jeunes Arméniens établis en France ou ailleurs et ceux restés en Arménie. Ces derniers auraient-ils peur de prendre la parole en voyant le courage des jeunes des autres pays ?

Par ailleurs, la « disparition » du président Erdoðan apporterait-elle une solution au génocide arménien, comme ce fut le cas avec la disparition de Ceau?escu ou d'autres chefs d'État qui ont terrorisé leur peuple ?

De la salle - Je suis diplomate. Quand les pays occidentaux ont envie d'intervenir dans les affaires intérieures d'autres pays, ils savent le faire. Pourquoi ne le font-ils pas en Arménie ? Serait-ce parce qu'il n'y a là-bas ni pétrole ni richesses minières ? C'est grave ! Tout est guidé par l'intérêt. On adore toujours le veau d'or et ce sera malheureusement ainsi jusqu'à la fin des temps.

Je pense que le peuple arménien a commencé à comprendre. Il lit la presse, voit ce qui se passe en Occident, entend parler de mouvements comme « Nuit debout ». Cependant, le peuple a quand même peur. En Turquie, les Turcs aussi ont peur. Dès lors qu'ils sont instruits par des journalistes qui sont en prison ou assassinés, ils n'osent plus s'exprimer.

Je vois ici certains jeunes que je connais. Je pense que la jeunesse a envie de faire des choses, mais comment y parvenir ?

Mme Vilma KOUYOUMDJIAN, journaliste, AYP FM - Monsieur le sénateur, vous avez émis des regrets parce qu'en France, on ne s'intéresse pas assez à la Turquie et qu'on ne dénonce pas assez ce qui s'y passe, alors qu'on le fait pour la Russie.

Il est vrai que, dans les journaux, peu d'articles concernent la Turquie.

Aujourd'hui, c'était l'occasion pour les élus de la République d'être là. J'en vois très peu ici... Ils auraient pourtant pu entendre des voix dissidentes, et d'autres choses que ce qu'ils ont l'habitude d'entendre de la part des parlementaires turcs qui viennent ici quand il faut nier le génocide arménien ou prendre position à propos du négationnisme. Pourquoi ne sont-ils pas là aujourd'hui ?

Mme Hilda OKTAR - Je suis française d'origine arménienne, d'Istanbul. Je m'adresse à Garo Paylan. Toute ma famille est en Turquie. Ils sont arméniens, ont une belle vie et ne veulent pas en changer. Est-on en sécurité encore aujourd'hui là-bas ? Dans toutes les écoles, qu'elles soient françaises, franco-turques ou autres, l'islam est au programme et on ne peut faire autrement que de l'apprendre. Beaucoup parmi l'élite turque fuient aujourd'hui la Turquie et viennent en France ou se rendent dans d'autres pays de l'Union européenne ou aux États-Unis.

Comment les choses se passent-elles donc réellement ?

M. Vartan KAPRIELIAN, journaliste, AYP FM - Je suis vraiment très ému, car il s'agit d'une belle rencontre. Je suis impressionné par le courage de Mme Ay°e Günaysu : il est extraordinaire de voir qu'en Turquie, et non en France, sur la place de la République, il existe des personnes qui se battent avec courage, non pas seulement pour les questions turques, mais aussi pour les Kurdes, les Arméniens et les droits de l'Homme, toutes ces valeurs qui sont les nôtres. Je tenais donc à vous remercier : vous êtes exceptionnels.

Mon émotion est très grande du fait de la présence de Garo Paylan. Nous avons peur pour lui. On pense à lui tous les jours. Il existe bien des campagnes de presse, et le Comité de défense de la cause arménienne (CDCA) a fait circuler une pétition que nous avons tous voulu signer, mais on sait que celles-ci ne valent rien face à l'autoritarisme de l'État turc et du président Erdoðan, ou face à la haine de la rue. Nous avons peur pour toi, Garo, très peur !

Je partage votre pessimisme mais, malgré tout, la question est de savoir si, malgré les années 2 000, qui ont été des années d'espoir, on est en train de tout perdre, de perdre une décennie, voire deux ? Tout est-il conditionné par la personne de Recep Tayyip Erdoðan, ou son départ peut-il amener un renversement de situation ? On aimerait, même si l'on perd quelques années, revenir aux années 2000 en Turquie.

M. Sevak KOÇOÐLU - J'ai dix-neuf ans et j'aimerais remercier l'ensemble des participants, notamment Garo Paylan. Ce qu'il fait ou ce qu'a fait Hrank Dink il y dix ans nous permet de grandir en tant que jeunes Arméniens de France et Français.

Pourquoi faire un débat sur le génocide arménien en France et faire venir Garo Paylan ? On doit le faire, car cette question n'est pas seulement turque ou arménienne, mais universelle !

Mon amie, qui est marocaine et musulmane, écoute ce que vous êtes en train de dire. Je pense qu'elle apprend. Qu'on soit chrétien, musulman ou juif, il faut que l'on reste uni, et je remercie Garo Paylan d'être un modèle pour moi et pour l'ensemble de la jeunesse de France.

M. Bahri CESUR - Je suis français d'origine turque, et j'aurais souhaité qu'on soit un peu plus nombreux.

Je suis plutôt pour le vivre ensemble. Une question revient souvent : comment peut-on faire pour que le Gouvernement turc accepte le terme de génocide ? C'est une très belle question.

D'un autre côté, le Gouvernement turc tend la main et propose de réaliser une sorte de table ronde, dans un pays neutre, avec des historiens arméniens et turcs, et s'engage à en accepter les résultats. Pourquoi ne le fait-on pas ?

De la salle - Merci d'avoir organisé ce moment avec des personnes qui ont, dans leur trajectoire politique et militante, fait preuve de beaucoup de courage et ont parfois même évolué. Ils n'ont en effet pas toujours tenu ce discours. Cela démontre qu'il existe en Turquie une certaine classe qui peut reconnaître le génocide arménien, alors qu'il n'en était pas question au début des années 2000.

Le combat que mène Garo Paylan en Turquie force l'admiration de toute la diaspora, mais également en Arménie. C'est un combat qui est le nôtre, pour la justice et la réconciliation.

Alors que la République turque a été créée, cimentée sur le cadavre du génocide arménien, certains craignent aujourd'hui que la réconciliation soit le « décimentage » de cette République.

Vartan Kaprielian disait que nous avons peur pour la vie de Garo Paylan, comme on a eu peur pour celle de Hrank Dink. En 2006, France Arménie titrait son interview : « J'ai peur pour ma vie » . Il a été assassiné quelques mois plus tard, et la diaspora a organisé pendant plusieurs années des manifestations et des campagnes pour la démocratisation et les libertés en Turquie. Nous sommes en effet convaincus que la solution viendra de l'intérieur du pays, du sursaut du peuple turc, de ses minorités et de ses élites, mais cela ne fonctionnera pas s'il n'existe pas de pressions extérieures pour que la Turquie se démocratise.

Tout à l'heure, Garo, tu te demandais si tu avais un soutien à l'extérieur. Tu as le soutien qu'il faut dans le monde entier pour continuer ce combat avec tes camarades. Nous souhaitons que tu reviennes le plus souvent possible vers la diaspora pour porter la parole.

Ensemble, à l'intérieur comme à l'extérieur, nous réussirons à faire évoluer la Turquie vers la démocratie, la libéralisation et la reconnaissance du génocide arménien, mais aussi du fait kurde. Nous ferons reconnaître la République de Chypre et respecter les libertés dans tout le pays.

Sans cet objectif, le peuple turc lui-même ne sera jamais tranquille. Oui, Garo, tu as tout notre soutien !

M. Philippe KALTENBACH - S'agissant de la présence des élus, les salles ne sont utilisées pour les réunions externes que les lundi, vendredi et samedi, jours où le Sénat tient rarement séance publique dans l'hémicycle. Le mardi, le mercredi et le jeudi, qui sont des jours consacrés aux réunions des organes internes du Sénat, on ne peut occuper les salles pour des réunions externes. Le lundi et le vendredi sont malheureusement les jours où l'on compte ici le moins de sénateurs présents, les élus de province rentrant dans leur département. C'est pourquoi mes collègues n'ont pu être présents aujourd'hui.

Mais un compte rendu écrit de cette conférence sera établi et diffusé. Le groupe d'amitié France-Arménie fonctionne bien. L'information circule. Ce qui s'est dit ici sera connu des parlementaires. Ils suivent de près ces questions, car la Turquie est aux portes de l'Europe. Ce qui se passe en Turquie intéresse donc forcément les parlementaires.

J'aurais, comme vous, aimé que quelques-uns d'entre eux soient présents. Certains m'avaient promis qu'ils seraient là, mais ils sont très sollicités par d'autres obligations.

On organisera d'autres rendez-vous pour permettre aux élus de mieux appréhender ce qui se passe aujourd'hui en Turquie, et de connaître l'évolution de ce pays et les difficultés qu'il connaît.

J'ai bon espoir. Je crois à la réconciliation. C'est tout l'objet du travail mené dans les groupes d'amitié ; mais nous savons aussi que la réconciliation passe d'abord par la reconnaissance du passé. Il ne peut y avoir de réconciliation si on ne met pas le passé sur la table et si on ne le purge pas.

En parlant du massacre des Arméniens, Jean Jaurès disait que l'Europe a un cadavre dans sa cave. Tant qu'on ne le déterrera pas pour régler le problème, nous connaîtrons des difficultés.

La réconciliation est l'objectif poursuivi ; mais cela passe en l'espèce pour l'Arménie et la Turquie, par la reconnaissance du génocide et les réparations y afférent.

M. Cengiz AKTAR - La jeunesse, pour répondre à Pascaline Marre, c'est l'espoir et le futur. Je pense qu'en Turquie, ce sont les jeunes qui n'acceptent plus le discours officiel. Non qu'il s'agisse d'une majorité - loin de là - mais il existe plusieurs initiatives locales. Les jeunes Kurdes en sont de plus en plus conscients.

Auparavant, lorsqu'un jeune étudiant voulait travailler sur cette question, il fallait qu'il émigre. C'est de moins en moins le cas. Certes, l'université, dans son état actuel, connaîtra certainement un retour en arrière, mais les djinns , en Turquie, sont « sortis de leur bouteille ». Je le dis souvent : il n'existera plus de négationnisme béat, voire rustre, par rapport au génocide.

L'État ou le discours officiel tentera toujours de récupérer l'opinion publique, essaiera de s'imposer, mais la société turque connaît des changements, et on ne va pas pouvoir s'en débarrasser.

Les Anatoliens se taisent, mais ils savent parfaitement ce qui s'est passé, surtout dans les terres habitées autrefois par des Arméniens. Ils transmettent parfois ce savoir, surtout là où vivent les Kurdes. Les jeunes sont vraiment le fer de lance de ce travail de mémoire.

Terminons sur cette note d'espoir dans cette noirceur généralisée. Je pense que cela viendra tôt ou tard.

Mme Ay°e GÜNAYSU - Quelqu'un s'est interrogé sur l'intérêt de voter des lois sur le négationnisme, et un autre intervenant a demandé pourquoi les historiens n'acceptaient pas de débattre ensemble de cette question...

De la salle - J'ai demandé pourquoi le Gouvernement n'acceptait pas un débat d'historiens. Ce n'est pas la même chose.

Mme Ay°e GÜNAYSU - J'ai bien compris la question.

Vous vous demandez pourquoi les gouvernements refusent la suggestion que les historiens pourraient débattre ensemble de ces questions.

Je demande souvent aux intellectuels non arméniens d'imaginer qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Allemagne soit sortie victorieuse, et qu'elle ait pu cacher au monde la Shoah. Imaginez qu'on n'ait jamais vu les reportages, les images des chambres à gaz, les corps entassés. Imaginez que l'Allemagne réécrive son histoire et dise dans une nouvelle version, que ce sont les Juifs eux-mêmes qui portent la responsabilité de l'Holocauste et qu'ils sont à l'origine de tout. Imaginez que le mot « Juif » devienne une insulte.

L'Union européenne serait-elle ce qu'elle est dans ce cas ? Est-ce que les valeurs européennes seraient ce qu'elles sont ? Y aurait-il des conventions contre le racisme, la violence, le terrorisme, etc. ? Nier l'existence du génocide arménien et des autres génocides a totalement bouleversé l'organisation des valeurs en Turquie.

Quand quelqu'un dit, en Turquie, que les Arméniens ont droit à ceci ou méritent cela, on dit que ce sont les Arméniens qui sont la cause de tout et qu'ils l'ont bien mérité. On ne peut pas accepter ce déni. C'est une insulte aux Arméniens, à l'Histoire, aux survivants, à leurs petits-enfants, à leurs descendants ! Imaginez-vous un Arménien vivant en Arménie insulté à ce point dans sa mémoire en permanence ? Nous vivons cette situation de déni et de négationnisme tous les jours en Turquie.

Vais-je devoir rentrer chez moi, brancher la télévision, et entendre ce genre de propos chez mes voisins, chez les commerçants, etc. ? Non et non ! Je respecte profondément ce que vous dites, mais nous avons grandi dans un pays ou ce déni insulte l'Histoire, et cela nous tue et nous étouffe.

M. Ahmet INSEL - Pourquoi ne dénonce-t-on pas la Turquie et pourquoi n'en parle-t-on pas en France et en Europe ? Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. On en parle quand même pas mal dans des journaux comme Le Figaro , Libération, Le Monde. Les Nouvelles d'Arménie sont une source extraordinaire pour suivre tout ce qui se fait en Turquie. Même les radios s'intéressent au sujet.

Je suis également journaliste. La Turquie ne peut pas occuper plus de place, il faut le reconnaître. Il n'y a pas que la Turquie dans le monde. Vous vous demandez pourquoi on dénonce davantage la Russie : la Russie n'est pas la Turquie ! Que ce soit au niveau mondial ou à propos de la politique internationale, on ne peut traiter de la même manière la Turquie et la Russie.

Il faut demeurer modeste : la Turquie est une puissance moyenne. Beaucoup de pays dans le monde ont malheureusement les mêmes problèmes que la Turquie. Les Français ne peuvent pas se préoccuper que de la Turquie.

Néanmoins, ceux qui veulent être informés peuvent obtenir une information suffisante grâce aux journaux français.

En revanche, je suis d'accord avec le fait que l'accord sur les réfugiés était honteux, léonin et inapplicable. L'Union européenne s'est déshonorée en signant cet accord.

L'accord n'a absolument pas abouti, la Turquie ne pouvant remplir les conditions et l'Union européenne ne pouvant supprimer les visas, quand bien même la Turquie aurait rempli les conditions. C'est donc un mensonge mutuel des deux côtés et, également, une démonstration de l'habileté du président Erdoðan.

En ce qui concerne le mouvement social, je pense qu'en Turquie, la question que vous avez posée est totalement incongrue, Madame : nous ne voulons pas résoudre les problèmes comme les Roumains l'ont fait pour Ceau?escu. Nous voulons le faire démocratiquement, non par un coup d'État de palais ou un attentat.

La démocratie viendra si nous réussissons à faire perdre les élections au président Erdoðan. Dans le cas contraire, ce sont d'autres autocrates qui prendront le pouvoir.

Le problème ne vient pas que du président Erdoðan. C'est une vision extrêmement réductrice de ce qui se passe en Turquie. Nous vivons malheureusement en Turquie un mouvement de fond social. La France connaît une montée du Front national. La Turquie connaît un mouvement de haine, de peur et de défi par rapport à l'Occident, à la mondialisation et à l'Union européenne. La plupart des Turcs conservateurs, qui considèrent celle-ci comme hypocrite et ne lui pardonnent pas de leur avoir fermé la porte, en veulent particulièrement à l'ancien président Nicolas Sarkozy et à la chancelière Angela Merkel. Nous vivons un mouvement de ressentiment.

Ceci est très mauvais. Le nazisme a été essentiellement alimenté par le ressentiment. C'est pourquoi ce qui peut se passer en Turquie m'inquiète, non seulement pour les Arméniens, mais aussi pour les Kurdes et pour les démocrates kurdes. Nous pouvons tomber d'ici peu dans une guerre civile. Ce n'est pas exclu de notre horizon politique, même si j'espère que ce ne sera pas le cas.

Le seul espoir qui nous reste est de pouvoir changer les choses démocratiquement. Si la société turque, les démocrates, l'opposition, le parti que représente fièrement Garo Paylan et que je soutiens perdent espoir de changer les choses démocratiquement, je sais dans quel enfer nous allons tomber. Je ne suis donc absolument pas d'accord pour dire que la solution pourrait être antidémocratique !

Enfin, mon ami Garo Paylan est notre fierté en tant que député arménien. Je suis heureux de l'avoir soutenu et qu'il ait pu accéder au Parlement. Pour nous, Garo n'est pas qu'un député arménien - le Parlement en compte deux autres - mais d'abord un camarade socialiste démocrate. C'est pourquoi nous le soutenons. L'un des trois députés arméniens appartient d'ailleurs à l'AKP.

M. Garo PAYLAN - Merci. Mon ami a répondu à beaucoup de questions. Je ne suis pas en sécurité, mais personne ne l'est en Turquie aujourd'hui. Je suis ciblé, je le sais.

J'ai enterré énormément d'enfants de quatorze ou quinze ans ces douze derniers mois. J'ai quarante-cinq ans. Je voudrais vivre encore quelques années, mais quand on enterre des enfants, il ne faut pas être préoccupé par sa propre existence. Je ne le peux pas.

Ne se préoccuper que de soi constitue pour moi une maladie. Je parle bien sûr principalement des Arméniens, mais j'essaie d'en faire plus pour tous ceux qui souffrent, et cela me fait du bien. Le HDP m'a guéri : j'ai vu les Turcs et les Kurdes chercher ensemble à sortir de cette conjoncture.

Les questions concernant la reconnaissance du génocide sont nombreuses. L'espoir apparaît très lointain dans le contexte actuel. Il n'y a que les grands États qui puissent encore reconnaître le génocide. Le Parlement est au courant mais vit dans le déni. Cela fait quatre générations que cela dure. Ils se demandent ce qui va se passer s'ils le reconnaissent.

Il faut commencer par les crimes d'aujourd'hui, et éteindre l'incendie. Il y a quelques années un processus de paix existait. On avait alors le courage d'évoquer les différentes problématiques, les conflits, etc.

Il faut réhabiliter tout d'abord le processus de paix. Chacun doit inviter les politiques et les intellectuels à revenir autour de la table pour relancer la discussion, car la maison brûle ; et si l'incendie atteint le toit, toute l'habitation sera détruite.

Les gens en meurent. Je suis sûr que Hrank Dink aurait été favorable à tous ceux qui se donnent pour une cause. Nous devons encourager les démocrates turcs et travailler étape par étape. Nous avions lancé le processus mais, pour l'instant, tout est à l'arrêt. Il faut reconstruire notre édifice de la paix, non sans avoir éteint au préalable l'incendie qui menace notre maison.

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