B. UNE PRÉSENCE FRANÇAISE INSUFFISANTE

1. Des relations économiques bilatérales trop limitées

Alors que le Botswana constitue l'un des rares pays solvables d'Afrique noire, et bénéficie d'un très bon risque COFACE, notre commerce bilatéral est d'un montant très modeste : 82 millions de francs d'exportations et 29 millions de francs d'importations. La France détient ainsi moins de 1 % de parts de marché au Botswana, très loin derrière l'Afrique du Sud 47 ( * ) , mais aussi derrière nos concurrents européens ou asiatiques (Japon, Corée).

Par ailleurs, en dépit d'un préjugé favorable, la présence des entreprises françaises est d'autant plus discrète qu'elle s'effectue par le biais de leurs filiales étrangères, notamment sud-africaines, comme pour Air Liquide ou Total. Les succès de Mérieux, France Telecom, de BIC (qui a installé en 1992 une usine d'assemblage de stylos), ou de Kalahari Buttons (PME fabriquant des boutons en os de bovidés) suggèrent pourtant que le Botswana offre de réelles perspectives pour des initiatives privées.

Alors même que la société botswanaise est ouverte et tolérante, et que les formalités d'obtention de la carte de résident ou d'un permis de travail sont aisées, la communauté française est également très réduite, surtout si on la compare à celle des autres pays européens :

Communautés étrangères au Botswana en 1998

Afrique du Sud............

6.254

Pays-Bas....................

203

Zimbabwe...............

5.308

Irlande.......................

200

Royaume-Uni.............

3.559

Italie.........................

174

Inde.........................

2.148

Portugal.....................

148

Chine........................

948

Suède........................

140

Etats-Unis..................

653

Norvège.....................

125

France.......................

82

Sources consulaires.

Il faut donc espérer que la signature d'une convention fiscale prévenant la double imposition ainsi que la finalisation prochaine d'un accord bilatéral de protection des investissements, catalyseront des relations économiques plus intenses avec le Botswana.

En sens inverse, la fermeture en 1998 de l' antenne de la DREE à Gaborone, dans le cadre d'une restructuration et d'un recentrage de nos postes d'expansion économique à l'étranger, peut jouer comme un signal défavorable vis-à-vis des Botswanais, très sensibles aux symboles comme aux contacts directs, et par surcroît désireux de se démarquer et de réduire leur dépendance économique vis-à-vis de l'Afrique du Sud.

2. Une représentation diplomatique insuffisante

Avec l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède, la France fait partie des quatre pays de l'Union européenne représentés à Gaborone 48 ( * ) . A la suite de la fermeture, pour raisons budgétaires, du poste d'expansion économique, cette représentation s'est toutefois réduite à une chancellerie détachée et une Alliance française : l'Ambassadeur de France au Botswana est en effet en résidence à Windhoek (Namibie).

Cette chancellerie détachée ne comporte en outre qu' un seul agent expatrié, absorbé aux trois-quarts par les activités consulaires, en particulier par la délivrance de visas Schengen.

Cette représentation est de loin la plus modeste parmi les grands pays industrialisés. Elle ne paraît guère conforme au rôle diplomatique joué par le Botswana en Afrique. A titre de comparaison, l'Allemagne dispose au Botswana d'une chancellerie de cinq expatriés, ainsi que d'une mission militaire.

Par ailleurs, elle ne permet ni un suivi régulier des activités de la SADC , ni une représentation satisfaisante de la France auprès de cette organisation prometteuse. Par surcroît, cette faible présence diplomatique française n'apparaît guère compatible avec une préparation suffisante du Sommet Union Européenne - SADC , qui se tiendra en l' an 2000 sous présidence française.

Au total quels que soient le talent et l'énergie dont font preuve nos diplomates, la présentation française ne semble guère en adéquation avec le rôle et les perspectives du Botswana, comme de la SADC .

3. Une coopération bilatérale trop modeste, notamment en matière linguistique

Le Botswana bénéficie de la part de la France d'une aide multilatérale significative, notamment dans le cadre du fonds européen de développement (financé à 24 % par la France), dont le programme indicatif national pour le Botswana s'élève à 38 millions d'euros pour la période 1997-1999, et dans le cadre des accords de Lomé, qui prévoient un régime préférentiel pour les exportations botswanaises vers l'Union européenne. Les autorités botswanaises nous ont d'ailleurs fait part de leurs inquiétudes de ce que ce régime préférentiel ne soit ou bien remis en cause à l'initiative de l'Union européenne ou bien dilué dans un projet de libre-échange Union européenne-Afrique du Sud 49 ( * ) , ou de ce que le protocole relatif aux exportations de viande bovine ne soit attaqué devant l'OMC par les Etats-Unis 50 ( * ) .

Jusqu'au début des années 1990, le Botswana a par ailleurs bénéficié d'une aide bilatérale importante. Entre 1989 et 1991, ont ainsi été signés six protocoles financiers pour un montant cumulé de 267 millions de francs. Dans le cadre des « mesures de Dakar » (remise de dettes aux pays les moins avancés), le Botswana a également bénéficié, en 1995, d'annulations de créances pour un montant de 37 millions de francs ; le Président Festus Mogae a d'ailleurs réitéré à la Délégation du Sénat l'expression de la gratitude de son pays pour cette mesure.

Il semble toutefois que cette coopération s'inscrive aujourd'hui en repli à un niveau très modeste : 1,9 million de francs en 1998 et 1,3 million de francs en 1999, contre près de 6 millions de francs au titre IV en 1989.

Certes, cette évolution reflète le niveau de vie croissant du Botswana et elle est pour partie compensée par l'envoi d'experts français auprès de la SADC, qui seront basés à Gaborone. Mais la baisse de notre aide bilatérale peut sembler paradoxale, au moment où le Botswana exprime son souhait d'un appui technique renforcé dans des domaines - agro-alimentaire, formation agricole, tourisme, santé - où la France dispose d'une expertise reconnue, et qui semblent prometteurs pour les entreprises françaises. La coopération dans ces secteurs entre le Botswana et les autres grands pays industrialisés ne se dément d'ailleurs pas : les Etats-Unis viennent d'offrir au Botswana un équipement hospitalier pour le traitement du SIDA et l'Allemagne un premier lot de camions d'occasion destinés aux interventions humanitaires et aux actions de protection de l'environnement effectuées par l'armée botswanaise.

De même, les moyens alloués à l' Alliance française de Gaborone (0,37 million de francs de subventions pour 1997 et un poste de coopérant du service national, en sus de celui du Directeur), et plus généralement à notre coopération linguistique, apparaissent extrêmement réduits au regard :

- de la décision du Gouvernement botswanais de généraliser le français dans l'enseignement secondaire ;

- des besoins corollaires de formation d' enseignants en français ;

- du souhait du Gouvernement botswanais de former certains de ses fonctionnaires à la pratique du français ;

- de la décision de la SADC d'adopter le français comme troisième langue de travail, et de l'engagement de l'Alliance française de Gaborone de prendre en charge, à partir de cette année, la formation au français d'une trentaine de diplomates et de responsables administratifs de la SADC ;

- de la visibilité de l' action culturelle de l'Alliance française, en première ligne pour ce qui est de l'image de la France, en raison de la modestie de notre représentation diplomatique.

Ce constat est apparu très préoccupant à la Délégation. En effet, à défaut d'un renforcement significatif de notre coopération linguistique, nos partenaires du Botswana ou de la SADC, qui ont pris le risque de la francophonie dans une région traditionnellement anglo-saxonne, pourraient s'estimer d'autant plus blessés que les gestes symboliques ont une forte portée en Afrique australe. A moyen terme, le manque de moyens réduirait ainsi aussi bien la crédibilité politique de la francophonie, que la pratique concrète du français (un enseignement discontinu est peu profitable). A long terme, le développement des relations économiques franco-botswanaises risquerait d'en être affecté. Au total, le renforcement rapide de notre coopération linguistique, et plus spécifiquement des moyens dévolus à l'Alliance française, constitue sans doute un investissement particulièrement rentable.

4. La délimitation de la ZSP : un signal mal reçu

Le Botswana n'a pas été retenu dans la Zone de Solidarité Prioritaire (ZSP) établie par la France pour concentrer son aide au développement sur les pays les plus pauvres.

Vue de Paris, cette décision peut apparaître extrêmement rationnelle : le PIB par habitant du Botswana est en effet un des plus élevés d'Afrique. Très bien géré, le Botswana dispose en outre de réserves de change (6 milliards de dollars) et d'une cotation internationale lui permettant de financer son développement à faible coût sur les marchés financiers internationaux.

Par ailleurs, si la non-inclusion du Botswana dans la ZSP ne le rend plus éligible aux concours de l'aide française au développement (AFD), ces derniers s'établissaient à un niveau très modeste. Enfin, les instruments de coopération linguistique et culturelle ne sont aucunement affectés par cette décision. Au total, la non-inclusion du Botswana dans la ZSP constituerait en quelque sorte la reconnaissance des progrès accomplis par le Botswana en matière de développement et, de ce fait, un signal favorable adressé aux exportateurs et aux investisseurs français, d'autant plus que le risque COFACE du Botswana est excellent.

Vue de Gaborone, la délimitation de la ZSP apparaît néanmoins peu cohérente . Parmi les pays membres de la SADC, la ZSP englobe en effet l'Afrique du Sud, dont le niveau de développement est au moins équivalent à celui du Botswana, et surtout Maurice et les Seychelles, qui sont beaucoup plus riches. A l'inverse, la ZSP écarte, outre le Botswana, deux des pays les plus pauvres de la SADC (la Zambie et le Malawi), ainsi que le Lesotho et le Swaziland, dont le niveau de développement est relativement faible (cf. annexe 1).

Au total, les autorités botswanaises retirent de cette géographie régionale de la ZSP le sentiment d'avoir été rejetées dans la seconde division de l'Afrique australe, parmi des pays politiquement isolés (comme le Malawi), instables (comme le Lesotho), ou étroitement liés à l'Afrique du Sud (comme le Swaziland).

Cette stigmatisation est d'autant plus mal comprise que le Botswana, au contraire de certains des autres pays écartés, apparaît comme un modèle de démocratie, de politique macroéconomique avisée et de gestion prudente de ses ressources naturelles.

Le Président Festus Mogae s'est ainsi déclaré préoccupé de ce que la non-inclusion du Botswana dans la ZSP n'envoie un message erroné aux entreprises et aux investisseurs français, en suggérant que le Botswana ne constituait pas un partenaire fiable.

Le Botswana estime en outre contradictoire que la France affirme souhaiter s'impliquer davantage en Afrique australe et auprès de la SADC , tout en rejetant de ses priorités en matière de coopération, le pays qui joue un rôle moteur en matière d'intégration régionale et qui héberge le siège de l'organisation régionale.

Au total, il est à craindre que la non-inclusion du Botswana dans la ZSP ne suscite une incompréhension durable et ne s'avère, à terme, un obstacle à l'obtention de marchés publics pour les entreprises françaises au Botswana.

En conclusion, il semble que la rationalité des critères économiques pourrait ne recouper ni les intérêts politiques et diplomatiques actuels de la France, ni ses intérêts économiques de moyen terme.

Compte tenu de l'extrême modestie de l'enjeu financier 51 ( * ) , comme de l'importance de l'enjeu symbolique dans un pays très attaché aux gestes formels. La Délégation estime donc que l'intégration du Botswana dans la ZSP. à l'occasion d'un prochain Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID)), constituerait un investissement judicieux , tant du point de vue diplomatique que du point de vue économique.

* 47 Il est vrai que nombre de produits français distribués au Botswana transitent par des importateurs sud-africains et sont donc comptabilisés comme exportations françaises vers l'Afrique du Sud, d'une part, comme exportations sud-africaines vers le Botswana, d'autre part.

* 48 La Chine, l'Inde et la Russie y sont également représentés .

* 49 Ce projet est par ailleurs une source de préoccupation pour les pays qui forment une union douanière avec l'Afrique du Sud dans le cadre de la SACU.

* 50 Selon le Général Merafhe, ministre des Affaires étrangères, ces exportations sont en effet essentielles au revenu des zones les plus reculées du pays. C'est pourquoi le Botswana s'est déclaré préoccupé des conséquences du contentieux relatif à la banane entre les Etats-Unis et l'Union européenne. Il semblerait toutefois que le Botswana ait obtenu des assurances de la part des Etats-Unis lors du dernier Sommet SADC-Etats-Unis.

* 51 De l'ordre d'un million de francs par an.

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