III. LE BOTSWANA : UN PAYS TRÈS OUVERT, OÙ LA PRÉSENCE FRANÇAISE EST INSUFFISANTE

A. UNE VIVE ASPIRATION AU RENFORCEMENT DES LIENS AVEC LA FRANCE

1. Des relations privilégiées avec les pays anglo-saxons

Membre actif du Commonwealth 39 ( * ) , le Botswana dispose traditionnellement de relations privilégiées avec les pays anglo-saxons. Le Royaume-Uni est ainsi le deuxième client du pays, et 7.500 Britanniques y résident (certains d'entre eux possédant d'immenses fermes).

Les Etats-Unis ont par ailleurs fait du Botswana le point d'ancrage de leur politique régionale. Le Botswana a en effet longtemps constitué la seule « base arrière » non communiste de la lutte anti-apartheid, et un pôle de stabilité en Afrique australe. Les Etats-Unis ont donc contribué à l'édification des capacités militaires botswanaises, notamment à la construction de la base aérienne géante de Malelopole (à 80 km à l'ouest de Gaborone et à 300 km de Pretoria), et maintiennent aussi bien une coopération civile importante que des liens diplomatiques intenses au plus haut niveau.

Dans le cadre de sa première tournée africaine, le président Clinton a ainsi visité le Botswana du 29 au 31 mars 1998. Il y a réaffirmé l'engagement des Etats-Unis aux côtés de ce « modèle pour l'Afrique », et il a annoncé le lancement, à partir du Botswana, du nouveau service « Voix de l'Amérique » (« Radio Democracy for Africa »), en direction de l'ensemble de l'Afrique australe.

2. Une volonté de diversifier ses partenariats

Par-delà ces relations privilégiées, le Botswana cherche à diversifier ses partenariats. Il a ainsi développé ses liens avec les pays asiatiques, en particulier avec la Chine 40 ( * ) , la Corée et le Japon, de plus en plus présents à Gaborone, et avec l'Union européenne, notamment l'Allemagne (où le Botswana pourrait implanter sa troisième ambassade en Europe, après Londres et Bruxelles), et la Suède.

L'ensemble de nos interlocuteurs nous ont aussi fait part de leur vif souhait de renforcer leurs relations bilatérales avec la France. M. Festus Mogae , Président du Botswana s'est ainsi félicité de la participation du Botswana aux derniers sommets franco-africains de Paris (26-28 novembre 1996) et il a salué les positions prises par la France en faveur de l'Afrique dans les enceintes économiques internationales (G7, FMI, Banque mondiale, PNUD. Club de Paris). Le ministre des Affaires étrangères du Botswana, le Général Merafhe a également regretté que la France ait trop longtemps délaissé l'Afrique australe, et s'est réjoui de ce que « la France ait récemment découvert qu'il existait une autre Afrique que l'Afrique francophone » 1 .

3. Une aspiration raisonnée à la francophonie

Dans le cadre d'une réforme générale de l'enseignement secondaire public initiée en 1996, le ministère de l'Education du Botswana se prépare à introduire un enseignement optionnel de français pour une période d'essai d'une année à partir de janvier 2000 41 ( * ) .

A l'issue de cette période probatoire. (2001), les collégiens (à partir du niveau « form 1 », soit l'équivalent de la classe de 5ème», pourraient choisir deux ou trois matières optionnelles , parmi le français, l'enseignement d'une langue locale (le Sekalango), la musique, l'éducation religieuse et l'éducation artistique.

Le français pourrait ainsi devenir la troisième langue officiellement enseignée au Botswana (après l'anglais et le setswana), et la première langue étrangère.

Ce choix du français procède, selon la ministre de l'Education, Mme le Docteur Chiepe, d'une volonté d'ouverture vers la France, mais aussi d'une aspiration à une meilleure compréhension entre pays africains : rien de plus embarrassant, selon le Docteur Chiepe (ancien ambassadeur du Botswana à l'UNESCO), que de voir deux Africains, l'un francophone, l'autre anglophone, communiquer par le biais d'un interprète...

Cette aspiration raisonnée à la francophonie se retrouve à de nombreux autres niveaux dans l'administration et l'enseignement botswanais. La police et l' armée du Botswana ont ainsi adressé à la France des demandes d'aide en matière de formation linguistique et l'Université du Botswana comprend un département de français (123 étudiants).

Cette aspiration rejoint d'ailleurs la récente décision de la SADC de retenir le français comme troisième langue officielle , avec l'anglais et le portugais, et de solliciter, en décembre 1998, auprès de l'Alliance française à Gaborone, un programme de formation au français pour une trentaine de diplomates et cadres administratifs de l'organisation. Mis en place dès janvier 1999, ce programme a commencé dès février, et la délégation eut ainsi, le plaisir d'être accueillie en français lors de sa visite à la SADC 42 ( * ) .

Au total, le contexte actuel est particulièrement propice à un développement de la francophonie au Botswana, d'autant plus que le Président de la République, M. Festus Mogae est francophone et Président d'Honneur de l'Alliance française de Gaborone. Ce développement n'est toutefois pas garanti : à moyen terme, la langue française pourrait être mise en concurrence avec des langues régionales, comme l'afrikaans ou le portugais, surtout si l'offre de coopération française en matière linguistique et culturelle n'augmentait pas à proportion de la demande.

4. Des opportunités pour les entreprises françaises

L'ensemble des membres du Gouvernement rencontrés par la Délégation du Sénat lui ont fait part de leur vif intérêt pour l' expertise française en matière d'eau, de tourisme ou d'agro-alimentaire, que ce soit sous la forme de politiques publiques de coopération, de prestations de services ou d'investissements directs.

Les entreprises françaises bénéficient en effet d'une excellente réputation au Botswana. M. Festus Mogae, Président de la République, s'est ainsi félicité de la construction par Bouygues de l'un des deux hôpitaux fédéraux 43 ( * ) (à Francistown) et de l'un des deux hôtels internationaux de Gaborone (le « Grand Palm »). II a exprimé son souhait que des opérateurs touristiques français investissent au Botswana, afin d'y promouvoir un tourisme de qualité, respectueux de l'environnement, et afin d'y diversifier l'offre, pour l'heure essentiellement sud-africaine.

M. Edison Masisi, Vice-Président de l'Assemblée nationale a également fait part de son intérêt pour l'expertise technique française en matière d'adduction et d'assainissement d'eau 44 ( * ) .

M. Mothiambele, ministre adjoint de l'Agriculture, a par ailleurs exprimé son voeu que la France concoure à la modernisation de l' agriculture botswanaise. II a indiqué que les barrières linguistiques entre nos deux pays devraient se réduire à mesure que l'enseignement du français se diffusera au Botswana, et il a fait part de son souhait que de jeunes Botswanais puissent bénéficier d'une formation technique agricole en France ou de conseils de la part d'experts français.

Il a précisé que son ministère avait récemment fait réaliser par des experts israéliens un audit complet de ses filières agricoles, et qu'il espérait désormais l'appui de la France pour développer certaines filières d'avenir, comme la production de lait 45 ( * ) , d'autant plus que les services d'un consultant français s'étaient révélés très efficaces pour la création d'une « filière autruche ». Enfin, à l'instar des autres dirigeants botswanais, M. Mothiambele s'est félicité de l'implantation de Rhône Mérieux, au travers du Botswana Vaccine Institute, dont la Délégation a visité les installations.

LE BOTSWANA VACCINE INSTITUTE (BVI)

UN SUCCÈS DE LA TECHNOLOGIE FRANÇAISE AU BOTSWANA

En 1979-1978, plusieurs vagues d'épidémie de fièvre aphteuse ont ravagé le centre et le nord-est du Botswana, provenant de troupeaux en contact avec les buffles sauvages où cette maladie sévit de manière endémique. Les vaccins importés à l'époque se révèlent impuissants.

Rhône Mérieux décide alors d'envoyer par avion des experts avec un module laboratoire entièrement opérationnel. En trois mois, ils mettent au point une souche vaccinale adaptée et en commencent la production à grande échelle. En octobre 1980, le Botswana est déclaré débarrassé du fléau, et le BVI, entreprise publique botswanaise, s'appuyant sur l'expertise de Rhône Mérieux, est officiellement inauguré le 27 octobre 1981 par le Président Quett Masire.

En 1985, le BVI devient laboratoire de référence régionale pour la fièvre aphteuse, tout en continuant de développer la production de nouvelles souches vaccinales : vaccin contre la peste bovine (1985), vaccin contre la pleuropneumonie bovine (1993), vaccin thermostable contre la peste bovine (1997), vaccin contre la peste des petits ruminants (1998).

Au total, le BVI aura produit en vingt ans près de 250 millions de doses de vaccins, désormais exportés dans l'ensemble de l'Afrique et jusque dans certains pays d'Asie (notamment le Pakistan et le Bangladesh). Au Botswana, le BVI est en effet victime de son efficacité : le succès de ses vaccins contre la fièvre aphteuse en réduit la prévalence. Ce succès est essentiel pour l'élevage botswanais : l'absence de fièvre aphteuse est en effet une condition sine qua non pour les exportations de viande bovine botswanaise vers l'Union européenne.

Plus généralement, le Général Merafhe, ministre des Affaires étrangères, a insisté sur la volonté de son pays de s'ouvrir à des investissements étrangers d'origine géographique diversifiée . Le Botswana offre ainsi des opportunités en matière de télécommunications (qui vont être prochainement libéralisées, avec l'abandon du monopole public pour les services annexes, le téléphone mobile 46 ( * ) et les services de messagerie), ainsi qu'en matière d'industrie textile (des entreprises allemandes ont déjà investi au Botswana afin de bénéficier de quotas d'accès au marché européen inutilisés), de services financiers, d'assemblage automobile, de transports, de communications (l'installation du réseau de télévision nationale est en cours), de santé (notamment de lutte contre le SIDA), ou de matériels militaires.

Au total, la Délégation du Sénat a rencontré au Botswana la conjonction rare d'une demande solvable, d'un environnement macroéconomique stable et propice à des investissements rentables, et d'une réelle volonté d'ouverture vers la France et les entreprises françaises.

* 39 Le Commonwealth a ainsi confié la responsabilité du groupe d'observation du processus électoral au Nigéria à l'ancien Président botswanais, M. Quett Masire.

* 40 Très présente dans le secteur de la construction.

* 41 Deux écoles secondaires publiques, ainsi que quatre écoles secondaires privées proposent déjà un enseignement de la langue française. Mais la continuité de ces enseignements (1.000 élèves et 16 enseignants en 1998) dispensés par des expatriés d'Afrique francophone, demeurait fragile.

* 42 Dont le secrétaire général exécutif adjoint, M. le Dr Ramsamy, est par ailleurs Mauricien (francophone)

* 43 Bouygues a également construit un hôpital privé à l'Hôtel Sheraton de Francistown. Spie-Batignolles a par ailleurs participé à l'édification de la base aérienne de Malepolole

* 44 Degrèmont et Spie-Batignolles participent déjà au projet stratégique «North South Carrier »

* 45 Les vaches botswanaises ne produisent traditionnellement que de la viande. Le lait consommé au Botswana est aujourd'hui importé d'Afrique du Sud.

* 46 France Telecom vient de remporter dans ce secteur un important contrat.

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