B. UN DÉVELOPPEMENT PROMETTEUR

1. Une politique de formation ambitieuse

La stratégie de développement du Botswana constitue une mise en oeuvre exemplaire des principales recommandations de la Banque mondiale, et plus généralement des théories contemporaines du développement : investissements publics en matière d'infrastructures (routes, Télécoms) et de formation (notamment d'éducation de base) ; renforcement des services sociaux de base afin de préserver la cohésion sociale ; diffusion des bonnes pratiques dans l'agriculture afin d'améliorer le niveau de vie des ruraux ; politiques macroéconomiques stables et crédibles ; promotion de l'égalité des chances et d'un environnement culturel et fiscal favorable à l'initiative privée ; ouverture aux investissements directs étrangers ; libéralisation financière ordonnée, c'est-à-dire, au total, promotion d'un environnement favorable à l' investissement privé .

En premier lieu, la formation et l'éducation de la jeunesse (la moitié de la population à moins de 15 ans) est une constante des plans nationaux de développement du Botswana. Cet effort répond d'ailleurs à une aspiration ancienne : lors du protectorat britannique, les Batswana ont continûment lutté afin que l'administration coloniale consacrât davantage de ressources aux écoles, certaines tribus créent même, par leurs propres moyens, ou avec l'aide des missions religieuses, les premières écoles secondaires du pays.

Les dépenses d'enseignement atteignaient ainsi 8,5 %, du PIB en1994 selon le PNUD, ce qui constitue un des pourcentages les plus élevés au monde, et le Gouvernement, qui s'est engagé à offrir à tous 10 années d'éducation primaire entièrement gratuite 27 ( * ) , pourrait bientôt atteindre cet objectif : en 1996, seuls 17% des 400.000 enfants d'âge scolaire (sur 1,5 million d'habitants) manquaient régulièrement l'école.

Les derniers plans nationaux pour l'éducation mettent également l'accent sur le développement de l'enseignement secondaire gratuit (103.000 élèves en 1996, soit 45 %, de la classe d'âge concernée selon les statistiques communiquées par Mme le Dr CHIEPE, Ministre de l'Éducation) : le nombre d'enseignants y est ainsi passé de 4.569 en 1993 à 6.485 en 1996 (soit un enseignant pour 16 élèves).

Enfin, compte tenu du faible niveau d'éducation de certains adultes, le Gouvernement conduit un programme d'alphabétisation et de formation professionnelle continue, destiné notamment aux femmes 28 ( * ) , et qui concernait 18.000 personnes en 1996.

Le développement de l' enseignement supérieur (9.275 étudiants en 1996) est plus lent, ce qui se entraîne une pénurie de main-d'oeuvre hautement qualifiée. En effet, les autorités botswanaises se heurtent pour l'heure au manque de professeurs d'origine botswanaise : 50 des 54 professeurs, et 90 des 129 « senior lecturers » de l'Université nationale créée à Gaborone en 1982 29 ( * ) , sont en effet des expatriés, dont la rémunération est coûteuse.

Développement de l'enseignement au Botswana

Années

1966

1976

1986

1996

Population

450.000

712.000

1.132.000

1.500.000

Ecoles primaires

Élèves

71.000

126.000

236.000

319.000

Professeurs

1.673

3.921

7 324

10.137

Enseignement secondaire

Elèves

1.531

14.000

36.000

103.000

Professeurs

-

664

1.619

6.435

Source : Ministère de l'Education du Botswana .

2. Des infrastructures de qualité

Pour transformer son enclavement en atout - une position centrale - et pour réduire sa dépendance économique à l'égard de l'Afrique du Sud, le Botswana s'est doté d' infrastructures modernes.

Alors que le réseau routier était quasiment inexistant, le Botswana dispose ainsi aujourd'hui de 8.000 km de routes, dont 3.000 km goudronnés, parmi lesquelles la Transkalahari inaugurée en 1998, qui relie le port de Walwis-Bay (en Namibie), Gaborone, Johannesburg et Maputo.

Les autorités botswanaises ont également conduit très rapidement une politique de développement aéroportuaire 30 ( * ) : ouverture de l'aéroport international Seretse Khama à Gaborone (en 1984) ; rénovation de l'Aéroport de Maun, plaque tournante du tourisme vers le delta de l'Okavango ; ouverture de l'aéroport de Kasane, aux portes du Parc Chobé (en 1991). Ces aéroports sont bien desservis par une compagnie aérienne parapublique (Air Botswana).

Le Botswana s'est également doté d'infrastructures modernes en matière de télécommunications et d'une administration régulièrement reconnue comme l'une des moins corrompues de celles des pays émergents.

Au total, le Botswana dispose ainsi aujourd'hui de l'ensemble des atouts (main-d'oeuvre formée, infrastructures, stabilité politique) favorisant l'attractivité du territoire et l'enclenchement d'une dynamique de développement endogène.

3. Un cadre favorable aux investissements étrangers.

Le Botswana s'est doté d'une législation particulièrement favorable aux investissements étrangers.

Grâce à la stabilité du « pula », le contrôle des changes est ainsi le plus libéral d'Afrique depuis les réformes intervenues en 1995.

La pression fiscale est particulièrement modérée : le taux de base de l'impôt sur les sociétés est de 15 % et le taux marginal maximal pour l'impôt sur le revenu s'établit à 25 %. Une société publique, la Botswana.

Development Corporation (BDC) conduit des études de faisabilité pour les projets d'investissements.

Par ailleurs, le Botswana est parvenu à concilier de manière satisfaisante l'aspiration des investisseurs à la sécurité foncière avec une forte réticence de la population à aliéner les droits de la Nation sur le sol, depuis les « concessions » arrachées aux tribus tswana par des sociétés britanniques, à la fin du XlXème siècle.

Pour ce faire, le droit botswanais distingue trois types de propriété du sol : des terres privées (« free hold »), des terres d'Etat (« state land »), inaliénables, mais qui peuvent faire l'objet de baux emphytéotiques ; enfin, des terres tribales (« tribal land »), en principe inaliénables et incessibles, mais dont l'usufruit peut être ou bien alloué à des particuliers 31 ( * ) (à titre définitif), ou bien concédé à des opérateurs touristiques privés (pour des durées de 15 à 50 ans).

Au total, le Botswana était le troisième pays africain le plus compétitif dans le rapport 1998 établi par le World Economic Forum .

4. Une stratégie de diversification économique

L'économie botswanaise s'est d'ores et déjà diversifiée, comme le suggère le tableau ci-dessous :

RÉPARTITION DE LA POPULATION ACTIVE (en %)

Agriculture

Mines et Industrie

Tertiaire

1960

93

2

5

1999

46

20

33

RÉPARTITION DU PIB (en %)

Agriculture

Mines et Industrie

Tertiaire

1999

5

49

46

Source : PNUD

Dès le début des années 1970, le Botswana a entrepris de diversifier sa production minière . A l'instar du Zaïre ou de l'Afrique du Sud, le Botswana peut en effet être qualifié de « scandale géologique » en raison de la richesse des ressources de son sous-sol. Outre de faibles quantités d'or, le Botswana produit ainsi du cuivre et du nickel à Selebi-Phikwe 32 ( * ) du charbon à Morupule (1 million de tonnes par an) 33 ( * ) , et, depuis 1991, de la soude et du sel à Sua-Pan, au nord du pays. Le Kalahari pourrait également receler de l'amiante, du chrome, du manganèse, du platine, voire du pétrole.

La modernisation et la diversification de l' agriculture figurent par ailleurs parmi les objectifs majeurs des gouvernements botswanais successifs depuis 1966. Cette politique se heurte toutefois à plusieurs obstacles. En premier lieu, les sols demeurent extrêmement pauvres (2 à 5 % des terres sont arables), les conditions climatiques sont difficiles (sécheresses à répétition 34 ( * ) ) et les ressources en eau sont très limitées. En second lieu, le ministère de l'agriculture éprouve des difficultés, notamment dans le domaine de l'élevage, à améliorer des méthodes qui relèvent souvent de pratiques culturelles. Enfin, le développement agricole du Botswana a été longtemps confronté à un dilemme entre :

- d'un côté, soutenir l'élevage et la production vivrière traditionnelle (sorgho, maïs. millet, fèves) par la mise en valeur de terres nouvelles et des mécanismes de garantie de prix, ce qui augmente un peu le revenu des populations rurales 35 ( * ) (donc ralentit l'exode rural) et renforce la faible autosuffisance alimentaire du pays 36 ( * ) , mais au prix de gains de productivité faible et parfois d'un épuisement des sols ;

- de l'autre, favoriser le regroupement des exploitants, la concentration des exploitations, la diffusion de meilleures pratiques et le développement des productions exportables, donc des gains de productivité dynamiques mais au prix d'inégalités accrues.

Prenant acte de l'étroitesse du marché intérieur, et de l'impossibilité, pour un pays aussi aride, à parvenir à l'autosuffisance céréalière, il semble aujourd'hui que la politique agricole du Botswana vise à s'affranchir de ce dilemme en promouvant une stratégie de niche et de valeur ajoutée .

Le ministère de l'agriculture souhaite ainsi développer l'enseignement agricole, diffuser les méthodes modernes d'insémination artificielle dans l'élevage, et créer une filière lait 37 ( * ) , afin d'accroître la valeur ajoutée produite par les pasteurs, d'une part ; inciter au développement de secteurs d'exportation porteurs, comme l'élevage d'autruches, faiblement capitalistique et bien adapté à l'environnement local, d'autre part.

Le Gouvernement s'efforce par ailleurs de promouvoir le développement d'une industrie de transformation , grâce à un cadre législatif et fiscal (« Financial Assistance Policy » lancée en 1982), et à un environnement macroéconomique particulièrement attractifs pour les investisseurs étrangers. Les produits transformés représentaient ainsi 16,5 % des exportations en 1998, et le secteur industriel - produits miniers semi-élaborés, textile, agroalimentaire, électronique, assemblage automobile (Hyundai et Volvo) - occupe trois fois plus de salariés que les mines.

L'économie se diversifie par ailleurs avec succès dans le secteur tertiaire , en particulier dans le tourisme . Considéré comme l'un des derniers sanctuaires sauvages de toute l'Afrique, (17 % du territoire sont constitués de réserves), le Botswana dispose à cet égard d'un potentiel exceptionnel : particulièrement abondante, la faune (éléphants, notamment) est beaucoup moins qu'ailleurs menacée par l'extension des activités humaines et, très bien gérée. La politique de protection de la faune est en effet fort ancienne ( Fauna Conservation Act de 1963). Elle combine aujourd'hui la répression (l'une des principales missions des forces de défenses botswanaises est la lutte contre le braconnage, notamment à la frontière nord du pays), l'information de tous sur les richesses de la nature, et l'association croissante des populations locales aux retombées économiques du tourisme

LE DELTA de l'OKAVANGO

La principale attraction touristique du pays résulte d'une particularité géologique : barré et séparé par un système de failles, l'Okavango (troisième plus grand fleuve d'Afrique), se jette dans les sables du Kalahari où il forme un delta intérieur de plus de 15 000 km2, véritable éden pour les oiseaux, la grande faune et les touristes, qui y parcourent en pirogue un labyrinthe de chenaux d'eau cristalline, car filtrée par les papyrus.

Cet éden est toutefois menacé par le projet de la Namibie (« Rundu River Project ») de capter une partie des eaux de l'Okavango pour alimenter le sud de son territoire, ce qui constitue une vive préoccupation pour le Botswana et une source de conflit avec son voisin occidental. Dans une moindre mesure, le fragile écosystème du delta est également fragilisé par la pression croissante exercée par le bétail, d'une part, par l'accroissement des besoins en eau liés à l'exploitation du diamant, d'autre part.

Compte tenu de la spécificité et de la vulnérabilité des écosystèmes botswanais, le gouvernement a résolu de privilégier le développement d'un tourisme à haute valeur ajoutée, écologiquement soutenable, en lieu et place d'un tourisme de masse. Cette stratégie s'appuie sur une réglementation très stricte 38 ( * ) et surtout bien appliquée, sur des infrastructures de haut niveau et sur des campagnes de promotion actives auprès des pays européens : la part des touristes européens a décuplé entre 1980 et 1992, au détriment des touristes de proximité (notamment Sud-Africains).

* 27 La scolarisation n'est cependant pas obligatoire, ce qui s'expliquerait par le manque d'écoles à proximité de certaines populations très dispersées.

* 28 Il est à noter que le taux d'alphabétisation des femmes (70 %) est toutefois en moyenne supérieur à celui des hommes (66 %).

* 29 Les étudiants Botswanais étudiaient jusqu'alors surtout en Afrique du Sud, au Lesotho (jusqu `en 1975) ou au Swaziland.

* 30 Cf. Le Botswana, Marie Lory, Editions Karthala, 1994

* 1 Depuis la « Tribal Grazing Land Policy », adoptée en 1975 .

31 La Bamangwato Concession Limited (BCL) est ainsi l'un des plus importants employeurs privés du pays .

* 32 - La Bamangwato Concession Limited (BCL) est ainsi l'un des plus importants employeurs privés du pays

* 33 Les réserves de charbon atteindraient 17 milliards de tonnes.

* 34 Les sécheresses de 1982-1987 et de 1991-1992 ont été considérées parmi les plus sévères du XXe siècle. La crainte de la sécheresse se retrouve dans l'importance accordée à la pluie et à l'eau (les deux bandes bleues du drapeau botswanais). La monnaie est ainsi le « pula » (eau/pluie).

* 35 Mais le revenu des ménages ruraux provient davantage des transferts et des services que de l'agriculture.

* 36 Le Botswana ne produit, bon an, mal an, que 20 à 30 % de céréales qu'il consomme.

* 37 Avec deux bovins par habitant, le Botswana importe pourtant la quasi-totalité de son lait.

* 38 Interdiction des bâtiments en dur dans les parcs naturels, et restriction sévère du nombre de "Lodges" en bois, par exemple.

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