Rapport présenté par M. Jacques BRUNHES relatif au rôle des ONG dans les pays francophones

L'humanitaire, ou aide d'urgence, vaut aux ONG de se trouver périodiquement sous les feux de l'actualité - souvent dramatique - et sous les projecteurs des médias. Les prix Nobel de la Paix octroyés à « Handicap international », en 1997, puis à « Médecins sans Frontières », en 1999, expriment avec force l'encouragement du public pour le travail de ces associations, qui se caractérise par un secours ponctuel et généreux apporté dans des contextes de catastrophes naturelles ou de conflits entraînant des situations de détresse humaine.

Une seconde forme d'aide, sans doute moins visible mais antérieure au « boom humanitaire » des années 80, est assurée par les ONG dites « de développement ». Elle se traduit par des actions de plus long terme, réalisées dans les conditions de vie quotidienne des populations bénéficiaires. Moins dépendantes des rythmes et contraintes qu'impose une réponse efficace aux situations d'urgence, ces ONG ont, depuis le début des années 60, oeuvré au développement économique et social en proposant des solutions aux problèmes rencontrés par les populations locales.

C'est à cette deuxième catégorie d'ONG que nous nous intéresserons plus particulièrement dans ce rapport préparé dans le cadre de la commission de la coopération et du développement de l'APF.

Nous analyserons également la façon dont les ONG s'imposent progressivement comme des acteurs à part entière dans les relations internationales.

I - LES ONG ACTEURS DU DÉVELOPPEMENT

1/ L'ONG, une entité mal définie


L'expression d'organisation non gouvernementale (ONG) est apparue dans le vocabulaire international au lendemain de la seconde guerre mondiale avec son inclusion dans la charte des Nations Unies, à l'article 71 : « le Conseil économique et social peut prendre toutes dispositions utiles pour consulter les organisations non gouvernementales qui s'occupent de questions relevant de sa compétence. »

Toutefois, dans les pays francophones du Nord, ainsi que le souligne la section canadienne dans sa contribution, il n'existe à ce jour aucune définition unique pour ces organisations, ni a fortiori pour les ONG de développement. Toutefois, elles sont caractérisées par plusieurs critères communs, que la section canadienne présente ainsi : les ONG sont

- institutionnalisées, c'est-à-dire qu'elles disposent d'un conseil d'administration et de procédures administratives ;

- pour la plupart constituées en personnes morales ;

- des organismes privés, distincts des gouvernements ;

- à but non lucratif

- faisant une large place à l'engagement bénévole.



Le principe de la libre association étant généralement reconnu par les lois fondamentales, les ONG sont, dans le monde, surtout des associations. La législation applicable au monde associatif s'inscrit dans un registre étendu qui va, schématiquement, d'une conception très libérale qui met en avant le concept de libre contrat entre personnes, qui peut se passer de tout formalisme, jusqu'à une approche héritée du droit romain et qui voit en l'association une institution méritant la vigilance de la puissance publique : en Italie par exemple, un décret du Président de la République est parfois nécessaire. La France a choisi quant à elle une position médiane, la loi du 1 er juillet 1901 prévoyant qu'une déclaration à la préfecture du lieu où les fondateurs d'une association décident de la constituer suffit.

En revanche dans les pays du Sud, où elles constituent des acteurs incontournables du développement, leur identification est souvent plus précise.

Au Niger par exemple, la loi n° 91-006 du 20 mai 1991, portant régime des associations, définit l'ONG de développement comme étant « une organisation apolitique et sans but lucratif, créée sur l'initiative de personnes physiques ou morales, animées d'esprit de volontariat qu'elles mettent au service des autres, autonome vis-à-vis de l'Etat et dont la vocation est l'appui au développement à travers des activités sociales et/ou économiques. »

2/ Un essor spectaculaire, marqué par une grande diversité

Dans les pays du Nord, le nombre d'ONG a littéralement explosé depuis le début des années 80. En France, elles sont actuellement environ 2000 à oeuvrer dans le seul domaine du développement.

L'essor du tissu associatif et des ONG est également considérable dans les pays du Sud, souvent sous l'impulsion des Etats comme le souligne la contribution de la Tunisie où « la vie associative a eu un élan spectaculaire, grâce à un encouragement réel et continu des pouvoirs publics depuis 1987. » Une journée nationale est consacrée dans ce pays aux associations.

Au Burkina Faso, les ONG ont créé 2500 emplois permanents au cours des cinq dernières années.

Le monde des ONG regroupe des réalités variées. Certaines sont de grandes institutions avec un personnel permanent nombreux et des budgets importants, d'autres ne regroupent que quelques volontaires bénévoles.

Leur mode de financement fait également apparaître des situations très diverses.

En France par exemple, l'Association des Volontaires du Progrès est presque entièrement financée par le gouvernement, tandis que certaines ONG, surtout dans le domaine humanitaire, refusent systématiquement toute subvention publique afin de préserver leur indépendance par rapport à l'Etat.

En ce qui concerne les ONG françaises de développement, leurs ressources se répartissent à peu près à égalité entre fonds publics et privés (collectes et dons). Les ressources publiques proviennent pour un quart de l'Etat français, et pour la moitié de l'Union européenne.

Ce foisonnement des ONG, ainsi que leur hétérogénéité, les ont incitées, dans un souci d'efficacité, à se regrouper en réseaux, souvent appelés « collectifs d'ONG » (Collectif français de Solidarité ou Coordination Sud en France, Association québécoise des organismes de coopération internationale au Québec, etc.).

Dans les pays du Sud, ce sont souvent les Etats qui ont ressenti la nécessité de mettre en place des structures de coordination (telles le Bureau de suivi des ONG créé en 1984 au Burkina Faso).

3/ Une action reconnue dans le domaine du développement

L'apport des ONG dans le développement des pays du Sud est unanimement reconnu. Complémentaires des dispositifs institutionnels de coopération internationale, leurs points forts sont :

- les contacts directs qu'elles entretiennent avec les populations bénéficiaires, qui leur permettent de mettre en oeuvre des actions adaptées aux réalités du « terrain » ;

- leur souplesse qui leur permet d'agir avec rapidité, efficacité, et au moindre coût ;

- la générosité, l'engagement personnel et souvent le professionnalisme qui caractérisent leur fonctionnement.
Les secteurs du développement dans lesquels les ONG sont les plus présentes sont l'agriculture, l'action sociale et la santé, l'éducation et le formation. Viennent ensuite l'artisanat, la gestion des ressources en eau et l'environnement.

Les ONG sont tout naturellement les opérateurs privilégiés des collectivités locales dans le cadre de leurs actions de coopération décentralisée, qui concernent le plus souvent des petits projets nécessitant une expertise qu'elles ne possèdent pas.

Leurs relations de collaboration avec les gouvernements varie selon les pays.

En France les ONG préparent souvent leurs propres projets de développement en partenariat avec leurs homologues du Sud, et ne s'adressent aux pouvoirs publics que pour compléter leurs financements. Il est assez rare en sens inverse que le gouvernement français, qui dispose d'un important dispositif public de coopération, confie à des ONG la réalisation de ses projets (à l'exception de la mise en oeuvre du .Fonds de Solidarité prioritaire, qui se caractérise par des micro-projets à caractère social).

La situation est différente en Suisse, par exemple, où la contribution de la section de ce pays précise que : « la Direction fédérale de la Coopération, dans le cadre d'une large politique de délégation, mandate certaines ONG pour la réalisation d'un nombre important de ses propres projets d'aide au développement. Ces organisations, dont certaines se sont spécialisées dans cette fonction de sous-traitance, sont sélectionnées selon leurs capacités professionnelles, administratives et méthodologiques. »

En conséquence, la part que les ONG occupent dans le total de l'aide au développement varie également selon les pays.

Avec près de 22 % du total de son aide bilatérale, le Canada se distingue par l'une des proportions les plus élevées au monde. Cette proportion est également élevée en Suisse (12 %) ou en Belgique (8 %).

En revanche la France, où seulement moins de 1 % de la coopération passe par les ONG, occupe à cet égard le dernier rang parmi les pays pourvoyeurs d'aide publique au développement (les chiffres étant toutefois relativement élevés en valeur absolue).

4/ Un rôle éducatif

Par ailleurs, les ONG jouent un rôle très important de sensibilisation du public.

Les ONG de développement canadiennes attachent une importance particulière à cet aspect. Le réseau québécois AQOCI, notamment, a défini une ambitieuse stratégie dans ce domaine. Elle organise chaque année des « journées québécoises de solidarité internationale », qui rencontrent un large succès, et mène depuis 1995 une campagne d'éducation sur les enjeux de la lutte contre la désertification, menée avec l'appui des médias et des municipalités (ainsi, plus de 80 municipalités du Québec ont adopté une résolution officielle sur la lutte contre la désertification).

L'objectif affirmé de ces actions est « de faire en sorte que les canadiennes et les canadiens puissent devenir des « citoyens du monde » solidaires et responsables d'un développement défini par la justice sociale, la démocratie, la diversité culturelle, l'égalité entre les hommes et les femmes, le respect des droits humains et l'environnement . »

La section suisse souligne également l'importance de cette fonction des ONG : « elles établissent, chacune selon sa propre sensibilité et son champ d'action, un dialogue avec la population sur la situation des pays en développement, sur le rôle et la place de la Suisse dans le monde, sur la diversité culturelle ».

Pour sa part, le Gouvernement luxembourgeois, convaincu de l'importance que revêt « la promotion d'une politique de sensibilisation de l'opinion publique et d'éducation aux droits de l'homme et au développement, en particulier à destination des jeunes », a décidé de doubler en 1999 la ligne budgétaire réservée au soutien de projets de sensibilisation mis en oeuvre par les ONG luxembourgeoises.

5/ Une nécessaire vigilance contre les dérives possibles

Il peut arriver, notamment dans les pays ou les zones qui sont le théâtre de conflits ou de tensions, que les ONG soient utilisées à des fins politiques, voire qu'elles aient elles-mêmes des objectifs politiques inavoués.

La contribution de la section togolaise apporte des éléments de réflexion sur cette question :

« La forte concentration des ONG dans la région Maritime et dans la région des Plateaux qui lui est contiguë coïncide avec les zones d'intense activité des partis politiques depuis les troubles socio-politiques des années 1990-1993.

On peut conclure sans risque de se tromper que les ONG, tout en affichant des objectifs et en menant des actions louables de développement, sont très actives dans le domaine politique et servent de courroie de transmission de messages politiques vers les populations visées par leurs activités ».

La section togolaise en conclut que : « une certaine déontologie des ONG devrait être adoptée afin d'éviter que nos pays deviennent des champs d'expérimentation de théories politiques inadaptées à leur contexte socio-politique ».

L'autre type de dérive qui nécessite la vigilance concerne les sectes.

Dans son dernier rapport annuel, la Mission française interministérielle de Lutte contre les Sectes (MILS) consacre un chapitre à la dénonciation de « l'entrisme sectaire au sein des organisations non gouvernementales ». La MILS souligne en effet que « dans leur fonctionnement international, les mouvements sectaires, surtout quand ils atteignent une dimension nécessitant des stratégies globales, utilisent volontiers les outils qui leur permettent d'échapper en toute légalité au contrôle des Etats et à la vigilance croissante de ceux-ci. ».

Le statut d'ONG, qui leur confère une certaine respectabilité et une grande liberté d'action, sans contrôle efficace de la part des pouvoirs publics, semble constituer l'un de ces outils privilégiés.

La Mission interministérielle distingue deux méthodes d'entrisme : les sectes peuvent soit créer des ONG, soit les investir, et notamment celles qui disposent déjà d'une accréditation auprès d'une organisation internationale.

Conscient de ce risque, le Comité des ONG au sein des Nations Unies a consacré dans le courant de l'année 2000 une partie importante de ses travaux à une réflexion sur la mise en place de nouvelles méthodes de travail pour pouvoir procéder à une étude approfondie et efficace des demandes d'accréditation qu'il reçoit, et dont le nombre a augmenté de manière spectaculaire dans la période récente. Par ailleurs, et ceci vise particulièrement les mouvements sectaires, le Comité s'est penché sur les moyens de rendre beaucoup plus effectif l'examen des rapports quadriennaux fournis par les ONG déjà accréditées aux fins de renouvellement de leur statut consultatif.

II - LE DISCOURS DES ONG SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

1/ Les ONG porte-parole de la « société civile »


L'échec des négociations de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) en décembre 1999 est apparu comme le premier grand succès de la société civile mondiale. Pour la première fois, en effet, des ONG, qui se veulent les porte-parole de cette société, ont réussi une mobilisation massive, paralysant pendant quelques jours la ville de Seattle et contribuant ainsi à l'ajournement des discussions. Une intense couverture médiatique a présenté cet événement comme un combat victorieux des organisations non gouvernementales contre les excès du processus en cours d'uniformisation de la planète (la « mondialisation »).

Encouragées par l'écho rencontré par Seattle, les ONG se sont depuis lors mobilisées à nouveau à l'occasion de plusieurs grands sommets internationaux (conférence de la CNUCED à Bangkok, assemblées générales du FMI et de la Banque mondiale à Washington puis à Prague, Sommet de l'Union européenne à Nice, etc.).

Lors de ces diverses manifestations, les ONG dénoncent les méfaits d'une mondialisation ultra-libérale qui profite avant tout aux grandes puissances et aux entreprises multinationales, et qui a pour conséquences une augmentation sensible des inégalités sociales, une montée de la pauvreté ainsi qu'une marginalisation croissante des pays en développement.

Concernant ces derniers, elles contestent vigoureusement le traitement qui leur est infligé par les institutions de Bretton Woods, notamment l'impact social souvent catastrophique sur leurs populations des « Plans d'ajustement structurel ».

Elles protestent également contre le caractère anti-démocratique et souvent opaque des négociations internationales, où quelques puissants décideurs délibèrent à huis clos du destin de la planète.

L'échec de Seattle a suscité un très vaste débat, mettant notamment en question l'idée selon laquelle la mobilisation des ONG en aurait été la cause principale. Il apparaît certes clairement que les négociations de l'OMC ne pouvaient aboutir, en l'absence d'objectifs suffisamment définis, et des profondes divergences entre les Etats. Il est même probable que ces derniers aient cherché à se décharger sur les ONG de leur propre responsabilité dans l'échec.

De même, de nombreux observateurs s'interrogent sur la légitimité des ONG, et sur le bien-fondé de leur prétention à se faire les porte-parole de la société civile. Face à la légitimité établie, officielle des Etats, les ONG incarnent en effet une légitimité spontanée, autoproclamée, utilisant parfois des méthodes contestables. D'autre part, en raison de leur très grande hétérogénéité, le monde des ONG apparaît largement dominé par quelques puissantes associations, presque toutes anglo-saxonnes.

En dépit de ces objections, il est indéniable que le message porté par les ONG traduit les préoccupations d'une large partie des opinions publiques de la planète. Il exprime les frustrations engendrées par un processus d'uniformisation mal contrôlé, les craintes face à une organisation du monde fondée sur la recherche du profit, face aussi à la dégradation de l'environnement et à l'industrialisation effrénée (symbolisée en France par la « malbouffe »), et il exprime enfin une aspiration générale à davantage d'équité, de transparence, de démocratie et de citoyenneté.

Toutefois, les ONG ont rapidement compris que leur discours finirait par perdre de sa crédibilité s'il demeurait uniquement dans le registre contestataire et ne débouchait pas sur des propositions concrètes. C'est pourquoi elles ont organisé en janvier dernier, à Porto Alegre, au Brésil, un Forum social mondial, qui marque un tournant majeur.

En effet, pour la première fois, la société civile mondiale se réunissait à l'occasion d'un sommet qui se voulait avant tout constructif et porteur d'un projet pour une autre mondialisation. Le choix du lieu (une ville gérée sur la base de la démocratie participative) et des dates (concomitantes au Sommet de Davos) étaient évidemment très symboliques.

Ce rassemblement a constitué un indéniable succès puisque près de 10 000 personnes y ont participé, représentant 900 ONG de 120 nationalités différentes, mais aussi des syndicats, des mouvements sociaux et des églises.

Les travaux, organisés en ateliers spécialisés, ont débouché sur un grand nombre de propositions : annulation totale de la dette des pays du Tiers Monde, taxation des transactions financières, suppression des paradis fiscaux, introduction dans les accords commerciaux de dispositions imposant le respect de l'environnement et interdisant le travail des enfants, etc.

Les ONG ont ainsi révélé dans la période récente leur formidable capacité de mobilisation eu niveau mondial. Pour autant, elles n'en ont pas moins depuis toujours joué un rôle de groupes de pression.

Ainsi, elles sont parfois parvenu à faire reculer non seulement des gouvernements (elles sont en grande partis responsable du raccourcissement par la France de sa campagne d'essais nucléaires dans le Pacifique en 1995), mais aussi les plus grandes multinationales, de « Nike », attaquée pour l'exploitation des enfants dans ses usines du Tiers Monde, à « Royal Dutch Shell » renonçant à couler sa plate-forme pétrolière « Brent Spar » en mer du Nord.

En France, les ONG de développement militent actuellement auprès des pouvoirs publics en faveur d'une inversion de la baisse tendancielle de l'aide publique au développement, et pour que cette aide soit davantage orientée vers le secteur social.

Il convient encore d'évoquer les grandes campagnes menées au niveau international par des coalitions d'ONG, telles la récente campagne intitulée « Jubilee 2000 », qui a incontestablement pesé sur les décisions d'allégements de dette bilatérale et multilatérale accordées dans la période récente aux pays les plus pauvres.

2/ La difficile mise en place d'un dialogue avec les Etats et les organisations internationales

a) La concertation avec les gouvernements

La contribution de la section tchadienne expose les difficultés souvent rencontrées à mettre en place une véritable relation de partenariat avec les pouvoirs publics. Notant une évolution positive, notamment dans l'adoption de nouvelles procédures qui associent désormais les ONG dans la mise en oeuvre des projets de lutte contre la pauvreté, depuis leur conception jusqu'à leur réalisation, elle estime toutefois que : « beaucoup reste à faire car les ONG et partant la société civile tchadienne cherchent aujourd'hui à se positionner en véritables partenaires et veulent se donner une tribune et un espace d'expression. Malheureusement, celles-ci continuent de demander aux autorités de bien vouloir créer un cadre de concertation formel où se retrouveraient le gouvernement et ses partenaires de la société civile pour définir ensemble les grandes orientations de politique de développement, ceci restant sans suite jusque là. »

La France a récemment mis en place un organe consultatif, le Haut Conseil de la Coopération internationale (HCCI), créé en 1998, et dont la mission est de « favoriser une concertation régulière entre les acteurs publics et privés de la coopération internationale ainsi que l'adhésion du public à ces actions ».

Le HCCI est une autorité indépendante rattachée au Premier ministre. Il est composé de 60 membres choisis pour leur engagement personnel en faveur de la coopération : représentants d'ONG, mais aussi d'organismes socio-professionnels, de collectivités territoriales ainsi que de chercheurs, d'experts et de personnalités qualifiées dans le domaine du développement. Sa compétence couvre tous les domaines de l'aide au développement : coopération économique, sociale, militaire, échanges culturels, action humanitaire, appui à la démocratie et aux droits de l'homme.

Le Haut Conseil peut être saisi par le Premier ministre, mais il peut également se saisir par lui-même de toute question relevant de sa compétence. Il transmet chaque année au Premier ministre un rapport qui est rendu public. Il émet par ailleurs des avis et recommandations, de même qu'il peut prendre position face à des situations de crise extérieure qui affectent la politique française de coopération (il l'a fait récemment concernant la Tchétchénie).

Enfin des commissions de travail ont été constituées au sein du Haut conseil, sur des thèmes variés (articulation entre coopération bilatérales et multilatérales, aide à la démocratisation, coopération en matière de formation et d'éducation, etc.).

Les ONG françaises se sont globalement félicitées de la mise en place du HCCI, mais elles déplorent que ses avis sont insuffisamment pris en compte par le gouvernement.

b) Le dialogue avec les organisations internationales

Les organisations internationales ont toutes été contraintes de réagir aux virulentes critiques dont elles font l'objet de la part des ONG. Elles l'ont fait selon des modalités diverses.

Suite à l'échec, en 1998, des discussions sur l'Accord multilatéral sur les Investissements (AMI) , en partie déjà, et avant même Seattle qui fut plus médiatisé, sous la pression de la société civile, l'OCDE fut la première de ces institutions à mettre en place un processus de consultation réciproque. Aujourd'hui, elle travaille avec une centaine d'organisations, sur des questions très variées.

Le FMI a modifié sa stratégie de communication. Dans la foulée de l'échec de Seattle, les responsables de cette institution se sont vus confier la mission d'entamer un dialogue avec les ONG. Dans un entretien avec le journal français « Le Monde », en janvier 2001, le responsable du FMI pour l'Europe expliquait que « dans le passé, nous avions surtout des liens avec des organisations traditionnelles (syndicats, groupes parlementaires, organisations religieuses). Mais, ces dernières années, nous avons compris que les manifestations des ONG n'exprimaient pas seulement leur point de vue, mais aussi celui d'une partie plus large de l'opinion publique. ». Ainsi, le FMI organise désormais des réunions informelles avec les ONG. Il avait également organisé, à leur intention, une campagne d'explication sur ses objectifs avant sa dernière Assemblée générale qui s'est tenue à Prague en janvier 2000.

Pourtant cette tendance connaît aussi des accrocs, comme le montre la situation de blocage apparue récemment au Comité de liaison avec les ONG de la Commission européenne.

D'autre part, la systématisation de ce dialogue rencontre des difficultés qui proviennent également, et de manière paradoxale, des ONG elles-mêmes. Ces dernières se sont par exemple montrées défavorables à une proposition du Directeur général du FMI visant à mettre en place un organe permanent de consultation.

Cette réticence des ONG s'explique essentiellement par le fait que les associations, ou du moins les plus contestataires d'entre elles, craignent toute tentative, réelle ou supposée, de récupération. Un responsable de l'association Attac résumait récemment cette position : « Nous sommes à fond pour l'ouverture et le dialogue. Mais les institutions internationales développent une stratégie qui vise à associer les ONG dans des cadres où elles restent au centre du jeu ».

Par ailleurs certaines ONG redoutent, en participant à ces instances de concertation, de paraître conférer ainsi une légitimité à des institutions qu'elles contestent.

Enfin, ce processus pose d'évidents problèmes de représentativité. Par exemple, en juin 2000, trois ONG anglo-saxonnes se sont imposées pour représenter une centaine d'associations dans le cadre de la réunion ministérielle de l'OCDE sur l'élaboration de principes directeurs à l'intention des entreprises multinationales.

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Dans le domaine du développement, les ONG sont des acteurs reconnus et appréciés, comme le soulignent unanimement les contributions que nous avons reçues de différentes sections, du Nord comme du Sud. Toutefois, leur complémentarité avec les politiques de coopération menées par les Etats et les organisations internationales n'apparaît pas toujours clairement. Dans un article volontairement provocateur paru dans le « Monde diplomatique » en janvier dernier, Jean-Pierre Cot, ancien ministre français de la Coopération, s'interroge sur le credo du « small is beautiful », c'est-à-dire l'idée selon laquelle, dans le domaine du développement, le salut viendrait des micro-projets réalisés par les ONG. Son opinion est plus nuancée : « Je ne veux pas sous-estimer l'importance des puits et des éoliennes dans le développement des communautés villageoises. Mais les enjeux du développement économique et social en Afrique sont d'une autre dimension. »

En d'autres termes, il convient de réfléchir aux moyens de concilier le local et le global, pour mettre en place de nouveaux cadres de coopération et créer de nouvelles synergies.

Par ailleurs, les ONG s'expriment désormais avec force sur la scène internationale. Leur discours alternatif dénonce les excès d'une mondialisation d'inspiration libérale, la montée de la pauvreté et des injustices et la marginalisation croissante des pays du Sud. Les gouvernements, comme les grandes organisations internationales, ne peuvent plus ignorer leur message. Toutefois, les modalités d'un véritable dialogue tardent à se mettre en place. Ce dialogue pourrait être facilité par le changement d'attitude des ONG qui s'est concrétisé à l'occasion du Forum social mondial de Porto Alegre, où elles ont joué un rôle de proposition résolument constructif.

Ce mouvement va certes dans le bon sens, même si en tant que parlementaires francophones, il nous apparaît regrettable que le discours des ONG sur la scène mondiale soit largement dominé par les grandes organisations anglo-saxonnes.

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