La modernisation du secteur public

Younès BENAISSA ,
Directeur de division au ministère algérien de la Participation
et de la Coordination des réformes

I. Le secteur public algérien

Le secteur public algérien se définit comme l'ensemble des entreprises dont le capital est détenu directement ou indirectement par l'Etat. Il comporte 1 400 entreprises, affiliées à 36 sociétés de gestion et de participation (hors secteur des hydrocarbures).

II. Historique du secteur public

L'évolution du secteur public s'est réalisée en quatre grandes étapes. La dernière fera l'objet d'un point particulier.

• 1966-1978
A l'époque, l'entreprise nationale apparaît comme le prolongement de l'administration.
• 1978-1988
Marquée par la mise en oeuvre de la restructuration organique, cette période ne produira pas les effets escomptés, en raison des effets pervers de l'atomisation des fonctions, de la régionalisation, de l'effacement des logiques de branche et de filière et de la chute du volume des moyens de paiement extérieurs. Elle démontrera la nécessité de réhabiliter les critères de gestion financière.
• 1988-1995
Durant cette période, un ensemble de réformes sont engagées afin de conférer aux entreprises nationales les moyens de leur autonomie. L'entreprise publique est désormais une personne morale distincte de l'Etat, possédant son autonomie financière. L'Etat crée des structures spécialisées, dénommées « fonds de participation », auxquelles il délègue la gestion de ses participations. La loi domaniale, en 1990, rend cessibles les biens relevant du domaine privé de l'Etat. Cette formule démontrera vite ses limites avec l'accentuation de la crise des liquidités en 1993 et 1994, qui obligera l'Etat à rééchelonner sa dette avec l'aide du FMI.
III. La période 1995-2001

En 1995, un nouveau dispositif à trois niveaux - stratégique, institutionnel et opérationnel - est mis en place. Les entreprises publiques sont désormais soumises sans restriction aux dispositions du code de commerce. Le capital est cessible et l'entreprise publique est susceptible de faillite.

Les difficultés financières des entreprises s'aggravant en raison de la chute du dinar et de la hausse des taux d'intérêt, les pouvoirs publics mettent en place en 1996 le dispositif banques/entreprises, conçu comme l'ultime étape de préparation des EPE à la privatisation. Il s'agit notamment de permettre aux banques d'intervenir plus activement dans l'accompagnement des entreprises publiques et d'alléger les obstacles majeurs qui freinaient l'activité des entreprises : réduction des sureffectifs, cessions d'actifs, filialisation des activités, recentrage de l'entreprise sur ses métiers de base... Le travail accompli produit certes des résultats encourageants, mais il demeure insuffisant. L'ordonnance 95-22, rédigée sur le modèle de textes similaires dans d'autres pays et principal texte d'ancrage du programme de privatisations, ne constitue pas l'unique canal des opérations de privatisation ; la cession d'actifs est en effet rendue possible par l'existence de deux autres canaux officiels.

Cette situation, caractérisée par la multiplication des intervenants et la confusion de leurs attributions dans le processus de privatisation, conduit à la création, en 1999, d'un ministère de la Participation et de la Coordination des réformes doté de larges attributions. L'ordonnance promulguée le 20 août est fondée sur les principes directeurs suivants :

• la mise en oeuvre d'un cadre législatif unique pour la gestion de l'ensemble des privatisations ;

• la prise en charge par le Ministère de toutes les opérations relatives à la privatisation ;

• la mise en oeuvre de l'intéressement des salariés aux entreprises à privatiser.
Les entreprises publiques ont perdu ces dernières années près de 300 000 travailleurs. Ces mesures sont aujourd'hui perçues par les travailleurs et les syndicats comme un mal nécessaire. Le syndicat national adhère aujourd'hui pleinement à l'idée de privatisation, qu'il considère comme une chance ultime pour la préservation de l'emploi. La modernisation du secteur public a un coût, mais les privatisations partielles ou totales constituent les moyens les plus sûrs de la conduire. Ce chantier exige à la fois des moyens financiers, une technologie avancée, un savoir-faire technique et un management de qualité : il existe donc pour les entreprises françaises et étrangères de nombreuses perspectives de partenariat.