C. LA DERNIÈRE LIGNE DROITE : LA SIGNATURE ET LA RATIFICATION DU TRAITÉ D'ADHÉSION

À l'issue de ce que Jean-Dominique GIULIANI (1) , Président de la Fondation Robert Schuman, appelle à juste titre "un vrai parcours du combattant" , le Traité d'adhésion devrait être signé le 16 avril 2003 à Athènes par les 15 membres actuels de l'Union et les 10 pays candidats retenus lors du Sommet de Copenhague.

1. Réussir le référendum hongrois du 12 avril 2003

Les procédures de ratification dans les états candidats pouvant commencer avant même cette signature, la Hongrie, après Malte et la Slovénie, organisera un référendum le 12 avril prochain. Le Premier ministre pourra ainsi signer le traité d'adhésion à Athènes, le 16 avril, avec un mandat clair de la population hongroise.

Les sondages poussent à l'optimisme : d'après l'Eurobaromètre de novembre 2002, les « pour » atteindraient 77 % des votes, les « contre » 8 % (et les abstentions : 8 %). Les résultats du sondage de l'institut Tarki sont proches, avec 76 % d'opinions favorables au second semestre 2002. Les derniers sondages de ce début d'année annoncent une participation au référendum de 62 à 65 % et 70 à 72 % de votes favorables. Pour les Hongrois, il s'agit de concrétiser le retour dans le bercail européen et à la démocratie. Incontestablement, l'adhésion à l'Union européenne se traduira aussi par une amélioration de la situation économique et sociale des Hongrois. Ils en sont convaincus.

Une campagne d'information s'avérant néanmoins nécessaire afin d'informer et de préparer l'opinion publique hongroise, le gouvernement hongrois l'a lancée en novembre dernier.

A la même date, une fondation de communication sur l'Europe a par ailleurs été créée et placée sous l'autorité du Premier ministre. Sa mission est d'informer la population sur les avantages et les contraintes liés à l'adhésion, sur ce qui signifie l'appartenance à l'Union européenne et sur ce que la Hongrie peut lui apporter.

En septembre 2002, d'aucuns s'interrogeaient sur la posture politique de M. Viktor ORBAN, ancien Premier ministre, qui critiquait les conditions de l'adhésion et s'inquiétait de leurs conséquences pour son pays. M. ORBAN a rassuré notre délégation, lui affirmant qu'il était « puissamment favorable à l'adhésion » . Pour lui, le débat - de politique intérieure - portait non sur le principe de l'adhésion, mais sur ses conditions, plus ou moins bonnes.

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(1) Dans "Pour l'Europe réunie - Plaidoyer pour l'élargissement" - Fondation Robert Schuman.

Ce principe a d'ailleurs été acté par les quatre grands partis et le gouvernement, qui ont scellé, le 19 septembre dernier, un pacte politique en vue de renouveler le consensus sur l'adhésion. Le même jour a été créée une nouvelle commission au Parlement, dont les travaux seront consacrés aux questions liées à l'intégration européenne.

Tout permet donc aujourd'hui de prédire le succès du référendum hongrois. Il reste, et la tâche sera peut-être plus difficile, à convaincre l'opinion publique des Etats membres d'accepter ce rendez-vous avec l'Histoire et à ne pas décevoir les attentes légitimes de leurs voisins et cousins européens.

2. Convaincre les opinions publiques européennes du jeu « gagnant-gagnant »

Les procédures de ratification dans les 15 pays de l'Union devraient majoritairement suivre la voie parlementaire et aboutir, marquant l'achèvement d'un processus engagé de longue date. Les Etats feront néanmoins preuve de vigilance jusqu'au bout et la Commission européenne préparera un nouveau rapport sur la transposition de l'acquis communautaire par les pays candidats, avant le 1 er octobre 2003. La France devrait ratifier le traité, par voie référendaire ou parlementaire, au second semestre 2003.

Mais, quelle que soit la procédure de ratification retenue par chaque État membre, il est évidemment essentiel que leurs opinions publiques soient convaincues de l'ardente nécessité de la réunification.

Or, on peut sentir ici ou là, d'une part quelques craintes quant aux conséquences de l'élargissement sur les actuels États membres et, d'autre part, quelques doutes quant à ses bienfaits.

Il est urgent de lever ces craintes, globalement injustifiées, et de démontrer ces bienfaits, réels.

a) Lever les craintes injustifiées

Les préoccupations, somme toute légitimes et méritant que l'on y réponde très clairement, font écho aux risques qu'impliquerait le « big bang », ce passage à l'Europe à 25. Ces risques potentiels sont essentiellement de quatre ordres : migratoire, économique, budgétaire et institutionnel.

Le risque migratoire

Ce risque est en réalité très limité pour plusieurs raisons :

les flux migratoires les plus importants proviennent de pays non candidats ou sont liés à des circonstances ponctuelles (telles que la guerre dans les Balkans, par exemple) ;

les faibles mouvements migratoires enregistrés ces dernières années devraient en tout état de cause s'affaiblir, dans la mesure où la situation démographique des pays candidats est en passe de devenir déficitaire. Ils contribueront bientôt eux aussi au vieillissement de la population européenne ;

les perspectives de croissance dans les futurs État membres, supérieures à celles des Quinze, et la réalité du phénomène de rattrapage rendent nos pays moins attractifs. À l'inverse, elles incitent les populations concernées à participer au développement de leur pays ;

un certain nombre d'experts européens estiment que seuls 150.000 ressortissants des nouveaux adhérents devraient choisir de s'installer dans un autre pays de l'Union. La croissance de la population immigrée serait de 2 % de la population active en Autriche, 1 % en Allemagne, alors que pour tous les autres pays, l'effet serait égal ou inférieur à 0,5 % ( 0,1 % pour la France ). D'autres experts avancent des chiffres un peu supérieurs, mais il n'y a aucunement lieu de craindre un « déferlement » de ressortissants des pays nouvellement adhérents, même si l'on ne peut exclure quelques tensions dans les régions transfrontalières. En tout état de cause, la France - qui n'a pas de frontière directe avec eux - devrait être peu concernée par ces flux migratoires. Au total, périodes transitoires, évolutions démographiques et rattrapage économique devraient permettre de gérer ces flux migratoires sans perturbations sérieuses des marchés du travail.
Le risque économique

En réalité, l'ouverture des marchés et le phénomène des délocalisations se sont effectués dès les années 1990. Ces délocalisations sont dirigées, pour plus de 90 %, vers les marchés intérieurs des pays concernés, ce qui a un impact positif sur les exportations de biens de consommations vers ces pays (c'est le cas des grandes surfaces, notamment françaises, qui s'implantent massivement dans les pays candidats). Mais surtout, avec un excédent commercial de 25 milliards d'euros, l'UE est déjà largement bénéficiaire du processus. Ce risque apparaît donc, lui aussi, limité.

Le risque budgétaire

Cet élargissement va-t-il nous coûter cher ? Il est compréhensible que chaque citoyen européen se pose cette question. La réponse est non. Non, face à l'enjeu qui le justifie.

Rappelons-le : l'essentiel de l'effort est réalisé par les pays candidats eux-mêmes. Le coût global de l'élargissement, de 1990 à 2006 , s'élève à 42,6 milliards d'euros , soit un demi-plan Marshall, et 57 % du montant annuel des transferts financiers de l'Allemagne de l'Ouest vers les Länder de l'Est.

Pour la France, cette dépense représente environ 3,8 milliards d'euros pour cette période de treize ans, soit 63 euros par habitant . Autrement dit, depuis 1990, chaque Français a consacré en moyenne moins de 5 euros par an à aider les nouvelles démocraties d'Europe .

Les aides par an et par habitant de ces pays, qui se sont élevées jusqu'en 2000 à 10 euros, atteignent actuellement 30 euros (de 2000 à 2004) et seront portées à 97 euros de 2004 à 2006 pour les aides structurelles 2( * ) . Au total, cela représentera une dépense de moins de 10 % du budget communautaire (lequel se chiffre à 100 milliards d'euros), pour des pays qui représenteront 16 % de la population de l'Union.

Le risque institutionnel

Le problème de la réforme des institutions européennes est sans doute plus réel. Il appartient aujourd'hui à la Convention sur l'avenir de l'Europe de trouver une solution institutionnelle permettant un fonctionnement efficace de l'Europe à 25 et d'éviter toute paralysie des institutions communautaires.

Les Hongrois s'intéressent eux-aussi de plus en plus près au succès de « l'approfondissement » de l'UE.

A l'occasion d'un entretien au Sénat avec Mme Katalin SZILI, Présidente du Parlement hongrois, notre groupe interparlementaire a évoqué le rôle des parlements nationaux, complémentaire de celui du Parlement européen. A cet égard, la proposition formulée en janvier par le Président CHIRAC et le Chancelier SCHRÖDER pour mieux associer les parlements nationaux aux décisions de l'Union est intéressante : ceux-ci interviendraient dans le contrôle du principe de subsidiarité par un mécanisme « d'alerte précoce ».
b) Démontrer les bienfaits effectifs de la réunification

Si les arguments ne manquent pas pour relativiser les inquiétudes des citoyens de l'Union européenne face à son élargissement, ils ne manquent pas non plus pour vanter les bienfaits qu'ils pourront en attendre, au-delà de sa dimension historique et politique.

Ces « bénéfices » sont évidents au plan économique et commercial

D'ores et déjà, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'Europe des Quinze réalise un excédent commercial de 25 milliards d'euros avec les pays concernés et la zone PECO réalise les deux tiers de ses échanges avec l'Union. Les échanges français avec l'Europe centrale et orientale ont été multipliés par près de 5 depuis le début de la transition, et la région représente déjà 10 % de nos exportations hors UE. A l'avenir, les flux commerciaux continueront de progresser mais moins rapidement, bien que la demande potentielle reste importante à moyen terme, si l'on en juge par les taux d'équipement dans ces pays. Les opportunités de gains de parts de marché sont d'autant plus grandes pour les entreprises hexagonales que la part de marché française n'y est encore que de 6 % 3( * ) , sensiblement inférieure à son poids commercial dans l'UE (10 %), du fait d'un retard initial s'expliquant en partie par la distance.

La plupart des études prévoient un effet globalement bénéfique du fait de l'agrandissement du marché unique et des économies d'échelle qui en résultent pour les entreprises. Économiquement, les dix pays candidats continueront d'apporter un surplus de croissance à l'UE : bien que leur PIB ne représente que 5 % (en euros courants) de celui de l'Europe élargie, leur part dans la croissance est largement supérieure : 15 % en 2001 et 11% en 2002.

L'intégration de ces dix pays devrait donc doper les économies des États membres et offrir des opportunités à leurs entreprises.

Une étude de la Commission européenne 4( * ) chiffre l'accroissement du produit intérieur brut lié à l'élargissement à 2 points de PIB annuel des pays candidats et 1 point de PIB annuel pour les Quinze .

Au delà, l'enrichissement humain et culturel de l'UE grâce à la réunification mérite d'être rappelé. Chacun des pays concerné a participé à l'édification de notre culture européenne. N'oublions pas, par exemple, ce que la musique doit aux compositeurs hongrois Franz Liszt et Bela Bartok, pour ne citer qu'eux.

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