A N N E X E S

Séminaire parlementaire
(Brazzaville, 8 - 10 mars 2004)

Intervention de M. Guy Penne, sénateur,
au nom de la section française de l'APF : « la procédure législative »

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L'activité législative se trouve au coeur de l'activité parlementaire puisqu'aux termes de la Constitution française de 1958, le premier rôle du Parlement est de voter la loi.

Toutefois, le champ de cette activité est circonscrit sous la Vème République ; la Constitution délimite en effet le domaine de la loi en énumérant les matières dans lesquelles le Législateur peut intervenir pour fixer des règles ou des principes fondamentaux.

Pour remplir cette fonction, le Législateur agit dans le cadre de normes posées par la Constitution, les lois organiques, les règlements des assemblées, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, voire la coutume ; ces normes, qui constituent la procédure législative, permettent le fonctionnement ordonné et efficace du Parlement, lieu par excellence où s'affrontent des positions divergentes voire antagonistes.

La source de l'activité législative est le droit d'initiative qui appartient « concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement » 1 ( * ) , et s'exerce à titre principal, sous forme de projets ou de propositions de lois, ou, de manière dérivée, sous forme d'amendements.

Le point de départ de la procédure législative est le dépôt du texte, qui s'accompagne de certaines formalités : pour les projets, le dépôt est précédé par la consultation pour avis du Conseil d'État et par une délibération du Conseil des ministres ; les propositions sont déposées une fois que leur recevabilité financière a été vérifiée par l'assemblée, chaque chambre appliquant en la matière sa propre procédure.

Le dépôt s'effectue devant l'une ou l'autre assemblée, à l'exception des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale qui sont déposés d'abord à l'Assemblée nationale, en raison du principe traditionnel de la priorité financière 2 ( * ) . De même, les projets de loi concernant l'organisation des collectivités territoriales et ceux relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France sont soumis en premier lieu au Sénat.

Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement par les deux chambres du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique, qui constituera le texte de la loi.

Après cette brève présentation, mon exposé s'organisera autour de deux principes qui caractérisent la procédure législative en France :

- le primat de la séance publique (I) ;

- la primauté de l'Exécutif (II) .

Précisons que cette présentation concernera la procédure législative ordinaire ; en seront exclues les procédures dites « spéciales », relatives par exemple à l'examen des lois organiques, des lois de finances... qui suivent des principes propres.

I - La procédure législative repose sur le primat de la séance publique

L'examen en première lecture comporte plusieurs étapes : l'examen par une commission, l'inscription à l'ordre du jour et, enfin, la discussion en séance publique au terme de laquelle le texte est transmis à l'autre assemblée.

Les procédures d'examen dans les deux chambres sont proches, ce qui n'exclut pas les différences.

A) les commissions n'ont en droit qu'un rôle d'instruction et de préparation en amont.

Une fois déposé, le texte est publié, imprimé, distribué et renvoyé à l'examen d'une commission spéciale ou permanente. Toutes ces formalités - dépôt , impression publication, distribution- sont partie intégrante de la procédure parlementaire parce qu'elles déterminent l'ouverture des délais constitutionnels ou réglementaires.

La commission saisie peut être constituée spécialement pour l'examen du texte, mais dans la plupart des cas, il s'agit d'une des six commissions permanentes 3 ( * ) existant dans chaque assemblée ; le renvoi du texte est effectué en fonction des compétences respectives des commissions, telles qu'elles sont définies par les règlements des assemblées.

La première tâche de la commission saisie est de désigner un rapporteur, qui, pour des raisons d'efficacité, est toujours issu de la majorité. La mission du rapporteur est d'éclairer la commission pour lui permettre de se prononcer sur le texte et de rédiger, en son nom, un rapport qui sera imprimé et distribué avant la séance publique.

Les travaux de la commission comprennent donc une phase d'information : le rapporteur organise l'audition des auteurs du texte et des personnes concernées par son application- représentants professionnels, syndicaux...- et recueille l'avis d'experts ; et une phase d'examen du texte proprement dit. La durée des travaux est variable (un à deux mois pour les textes importants).

Les commissions travaillent dans une relative confidentialité ; les auditions peuvent être publiques, mais l'examen du texte se déroule à huis clos, pour préserver la sérénité des travaux ; toutefois, un compte-rendu est publié à l'issue de chacune des réunions.

L'examen débute par une discussion générale sur le texte, ouverte par une présentation du rapporteur ; la commission passe ensuite à l'étude du texte article par article ; à chaque article, le rapporteur et les membres de la commission peuvent proposer des amendements.

Les amendements doivent être formulés par écrit, signés par l'un au moins des auteurs, et adressés au service de la séance qui leur donne un numéro, ou présentés directement en commission. Les amendements parlementaires doivent en outre satisfaire à des conditions de recevabilité financière.

La commission vote sur chaque amendement et sur chaque article, puis sur l'ensemble du texte tel qu'il résulte des débats. A l'issue des travaux, le rapport présente les positions de la commission. Selon la nature du texte soumis à son examen, la conclusion des travaux de la commission est différente :

- s'il s'agit d'un projet de loi dont l'assemblée est saisie la première ou d'un texte -projet ou proposition- transmis par l'autre assemblée, le rapport de la commission conclut soit à l'adoption, soit au rejet du texte, soit à des amendements ; le rapport inclut, en annexe, un tableau comparatif, comprenant trois colonnes : le droit existant, les articles du projet du gouvernement ou du texte transmis par l'autre assemblée, et, en regard, les modifications proposées par la commission.

- en revanche, lorsque la commission est saisie d'une proposition de loi émanant d'un des membres de l'assemblée, elle conclut par un texte d'ensemble sur la base duquel l'assemblée sera appelée à délibérer ; ce qui lui laisse toute latitude pour modifier directement le texte de la proposition, voire établir un texte entièrement nouveau, par exemple lorsque la commission examine plusieurs propositions conjointes.

Ce travail d'instruction et de préparation en amont de la séance publique est mené avec l'aide des fonctionnaires de la commission, qui assistent le rapporteur, rédigent les comptes-rendus des réunions et consignent le sort réservé aux amendements -adoption, rejet, réécriture éventuelle- lors de l'examen par article du texte, afin que les modifications proposées par la commission figurent exactement dans le tableau comparatif annexé au rapport de la commission.

Les rapports des commissions doivent être publiés dans un délai suffisant pour que l'assemblée en prenne connaissance avant la séance publique. Les amendements continuent d'être recevables dans un délai de quatre jours après la distribution du rapport et jusqu'à l'ouverture de la discussion générale en séance publique.

Aussi, quelques heures avant l'ouverture du débat en séance, la commission tient une ultime réunion pour se prononcer sur les derniers amendements déposés qu'elle n'a encore pas examinés ; aucun rapport supplémentaire n'est rédigé ; seul est publié le compte-rendu de la réunion.

Pour être discuté en séance publique, un projet ou une proposition de loi doit être inscrit à l'ordre du jour de l'assemblée. Nous développerons ce point dans la deuxième partie de l'exposé concernant la primauté de l'Exécutif dans la procédure législative.

B) La discussion en séance publique reste le symbole de l'activité parlementaire

La Constitution du 4 octobre 1958 a renforcé la primauté de la séance publique par l'effet de deux dispositions :

La première disposition impose que l'assemblée saisie délibère en séance publique sur le texte qui lui a été présenté par le Gouvernement ou transmis par l'autre assemblée (cf. article 42) ; les modifications proposées en commission doivent donc être présentées à nouveau de manière formelle, et approuvées, en séance publique.

La seconde disposition consacre le droit d'amendement (cf. article 44), et ce droit est strictement protégé : le Conseil constitutionnel a confirmé dans une décision de novembre 1990 que chaque amendement devait être présenté et examiné en séance plénière.

C'est ainsi qu'au Sénat, chacun des 5 000 amendements déposés en moyenne à chaque session est examiné, qu'il soit de fond ou purement rédactionnel, successivement par la commission, puis en séance publique.

La discussion en séance publique comprend deux phases : l'examen général et l'examen détaillé.

L'examen général est essentiellement une phase de présentation.

Le Gouvernement représenté par le ministre concerné présente le projet qu'il défend ; puis le rapporteur expose la position de la commission. Pour la discussion des propositions, la parole est d'abord donnée au rapporteur.

Les parlementaires qui souhaitent s'exprimer interviennent ensuite dans le cadre de la discussion générale dont l'organisation a été réglée en Conférence des Présidents. La durée globale de discussion y a été fixée, puis répartie entre chaque groupe en tenant compte de ses effectifs. L'ordre de passage des orateurs est déterminé par le Président de séance en respectant une alternance entre les groupes.

Dans cette phase d'examen peut s'intercaler la discussion de motions de procédure - exception d'irrecevabilité, question préalable, motion de renvoi en commission- dont l'adoption, d'ailleurs exceptionnelle, a pour effet d'entraîner le rejet du texte ou la suspension du débat avant même que ne s'engage l'examen détaillé du texte.

L'examen détaillé consiste dans la discussion par article du texte.

Cette phase est largement dominée par la discussion des modifications proposées par voie d'amendements.

Pour être discutés en séance publique, les amendements doivent avoir été enregistrés au service de la séance et numérotés ; pour la bonne organisation des travaux, ils doivent avoir été déposés, on l'a vu, dans certains délais, à l'exception de ceux présentés par le Gouvernement ou par la commission.

Le Président de séance appelle les articles dans l'ordre de leur numérotation. La discussion porte sur chaque article et sur tous les amendements qui s'y rapportent.

Les députés peuvent s'inscrire, pour cinq minutes, dans la discussion d'un article. Après ces interventions, le Président appelle les amendements. La parole est donnée à l'auteur de l'amendement, puis au rapporteur et au ministre pour qu'ils donnent leur avis et, enfin, à un orateur opposé à l'amendement.

L'ordre d'appel des amendements présente une grande importance pour le déroulement du débat, ne serait-ce parce que l'adoption d'une solution entraîne automatiquement l'élimination des solutions concurrentes. Les principes de base de la mise en discussion des amendements conduisent à aller du général au particulier : une suppression d'article est appelée avant la suppression d'un alinéa, la suppression d'un alinéa avant celle d'une phrase incluse dans cet alinéa etc... Les amendements sont mis en discussion, puis aux voix, un par un, en suivant l'ordre découlant de ces principes.

Après l'examen du dernier amendement présenté sur un article, l'Assemblée vote sur cet article, éventuellement modifié, la discussion du texte se poursuivant dans les mêmes conditions, article par article, jusqu'au dernier d'entre eux.

A l'issue de l'examen des articles, le Président de séance met aux voix l'ensemble du texte, éventuellement modifié par les amendements adoptés. Ce dernier vote peut être précédé d'explications de vote qui sont accordées à raison d'un orateur par groupe, pour une durée de cinq minutes.

Les votes ont lieu normalement à main levée. Pour certains textes importants, la Conférence des Présidents décide elle-même le scrutin public, en fixant sa date à un moment favorable à la participation de l'ensemble des parlementaires.

C) La transmission et les lectures successives : la « navette »

Le texte ainsi adopté par la première assemblée saisie est transmis à l'autre assemblée qui l'examine à son tour, en première lecture, selon les mêmes modalités : examen par une commission, inscription à l'ordre du jour, discussion en séance publique.

Si la seconde assemblée adopte tous les articles du texte qui lui a été transmis sans modification, ce texte est définitivement adopté.

Dans le cas contraire, la navette se poursuit entre les deux assemblées. A partir de la deuxième lecture les articles précédemment votés en termes identiques par l'une et l'autre assemblée, dits

« conformes », ne sont pas remis en discussion. Le travail en commission et le débat en séance publique sont par conséquent plus légers en deuxième ou troisième lecture.

Seuls restent en discussion les articles du texte pour lesquels les deux assemblées ne sont pas parvenues à l'adoption d'un texte identique. La navette se poursuit tant que tous les articles n'ont pas été adoptés dans les mêmes termes.

La Constitution de 1958 a toutefois institué une procédure de conciliation, ce qui nous permet d'aborder le second point de cet exposé : la primauté du Gouvernement dans la procédure législative.

II - La primauté de l'exécutif dans la procédure législative

A) Le gouvernement est prioritaire pour l'inscription à l'ordre du jour

La Constitution a institué, au profit du Gouvernement, une priorité dans la fixation de l'ordre du jour, chaque assemblée pouvant néanmoins adopter, de sa propre initiative, un ordre du jour complémentaire de celui du Gouvernement.

Depuis la révision constitutionnelle d'août 1995, une séance par mois est réservée, dans chaque assemblée, à un ordre du jour fixé par elle 4 ( * ) .

En vertu de cette priorité, le Gouvernement arrête la liste des textes qu'il veut faire figurer à l'ordre du jour et fixe l'ordre dans lequel ils seront discutés ainsi que leur date de discussion.

Une concertation avec les assemblées est cependant nécessaire à la bonne programmation des travaux ; cette concertation s'opère principalement au sein de la Conférence des Présidents qui est réunie, chaque semaine en session, à l'initiative du Président de l'Assemblée et sous sa présidence 5 ( * ) . Le Gouvernement y est représenté par l'un de ses membres - le ministre des relations avec le Parlement- qui transmet à la Conférence les prévisions pour la semaine en cours et les deux semaines suivantes. Ces prévisions tiennent compte des observations des présidents des commissions permanentes, notamment de leur charge de travail respective.

B) L'examen en première lecture d'un projet de loi porte sur le texte du gouvernement

Sous les Républiques précédentes, la discussion portait sur les conclusions de la commission, et le gouvernement devait présenter des amendements s'il souhaitait revenir à son texte initial.

Le renforcement de l'Exécutif organisé par le système constitutionnel de la Vème République, a logiquement inversé le mécanisme : les modifications proposées par la commission doivent être, on l'a vu, formellement présentées en séance publique sous la forme d'amendements.

C) Le recours à la procédure de conciliation est décidé par l'Exécutif

Cette procédure permet au Gouvernement, s'il le souhaite et quand il le souhaite, d'accélérer le vote définitif d'un texte en interrompant le cours normal de la navette.

Après deux lectures du texte par chaque assemblée -ou une seule lecture si le Gouvernement a déclaré l'urgence- ce dernier peut provoquer la réunion d'une commission comprenant sept députés et sept sénateurs, d'où l'appellation de commission mixte paritaire (ou "C.M.P.").

La commission désigne deux rapporteurs, un député et un sénateur, chargés de rendre compte des travaux devant leurs assemblées respectives.

Les membre de la CMP appartiennent en général aux commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat auxquelles le texte a été renvoyé au cours des lectures précédentes. Leur travail est d'élaborer un texte de compromis pour tous les articles qui restent encore en discussion. Ils peuvent décider de retenir la rédaction précédemment adoptée par l'une ou l'autre assemblée ou bien d'élaborer, pour certains articles, une rédaction nouvelle de transaction.

Les travaux de cette commission sont consignés dans un rapport. Si les membres de la commission mixte paritaire élaborent et adoptent un texte de compromis, ce texte est reproduit dans le rapport. Dans le cas contraire, le rapport expose les raisons pour lesquelles la conciliation a échoué.

A ce stade, différentes hypothèses se présentent, avec des conséquences elles-mêmes différentes, sur la suite de la procédure d'adoption du texte.

La commission mixte paritaire est parvenue à établir un texte de compromis

Le Gouvernement peut soumettre ce texte, à l'approbation de l'une puis de l'autre assemblée. Il peut également, notamment si le texte de compromis ne lui convient pas, renoncer à faire statuer les assemblées sur ce texte. Dans ce cas, la navette reprend au stade où elle avait été interrompue...

La discussion, en séance publique, des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire s'ouvre par l'exposé du rapporteur de la commission mixte, suivi des interventions du Gouvernement et des orateurs inscrits dans la discussion générale. La discussion des articles se limite à la discussion et au vote des amendements. Pour cette lecture, seuls les amendements du Gouvernement ou ceux acceptés par lui peuvent être déposés. L'Assemblée procède ensuite au vote sur l'ensemble du texte, compte tenu de la rédaction retenue par la commission mixte paritaire, éventuellement modifiée par les amendements.

Si chaque assemblée adopte l'ensemble d'un projet ou d'une proposition de loi sur la base du texte élaboré par la commission mixte paritaire éventuellement modifié par les mêmes amendements, la procédure de conciliation a réussi et le texte est définitif.

L'échec de la procédure de conciliation

Si la commission mixte paritaire n'est pas parvenue à établir un texte de compromis, ou si le texte de compromis est rejeté par l'une ou l'autre assemblée ou si enfin des amendements adoptés par une assemblée ne le sont pas par l'autre, il y a échec de la procédure de conciliation.

Dans ces deux cas, le Gouvernement a la possibilité de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale.

Cette procédure comporte trois étapes se déroulant dans l'ordre suivant : la nouvelle lecture par l'Assemblée, la nouvelle lecture par le Sénat et la lecture définitive par l'Assemblée.

Lors de la nouvelle lecture, l'Assemblée délibère sur le dernier texte adopté avant que ne s'engage la procédure de conciliation. Ce texte fait l'objet d'un examen en commission et est discuté selon la procédure ordinaire. Le texte adopté par l'Assemblée est transmis au Sénat qui l'examine également selon la procédure ordinaire. Si le Sénat l'adopte sans modification, le texte est définitivement adopté. Dans le cas contraire, il est transmis à l'Assemblée en vue de la lecture définitive.

Lors de la lecture définitive, l'Assemblée délibère dans un cadre strictement délimité. Elle statue, sur proposition de la commission, soit sur le texte établi par la commission mixte paritaire, s'il y en a un, soit sur le texte qu'elle a adopté au cours de la nouvelle lecture. Dans ce dernier cas, elle ne peut adopter d'autres amendements que ceux adoptés par le Sénat lors de sa nouvelle lecture.

Précisons enfin que le retrait d'un texte par le gouvernement est possible à tous les stades du débat ; le dépôt d'un projet de loi ne constitue pas une obligation juridique de le faire débattre.

Je conclurai cet exposé en évoquant les critiques que suscite la procédure législative en France, et les améliorations qu'ont tenté d'y apporter chacune des assemblées.

Une première critique a trait au déroulement même de la procédure : le travail en commission et le travail en séance publique apparaissent souvent redondants, le second étant une reprise du premier ; d'ailleurs, deux tiers des amendements adoptés dans l'hémicycle émanent des commissions 6 ( * ) ; la séance publique est ainsi consacrée à la discussion de multiples détails techniques, au lieu d'être le lieu de la décision politique. Ceci favorise l'absentéisme, les parlementaires ayant le sentiment d'être exclus d'une mission législative trop foisonnante et hermétique.

Deuxième constat : le temps consacré au travail législatif ne permet pas d'éviter l'encombrement de la séance publique, en raison de la prolifération des textes à examiner et des amendements présentés : ainsi, à la fin de la précédente législature, qui s'est terminée en juin 2002, 62 textes demeuraient en instance. Aussi, pour réaliser dans les délais son programme législatif, le gouvernement est tenté soit de déclarer l'urgence pour les textes volumineux dans le seul but d'éviter une deuxième lecture qui permet aux parlementaires de redéposer les amendements non retenus en première lecture, soit de recourir à la procédure des ordonnances, donc de priver le Parlement d'une partie de ses pouvoirs.

La troisième critique concerne le rôle du Parlement : le temps de la session est absorbé par le travail législatif au détriment du travail de contrôle ; le remplacement en 1995 des deux sessions annuelles par une session unique de neuf mois n'a pas véritablement remédié à cette situation. En 2002-2003, sur les 957 h 30 de session au Sénat, 701h 30 ont été consacrées aux travaux législatifs et 102h 30, aux travaux de contrôle. A l'Assemblée nationale, sur les 1197 heures de débats, 862 heures 45 ont été consacrées aux travaux législatifs, et 164 heures 30, aux activités de contrôle.

Les deux assemblées ont donc chacune tenté de mettre en place des procédures abrégées.

Le Sénat avait envisagé en 1990 deux dispositifs : le vote après débat restreint qui permettait aux seuls auteurs d'amendements d'intervenir en séance, et le vote sans débat, qui excluait la présentation en séance des amendements non retenus par la commission ; le Conseil Constitutionnel a jugé ce dernier attentatoire au droit d'amendement ; aussi, le recours aux procédures abrégées n'a pas connu un grand succès au Sénat.

A l'Assemblée nationale, le Président Séguin avait proposé en 1993 toute une série de réformes, mais c'est en 1998 que l'Assemblée s'est dotée de la « procédure d'examen simplifiée » pour les textes présentant un intérêt plus technique que politique.

Cette procédure comporte une brève discussion générale, puis une discussion abrégée des articles : les articles sur lesquels aucun amendement n'est présenté ne sont ni appelés, ni mis aux voix.

Les règles d'application de cette procédure garantissent le respect des droits d'expression des députés, notamment des députés d'opposition.

En fait, à l'heure actuelle, il s'avère que cette procédure est essentiellement mise en oeuvre pour l'adoption des conventions internationales (qui ne font pas l'objet d'amendements), plus rarement pour d'autres projets ou propositions, en raison, semble-t-il, de la réticence des groupes politiques.

Commission des Affaires parlementaires
(Vientiane, 8 - 9 avril 2004)

Contribution de la commission présentée par M. Yves Dauge,
sénateur, représentant M. Guy Penne, sénateur,
sur le thème du Sommet de Ouagadougou :
« la Francophonie, espace solidaire
pour un développement durable »

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La coopération décentralisée s'inscrit parfaitement dans la recherche de nouvelles solidarités et de nouveaux comportements. Pour donner sa pleine mesure, la coopération décentralisée doit répondre à certain nombre de conditions :

En premier lieu, il faut rappeler que toute action de coopération décentralisée doit être comprise comme élément d'une politique nationale. Dans toute la mesure du possible, les pays qui s'engagent de part et d'autres, doivent encadrer cette forme de coopération pour éviter la dispersion et assurer une certaine cohérence, une exigence de méthode et de contenu. La décentralisation est un moyen pour renforcer des politiques nationales qui restent indispensables à définir et à mettre en oeuvre.

En second lieu, les coopérations décentralisées doivent s'efforcer de dépasser des interventions ponctuelles et ciblées pour tenter de construire des projets globaux de développement durable. Ces projets nécessitent du temps et la prise en compte de territoires pertinents. A cet égard, il faut insister sur l'intérêt qu'il faut désormais porter aux territoires urbains, lieux d'enjeux considérables.

Pour atteindre cet objectif, la coopération doit s'attacher à développer tout ce qui concerne l'appui institutionnel, la formation, l'échange d'expériences.

La complexité et la difficulté de ce type de coopération nécessitent, à l'évidence, une forte légitimité politique et un fort engagement politique. Toute coopération pour réussir doit faire l'objet d'une convention précisant bien le champ et la modalité des interventions. Elle suppose des liens personnalisés continus entre les élus des villes engagées. C'est dans la mesure où la coopération créera des relations de confiance, profondes entre les élus et au-delà entre les réseaux professionnels, associatifs, des uns et des autres que l'on pourra répondre à cette ambition affichée des nouvelles solidarités et des nouveaux comportements. Les pays de l'espace francophone peuvent être exemplaires dans le développement de ces coopérations. Des rencontres, échanges d'expériences sur ce thème, devraient s'établir dans cette perspective avec les organisations internationales et en premier lieu avec l'Union Européenne, avec l'Unesco qui cherchent à soutenir des approches qui privilégient toutes les démarches culturelles, patrimoniales, éducatives.

Commission de l'Education, de la Communication
et des Affaires culturelles
(Bucarest, 15 - 17 avril 2004)

Rapport d'étape, présenté par M. Bruno Bourg-Broc, député,
relatif au français dans les institutions internationales :
le cas de l'ONU à New York

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Depuis un peu plus d'un an, je vous présente des rapports d'étape sur le français dans les institutions internationales. Après Bruxelles et Genève, je me suis rendu à l'ONU, à New York, du 26 au 28 janvier 2004, afin de rencontrer une dizaine de diplomates et de hauts fonctionnaires. Je vous en présente aujourd'hui le compte-rendu.

Entretien avec M. Shashi Tharoor, secrétaire général adjoint à la communication et à l'information, coordonnateur du multilinguisme

M. Shashi Tharoor a tout d'abord précisé qu'outre ses fonctions de secrétaire général de l'information, il était coordonnateur pour le multilinguisme, poste créé pour répondre à une volonté politique affirmée du secrétaire général, lui-même bilingue.

M. Shashi Tharoor a dressé un tableau plutôt optimiste de la situation du français à l'ONU. Parmi les points positifs, il a cité le fait que les fonctionnaires aimaient le français et le parlaient. En outre, les francophones avaient une bonne maîtrise de l'anglais. D'une façon générale, le multilinguisme était respecté. Un signe de ce respect est la présence de téléviseurs branchés sur TV5 en divers lieux du bâtiment de l'ONU.

Mais on retrouve aussi les points négatifs traditionnels : nécessité d'utiliser l'anglais pour faire avancer son message, passage à l'anglais en cas d'absence d'interprétation, recrutement allophone, mais où l'anglais prédomine, manque évident de personnes sachant écrire le français, et restrictions budgétaires qui touchent notamment l'achat de livres.

M. Shashi Tharoor a également évoqué les dispositions restrictives prises par le maire de New York à l'encontre de RFI, considérée comme une radio ethnique.

Il a cependant insisté sur le fait que personne à l'ONU ne considérait le multilinguisme comme trop coûteux.

M. Shashi Tharoor a conclu son propos en soulignant que le message francophone était bien compris et qu'il n'y avait pas de vrai danger pour la francophonie. Il a cependant reconnu que des efforts restaient à faire, par exemple en développant la diffusion de la revue « Chronique des Nations unies ».

Entretien avec M. Bernard Cochemé sous-secrétaire général, administrateur de la caisse commune des pensions du personnel des Nations unies

Venant de la Caisse des Dépôts et Consignations, M. Bernard Cochemé a été nommé récemment à l'ONU. Très actif, il avait lancé le club des institutions européennes dans le domaine des retraites et vient de créer celui des organisations internationales. C'est le premier patron français nommé à ce poste.

Il a reconnu que tout le travail de la caisse se faisait en anglais. Il souhaite cependant ne recruter désormais que des gens bilingues, mettre en place une politique de communication en anglais et en français, et rédiger le règlement de la caisse ainsi que le site Web dans les deux langues.

Il a précisé que les fonds de pension qu'il gérait concernaient l'ensemble de la famille de l'ONU : l'OMC, l'Unesco, l'ONU à Genève, en tout une vingtaine d'organisations. Pour cela, il lui faut nécessairement communiquer en français, mais aussi en espagnol.

Il a constaté qu'il y avait environ 250 français à l'ONU, et que peu occupaient des postes de responsabilité. Il préconise donc de chercher à augmenter le nombre de patrons francophones.

Comme M. Shashi Tharoor, il considère que le premier problème des francophones est celui de l'auditoire. Pourtant, l'usage de l'anglais empêche le francophone d'exposer ses nuances et risque de heurter les autres pays francophones. Il observe enfin que la défense du français est aussi un combat pour la diversité culturelle.

En conclusion, M. Bernard Cochemé a dit avoir constaté une évolution positive à l'ONU, par exemple avec la création depuis trois ans d'un site Web en français, même si avec M. Kofi Anam, on parle anglais. Il a aussi conseillé d'accueillir en France davantage d'étudiants étrangers comme le font les Américains.

Il suggère également que les missions permanentes visitent davantage les ressortissants français ou francophones, et que les étudiants, par exemple ceux de Sciences-Po, soient mieux informés des carrières internationales.

Entretien avec de jeunes experts associés (programme JPO)

Le programme des jeunes experts associés est financé par la France au titre de la coopération technique. Il permet aux jeunes de travailler deux ans à l'ONU avec l'objectif d'y faire carrière.

Les jeunes experts, de spécialités très diverses, ne sont pas convaincus que la cause du français bénéficie de ce programme, car d'après eux, si l'on excepte les missions dans les pays africains francophones, l'anglais est absolument nécessaire.

Tous se sont cependant déclarés convaincus de l'importance de la francophonie pour la défense du multilinguisme et pour lutter contre l'uniformisation culturelle. Ils considèrent que la francophonie a la côte à l'ONU, avançant pour preuve la demande de cours en langue française.

Comme M. Bernard Cochemé, ils ont souligné l'importance de l'accueil en France des étudiants étrangers.

Pour eux, la vie quotidienne se passe en anglais, d'autant qu'il n'y a plus de véritable communauté française à New York. À l'ONU, la culture c'est le français, le travail c'est l'anglais. Les téléviseurs branchés sur TV5 dans les couloirs sont rares, le coût des abonnements privés est élevé et RFI peu diffusé.

Les jeunes experts disent faire un travail intéressant, mais ne se sentent pas investis d'une mission militante, d'autant que cela peut avoir l'effet inverse de celui recherché. Ce qui compte pour eux, c'est que les textes officiels soient respectés.

Entretien avec Mme Thérèse Gastaut, directrice de la division des relations publiques du département de l'information

Mme Gastaut a tout d'abord présenté la politique de communication de l'ONU en français, à travers notamment la « Chronique des Nations unies » et le site Web. Si les publications en français n'ont pas été supprimées, contrairement à d'autres langues, leur diffusion est beaucoup moins importante qu'en anglais. De même le site Web est moins consulté, d'autant que les informations y sont disponibles plus tardivement.

Mme Gastaut a ensuite évoqué la réforme de septembre 2002 visant à régionaliser les centres d'information de l'ONU. Cette régionalisation, qui devra être achevée en 2005, concernera d'abord l'Europe occidentale, puis les capitales des pays à hauts revenus, enfin les pays en voie de développement. En Europe, 9 centres (de cinq personnes) seront fermés et un centre régional de 23 personnes sera ouvert à Bruxelles. L'objectif est de regrouper les moyens et de travailler avec des intermédiaires, notamment les médias.

Mme Gastaut a attiré mon attention sur la nécessité de veiller à ce que le poste de directeur régional, actuellement occupé par un omanais, reste francophone.

D'après Mme Gastaut, la francophonie résiste bien, mais une vigilance s'impose.

Le multilinguisme, auquel M. Kofi Anam est favorable, est considéré comme un avantage, car il est un gage de pluralisme culturel.

Il n'en reste pas moins que la division de l'information tient ses réunions en anglais. Malgré les discours rassurants quant au respect des textes, dans la pratique l'anglais s'impose partout.

Mme Gastaut a donné les conseils suivants : veiller au multilinguisme des nominations, envoyer régulièrement des missions à l'ONU, être présent au comité de l'information et enfin veiller à ne pas heurter les sensibilités car les évolutions ne peuvent se faire que par consensus.

Entretien avec Mme Georgette Miller, adjointe au sous-secrétaire général du bureau de la gestion des ressources humaines

Ce bureau gère la politique générale du personnel de tous les organes de l'ONU à New York et ailleurs. Il s'occupe du recrutement, de la gestion des carrières, des départs en retraite, des conditions de services, du règlement, du service médical, des cours de langue et de la formation. Les textes liés au statut du personnel sont publiés en six langues (espagnol, chinois, arabe, russe, anglais et français), et les textes subsidiaires dans les deux langues de travail, français et anglais.

Selon Mme Miller (qui est franco-américaine), le français n'est utilisé, en raison d'un recrutement essentiellement local, que par 15 % des personnes dans les relations de travail contre 50 % à Genève. Il ne peut résister à la pratique de l'anglais, même si le français est la langue principale enseignée aux fonctionnaires. Toutefois, la pratique du français en plus de l'anglais apporte des avantages financiers et d'avancement d'échelon.

Mme Georgette Miller pense qu'on ne passera pas au tout anglais, car l'idée prédomine que la diversité est enrichissante.

Entretien avec Mme Françoise Cestac, présidente de l'Association culturelle francophone des Nations unies (ACF)

Mme Cestac a rappelé que l'association existait depuis 27 ans. Son objet est la diffusion des cultures francophones. Elle s'adresse aux fonctionnaires, aux missions diplomatiques de l'ONU, mais aussi à l'extérieur, au département français des universités et aux services culturels de l'ambassade de France. Elle relève du comité de loisirs de l'ONU et reçoit des subventions de l'OIF. Elle organise des expositions, des concerts, des conférences, des représentations théâtrales et cinématographiques. Elle compte 200 membres.

D'une façon générale, Mme Cestac considère qu'il y a une amélioration de la francophonie au secrétariat général, notamment grâce aux recrutements, ou pour les points de presse, les communiqués sortant en anglais et en français en même temps.

Entretien avec M. Alassane Diatta, chef du service de traduction française

Le service de traduction française comprend quarante-neuf traducteurs à partir de l'anglais, de l'espagnol et du russe.

M. Diatta, sénégalais francophone, s'est déclaré un partisan convaincu de la francophonie, car on s'exprime moins bien dans une langue d'emprunt. Selon lui, il n'y a pas de réelle tentation du tout anglais. Il n'est donc pas inquiet pour l'avenir d'autant que les textes traduits pour les délégués ou le Conseil de Sécurité sortent toujours à temps en français.

M. Diatta s'est cependant déclaré très inquiet de la qualité de la langue en constatant que l'enseignement de la langue française se déteriorait. Il a regretté que les délégations s'intéressent avant tout au délai de parution des documents de travail, mais pas à la qualité des documents.

Il a attiré mon attention sur le fait qu'en quatre ou cinq ans, il faudrait remplacer toute une génération de fonctionnaires. Une action est donc à mener en direction des écoles de traduction. À cet égard, il a indiqué que l'OIF apportait une aide pour organiser la publicité des concours de recrutement de traducteurs.

Rencontre avec M. Jean Gazarian, représentant de l'APF auprès des Nations unies

Jean Gazarian m'a présenté la bibliothèque de langue française, créée en 1950 et qui dispose aujourd'hui de 5000 volumes.

Il a indiqué que, selon lui, la situation du français à l'ONU ne s'était pas améliorée, mais ne s'était pas dégradée non plus. Il considère qu'Internet a facilité l'accès aux informations francophones.

Entretien avec le groupe de travail sur la place du français aux Nations unies de l'Association des Français fonctionnaires internationaux de New York

Des interventions des différentes personnes rencontrées, appartenant à des services différents, il ressort une certaine stabilisation de la place du français depuis 1994-1995, grâce à l'acharnement de principe des délégués et des missions permanentes afin de pouvoir disposer de la documentation dans leur langue. En outre, une circulaire de 2002 vise à encourager les délégations à s'exprimer dans leur langue.

À la suite des pressions du groupe hispanophone, on est passé du bilinguisme au multilinguisme. Personnellement, je ne sais s'il faut s'en réjouir car le multilinguisme entraîne une certaine dilution.

Le français reste la langue la plus enseignée à l'ONU puisque de 700 à 800 personnes par trimestre suivent des cours.

La situation reste toutefois préoccupante. Ainsi, il est régulièrement nécessaire que la Mission Permanente française exerce des pressions pour que les textes soient appliqués. Le site Internet en anglais est très vite mis à jour, ce qui n'est pas le cas des autres langues. Les Espagnols ont réagi à cette situation en faisant traduire eux-mêmes les pages du site par des universités espagnoles. D'une façon générale, la plupart des documents sont en anglais car il n'y a personnes pour les traduire et l'efficacité oblige à rédiger dans cette langue. Dans les bureaux, on ne parle qu'anglais, même si les publications de vacances d'emploi précisent : connaissance du français ou de l'anglais avec connaissance de travail dans l'autre langue. Et plus on monte dans la hiérarchie, plus le monolinguisme anglais s'impose, ce qui pose un problème lors des évaluations. Enfin, de nombreux francophones ne sont pas remplacés, et la francophonie subit l'effet des coupes budgétaires. Elle ne résistera réellement qu'à la condition d'atteindre une masse critique.

Entretien avec M. Gérard Témin, directeur de la division des séances et des services de publications, et avec Mme Brigitte Andréassier-Pearl, chef du service d'interprétation de la section française

Mme Andréassier-Pearl à tout d'abord déploré une tendance à la diminution du français parlé dans le monde.

M. Témin a constaté une diminution de l'usage du français, au quotidien, au sein du secrétariat général. Les documents internes véhiculés sur le réseau informatique n'ont pas de version française. Les notes internes (les mémos) sont toujours en anglais. Lorsqu'on demande une traduction, il faut attendre de 10 à 12 jours.

Si les textes officiels sont respectés, la culture de travail interne est américaine. Les Américains, nombreux à l'ONU, ne sentent pas le besoin de maîtriser d'autres langues.

Dans la Division 5, qui traite des affaires administratives et budgétaires, il y a douze délégations francophones. Pourtant les Belges et les Suisses parlent le plus souvent en anglais, le Canada en anglais, et le Cameroun également en anglais. L'expérience quotidienne n'incite donc pas à l'optimisme. L'environnement non plus : il est difficile pour un francophone de mettre ses enfants dans un établissement qui enseigne en français car ceux-ci sont trop chers.

Pour les recrutements, malgré un logiciel qui publie les vacances de postes dans les deux langues, on constate que l'anglais est toujours privilégié.

La réalité est très différente des règles officielles : l'anglais au quotidien, les langues étrangères pour les déclarations officielles.

Entretien avec Mme Phyllis Dickstein, bibliothécaire en chef de la bibliothèque Dag Hammarskjold

Mme Dickstein m'a présenté la bibliothèque qui regroupe l'ensemble des documents officiels et de travail de l'ONU, ainsi que 400 000 volumes. La bibliothèque reçoit 25 000 $ par an pour enrichir son fonds. Elle dispose d'un site Web en six langues.

Ma visite m'a convaincu que les ouvrages en français n'étaient pas nombreux dans les rayons.

Conclusion

Que conclure au terme de ces entretiens ? Comme à Genève, mon impression est mitigée.

J'ai le sentiment qu'on me tient un discours de façade : il faut être optimiste, car les textes sont appliqués, même s'il faut que les missions permanentes tapent un peu du poing sur la table, les traductions sortent à temps, et elles sont de qualité. Le multilinguisme est encouragé, car il constitue une chance pour le pluralisme culturel. De plus, les avantages de pouvoir s'exprimer dans sa langue sont tels qu'on n'y renoncera jamais.

Mais cela concerne la partie émergée de l'iceberg.

Pour la partie immergée, c'est-à-dire le quotidien, les relations de travail, les relations informelles ou sans traduction, c'est-à-dire la plus grande partie - et la plus importante - des échanges, la réalité est toute autre. C'est partout l'anglais et on voit mal qu'une masse critique de francophones puisse être atteinte pour faire augmenter les 15 % d'usage du français dans les relations du travail.

Pour moi, c'est le discours pessimiste qui l'emporte, d'autant que c'est celui des jeunes, c'est-à-dire de l'avenir, qui ne se sentent pas investis d'une mission militante.

Alors, une nouvelle fois, que faire ? On m'a suggéré plusieurs pistes :

- veiller aux nominations aux postes de responsabilité, en essayant d'atteindre une masse critique ;

- se déplacer régulièrement à l'ONU, et rappeler les textes, comme le font les missions permanentes ;

- rechercher une meilleure prise de conscience des actions à mener sur le long terme en accueillant les étudiants étrangers et en veillant à réduire le coût des établissements français à l'étranger.

C'est à la fois peu et très ambitieux.

Compte rendu de l'Assemblée générale
de la section française de l'APF
(Sénat - 18 mai 2004)

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La séance est ouverte à 16 heures 30 sous la présidence de M. Bruno Bourg-Broc, président-délégué de la section française.

Point n°1 de l'ordre du jour : désignation de la délégation de la section française à la XXXème session de l'APF à Charlottetown (Ile du Prince Edouard)

M. Bruno Bourg-Broc précise le calendrier de cette manifestation :

- samedi 3 juillet : réunion du Bureau de l'APF ;

- dimanche 4 juillet : réunion du Comité directeur du Réseau des femmes parlementaires de l'APF ;

- lundi 5 juillet : réunion des commissions ;

- mardi 6 et mercredi 7 juillet : assemblée plénière.

La section hôte ne pouvant accueillir des effectifs trop nombreux, il propose que la délégation n'excède pas 11 parlementaires, selon une répartition de 6 députés et 5 sénateurs, étant entendu que M. Jacques Legendre participera à la session en sa qualité de Secrétaire général parlementaire et ne sera donc pas compté dans l'effectif de la délégation.

Il rappelle par ailleurs que les 7 titulaires de mandats internationaux sont prioritaires ; il s'agit, pour l'Assemblée nationale, outre de lui-même, de MM. Richard Cazenave, Président de la commission politique, Jacques Brunhes, rapporteur de la commission de la coopération, René Dosière, vice-président de la sous-commission de l'éducation et Mme Henriette Martinez, rapporteur du Comité directeur des Femmes parlementaires ; pour le Sénat, de MM. Guy Penne, vice-président de la commission des Affaires parlementaires et Joël Bourdin, rapporteur de la commission de l'éducation.

Restent donc à désigner 1 député et 3 sénateurs. Pour ces derniers, le Sénat a tenu une réunion interne à l'issue de laquelle M. Xavier de Villepin, premier vice-président de la section française, a proposé les candidatures de Mme Michèle André, et de MM. Simon Loueckhote et Philippe Marini, MM. Laurent Béteille et Louis Duvernois étant retenus comme suppléants. Pour l'Assemblée nationale, MM. Joël Beaugendre, Marcel Dehoux, Mme Hélène Mignon et M. Christian Philip se sont portés candidats ; il semble judicieux, pour des raisons d'équilibre politique, de retenir M. Christian Philip, les autres candidats étant désignés comme suppléants.

M. Jacques Brunhes souhaite connaître la composition politique de la délégation ainsi constituée.

M. Bruno Bourg-Broc indique que la délégation se compose de 7 représentants UMP (4 députés et 3 sénateurs), 3 socialistes (1 député et 2 sénateurs) et 1 député communiste ; les suppléants se répartissent entre UMP et socialistes.

L'Assemblée générale entérine la composition de la délégation.

Point n°2 de l'ordre du jour : composition de la section

Après avoir observé que ce point n'avait pas été inscrit à l'ordre du jour, M. Bruno Bourg-Broc rappelle que, lors de la réunion de la section le 4 février dernier, Mme Hélène Mignon avait été désignée correspondante de la section pour le réseau parlementaire de lutte contre le VIH/SIDA, en qualité de coordonnatrice, et qu'il a reçu la candidature de M. Philippe Marini au poste de coordonnateur-adjoint.

Cette candidature est approuvée.

Le président Bourg-Broc soumet ensuite à l'assemblée la candidature de M. Louis Duvernois pour succéder à M. Yann Gaillard, qui a démissionné de son poste de Trésorier-adjoint de la section ; cette candidature est également approuvée.

Enfin, il informe ses collègues que le président du groupe UMP du Sénat a désigné M. Serge Franchis pour remplacer M. Michel Pelchat, décédé, et ajoute que de nouvelles modifications devraient intervenir dans la composition de la section à la suite du récent remaniement ministériel.

M. Joël Bourdin indique que M. Gérard Larcher, nommé ministre, sera remplacé prochainement à la présidence du groupe d'amitié sénatorial France-Hongrie ; son successeur deviendra membre de droit de la section en tant que président d'un groupe d'amitié avec un pays francophone.

S'agissant des réunions de la section française, M. Bruno Bourg-Broc envisage d'organiser des rencontres avec plusieurs personnalités de la Francophonie, notamment M. Abdou Diouf, ainsi que des déplacements au siège d'organisations internationales, comme l'UNESCO.

Mme Hélène Mignon indique qu'elle décernera fin mai à Toulouse le prix du jeune écrivain francophone, et propose au Président Bourg-Broc d'attribuer cette récompense au nom de l'APF ; elle précise que la cérémonie, qui consiste en une remise de livres, existe depuis vingt ans et se déroulera cette année en présence de M. Abdou Diouf.

M. Bruno Bourg-Broc se déclare favorable à cette initiative qui confirmera l'intérêt des parlementaires pour la Francophonie, et remercie Mme Hélène Mignon.

M. Marcel Dehoux approuve le principe d'une rencontre avec M. Diouf, qui lui permettra de signaler les dysfonctionnements de l'OIF constatés lors de la mission d'observation électorale qu'il a effectuée en Macédoine : défaut d'organisation et d'appui logistique, non- publication du communiqué final...

Mme Michèle André observe qu'en outre, les délais de saisine de l'APF pour ce type de mission demeurent trop brefs.

M. Bruno Bourg-Broc confirme que la mission d'observation élecorale en Macédoine semble s'être déroulée dans des conditions particulières, au mauvais sens du terme. Quoi qu'il en soit, l'audition du Président Diouf ne pourra avoir lieu qu'après les élections sénatoriales de septembre 2004 et une fois que la section française sera reconstituée.

Point n° 3 de l'ordre du jour : audition de M. Bruno Gain, Ambassadeur, représentant de la France auprès de la Communauté du Pacifique, Secrétaire permanent pour le Pacifique.

Après avoir souhaité la bienvenue à M. Bruno Gain, le Président Bourg-Broc lui demande de préciser le rôle du Secrétaire permanent et la nature de la Communauté du Pacifique, avant d'aborder son exposé concernant la place du français et de la Francophonie dans le Pacifique.

M. Bruno Gain, Ambassadeur, indique que le Secrétariat permanent pour le Pacifique a été créé à la fin des années 80 en même temps que le Conseil pour le Pacifique Sud.

Présidée par le chef de l'Etat et instituée à une époque où la politique française dans la zone faisait l'objet de vives critiques, en raison des essais nucléaires et du dossier néo-calédonien, cette instance regroupant les ministres directement concernés par le Pacifique Sud et quelques hauts fonctionnaires avait pour objet de définir les grandes orientations de la politique française dans cette région. Ce conseil était doté d'un « secrétaire permanent pour le Pacifique Sud » chargé de préparer les réunions du conseil et de faciliter la mise en oeuvre de ses décisions.

En fait, le conseil ne s'est que très rarement réuni mais le poste de secrétaire permanent a été maintenu avec une mission renouvelée au service d'un triple objectif :

- assurer une meilleure coordination entre les différentes administrations françaises qui concourent à l'application de la politique de la France dans cette partie du monde ;

- favoriser autant que possible l'intégration des territoires français du Pacifique, selon l'évolution propre à chacun d'eux, dans l'ensemble régional du Pacifique ;

- contribuer au développement et à l'approfondissement, avec les pays de la zone, de relations fondées sur la coopération et la confiance.

Il est en effet apparu avec évidence que la mobilisation et l'harmonisation des moyens indispensables au succès de l'action de la France dans cette partie du monde exigeaient une coordination étroite et continue des missions relevant des différentes administrations et organismes officiels qui y participent, en métropole comme dans les collectivités territoriales.

D'autre part, la mise en oeuvre de nouvelles institutions en Nouvelle-Calédonie (1999) comme en Polynésie française (1986, 2004) qui attribuent à ces territoires de nouvelles compétences n'a fait que renforcer la nécessité de cette coordination pour faire en sorte que l'intervention de nouveaux acteurs sur la scène régionale ne se fasse pas au détriment de la cohérence de l'action extérieure française.

Sous l'autorité des services du Premier ministre, avec des moyens mis à sa disposition à la fois par le ministère des Affaires étrangères et par celui de l'Outre-mer, le Secrétariat permanent pour le Pacifique veille ainsi à ce que l'action de la France dans le Pacifique Sud soit menée de manière aussi concertée que possible.

Le Secrétariat assure aussi au titre de ses fonctions le suivi quotidien du Fonds de coopération économique, sociale et culturelle du Pacifique ou « Fonds Pacifique » et la mise en oeuvre des projets financés dans ce cadre. Depuis cette année, suite à une décision prise par le Président de la République et annoncée en juillet dernier lors de la réunion France-Océanie qui réunissait autour de lui, à Papeete, la plupart des chefs de gouvernement des Etats insulaires du Pacifique, le comité directeur de ce fonds est composé à parts égales de représentants de l'Etat et d'élus des territoires français du Pacifique. Sa présidence a désormais été confiée en alternance, par mandat de deux ans, aux chefs des exécutifs de la Polynésie française et de la Nouvelle Calédonie. C'est le Président Flosse qui inaugure ce nouveau système pour la période 2004-2005.

Ce fonds a pour mission de :

- faciliter l'insertion des territoires français du Pacifique dans leur environnement régional,

- concourir à la mise en oeuvre de projets de coopération régionale,

- compléter les actions de coopération culturelle et technique mises en oeuvre par nos ambassades dans la zone,

bref, de venir en appui de la politique régionale menée par la France dans le Pacifique insulaire.

Les moyens de ce fonds sont modestes mais ils ont été doublés en 2004 pour passer à 3,2 millions d'euros par an. Cette enveloppe - inscrite au budget du ministère des Affaires étrangères - est au demeurant à la mesure des États insulaires et permet une action efficace, pour peu que les projets sélectionnés soient bien ciblés et que l'on ait recours aussi souvent que possible à des cofinancements.

L'un des avantages de ce fonds est aussi sa grande souplesse d'utilisation et la facilité avec laquelle ses moyens peuvent être mis en oeuvre, ce qui lui confère au fond une efficacité accrue. Avec des effectifs réduits pour la gestion et un formalisme administratif simplifié, le Fonds Pacifique est finalement un instrument recherché qui complète très utilement l'action des ambassades et celle des territoires

Quant à la Communauté du Pacifique, cette organisation mérite en effet quelques explications car elle se trouve rarement à la une de l'actualité, même si son action reste déterminante non seulement pour la coopération dans la zone mais aussi pour le rayonnement de la langue et de la culture françaises.

Avant de rentrer dans le détail de son mode de fonctionnement et de ses objectifs, M. Bruno Gain précise de quel Pacifique il s'agit et rappelle en quelques mots ses caractéristiques essentielles.

Le Pacifique - ou les Pacifiques - est une zone confrontée à des difficultés multiples. Il se présente au fond comme une série de poupées gigognes. Le Pacifique dont il sera question aujourd'hui, ce n'est ni le bassin Pacifique qui regroupe les grand Etats asiatiques et ceux du littoral américain ; ni l'Asie-Pacifique au sens où l'entend le Quai d'Orsay ; mais plutôt le noyau central de la zone : l'Océanie, qui implique un retour aux sources de l'enfance : l'Océanie - notion peu usitée dans le monde anglo-saxon - c'est le cinquième continent, sans doute le plus vague dans ses contours figurant en grands aplats bleutés sur les atlas d'écoliers et dont le nom et la singularité reposent sur cette évidence qui est la prépondérance du fait maritime.

Sur les 16 États indépendants et 8 territoires regroupés dans cette zone, un seul en effet dispose d'une frontière terrestre, la Papouasie Nouvelle-Guinée, avec sa frontière héritée de la colonisation qui la sépare de la province indonésienne de l'Irian Jaya. Et au centre de l'Océanie, le coeur même du Pacifique, l'ultime espace-gigogne de cette vaste zone est constitué des îles du Pacifique Sud qui concentrent en leur champ l'essentiel du mythe paradisiaque et se fondent sur une réalité insulaire parfois moins souriante.

Et c'est précisément ce Pacifique insulaire qui est essentiel pour la France du fait de la présence de trois collectivités d'Outre-mer qui légitiment et inspirent tout à la fois son action dans cette partie du monde.

Il faut en second lieu rappeler brièvement la très profonde diversité du Pacifique Sud.


• Diversité quant à la taille d'abord. Il n'y a rien de commun entre le géant du Pacifique Sud qu'est la Papouasie Nouvelle-Guinée avec ses 4,5 millions d'habitants et ses 460 000 km²  et un État indépendant comme Niue dont la superficie est 100 fois moins importante et la population ne dépasse pas 1 800 âmes.


• Diversité de caractéristiques ethno-culturelles ensuite puisque le Pacifique Sud se fragmente en trois grands sous-ensembles : l'arc mélanésien qui va de la PNG à la Nouvelle-Calédonie en passant par les Salomon et le Vanuatu. Le triangle polynésien qui va d'Hawaï à Auckland puis à l'île de Pâques avec en son centre géographique et historique la Polynésie française. La ligne micronésienne qui au nord de la zone regroupe de part et d'autre de son axe des pays et territoires placés dans la mouvance des Etats-Unis (mais influencés aussi par le Japon). Même si les coupures ne sont pas profondes, elles existent et secrètent solidarités et antagonismes.


• Diversité en termes économiques puisque l'on trouve dans cette zone des (pays) PMA qui se trouvent aux derniers rangs des États en termes de PNB comme Tuvalu (172ème rang) ou Kiribati (181), tandis que certains territoires caracolent en tête comme la Nouvelle-Calédonie (26) ou la Polynésie française (22).


• Diversité de statuts institutionnels dans la mesure où l'on y recense des États pleinement indépendants, des États indépendants mais non membres de l'ONU (Cook, Niue), des territoires dotés d'une large autonomie (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie) ou des territoires encore pleinement dépendants comme les Samoa américaines.


• Diversité linguistique enfin. On estime qu'environ 2.000 langues sont recensées dans le Pacifique. Si l'on estime que nombre d'entre-elles se sont éteintes au cours des siècles derniers, il en existe encore plusieurs centaines, dont plus de 700 langues papoues réparties en une soixantaine de familles sans liens avec les autres langues océaniennes, plusieurs dizaines au Vanuatu (qui détient le record de la plus haute densité linguistique du monde avec plus de cent langues parlées pour un peu moins de 200.000 habitants), 26 en Nouvelle-Calédonie, 2 à Wallis et Futuna, 7 en Polynésie française, etc.

D'autres langues nationales ne sont parlées que par quelques milliers de locuteurs (Tuvalu, Nauru, etc.). Parmi les langues officielles , seules le chamorro (Guam), le maori (Nouvelle-Zélande), le fidjien, le samoan, le tongien et le hawaïen bénéficient de ce statut dans les pays respectifs où elles sont parlées majoritairement. D'où la nécessité de recourir souvent, soit à des langues étrangères (anglais - prédominant -, français), soit à des langues nationales de communication « métissées » qui peuvent être spécifiques à un pays (pidgin en PNG, bichlamar au Vanuatu).

Par ailleurs, certaines langues tendent à disparaître, en dépit de leur reconnaissance officielle, à cause de la pression linguistique environnante (maori en Nouvelle-Zélande et hawaïen aux îles Hawaii, confrontés l'un et l'autre à l'anglais), soit en raison du faible nombre de locuteurs. S'ajoutent enfin à ces langues océaniennes traditionnelles d'autres langues indo-européennes ou asiatiques, héritage de la colonisation, de l'élan missionnaire ou des implantations commerciales (hindi, chinois, japonais, indonésien, hollandais, espagnol, etc.).

De manière paradoxale, ce morcellement représente une chance pour le français qui peut jouer un rôle de trait d'union ou de vecteur de communication dans une région très éclatée sur le plan linguistique. Car le français n'y tient qu'une place marginale : sur les 22 Etats et territoires insulaires membres de la Communauté du Pacifique (exception faite de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande), les francophones ne représentent qu'à peine 7,7 % de la population totale, soit un peu plus d'un demi-million de locuteurs (561.800) sur un total de 7 251 248 habitants.

Si l'on met à part le cas des trois territoires français du Pacifique-Sud, (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna), la langue n'est en effet parlée que par une partie de la population du Vanuatu (soit environ 40% d'une population de 196.500 habitants, selon les statistiques pour 2002 de la CPS).

Dans ces conditions, il n'est évidemment pas facile pour ces francophones de faire entendre leur voix, l'anglais restant majoritairement la lingua franca du monde océanien.

On pourrait dire ainsi devant tant de diversité que le Pacifique - ou les Pacifiques - est singulier pluriel.

Enfin, le Pacifique Sud est confronté à des difficultés de tous ordres.


• Difficultés politiques. L'instabilité politique se généralise dans l'arc mélanésien : la Papouasie Nouvelle-Guinée n'arrive pas à se sortir d'une situation d'instabilité chronique qui s'était cristallisée notamment autour de la crise de Bougainville. Les Salomon qui s'enfonçaient dans l'anarchie et dans un état de non droit généralisé ont été sauvés in extremis de l'implosion par l'intervention de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, la RAMSI (Mission d'assistance régionale aux îles Salomon) qui a dépêché gendarmes, crédits et fonctionnaires pour se substituer à un État défaillant. Le Vanuatu est dans un état de crise larvée semi permanente (parlement dissout, élection présidentielle invalidée). Les Fidji se remettent lentement de leur coup d'État et d'une situation de vives tensions entre communautés indo-fidjienne et fidjienne de souche. En revanche, la situation est meilleure du côté polynésien (à quelques exceptions près : Tonga), et relativement stable au nord, dans la zone micronésienne largement dominée par les Américains.


• Difficultés économiques. Mis à part les cas de la Papouasie Nouvelle-Guinée qui dans un lointain avenir pourrait compter sur ses richesses minières abondantes et diversifiées (or, cuivre, hydrocarbures) et des îles Fidji (avec un tissu substantiel de PME) il n'y a guère d'autres Etats insulaires qui puissent se développer par leurs moyens propres. Le Pacifique est l'une des régions où le taux d'aide au développement par habitant est le plus élevé au monde.


• Difficultés sociales, sanitaires et environnementales enfin. Les problèmes de santé sont légion dans le Pacifique Sud. Ce n'est pas la sous-nutrition mais la malnutrition avec son cortège de maladies (diabète). C'est aussi le SIDA dont les pays insulaires commencent à prendre conscience et qui prend dans certains pays, comme la Papouasie Nouvelle-Guinée, des proportions alarmantes. Ce sont enfin les problèmes liés à l'urbanisation croissante (traitement de l'eau et des déchets) ou tout bonnement à l'environnement, les pays insulaires étant les premiers menacés par les effets d'un réchauffement climatique.

Au total, le bilan est sombre dans cette région qui continue d'être largement dominée par un système de réseaux. Au fond, chacun des pays et territoires insulaires a un lien spécifique ou un lien de « parrainage » qui le rattache à l'une ou l'autre des grandes puissances métropolitaines ou à l'un des deux grands États riverains que sont l'Australie et la Nouvelle-Zélande, créant ainsi une sorte de système réticulé mettant en relations étroites des Etats ou territoires insulaires et l'un de ces « grands » Etats :

. la Nouvelle-Zélande qui compte plus d'un demi million de Maoris et dont la population est à 20 % d'origine océanienne a pris le relais du Royaume-Uni pour contrôler certains États polynésiens qui étaient autrefois sous son mandat (Cook, Samoa, Niue, Tokelau).

. l'Australie tient à bout de bras la Papouasie Nouvelle-Guinée et les Salomon.

. les Etats-Unis se chargent de la plupart des États de la Micronésie (Palau, Etats fédérés de Micronésie, Marshall) sans parler de ses propres territoires.

. la France est quant à elle présente au travers de ses trois collectivités territoriales.

Ce sont au fonds ces quatre Etats qui dominent la région. En revanche, le Royaume-Uni s'est complètement retiré. En même temps apparaissent de nouveaux acteurs. Le Pacifique Sud est le champ clos des rivalités entre la Chine et Taiwan. Le Japon est un contributeur substantiel mais peu présent politiquement. Quant à l'Union européenne, elle apparaît aujourd'hui pour les États de la région comme un partenaire incontournable et est devenue en quelques années le second pourvoyeur d'aide de la région.

Il y a donc dans la région un système puissant de maillages qui renvoient à des systèmes fondateurs différents avec parfois des recouvrements qui ne nuisent pas à une cohérence d'ensemble.

M. Bruno Gain rappelle qu'il y a aujourd'hui deux grandes organisations régionales dans le Pacifique Sud. Une organisation de nature politique et de création récente, le Forum des îles du Pacifique, qui a vu le jour en 1971 et ne regroupe que les Etats indépendants de la région. Et une organisation technique, la Communauté du Pacifique, qui est la principale organisation technique de la région.

Créée en 1947 par la Convention de Canberra sous le nom de « Commission du Pacifique Sud », la CPS est la plus ancienne organisation régionale du Pacifique. Institution apolitique d'assistance technique, elle fournit une aide au développement de la région et a pour ambition de renforcer les compétences techniques, professionnelles, scientifiques et les capacités de recherche, de planification et de gestion des populations océaniennes. La CPS s'efforce de fournir directement aux Etats et territoires insulaires de la région les informations et conseils qui leur permettront de décider en connaissance de cause de leur développement et de leur bien-être futurs.

En 1998 a été décidé un changement de dénomination de cette organisation qui de Commission du Pacifique Sud est devenue la «Communauté du Pacifique» (l'acronyme « CPS » continuant toutefois d'être utilisé).

Lors de sa fondation, la CPS regroupait la France, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni ainsi que les Pays-Bas (lesquels s'en retirèrent en 1962 lorsqu'ils cessèrent d'administrer la Nouvelle-Guinée hollandaise, aujourd'hui Irian Jaya). Au fil de l'évolution institutionnelle des territoires de la région et du mouvement de décolonisation, l'organisation a accueilli en son sein tous les pays et territoires océaniens, quel que soit leur statut.

La Communauté du pacifique regroupe aujourd'hui 27 membres dont 22 États et territoires océaniens et les cinq pays fondateurs 7 ( * ). C'est la seule organisation majeure de la région dont sont membres à la fois la France et ses trois territoires du Pacifique. Il s'agit par ailleurs d'une institution bilingue, l'anglais et le français étant les deux langues officielles de la CPS. Le siège de la Communauté du Pacifique se trouve à Nouméa avec une importante antenne régionale à Fidji.

L'organe directeur de l'organisation est la Conférence de la Communauté du Pacifique. Elle se réunit tous les deux ans dans un État ou territoire qui se propose de l'accueillir. Elle est chargée d'élaborer les politiques de l'organisation. L'année où la Conférence ne se réunit pas, c'est le Comité des Représentants des Gouvernement et Administrations (CRGA) qui se réunit alors à Nouméa. La conférence se tient au niveau ministériel tandis que le CRGA relève plutôt des hauts-fonctionnaires. C'est le CRGA qui s'acquitte désormais d'une bonne partie des responsabilités naguère dévolues à la Conférence. Au sein de ces instances, les décisions sont prises à l'issue de débats fondés sur la tradition océanienne du consensus. A de rares occasions, si les efforts concertés n'ont pas permis de parvenir à un consensus, il peut être procédé à un vote.

La Conférence nomme un directeur général qui peut rester en fonction au maximum pendant six ans, soit trois mandats consécutifs de deux ans. Il s'agit aujourd'hui de Mme Lourdes Pangelinan (Guam) dont le troisième et dernier mandat arrivera à expiration en janvier 2006. Le directeur général est assisté par deux directeurs généraux adjoints : le premier résidant à Suva où il gère l'antenne de la Communauté du Pacifique (M. Jimmy Rodgers, originaire des îles Salomon) et l'autre à Nouméa (M. Yves Corbel, ressortissant français).

Pour l'accomplissement de sa mission, le directeur général dispose d'un Secrétariat général qui, au 1er mars 2002, était doté d'un effectif de 217 agents, dont 134 basés à Nouméa. Le Secrétariat général comprend trois grandes divisions : les ressources sociales qui relèvent du directeur général adjoint de Nouméa, les ressources terrestres dirigées par son collègue de Suva et les ressources minières directement placées sous la responsabilité du directeur général.

La CPS a pour vocation de mettre en place des programmes de coopération au profit de tous les Etats et territoires membres de l'organisation.

Chacun des départements de la Communauté du Pacifique développe ainsi des programmes spécifiques, souvent en collaboration avec d'autres organisations nationales ou internationales.


• Le département des ressources marines est l'un des points forts de la CPS et accorde une attention toute particulière à la gestion des stocks de thonidés dans le Pacifique occidental tropical. La pêcherie hauturière de thons, marlins et autres espèces assimilées passe en effet pour être l'une des rares pêcheries importantes restant au monde qui ne soit pas surexploitée, ni même exploitée à pleine capacité.

La CPS a donc depuis longtemps engagé d'importants programmes pour l'évaluation des stocks de thonidés dans cette zone. En matière de pêche côtière et communautaire, elle aide les Océaniens à affirmer davantage leur présence économique dans ce secteur et développe de nombreuses activités en matière de formation halieutique, de gestion et d'évaluation des ressources récifales ou d'information.


• Le département agriculture et foresterie (basé à Suva) a de son côté mis l'accent au cours des derniers exercices sur la lutte contre les nuisibles, la protection des végétaux, la formation paravétérinaire, le contrôle zoosanitaire, la valorisation et l'amélioration de la qualité des produits agricoles d'exportation.


• Dans les domaines suivis par le département des ressources sociales, la priorité stratégique reste la mise en valeur des ressources humaines mais s'accompagne désormais de nouveaux axes et projets concernant la santé (notamment pour la lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et les maladies à transmission vectorielle). Les questions relatives à la jeunesse, à la promotion de la condition féminine et à la diffusion (et la protection) des cultures océaniennes font également l'objet de programmes spécifiques.

Le financement de la Communauté du Pacifique est assuré par deux sources de revenus qui alimentent son budget : les contributions statutaires versées par chacun de ses membres, et les contributions volontaires. A ce jour, quatre des États fondateurs assurent près de 85% du financement statutaire : 30,5% pour l'Australie, 18,2% pour la France, 18% pour les Etats-Unis, 18% pour la Nouvelle-Zélande. A ces contributions statutaires qui représentent environ 30 % du budget total de l'organisation s'ajoutent les contributions volontaires allouées tant par certains membres (Australie, France, Nouvelle-Zélande en particulier ) que par d'autres bailleurs de fonds. Sur un budget total de 21 millions d'euros pour l'exercice 2003, les ressources statutaires ont représenté 6,5 millions d'euros et les fonds non statutaires, essentiellement sous forme de financement de projet, près de 14,5 millions d'euros.

Si les pays fondateurs continuent de financer l'essentiel du budget statutaire, la part des autres donateurs mérite d'être relevée, notamment celle de l'Union européenne qui, avec 2,55 millions d'euros en 2003, est désormais le quatrième contributeur de l'organisation derrière l'Australie (5,15 millions d'euros, 25,3 %), la Nouvelle-Zélande (3,09 millions d'euros, 15,16 %) et la France, troisième bailleur de fonds avec 2,83 millions d'euros, soit 13,4 % du budget total de l'organisation.

Quels sont les principaux enjeux de la CPS pour la France ?

La Communauté du Pacifique joue un rôle primordial en vue de faciliter l'insertion des territoires français dans leur environnement régional. Seule organisation océanienne dont ils soient tous trois membres à part entière au même titre que la France, la CPS constitue pour ceux-ci un point d'ancrage important en vue du développement de leur politique d'intégration régionale.

En particulier, la présence de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française à la CPS ne peut que conforter leur image dans la zone. Il s'agit au fond de mettre en valeur cette participation comme signe et gage de leur volonté de s'inscrire dans la région océanienne et d'y poursuivre une politique active de coopération. L'implantation en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française de plusieurs centres de recherche et de développement (INRA, Institut Pasteur, IRD, etc.) dont l'expertise peut être mise au service de la CPS est du reste de nature à faciliter cette interaction entre l'organisation et nos territoires du Pacifique.

La question du siège de la CPS est en principe réglée puisqu'elle a été tranchée en 1992 en faveur de Nouméa, de préférence à Suva, avec pour corollaire l'emménagement dans de nouveaux locaux financés en grande partie par la France qui a consenti un effort financier exceptionnel pour cette opération financée à 85 % par notre pays (coût total du projet : 13,4 millions d'euros).

Néanmoins se pose périodiquement la question d'un regroupement à Fidji de l'ensemble des organisations techniques régionales, ce qui pourrait être de nature à remettre en cause la prééminence du siège de Nouméa à plus ou moins long terme. Toutefois, ces menaces ne doivent pas être exagérées car l'intérêt d'autres pays et territoires à conserver sur leur sol l'implantation du siège ou des antennes d'agences techniques régionales milite contre une concentration des organisations régionales à Suva. Si l'harmonisation de l'action des organisations techniques régionales reste bien entendu un objectif souhaitable, il faut toutefois se garder d'encourager ces projets de regroupement qui risqueraient d'affaiblir le statut de Nouméa comme siège de la CPS. La prudence s'impose donc en ce domaine.

La nécessaire rigueur budgétaire à laquelle est astreinte l'organisation ne doit pas se faire pour autant au prix d'un affaiblissement de la place du français au sein de la Communauté du Pacifique.

Si l'organisation a jusqu'à présent respecté la règle du bilinguisme anglais/français, les contraintes budgétaires risquent cependant d'inciter certains des partenaires anglophones à suggérer des économies sur les services de traduction ou d'interprétariat. C'est une dérive contre laquelle il faudra se battre. La défense de la diversité linguistique et du pluralisme culturel au sein de la CPS va d'ailleurs de pair avec une politique visant à promouvoir autant que possible la présence de ressortissants français au sein du Secrétariat général, à des niveaux décisionnels mais aussi à des postes d'experts. Cette politique doit évidemment se faire en étroite liaison avec les autorités de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna pour faire en sorte que des professionnels originaires des trois territoires trouvent leur place au sein des effectifs de l'organisation.

Ces questions sont aujourd'hui doublement d'actualité avec d'une part le retrait annoncé du Royaume Uni qui, à compter de 2005, cessera toute aide bilatérale au Pacifique Sud qui ne constitue plus une priorité pour Londres (ce qui impliquera une baisse des ressources statutaires de la CPS même si les Britanniques n'y contribuaient qu'à hauteur de 6%) ; et, d'autre part, la construction à Suva d'une nouvelle antenne de la CPS, financée par la Chine (ce qui accentuera la tentation d'une délocalisation partielle de certains services de la CPS vers Suva, où les coûts de fonctionnement sont nettement inférieurs à ceux de Nouméa).

M. Bruno Gain rappelle que jusqu'à la fin des années 80, la France se cantonnait au fond dans une position plutôt défensive dans la région. Il existait à l'époque une sorte d'union sacrée dans le Pacifique Sud pour critiquer la France sur deux fronts : la condamnation systématique des essais nucléaires, érigée au rang de rituel fédérateur, et la dénonciation d'une politique jugée à l'époque trop restrictive quant à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie. C'est autour de ces deux axes que s'est en grande partie structuré, dans les années 70, le Forum des îles du Pacifique.

Aujourd'hui, le paysage politique de la région s'est considérablement modifié. L'arrêt définitif des expérimentations nucléaires à Mururoa et la mise en place d'un processus évolutif en Nouvelle-Calédonie ont permis de couper court aux reproches.

L'Australie a par ailleurs été progressivement conduite à repenser sa stratégie régionale pour mieux tenir compte de son identité, de ses impératifs de défense et de la protection de ses propres intérêts. Le Pacifique Sud n'échappe pas aux bouleversements induits par la mondialisation et subit l'impact de lignes de fracture qui le fragilisent en même temps qu'apparaissent de nouveaux acteurs. Une instabilité chronique s'installe dans l'arc mélanésien. Les territoires français tissent désormais leur propre réseau de relations extérieures et affirment leur personnalité sur le plan régional. Le Forum adopte une attitude beaucoup plus ouverte et soucieuse de dialogue et de coopération avec la France comme avec les collectivités territoriales françaises.

Dans ce contexte évolutif, le changement de la perception que les Etats insulaires de la région ont de la présence et de l'action de la France dans la région, allié à une certaine détérioration de l'image de l'Australie, et plus généralement de la « tutelle » anglo-saxonne, se traduit par un regain d'intérêt pour la France et la francophonie.

Partenaire désormais reconnu comme un facteur de stabilité et dont l'aide est autant appréciée que recherchée, la France ne fait plus figure de repoussoir, bien au contraire. Elle apparaît de plus en plus souvent comme une alternative bienvenue au modèle anglo-saxon qui, par certains côtés, s'essouffle et peine à répondre aux préoccupations des pays insulaires. La politique dynamique menée par la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française en vue de nouer et développer des relations avec leurs voisins ne fait que renforcer ce regain d'intérêt pour la France et les territoires français du Pacifique : leur voix est désormais non seulement écoutée mais entendue.

Alors qu'une conscience politique océanienne émerge peu à peu, le sentiment d'appartenance au même cercle de famille conduit les Etats insulaires du Pacifique à se montrer plus ouverts à l'égard de nos territoires mais aussi plus réceptifs à l'approche de notre pays qui se démarque de celle du monde anglo-saxon. Dégagée des problèmes qui obéraient son action, la France peut désormais passer d'une attitude purement défensive à une politique plus éclectique et positive, d'autant que sur de nombreux thèmes (environnement, aide au développement), elle est en phase avec les préoccupations des Etats insulaires. De plus, la France est perçue par ces derniers comme leur principal avocat (sinon le seul) auprès des instances européennes.

La France et la francophonie ont ainsi un rôle à jouer pour peu que l'on sache mettre en oeuvre des propositions concrètes de coopération avec les Etats de la région et développer une approche cohérente à leur égard, en très étroite liaison avec les territoires français du Pacifique.

La visite du Président de la République en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française et le sommet informel France-Océanie qui a permis de réunir autour du chef de l'Etat, le 28 juillet dernier à Papeete, les dirigeants de pratiquement tous les pays océaniens de la région ont donné une impulsion déterminante à notre politique dans le Pacifique et y a suscité de nouvelles attentes. Il lui appartient maintenant de ne pas décevoir ses partenaires et de poursuivre la dynamique ainsi créée.

Les territoires français du Pacifique ont un rôle essentiel à jouer dans le développement de la francophonie et des relations culturelles internationales de la région.

En premier lieu, sur le plan politique, les efforts menés par les gouvernements territoriaux de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie en vue de développer des relations plus suivies avec leurs voisins et partenaires contribuent déjà à accroître le rayonnement de la France et de la francophonie dans cette partie du monde, même si cette action implique un effort accru pour assurer la cohérence de sa politique extérieure.

La présence sur ces territoires de nombreux instituts scientifiques et de recherche (IFREMER, CIRAD, IRD, IAC, Institut Pasteur, etc.) permet de soutenir et de nourrir avec une efficacité accrue les programmes de coopération avec les Etats de la région, aussi bien qu'avec les organisations régionales. Ces instituts sont autant d'instruments au service du rayonnement scientifique et culturel de la France dans la région.

Enfin, sur un plan strictement culturel, les Universités de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française ont un rôle important à jouer pour tisser un réseau de relations avec les organisations universitaires de la région, que ce soit l'East-West Center et l'Université d'Hawaii, l'Université du Pacifique Sud (USP, University of the South Pacific à Suva, Apia, Port-Vila) ou d'autres encore. C'est ainsi, par exemple, qu'une « Maison des étudiants du Vanuatu » à Nouméa a été créée sur le campus de l'université de la Nouvelle-Calédonie, dans le cadre d'un projet financé conjointement par la France et l'Australie. Il est par ailleurs indispensable que ces deux universités mettent en place un véritable réseau francophone qui permette de concurrencer ce qui se fait dans le monde anglo-saxon.

Certains programmes - comme le projet « ESP@DON » de campus régional numérique via Internet, initié conjointement par l'Université de la Polynésie française et d'autres universités de la région et de la métropole - sont ainsi exemplaires de l'action que ces universités décentralisées peuvent mener au service de la culture française et de la francophonie. C'est également ce que fait le Centre de Rencontres et d'Echanges Internationaux du Pacifique (CREIPAC) en Nouvelle-Calédonie en vue de faciliter la diffusion de la langue française dans la région, cet organisme étant du reste susceptible de jouer un rôle accru pour des opérations de formation professionnelle au profit des Etats insulaires.

Ainsi, aucune action sérieuse ne peut être conduite au service de la francophonie dans cette partie du monde sans qu'elle s'appuie sur ces territoires ou les associe. Au demeurant, s'ils peuvent jouer un rôle de relais déterminant pour la promotion de la francophonie et de notre culture, les territoires ne sauraient supporter seuls le coût de ces actions de promotion qui impliquent un effort financier substantiel de l'Etat pour les y aider.

La France et les collectivités françaises d'Outre-Mer ont tout à gagner à utiliser les avantages que leur vaut son appartenance à l'Union Européenne et à la valoriser davantage encore.

Les territoires français du Pacifique font de la France le seul État membre de l'Union européenne riverain du Pacifique (exception faite de la Grande-Bretagne qui ne possède plus dans la région que le rocher de Pitcairn, avec ses 47 habitants). Ces trois territoires sont des collectivités à statut particulier associés à l'Union européenne au titre des PTOM (Pays et Territoires d'Outre-mer). Certes, ce statut est sans doute moins avantageux sur le plan financier pour nos collectivités que celui des régions ultra-périphériques puisqu'elles n'émargent qu'au Fonds européen de développement (FED). Néanmoins, le statut de PTOM ouvre de larges possibilités en matière de coopération avec l'Europe dans le domaine économique et social.

A l'heure de la globalisation des marchés, ces collectivités du Pacifique peuvent ainsi devenir une « tête de pont » permettant à la fois d'assurer un meilleur lien entre le Pacifique et l'Union européenne et de servir de lieu d'implantation privilégiée pour certaines activités. Les pays ACP du Pacifique ont par ailleurs mieux pris conscience de l'importance de l'Europe pour leur développement économique, notamment depuis la réunion des chefs d'État et de gouvernement de ces pays qui s'est tenue à Suva en juillet 2002, mais aussi au travers de l'action du FED (auquel la France contribue à hauteur de 24%). Cette perception renouvelée des relations euro-Pacifique ne peut que stimuler les relations des Etats insulaires avec nos territoires perçus comme un vecteur de la présence européenne avec tout ce qu'elle pourrait apporter dans le futur au monde océanien.

Il conviendrait par ailleurs d'assurer un meilleur suivi dans la zone des activités de l'Union européenne, partenaire désormais perçu comme un acteur essentiel de la coopération internationale dans le Pacifique Sud où la Commission est aujourd'hui bien implantée (délégation à Suva, bureaux à Nouméa, Apia, Port-Vila etc.). Il serait en effet paradoxal que les relations entre les services européens et les nôtres ne soient pas étroites et confiantes alors que la France est le seul pays de l'U.E. présent dans la zone (cas de Pitcairn et du Royaume Uni mis à part) et l'un des principaux contributeurs du Fonds européen de Développement.

La France et les collectivités françaises du Pacifique ont par ailleurs intérêt à jouer la carte des organisations régionales bilingues qui peuvent les aider en dépit de la place très minoritaire du français dans la zone. Il s'agit d'abord de la Communauté du Pacifique, bien entendu, mais il existe d'autres points d'appui.

Installée à Apia (Samoa), le Programme régional océanien de l'Environnement (PROE, ou SPREP en anglais) est la seconde organisation régionale du Pacifique à pratiquer le bilinguisme. Ses compétences sont plus limitées que celles de la CPS puisque son champ d'activité se concentre sur l'environnement.

Mais il s'agit d'un domaine d'une importance cruciale pour les pays insulaires du Pacifique qui sont davantage qu'ailleurs menacés par les conséquences du réchauffement climatique (élévation du niveau de la mer qui menace jusqu'à l'existence même de certains atolls), ou qui doivent faire face aux menaces que fait peser le développement des activités économiques et sociales (pollution due au tourisme, rejet et traitement de l'eau, etc.) sur un milieu écologique et une biodiversité particulièrement fragiles.

Comme pour la CPS, les trois territoires français du Pacifique sont membres à part entière de cette organisation qui sert maintenant de réceptacle et de coordinateur pour un très grand nombre de programmes financés par la Communauté internationale dans le domaine de l'environnement. La Polynésie française accueillera en septembre 2004 la prochaine conférence générale du PROE et la conférence des ministres de l'environnement des Etats membres ce qui permettra de faire valoir cette dimension francophone.

A noter enfin que les instances francophones sont relativement peu présentes dans la zone ce qui n'a en soit rien de surprenant compte tenu de la faiblesse relative des effectifs concernés. L'Agence universitaire de la Francophonie dispose ainsi d'un bureau de représentation à Port-Vila. Mais ce dernier dépend directement de l'agence régionale de l'AUF à Hanoï évidemment davantage réceptive à la problématique de l'Asie du Sud-Est qu'à celle de l'Océanie. Il n'en reste pas moins qu'il faudrait continuer à soutenir les efforts encore timides de cette organisation francophone dans la région.

Pour M. Bruno Gain, le lancement d'opérations de coopération transversales à haute visibilité permettrait d'affirmer le potentiel et la présence de la France dans la zone.

Premier exemple : les « Assises de la recherche française dans le Pacifique ». Le Président de la République a annoncé lors du sommet France-Océanie de Papeete cet exercice qui rassemblera à Nouméa du 23 au 27 août prochain, d'une part, l'ensemble des instituts et centres de recherche français implantés dans la zone (CIRAD, IAC, IRD, IFREMER, BRGM, Ecole pratique des hautes études, Institut Pasteur, Institut Louis Mallardé, Laboratoire d'étude et de surveillance de l'environnement, etc.) et, d'autre part, leurs homologues et correspondants des Etats de la région.

Cette réunion aura un triple objectif :

. identifier des problématiques communes à la recherche dans l'ensemble de la région Pacifique. Il s'agira de répertorier des thèmes de recherche actuels et futurs, mais aussi de préciser les enjeux et leurs perspectives : impact de la recherche, coopérations envisageables entre les différents partenaires de la région, orientations à donner à la recherche dans cette partie du monde.

. valoriser le potentiel offert par les territoires français du Pacifique comme partenaires et acteurs de la recherche à l'échelon régional. Tous les grands instituts de recherche participeront à cet exercice ;

. mettre en relief l'intérêt qu'offrent pour la région les territoires français comme « frontière active » de l'Europe mais aussi chercher réciproquement à amener davantage d'implication de l'Europe auprès des instituts de recherche français.

En toile de fond, ces assises devraient permettre de dresser un répertoire des acteurs locaux, nationaux ou régionaux potentiels en vue de développer des activités ou programmes de recherche conjoints ou concertés au profit du Pacifique Sud et de créer un véritable réseau de la recherche. Elles devraient également permettre aux participants de mieux voir comment mobiliser des soutiens pour la réalisation de leurs programmes de recherche (comment mieux répondre aux appels d'offres ; comment mieux s'intégrer dans des grands programmes de recherche; comment obtenir des soutiens institutionnels).

Pour autant, la vocation régionale de cet exercice ne sera pas exclusive d'une importante dimension franco-française qui devra permettre de tracer les grands axes de la recherche française dans la zone pour les années à venir et de fournir une « feuille de route » à l'ensemble des organismes concernés.

Le contenu de ces assises a été structuré autour d'un programme d'interventions qui s'appuiera sur des thèmes de recherche choisis pour leur importance dans le Pacifique et pour la recherche nationale : aquaculture; biodiversité marine et terrestre; exploitation minière et environnement; ressources agricoles, minérales et en eau ; interactions entre culture et développement économique, santé, etc. Son financement sera assuré pour l'essentiel par le Fonds Pacifique mais aussi par les ministères de l'Outre-Mer et de la Recherche ainsi que par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Deuxième exemple, l'initiative régionale française sur la protection et la gestion des récifs coralliens. Lancée par l'Agence française de Développement en partenariat avec le ministère des Affaires étrangères, cette initiative marquera une étape importante pour la protection de la biodiversité dans le Pacifique Sud. Annoncée par le Président de la République - comme les assises de la recherche - lors du sommet de Papeete, ce programme associera la plupart des organismes français et des organisations régionales travaillant sur les questions d'environnement dans la zone (à commencer par le PROE), mais aussi des ONG telles que le WWF ou Conservation International.

Il a deux principaux objectifs :

. un objectif technique et économique : contribuer à la gestion durable et à la protection des récifs coralliens comme base du développement des pays insulaires du Pacifique et comme élément du patrimoine mondial ;

. un objectif d'intégration régionale : mettre en relation les capacités et l'expérience acquise à la fois dans les territoires français du Pacifique et au travers des recherches et programmes des instituts et centres français de recherche, mais aussi les capacités et l'expérience de tous les États de la région, afin de capitaliser cet acquis et de le diffuser au bénéfice de l'ensemble de la région.

Cette initiative portera sur un ensemble de thèmes liés à la problématique des récifs coralliens : état des récifs et exploitation de leurs ressources vivantes, délimitation et gestion des aires marines protégées, valorisation de la biodiversité marine, renforcement du réseau de surveillance des récifs, gestion communautaire des ressources marines, plans de gestion de l'environnement marins, aménagement des bassins versants, restauration des récifs et aménagement des milieux. Ces différents thèmes seront articulés autour de trois composantes majeures.

Ce projet mobilisera des capitaux importants avec un budget de 8 millions d'euros sur 3 ans, fournis pour l'essentiel par l'AFD et le Fonds français pour l'Environnement mondial (FFEM) mais aussi par le ministère des Affaires étrangères, en particulier le Fonds Pacifique. Il sera officiellement lancé en septembre prochain à l'occasion de la réunion annuelle des ministres de l'environnement des Etats membres du PROE.

Enfin, troisième exemple, l'effort significatif pour promouvoir les médias et l'audiovisuel français dans la région. La France a pendant longtemps souffert d'un certain ostracisme de la presse anglo-saxonne et de l'absence de médias francophones ou d'organes d'information susceptibles de relayer les vues françaises. Toutefois, la situation s'améliore progressivement à cet égard.

RFO mène une politique volontariste de partenariat avec d'autres chaînes de radiotélévision océaniennes, notamment avec Fidji. Les derniers Jeux du Pacifique ont donné lieu l'an dernier à une opération de coopération entre RFO et d'autres chaînes océaniennes en vue de couvrir pour la première fois cet événement en pool. RFO a également organisé en février dernier à Papeete un Festival du film documentaire océanien qui a rassemblé producteurs et diffuseurs d'émissions télévisées destinées au public du Pacifique Sud. Ces rencontres ont donné lieu à un vaste brassage d'idées et fourni une excellente occasion de contacts entre représentants de médias océaniens.

Le paysage audiovisuel s'est d'autre part enrichi récemment avec la diffusion de Radio France International sur la bande FM dans certains Etats insulaires (Fidji, Vanuatu). De son côté, Canal France International (CFI) se propose de développer des partenariats entre les pays insulaires et de promouvoir aussi bien des actions de formation que des opérations visant à la diffusion de programmes français en commençant par Fidji et le Vanuatu.

A noter enfin la publication quotidienne en langues française et anglaise d'un bulletin d'information et d'une revue de presse publiés par un journaliste français résidant à Suva. Soutenu par RFO et par le Fonds Pacifique qui ont pris le relais de l'ambassade de France à Fidji pour lui apporter une aide financière, ce bulletin diffusé gratuitement sur Internet sous le nom de Flash d'Océanie/Oceania Flash est devenu aujourd'hui un instrument d'information irremplaçable pour tous ceux qui s'intéressent à l'actualité du Pacifique.

M. Bruno Bourg Broc remercie M. Bruno Gain de son exposé très détaillé sur une zone du globe souvent méconnue ; il lui demande si toutes les îles du Pacifique ont conscience d'appartenir à la communauté française et si le français est pratiqué au siège de la Communauté du Pacifique, indépendamment du fait qu'il est parlé à Nouméa.

M. Bruno Gain répond que la directrice générale de cette organisation, Mme Lourdes Pangelinan, a fait l'effort d'apprendre le français, alors qu'originaire de Guam, elle parlait le chamorro ; c'est d'ailleurs en français qu'elle s'est entretenue avec le Président de la République lors de sa visite en Nouvelle-Calédonie.

Le français est pratiqué au siège de la Communauté du Pacifique, ce qui entraîne des coûts de traduction jugés souvent trop élevés, et qui ne peuvent se justifier que si les représentants des trois territoires français assistent aux réunions, si les fonctionnaires du secrétariat de l'organisation parlent français, et si l'on incite les experts invités aux réunions ou aux colloques à intervenir en français.

Il serait bon également d'assurer la représentation des collectivités locales françaises au secrétariat du Programme régional océanien pour l'Environnement, autre organisation théoriquement bilingue qui siège à Apia, mais dans laquelle l'anglais est en réalité la seule langue pratiquée.

M. Jacques Brunhes ne croit pas à la possibilité de défendre le français sans un appui financier et économique substantiel ; l'intérêt géopolitique du Pacifique semble méconnu, alors qu'il s'agit d'une région-clé pour l'avenir ; il s'interroge sur la nature des actions à mener et sur le rôle de l'Union européenne : est-il concurrent ou complémentaire de celui de la France ?

M. Bruno Gain estime qu'il serait dommage de sous-estimer cette zone, qui réunit un ensemble d'Etats susceptibles d'appuyer la politique française au sein de l'Organisation des Nations Unies.

Les domaines d'intervention sont multiples, y compris en dehors de la Communauté du Pacifique ; ainsi, une organisation comme le Conseil de coopération économique du Pacifique offre un autre cadre d'action à la France, puisqu'elle en est le seul membre européen grâce à ses territoires ; les Calédoniens sont très actifs au sein de cet organisme et s'apprêtent, par exemple, à organiser une série de rencontres sur les problèmes miniers, auxquelles participera la Chine.

Les transports aériens, qui posent un problème lancinant du fait de l'insularité,  constituent aussi un domaine dans lequel la France peut manifester sa présence ; l'interruption des liaisons assurées par Air France a limité les perspectives de développement économique de la région ; or, il serait préférable que la zone Pacifique utilise Airbus plutôt que Boeing.

Les intérêts de la France dans le domaine de la pêche sont défendus par l'Union européenne ; aucun armateur français n'est présent dans la région, mais la France siège dans les négociations en tant que pays côtier, et doit se faire l'interprète des trois territoires, ce qui peut la mettre en porte-à-faux dans le cas où elle prendrait des engagements internationaux qui ne seraient pas suivis, par exemple, par les Polynésiens.

Elle doit, de la même manière, mettre en cohérence les décisions qu'elle approuve dans le cadre européen avec les positions prises par le Forum du Pacifique, avec lequel elle entretient de bonnes relations.

Il conclut que la France doit être présente sur tous les fronts, à Bruxelles, et dans la zone, auprès des représentants de l'Union européenne.

Commission de la coopération et du développement
(Marrakech, 24 - 27 mai 2004)

Rapport présenté par M. Jacques Brunhes, député,
au nom de la section française de l'APF :
« tourisme, éthique, développement et mondialisation :
état des lieux et perspectives dans les pays francophones »

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Au cours du XXème siècle, l'industrie du tourisme a connu un essor spectaculaire et se positionne dorénavant, en dépit des aléas conjoncturels, parmi les secteurs les plus dynamiques de l'économie mondiale.

La reconnaissance de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), en décembre 2003, comme agence spécialisée de l'ONU, est venue confirmer le rôle déterminant de ce secteur d'activité sur le plan international.

Les effets puissants de l'activité touristique, tant positifs que négatifs, dans les domaines économique, social, culturel et environnemental, ont engendré depuis plusieurs années, une prise de conscience de la nécessité d'en maîtriser le développement. La conférence de Rio de Janeiro, en 1992, a souligné le rôle que peut exercer le tourisme en faveur du développement durable : le patrimoine culturel et environnemental constituent les ressources propres du tourisme et leur sauvegarde est d'un intérêt capital pour cette industrie.

Le tourisme fournit également de nouvelles opportunités pour satisfaire aux objectifs tels que la croissance économique et l'emploi, la cohésion sociale et le bien-être des populations.

Dans cette perspective, tant les États que la profession et les ONG concernées ont pris de multiples initiatives qui manifestent une réelle mobilisation pour promouvoir un tourisme éthique et durable, avec des résultats tangibles non négligeables.

Toutefois, la mise en application des nombreuses recommandations édictées dans ce domaine par les organisations internationales rencontre encore de grandes difficultés.

I. Les incidences économiques, sociales, culturelles et écologiques du tourisme

1.1 Tourisme et développement économique

La part du tourisme dans l'économie mondiale a beaucoup augmenté au cours des cinquante dernières années. L'ensemble du secteur représentait 12 % du PIB mondial en 2002, ce qui en fait la première industrie de la planète.

De 1950 à 2000, le nombre de touristes est passé de 25 à 702 millions, soit une croissance annuelle moyenne de 4 %. Après une période de crise entamée en 2001, et qui a vu une chute de 1,2 % du nombre des arrivées internationales en 2003, l'OMT prévoit une nette reprise en 2004. Si celle-ci se confirmait, le cap du milliard de touristes par an pourrait être franchi en 2010.

Le secteur touristique constitue un puissant moteur de développement économique en raison de ses effets multiplicateurs et d'entraînement sur le reste de l'économie. Il est un grand pourvoyeur d'emplois : environ 200 millions en 2002, soit 8 % du total mondial. De plus ces emplois, en majorité non qualifiés ou semi-qualifiés, sont pour une part importante occupés par des femmes, des jeunes, des minorités, catégories sociales parmi les plus défavorisées.

Pour certains pays en développement, comme les petits États insulaires, dotés de faibles ressources, ou pour certaines régions en déclin, le tourisme est parfois la seule option économique viable. Pour 22 des 49 pays les moins avancés (PMA), il se situe dans les trois premiers postes d'exportation.

Le tourisme contribue également d'une manière non négligeable au produit intérieur brut de nombreux pays développés, et peut dans certains cas en constituer le poste principal. La section andorrane de l'APF rappelle ainsi que « le tourisme, moteur économique de l'Andorre, représente 60 % de son produit intérieur brut, ce qui en fait un secteur primordial à tous les niveaux ».

Lors de la réunion de la commission qui s'est tenue à Marrakech les 24 et 25 mai 2004, le représentant de la section macédonienne de l'APF a ainsi souligné que le développement de ce secteur d'activité, qui présente un fort potentiel dans un pays qui se situe « à la croisée des cultures occidentale et orientale », constitue une priorité qui justifie des investissements importants en matière d'infrastructures.

Cet apport est cependant très variable selon les pays. Les recettes engendrées par l'activité touristique sont également très inégalement réparties.

Le tourisme national, qui fait intervenir une redistribution du revenu intérieur, représente 80% de l'activité.

La majorité des flux touristiques concerne en outre les pays développés (principaux émetteurs et destinataires). La part des pays émergents, notamment de l'Asie orientale et du Pacifique, augmente sensiblement depuis quelques années, tandis que celle de l'Afrique sub-saharienne a tendance à décroître en valeur relative, même si l'on y observe une hausse du nombre des entrées, en valeur absolue.

Le représentant de la section burkinabé a également déploré, lors de la réunion de Marrakech, l'extrême faiblesse des flux du tourisme intérieur dans les pays du Sud.

Ce déséquilibre se retrouve aussi dans la concentration des opérateurs du secteur : les cinq premiers tours-opérateurs, compagnies aériennes et chaînes hôtelières du monde ont leur siège dans les pays développés. Les trois quarts du parc mondial d'hôtellerie sont sous la maîtrise de six groupes internationaux.

Par ailleurs, les États ne possédant pas de réseaux locaux d'approvisionnement pour le secteur touristique voient une diminution notable de leurs recettes touristiques en devises, amputées par l'importation de matériaux de construction et de biens de consommation, l'amortissement de la dette extérieure contractée pour la mise en place des infrastructures lourdes, le rapatriement des bénéfices réalisés par les investisseurs étrangers, les dépenses promotionnelles à l'étranger, etc.

Ce constat pose la question de la redistribution des retombées économiques du tourisme, les pays pauvres apparaissant précisément comme ceux qui en bénéficient le moins. Lors des rencontres internationales de Paris consacrées au thème « Tourisme, éthique et mondialisation » que j'avais organisées en mars 2002 en ma qualité de Secrétaire d'Etat au Tourisme, ma collègue malienne d'alors, Mme Zakiyatou Halatine, avait posé le problème en ces termes : « Une question demeure posée, celle de l'équité de la distribution des ressources générées par le tourisme. L'équité permet de faire du tourisme une ressource durable ». Elle avait notamment insisté sur la nécessité de « payer convenablement les services, même si le revenu de la population d'accueil est bas. Cette attitude est fondamentale ».

Par ailleurs le tourisme se caractérise par une très grande vulnérabilité par rapport à des aléas de nature variée : politiques, sanitaires, économiques, sociaux ou climatiques. Les exemples récents d'évènements ayant eu un impact majeur sur l'activité touristique ne manquent pas : les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis (selon les estimations de l'OMT, ils auraient provoqué la perte de 10 millions d'emplois dans le secteur du tourisme dans le monde), l'épidémie de SRAS en Asie, la guerre en Irak, etc. La section libanaise de l'APF évoque le handicap que constitue la crise persistante du Moyen-Orient pour la reconstruction de son industrie touristique, ruinée après la guerre civile qu'a connue ce pays.

1.2 Tourisme et développement socio-culturel

Le développement économique s'accompagne de mutations sociales et culturelles. L'impact du tourisme dans ce champ est particulièrement sensible, en raison de son rôle de vecteur du développement et de promoteur des échanges économiques et culturels.

Le tourisme contribue au développement social et à la lutte contre la pauvreté par la création d'emplois et la création de richesse globale. La mise en place des infrastructures matérielles et sociales nécessaires à l'activité touristique bénéficie souvent à l'ensemble de la population dans les domaines clés du développement humain, comme la santé par exemple.

La représentante québécoise à Marrakech a également évoqué l'intérêt du développement touristique dans les campagnes comme moyen d'y retenir les jeunes et de lutter contre l'exode rural.

Le tourisme incite et procure les moyens financiers nécessaires à la protection, l'amélioration et parfois même la réhabilitation du patrimoine culturel mondial (monuments et sites historiques, musées...), éléments essentiels à la promotion de l'ensemble des activités touristiques. Pour des motifs analogues, le tourisme est un facteur de valorisation et de promotion des coutumes et cultures locales. Le tourisme contribue donc à la reconnaissance et au respect de la pluralité des identités culturelles.

Ce constat s'applique notamment à la francophonie, et de fait, M. Ego Perron, Président de la section valdôtaine de l'APF, avait conclu ainsi son rapport sur « La situation du français dans le tourisme culturel : état des lieux et perspectives », présenté lors de l'Assemblée Régionale Europe des 5 et 6 novembre 2003 à Delémont : « la préservation de la culture francophone est désormais étroitement liée aussi au destin du tourisme en général, et notamment à la croissance du tourisme culturel ». Son co-rapporteur M. Maxime Jeanbourquin, Président de la section jurassienne, citait quant à lui l'exemple suivant : « Persuadés que le tourisme peut jouer un rôle déterminant dans la préservation de leurs groupes respectifs, les acadiens et les créoles de Louisiane prennent des initiatives dans la mise en valeur de lieux de mémoire ethniques - donc francophones - en lien avec le tourisme ».

Dans le même temps, certaines pratiques touristiques, dont la plus scandaleuse est le tourisme sexuel, peuvent exercer des effets déstabilisants pour les communautés d'accueil et engendrer des coûts sociaux importants. Ces effets sont plus prononcés pour les économies en transition et en développement, plus fragiles et donc plus sensibles aux phénomènes d'acculturation. Ces coûts sociaux et culturels sont fortement dépendants de la capacité des autorités locales à maîtriser et gérer les flux touristiques.

Ces coûts augmentent lorsque l'activité touristique tend à se substituer intégralement à d'autres secteurs d'activités en puisant aux mêmes ressources : l'utilisation des terres agricoles à des fins de construction ou l'abandon des métiers traditionnels moins rentables que ceux liés au tourisme.

Le représentant du Maroc à la réunion de Marrakech a également souligné le risque de déséquilibre démographique lié à l'exode des populations vers les zones touristiques.

Le tourisme peut ainsi favoriser le développement d'une "monoculture" économique et accroître la vulnérabilité des sociétés concernées.

La saisonnalité du secteur touristique peut par ailleurs être un facteur de précarité sociale. Enfin, la pression foncière peut contraindre les habitants de lieux touristiques à quitter leur domicile habituel, ainsi que l'a illustré le représentant de la section marocaine de l'APF en citant l'exemple des « ryads » de Marrakech, dont un grand nombre ont déjà été acquis par des investisseurs occidentaux. Dans certains cas, les projets touristiques motivent le déplacement forcé de la population locale (lorsque des villages sont détruits pour construire un complexe hôtelier) et opèrent une ponction sur les ressources rares, comme l'eau, au détriment des communautés d'accueil (les exemples extrêmes sont la construction des golfs, ou l'entretien des pelouses des complexes hôteliers dans les zones arides, au détriment des cultures vivrières...).

Certaines zones, comme le littoral ou les parcs naturels, peuvent être réservées à l'activité touristique et interdites d'accès aux riverains.

Ces derniers ne participent que trop rarement à l'élaboration des projets locaux et ne bénéficient souvent qu'assez peu de leurs retombées économiques.

1-3 Tourisme et environnement

D'une manière générale, l'industrie touristique exerce un moindre impact sur les ressources naturelles et environnementales que la plupart des industries et contribue à la reconnaissance de la valeur de l'environnement comme source de richesse et d'activité économique.

L'exigence de la sauvegarde de l'environnement pour assurer la viabilité des exploitations touristiques est un puissant facteur de promotion de pratiques cohérentes avec l'objectif de durabilité : la mise en place d'une infrastructure adéquate, la protection des sites naturels et culturels grâce aux apports financiers et à la sensibilisation de la population locale aux enjeux de cette sauvegarde.

Les sites classés « patrimoine de l'humanité » par l'UNESCO comprennent les plus beaux paysages au monde, des réserves animalières parmi les plus riches

Mais les défis que l'industrie touristique doit relever sont importants.

Du fait des ressources qu'elle consomme, de la pollution et des déchets résultant du développement des infrastructures et installations touristiques et de l'intensification des transports, cette industrie peut avoir des effets nocifs sur l'environnement.

Le traitement et l'élimination des déchets sont des problèmes particulièrement préoccupants pour les pays qui ne disposent pas des infrastructures, des moyens financiers ou des ressources physiques pour les résoudre. C'est par exemple une question critique dans les petits États insulaires en développement. Plus généralement, la pression de l'activité touristique dans les zones côtières, la construction des infrastructures et l'urbanisation sauvage altèrent la beauté naturelle de ces zones.

L'usage intensif de l'eau douce par l'industrie touristique, s'ajoutant à la demande croissante de l'agriculture, de l'industrie et des ménages, peut entraîner des problèmes d'approvisionnement et de gestion.

L'accès équitable aux ressources en eau de la planète constitue en effet une source croissante de préoccupation, comme l'évoquait notre collègue Paul Galland, de la section de la Communauté française de Belgique, dans le rapport intitulé « Eau et développement durable » qu'il nous a présenté lors de la dernière session de notre commission.

Enfin la sur-fréquentation de certains sites naturels peut aboutir à faire peser une pression trop forte sur la flore et la faune. Celle-ci est particulièrement menacée par certaines pratiques touristiques, ainsi que le souligne la contribution de la section tchadienne de l'APF : « Le tourisme cynégétique détruit les espèces rares ou ayant un processus de reproduction lent : oryx, rhinocéros, éléphant, etc. L'intensification de la chasse conduit certaines espèces à une fuite, une émigration hors de la zone ou du pays même ».

II. La naissance du concept de « tourisme durable »

La volonté de relever le défi du tourisme durable a donné lieu il y a plus de trente ans aux premières expériences telles que le tourisme alternatif, qui restèrent cependant en marge du système prédominant et le fait d'entrepreneurs isolés.

C'est à partir des années 1980 que la réflexion a trouvé un ancrage institutionnel et que toute une série de textes et de codes de conduite ont vu le jour, principalement dans la dernière décennie. Cette prise de conscience s'inscrit dans le contexte général d'une sensibilité accrue aux préoccupations environnementales.

2.1 La prise de conscience

Dès 1a fin des années 1970. certains rapports soulignent l'impact social et culturel du tourisme (Smith 1978, Mathieson et Wall 1982, Murphy 1985). Le rapport Bruntland (1987) met en exergue les préoccupations écologiques et le concept de « développement durable » défini comme un « processus de changement par lequel l'exploitation des ressources, l'orientation des investissements, des changements techniques et institutionnels se trouvent en harmonie et renforcent le potentiel actuel et futur de satisfaction des besoins des hommes ».

La conférence de Rio (1992) permettra la diffusion de ce concept en soulignant la nécessité de modes de développement plus aptes à préserver les ressources de la planète. Elle adoptera l'Agenda 21, un programme exhaustif définissant de nouvelles stratégies de développement.

Le terme « tourisme durable », utilisé par l'OMT à partir de 1988, s'inspire de ce cadre. Il n'existe cependant pas de définition unique du tourisme durable. Il recouvre les notions de responsabilité, d'équilibre, d'éthique. Ainsi la conférence internationale de Lanzarote (1995) précise : « le développement touristique doit reposer sur des critères de durabilité ; il doit être supportable à long terme sur le plan écologique, viable sur le plan économique et équitable sur le plan éthique et social pour les populations locales » (article 1).

Cette nouvelle démarche s'appuie sur l'idée que les effets indésirables générés par l'activité touristique sont susceptibles d'affecter à long, voire à moyen terme, la demande et les bénéfices.

Cette préoccupation figure en filigrane des thèmes retenus pour la journée mondiale du tourisme depuis sa création en 1980 (« le tourisme comme facteur de conservation et de promotion de l'héritage culturel, de paix et de compréhension mutuelle » en 1980, « tourisme et qualité de vie » en 1981, « le voyage, les vacances sont un droit, mais aussi une responsabilité pour tous » en 1983, « le tourisme au service du développement » en 1987...).

2.2 L'élaboration des textes de principes

Dans cette perspective, des chartes, déclarations et codes de bonne conduite concernant des aspects généraux ou spécifiques, et appelant à de profondes évolutions dans la manière de développer le tourisme, ont été élaborés par des organismes internationaux, des agences gouvernementales, des organismes professionnels du tourisme et des ONG.

Ils proposent en général une synthèse des principes clés du développement durable appliqués au tourisme, tels que le principe de précaution, de prévention, de réduction des impacts territoriaux et environnementaux du tourisme, de gestion des flux et de l'énergie, de protection des écosystèmes. Ils proposent également le développement des zones protégées, l'intégration des communautés locales à la formulation, à la réalisation et à la gestion de projets touristiques, ainsi que la coordination et la concertation des acteurs.

Parmi les documents les plus importants figurent, au plan international : la déclaration de Manille sur le tourisme mondial (1980), la charte des droits du tourisme et le code de conduite du tourisme (Sofia 1985), la charte du tourisme durable (Lanzarote 1995), la déclaration de Manille sur l'impact du tourisme sut la société (1997), la déclaration de Berlin sur la biodiversité et le tourisme durable (1997), l'Agenda 21 pour l'industrie du tourisme et du voyage (1996), qui est la transposition au secteur du tourisme de la déclaration de Rio, et surtout le Code mondial d'éthique du tourisme adopté par l'Assemblée générale de l'OMT en 1999 et par l'Assemblée générale de l'ONU en 2001.

Texte de référence, ce dernier se présente comme une synthèse des textes précédents, assortie de la prise en compte de préoccupations nouvelles. Il vise à promouvoir un « nouvel ordre touristique mondial », équitable, responsable et durable, au bénéfice partagé de tous les acteurs, dans un contexte « d'économie internationale ouverte et libéralisée ».

Il énonce les principes éthiques qui devraient guider le développement touristique ainsi que les droits et obligations respectifs de tous les acteurs publics et privés du secteur, il insiste notamment sur la nécessité d'une prohibition absolue du tourisme sexuel, de l'association des communautés d'accueil aux projets de développement, de la mise à disposition pour les voyageurs de renseignements fiables, de l'étalement des flux touristiques pour prévenir la saturation et d'une coopération accrue entre pays développés et pays en développement.

Selon le secrétaire général de l'OMT, « l'ambition du Code est de mettre en relief un ensemble de valeurs qui sont vraiment communes et universelles », et de présenter « une source d'orientations normatives pour les nombreux acteurs dont seul l'engagement permettra que le tourisme évolue de façon équitable et profitable à tous ».

En octobre 2001, l'Assemblée générale de l'OMT, tenue à Séoul et à Osaka, a pris la décision de constituer un Comité mondial d'éthique du tourisme, ayant pour mission de suivre l'application du Code.

Lors de sa première réunion, qui s'est tenue à Rome le 3 mars 2004, le Comité s'est engagé à établir des « paramètres de mise en oeuvre » dans les domaines qu'il s'est fixé comme prioritaires, à savoir : l'exploitation des êtres humains et notamment des enfants, le développement durable du tourisme, la liberté de mouvement des visiteurs, le respect effectif du droit au tourisme, le commerce équitable des services touristiques et l'éducation à l'observance des principes éthiques.

Au niveau régional, on peut souligner entre autres l'existence de l'Agenda 21 adopté par la conférence de Calvia sur le tourisme et le développement durable en Méditerranée (1997) et la Convention pour la création de la zone de tourisme durable de la Caraïbe, adoptée par l'Association des États de la Caraïbe en décembre dernier (un texte d'autant plus important qu'il concerne des pays en développement, que les engagements sont contraignants et prévoient un mécanisme de contrôle).

Dans le cadre européen, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a élaboré une recommandation aux États membres relative à une politique générale de développement d'un tourisme durable et respectueux de l'environnement (1994). La Commission européenne a pour sa part décidé en octobre 2003 la création d'un « Groupe de pilotage et de suivi de la durabilité du tourisme ». Dans une Communication adoptée le 21 novembre, qui précise les missions de cette nouvelle structure, elle indique également sa volonté d'intégrer la dimension du développement durable du tourisme dans les politiques d'aide aux pays en développement.

2.3 La mise en application des principes

Les initiatives des organisations internationales

Les organisations onusiennes se mobilisent pour faire connaître et promouvoir le développement durable du tourisme. Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) a noué des partenariats avec les associations internationales de professionnels du tourisme et leur communique des informations et des exemples de bonnes pratiques écologiques. Depuis 1997, l'OMT organise des séminaires régionaux sur le thème du tourisme durable.

L'ONU a déclaré l'année 2002 « Année internationale de l'écotourisme », dont les deux coordonnateurs sont l'OMT et le PNUE.

Les critères du tourisme durable interviennent de manière croissante dans la détermination de l'aide internationale, multilatérale ou bilatérale accordée aux projets de développement touristique.

Lors de la décennie mondiale du développement culturel (1988-1998), l'UNESCO a établi des partenariats avec l'OMT, la Banque mondiale, le PNUD ainsi qu'avec des entreprises privées, des gestionnaires de sites et des spécialistes en vue de la protection à long terme du patrimoine culturel. Dans ce cadre, l'UNESCO soutient une large gamme de projets de tourisme culturel : réseau de « villes de culture » européennes pour mieux gérer les flux touristiques et valoriser le patrimoine, rédaction avec des acteurs publics et privés d'un code de conduite pour un développement durable du tourisme au Sahara, sauvegarde, dans le cadre du projet « Mémoire du Futur, du patrimoine culturel de Pétra (Jordanie), d'Angkor (Cambodge), du Machu Picchu (Pérou) avec l'appui financier des professionnels du secteur touristique...

Une réelle prise de conscience au niveau national

L'ensemble des contributions que j'ai reçues de différentes sections de l'APF font état d'une réelle prise de conscience, dans leurs pays respectifs, de la nécessité de prendre en compte les notions d'éthique et de durabilité dans l'élaboration des politiques nationales de développement touristique.

La section libanaise exprime explicitement une véritable volonté de rupture des autorités de ce pays par rapport aux pratiques du passé, dans la reconstruction de son secteur touristique dévasté par des années de guerre civile : « la réintégration du Liban dans le marché mondial du tourisme ne doit pas se focaliser sur le tourisme de masse adopté par plusieurs pays voisins durant les dernières décennies, mais surtout recréer un tourisme sélectif et qualitatif ».

Il m'est évidemment impossible de citer dans ce rapport les très nombreuses initiatives décrites dans les différentes contributions en matière de tourisme éthique et durable, et je vous invite à vous y reporter directement.

Je me propose toutefois d'en évoquer quelques exemples significatifs :

- au titre de la protection de l'environnement

La section du Luxembourg évoque les efforts de ce pays pour limiter le trafic automobile, par la création de pistes cyclables afin d'encourager la pratique du cyclo-tourisme, et l'octroi d'abonnements à tarifs avantageux sur les transports en commun dont le réseau a été étudié de manière à desservir l'ensemble des principaux sites visités.

Les autorités du Nouveau-Brunswick ont mis l'accent sur la protection de la faune, en plafonnant le nombre d'excursions d'observation des baleines et de la faune ornithologique.

La section québécoise mentionne notamment les efforts pour désengorger la vieille ville de Québec par la création de zones piétonnes et l'accent mis sur la promotion de l'écotourisme, confiée à une association spécifique (AQPERE) dotée de moyens d'action importants.

La contribution de la République du Congo pose comme préalable au redémarrage du tourisme dans ce pays la lutte contre les atteintes à l'environnement, et notamment « le braconnage, le déboisement et les feux de brousse ».

La section du Canada, quant à elle, rappelant que ses richesses naturelles constituent le principal potentiel touristique de ce pays, expose dans sa contribution les structures et les stratégies mises en place afin de « trouver un juste équilibre entre l'accessibilité aux touristes et la protection de l'intégrité du milieu naturel ».

- au niveau de la préservation du patrimoine et des cultures locales

La contribution du Burkina Faso insiste particulièrement sur ce point : impact des grandes manifestations culturelles telles que le FESPACO (Festival du cinéma africain), création en 2002 d'une Direction du Patrimoine touristique au sein du Ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme.

Stigmatisant la concentration de la fréquentation dans des « villages touristiques » artificiels, desservis par des vols charters, la section togolaise préconise au contraire de « privilégier un type de tourisme (...) prenant en compte l'intérêt des visiteurs et celui des visités et respectueux de l'environnement humain, des équilibres socio-culturels et des cultures locales ».

- dans les stratégies globales de développement du secteur

La contribution de la Tunisie, exposant les inconvénients d'une concentration quasi-exclusive de l'activité touristique sur les côtes, indique que « la nouvelle stratégie de développement, issue de l'étude réalisée en 2002-2003 avec le concours de la Banque mondiale, a pour finalité de modifier fondamentalement cet état de choses ». Cette nouvelle stratégie est fondée sur le concept de « durabilité du développement, la durabilité étant perçue dans son sens général qui consacre la pérennité de l'essor de l'activité touristique et de ses effets induits sur l'ensemble du pays (impact sur l'environnement, promotion des ressources culturelles, intégration au contexte général du pays) ».

Par ailleurs de nombreux pays se sont dotés de législations nationales visant à encadrer le développement de leur industrie touristique, à l'instar du Cap-Vert qui, dès 1991, a adopté une loi prévoyant que « l'Etat et les municipalités doivent s'assurer que l'activité touristique se développe en respectant l'exigence de la protection de l'environnement, des réserves naturelles, de l'équilibre écologique et du patrimoine culturel », comme l'évoque la contribution de la section de l'APF de ce pays.

Au total, une cinquantaine de pays ont transposé tout ou partie du Code mondial d'éthique dans leur dispositif législatif. La France a élaboré sa propre charte nationale d'éthique du tourisme en s'inspirant largement de ce code.

Certaines politiques nationales s'efforcent également de favoriser le tourisme social : en France, avec les dispositifs du « chèque vacances » et de la « Bourse solidarité vacances », ou encore les mesures pour l'accueil des touristes handicapés.

Citons également l'instauration, dans plusieurs pays, d'une « taxe éco-touristique », ainsi que les initiatives visant à confier la gestion de projets directement par les communautés locales, avec l'encouragement des autorités publiques.

La mobilisation des opérateurs

L'industrie du tourisme a mis en place plusieurs types d'initiatives volontaires comme le système de management environnemental (SME). Utilisé dans les infrastructures touristiques, surtout dans les hôtels, il vise la réduction des déchets et de la consommation d'énergie et d'eau. Des guides pratiques et des manuels sont diffusés dans le but d'aider à identifier les impacts environnementaux et la définition des lignes d'action.

Les professionnels ont également développé des indicateurs tels que les « éco-labels », fondés sur des critères fiables et quantifiables, et qui permettent aux clients d'éclairer leurs choix.

L'« International Hotel Environment Initiative » constitue un autre exemple de programme novateur dans le domaine de la gestion environnementale. Dirigé par un conseil réunissant 12 des plus grandes entreprises hôtelières mondiales, il conçoit des supports de formation aux questions environnementales propres à l'hôtellerie, fait connaître ses programmes relatifs aux « meilleures pratiques », élabore des directives concernant l'emplacement et la conception des hôtels...

Au total, de très nombreuses actions ont été engagées par les entreprises, individuellement ou collectivement, pour promouvoir le tourisme durable aussi bien dans les pays développés que dans les pays en voie de développement. Beaucoup de tours-opérateurs, pour répondre à une demande de plus en plus diversifiée, proposent une offre adaptée, inscrite dans une démarche éthique qui souligne la responsabilité du touriste vis-à-vis du lieu et des communautés d'accueil.

Les formes de tourisme alternatif se développent également et selon certaines estimations, l'éco-tourisme capterait entre 2 et 4 % du marché.

Enfin, les ONG font non seulement avancer l'exigence du tourisme éthique et responsable par leur action de lobbying auprès des instances internationales et nationales, leur participation aux processus de concertation, les modélisations qu'elles proposent aux entreprises touristiques, leur effort de formation et d'information des voyageurs, ainsi que par l'organisation, dans certains cas, de « voyages de rencontre et de dialogue », mais elles participent aussi activement aux mouvements qui militent pour la protection des richesses naturelles ou culturelles et la défense des intérêts des communautés locales.

III. Les limites de la démarche

Le soutien apporté par la plupart des professionnels à l'objectif du tourisme durable, le consensus sur les principes le régissant, se heurtent cependant aux limites inhérentes aux textes et aux difficultés de leur mise en oeuvre.

3.1 Les failles des textes

Les textes actuels ne sont pas contraignants et peu de normes sont réellement effectives. Il n'y a pas d'organisme de contrôle et de vérification des engagements.

Le respect des principes édictés sur la base du volontariat est d'autant plus difficile que l'industrie du tourisme englobe un vaste ensemble de sous-secteurs, de petites et moyennes entreprises et se compose d'une multitude d'acteurs. Elle est de ce fait très diversifiée et hautement fragmentée.

Pour s'appliquer pleinement, les principes d'un tourisme durable, responsable et éthique, requièrent une mondialisation maîtrisée et solidaire.

3.2 Les difficultés de la mise en oeuvre

La définition des critères précis du tourisme durable n'est pas aisée. L'OMT a certes proposé, lors des réunions d'experts sur le tourisme et l'environnement, de 1992 à 1996, une série d'indicateurs qui doivent contribuer aux prises de décision des différents acteurs du développement durable. De multiples travaux d'experts et d'universitaires sont également disponibles.

La diversité des situations rencontrées dans les différentes régions du globe rend toutefois difficile l'application d'une grille de critères uniformes.

D'autre part, les instruments d'analyse du développement durable sont plutôt centrés sur les critères écologiques : une série d'indicateurs du développement économique compatible avec la sauvegarde de l'environnement existe et c'est d'ailleurs dans ce domaine que les principaux progrès ont été réalisés. Les informations objectives sur les systèmes sociaux et culturels sont en revanche beaucoup plus rares, a fortiori sur les systèmes de valeur qu'il s'agit de préserver. Les études sur l'impact socio-culturel et économique du tourisme sur les communautés locales d'accueil sont relativement peu nombreuses en comparaison de celles relatives aux écosystèmes.

La faiblesse économique, financière et technique des pays en développement et en transition rend plus difficile, en l'absence d'une aide internationale spécifique, l'application d'un certain nombre de recommandations.

Ces derniers manquent souvent des infrastructures coûteuses nécessaires pour un développement écologiquement viable du tourisme, par exemple dans les domaines du traitement autonome des déchets et d'épuration des eaux usées. L'expertise et la formation font également défaut. Les transferts financiers, dans un cadre international, multilatéral ou bilatéral, liés aux projets touristiques sont certes très conséquents mais les conditions de leur attribution restent hétérogènes et pas toujours conformes aux exigences du tourisme durable.

Dans la perspective du tourisme durable, les territoires ont une capacité limitée, plus ou moins grande selon les cas, d'accueil des touristes. Or la prise en compte de cette limite se heurte souvent aux besoins économiques des États dont le PIB dépend, pour une part importante voire essentielle ou vitale, du tourisme.

Par ailleurs, des interrogations subsistent quant aux pratiques qui ont parfois cours dans le secteur du transport aérien, étroitement lié à celui du tourisme. L'accident, en janvier dernier, d'un vol charter à Charm el Cheikh, qui a fait 148 victimes, a soulevé de sérieux doutes sur les conditions de sécurité offertes par certains transporteurs. La libéralisation, depuis les années 80, de l'aviation civile et la guerre des tarifs aériens ont conduit certaines compagnies à réaliser des économies sur des postes comme les salaires, les services, voire la maintenance et la formation des personnels. En outre, par souci de rentabilité, les avions de compagnies charters peu scrupuleuses sont parfois soumis à des rythmes de rotation tels que les contrôles techniques prévus par les normes internationales ne peuvent être effectués dans leur intégralité. Même si ce type de pratiques demeure exceptionnel - il convient de rappeler à cet égard que le transport aérien demeure le plus sûr de tous les modes de déplacement -, la communauté internationale devra édicter à brève échéance des dispositions susceptibles d'y mettre fin.

Enfin, la lutte, entamée tardivement, contre le scandale que constitue le tourisme sexuel, et notamment celui qui concerne les mineurs, n'est pas parvenue à endiguer ce fléau. La plupart des pays concernés, ainsi que ceux qui sont les principaux pourvoyeurs de touristes, ont certes lancé des campagnes d'information et de sensibilisation, souvent relayées par les opérateurs privés (notamment les compagnies aériennes et les chaînes hôtelières). Nombre d'entre eux se sont également dotés de dispositions législatives qui permettent, dans ce domaine, de poursuivre des personnes qui se sont rendues coupables de faits commis à l'étranger. Toutefois la loi du silence, les pressions subies par les victimes, les compromissions de toute nature ainsi que les difficultés à apporter la preuve des faits reprochés ont jusqu'alors limité les procès à quelques cas isolés.

Plus grave, le drame de l'exploitation sexuelle des enfants dans le secteur du tourisme connaît une forte progression en Afrique, comme l'ont constaté les participants au séminaire organisé début octobre 2003 à Dakar par l'OMT. Cette situation s'explique en premier lieu par le sous-équipement de ce continent sur les plans tant préventif que répressif. Aujourd'hui, seuls cinq Etats africains (Afrique du Sud, Angola, Maurice, Sénégal et Togo) ont adopté un plan national d'action contre ce phénomène.

Conclusion

Thème à peine émergeant dans les années 80, les notions de tourisme éthique et durable imprègnent désormais les stratégies nationales et les schémas directeurs du tourisme, ainsi que les pratiques de nombreux opérateurs de la profession. Il convient naturellement de s'en réjouir.

Le constat des progrès restant à accomplir suscite de nouvelles réflexions et propositions d'action.

Certaines sont consensuelles, telles la nécessité de porter un effort accru sur la sensibilisation et l'éducation du consommateur, ainsi que le développement de l'enseignement professionnel et de la formation continue sur le tourisme éthique et durable. Comme l'ont souligné plusieurs sections à Marrakech, il s'agit d'un domaine dans lequel les instances de la Francophonie pourraient jouer un rôle très utile, ces notions étant au coeur des valeurs qui fondent la solidarité au sein de la communauté francophone. Par ailleurs, le secteur touristique peut constituer un puissant vecteur de promotion de la diversité culturelle.

De même, les propositions visant à intégrer d'une manière systématique les critères écologiques et sociaux dans les procédures d'examen par les bailleurs de fonds internationaux des demandes de prêts et d'investissement concernant les projets touristiques, semblent de mieux en mieux acceptées. Leur mise en pratique constituerait un puissant levier pour promouvoir le tourisme durable.

Toutefois, le souhait exprimé par de nombreuses ONG de rendre plus contraignants les engagements découlant des textes de principes, par l'instauration d'un système indépendant de suivi et de contrôle, se heurte à la position de la profession, qui privilégie l'autorégulation et les initiatives volontaires.

Il revient aux organisations internationales de rendre leur arbitrage, sachant que les opérateurs admettent d'ores et déjà la nécessité de contrôles plus rigoureux dans des domaines cruciaux comme le traitement des déchets, la gestion de l'eau ou l'utilisation du sol.

En outre, sur le plan éthique, des efforts importants doivent encore être accomplis afin de parvenir à une meilleure redistribution des revenus du tourisme, entre pays émetteurs et pays receveurs d'une part, ainsi que, au sein de ces derniers, au profit des populations locales des régions visitées.

Par ailleurs, dans le domaine connexe du transport aérien, les autorités internationales compétentes, alertées par de récentes catastrophes, doivent accroître leur vigilance afin que les impératifs de sécurité ne soient pas sacrifiés sur l'autel des exigences de rentabilité.

Enfin, la lutte contre le tourisme sexuel, et notamment l'exploitation des mineurs (les enfants sexuellement exploités seraient plus de deux millions dans le monde selon l'estimation des ONG spécialisées) requiert une mobilisation urgente et déterminée de la communauté internationale, notamment sur ses nouvelles terres de conquête que constitue le continent africain. Lors de la réunion de Marrakech, plusieurs sections se sont notamment prononcées en faveur d'une généralisation et d'un durcissement des lois d'extraterritorialité dans ce domaine.

Des avancées sur tous ces plans conditionnent la réalisation de l'objectif d'un tourisme solidaire et maîtrisé, qui peut contribuer à l'atténuation des déséquilibres planétaires. Comme disait Madame Louise FRECHETTE, secrétaire générale adjointe de l'ONU, lors des rencontres internationales de Paris sur « Tourisme, éthique et mondialisation » : «  Si le tourisme peut présenter des avantages pour les communautés hôtes et contribuer à l'atténuation des pauvretés, nous savons tous qu'il existe un revers de la médaille... Voyager est l'occasion d'apprendre et de s'enrichir au contact d'une autre culture. Cette expérience doit être partagée et bénéficier également aux populations locales et à l'environnement. »

XXX ème session annuelle de l'APF
(Charlottetown, 4 - 7 juillet 2004)

Rapport d'étape, présenté par M. Bruno Bourg-Broc, député,
relatif au français dans les institutions internationales :
le cas de Vienne

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Depuis près de deux ans, je procède à des rencontres de délégués, de représentants permanents, ou de hauts fonctionnaires dans diverses institutions internationales. Après Bruxelles, Genève et New York, je me suis rendu, les 20 et 21 avril, à Vienne. Je vous en présente aujourd'hui le compte-rendu. Il ne s'agit bien évidemment que d'un rapport d'étape, le quatrième, le rapport final devant intervenir au printemps prochain, après notre réunion d'Addis-Abeba, si celle-ci est maintenue à l'automne, et après que nous aurons visité quelques institutions internationales parisiennes, et notamment l'Unesco.

Entretien avec M. Patrick Villemur, Représentant Permanent de la France auprès de l'ONU et des organisations internationales à Vienne

M. Patrick Villemur à tout d'abord décrit son périmètre d'intervention : l'Office des Nations Unies à Vienne avec les organes subsidiaires de l'Assemblée générale et du Conseil économique et social ainsi que les organes conventionnels, notamment l'Organe international de contrôle des stupéfiants, l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel, l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires et enfin l'Arrangement de Wassenaar, qui concerne l'armement conventionnel. À cela, s'ajoutent divers comités et commissions.

En tout, 3870 personnes pour les Nations unies de Vienne et 2000 personnes pour l'AIEA.

Il convient tout d'abord de faire une distinction entre le nucléaire et le non-nucléaire, le français étant en meilleure position dans le non-nucléaire.

Cependant, on constate partout que tout le monde s'exprime en anglais, sous le prétexte que les secrétaires ne parlent pas le français et que les traductions prennent du temps ou sont mauvaises. Même quand des missions sont envoyées dans des pays francophones, leurs travaux s'effectuent en anglais. S'agissant en outre d'organisation au caractère technique marqué, les Africains y sont très peu nombreux, ce qui constitue un facteur défavorable à la francophonie.

Par ailleurs, sur les treize représentations des pays membres officiels de la francophonie, une seule est francophone : celle du Burkina Faso. De plus, les ambassadeurs ont souvent plusieurs casquettes et ne sont pas nécessairement présents à Vienne.

Vienne pose également le problème du travail du conjoint, qui se révèle très difficile. De plus, la vie à Vienne suppose la connaissance de l'allemand. Comme l'anglais est nécessaire dans les organisations internationales, la connaissance d'une troisième langue se révèle difficile, ce qui constitue un obstacle supplémentaire à la francophonie.

La dégradation de la place du français est certaine. Ainsi, les délégations de l'Union européenne s'expriment désormais uniquement en anglais, le français étant complètement abandonné.

Par ailleurs l'ONU recrute de moins en moins, on ne peut désormais y rester que sept ans au plus, et la carrière n'est ni attractive, ni valorisée.

Dans ces conditions, que faire ? Les pistes décrites par M. Patrick Villemur sont peu nombreuses et difficiles :

- essayer de motiver les 3 ou 4 % de francophones ;

- passer des conventions avec l'ONU Vienne pour promouvoir le français comme langue de conférences de presse et d'expression officielle ;

- essayer de financer des capacités de traductions et d'interprétation pour certaines grandes négociations ;

- traduire les sites Internet en anglais...

Cette dégradation de la place du français dans les organisations internationales est régulièrement exposée aux autorités nationales dans le cadre des questionnaires budgétaires et des visites extérieures. Mais cela ne semble une priorité pour personne.

En conclusion, je dirais que M. Patrick Villemur ne croit plus guère à la francophonie à Vienne, sans cependant cesser de chercher à redresser la barre. Le combat pour le multilinguisme n'intéresse pas grand monde à Vienne.

Entretien avec Mme Nicole Galeazzi, chef de la section de traduction française de l'ONU Vienne, M. George Aldegué, chef de la section de traduction française de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), M. Pierre Nocture, spécialiste du cycle du combustible nucléaire et président de l'Association des fonctionnaires internationaux français en Autriche (AFIFA).

La description, par mes interlocuteurs, de la situation du français au sein de l'AIEA est particulièrement négative.

Le recrutement qui, en théorie, suppose la connaissance de deux langues officielles, se fait exclusivement en anglais. La cause en est simple : la plupart des experts nucléaires ne parlent pas français.

Les coûts de traductions sont prohibitifs, 240 dollars pour 330 mots, et celles-ci sont réalisées plus pour la forme que pour le fond, puisque tous s'expriment en anglais. Seuls les documents officiels sont traduits. Quant aux services d'interprétation, ils ont disparu, car trop chers. Même la production de l'Agence, comme les textes de normalisation, ne sont que rarement traduits.

Le résultat est que les Africains ne peuvent suivre les travaux de l'AIEA et que les jeunes s'orientent vers des études dans les pays anglo-saxons.

Pour mes interlocuteurs, les pays francophones, et notamment la France, ont une large part de responsabilité : alors que les délégations américaines et celles des autres pays anglophones (Canada, Afrique du Sud, Australie...) sont très importantes, voire pléthoriques, les délégations francophones sont très peu nombreuses. Et dès qu'il y a des négociations techniques, mais aussi commerciales, les Anglo-Saxons, toujours majoritaires, prennent la direction des groupes de rédaction. Tout se fait alors en anglais.

La situation la plus favorable est celle de l'Office européen des brevets, dont les trois langues officielles sont l'anglais, l'allemand et le français et qui sort tous les documents dans ces trois langues. Seules les conférences de presse se font en anglais et en allemand en raison du siège situé à Munich.

Toutefois, la documentation technique est le plus souvent en anglais. Mais il ne serait pas opportun de pousser à la traduire, car cela serait inutile et coûteux.

20 % des fonctionnaires de l'Office sont francophones, mais, là aussi, va se poser le problème du renouvellement des générations, les nouveaux arrivants étant plus anglophones.

À l'OTICE (Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires), l'anglais est la seule langue de travail.

Dans toutes ces organisations, les revendications pour une meilleure prise en compte de l'allemand ou de l'espagnol se heurtent, comme pour le français, au coût du multilinguisme. Par ailleurs, certaines organisations, telles que l'ONUDI (l'Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel), sont en perte de vitesse et de nombreux postes ne sont pas remplacés.

D'une façon générale, même si le français est enseigné dans ces organisations, cela concerne les postes intermédiaires. L'encadrement est résolument anglophone. Dans un monde technique et industriel, la francophonie n'est pas un sujet de préoccupation.

En revanche, l'environnement francophone à Vienne existe, qu'il s'agisse du lycée français, de la presse, des spectacles, de la télévision (TV5 et Arte en français), ou des radios (sur Internet).

Pour seule solution, mes interlocuteurs conseillent d'être pragmatique : veiller au recrutement, à la diffusion de TV5...

Entretien avec M. Baumann, directeur de l'administration de l'ONU Vienne, adjoint de M. Costa, Secrétaire général adjoint des Nations unies

M. Baumann a tout d'abord rappelé que le français était l'une des deux langues de travail de l'ONU Vienne. Mais, la plupart du temps, seul l'anglais est utilisé. Des efforts importants sont néanmoins faits pour que les sites Internet soient bilingues, voire trilingues. Pour l'instant, ils ne sont qu'anglophones. La raison est uniquement financière. Des arbitrages doivent être rendus, par exemple en réduisant le nombre des publications.

En revanche, tous les documents officiels sont traduits en six langues. Mais les autres le sont en fonction des besoins. Cela concerne notamment les publications d'information. L'allemand y est notamment privilégié en raison du nombre des visiteurs parlant cette langue.

Pour M. Baumann, on peut déplorer le poids de l'anglophonie, même si c'est un mauvais anglais, mais il s'agit d'un fait. On ne peut non plus parler de multiculturalisme, car on assiste à une perte des différences, une sorte de "colonisation de soi-même" par la culture anglo-saxonne.

À la question de savoir si une politique de défense du français était mise en oeuvre, M. Baumann a indiqué que les évaluations se faisaient dans la langue des personnes et que le français était la langue la plus enseignée (2750 personnes contre 1500 en anglais).

Il a également longuement parlé de la mise en place d'une bibliothèque virtuelle, tout en soulignant que la demande de livres français était très faible.

Entretiens sur le thème du droit français dans les organisations internationales : l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI)

Ces entretiens figurent parmi les moins négatifs, sans doute parce qu'ils portent plus sur les incidences de la culture francophone que sur la francophonie au sens strict.

Le premier point abordé porte sur la place de la francophonie dans les négociations concernant l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime dont la mission est de lutter contre les trafics de stupéfiants et pour la prévention du crime et du terrorisme.

Parmi les aspects positifs, on constate que les concepts de droit continental résistent bien aux concepts anglo-saxons de Common Law. Dans le domaine des procédures pénales notamment on observe un rapprochement entre la conception jurisprudentielle anglo-saxonne et la conception continentale qui repose sur des incriminations.

En revanche, même si plusieurs personnes parlent français, l'anglais reste, à l'ONUDC, la langue quotidienne.

De plus, les Etats francophones y sont peu actifs, ne viennent que pour traiter de rares problèmes juridiques, et il n'y a pas de solidarité francophone entre collègues.

On peut formuler un constat similaire pour la Commission des Nations unies pour le droit commercial international, petite structure dépendant de l'Assemblée générale qui regroupe 60 Etats membres, dans le domaine du droit commercial international, et dont la mission est d'unifier ou de rendre compatibles les concepts de Common Law et du droit commercial continental.

Cependant, la pression anglo-saxonne y est très forte. Elle résulte du poids économique de ces pays, mais aussi de la pression et de l'implication des cabinets d'avocats anglo-saxons qui s'installent un peu partout. Par ailleurs, le droit bancaire n'a pas de tradition civiliste et les avancées, dans le domaine international, viennent essentiellement du droit anglo-saxon.

Il n'y a cependant pas, pour mes interlocuteurs, de fatalité de domination anglo-saxonne. Ainsi, la Roumanie avait voulu réformer son droit. Les cabinets américains implantés dans le pays lui ont proposé un projet clé en main. Mais comme ce projet ne tenait absolument pas compte des traditions juridiques locales, cela n'a pas marché. Toutefois, il conviendrait de défendre les concepts continentaux avec davantage de pugnacité.

Pour cela, il conviendrait que les juristes non anglo-saxons soient plus nombreux et francophones. À cette fin, mes interlocuteurs suggèrent d'ouvrir l'ENA et Sciences-Po aux anglophones en y créant des filières spécialisées. Comme nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, il est souhaitable d'attirer les élites internationales vers la francophonie au lieu de laisser les élites d'origine francophone évoluer vers l'anglophonie.

Il faut aussi que les pays francophones, dont la France, s'impliquent davantage dans les négociations des conventions commerciales ou pour la prévention du crime dans le cadre de l'ONU. Mes interlocuteurs m'ont d'ailleurs fait observer que ces conventions inspiraient directement le droit européen. Quatre grands instruments juridiques en quatre ans ont été négociés dans ce domaine et les pays francophones n'y venaient que rarement et uniquement pour traiter quelques points particuliers.

Entretien avec M. Fernando Riquelme, directeur de cabinet du directeur général de l'ONUDI (organisation des Nations unies pour le développement industriel)

Le message de M. Fernando Riquelme, Espagnol parfaitement francophone, est simple et clair : l'anglais l'emporte partout, c'est un fait difficile à contrer, il faut s'y résigner. Et d'expliquer le déclin de l'enseignement du français, la prise de pouvoir des anglo-saxons dans les domaines économiques, politiques et culturels, les performances de l'anglais dans le domaine scientifique. Pour lui, on ne peut retourner en arrière, même si la diversité culturelle est une cause qui mérite d'être défendue. Il a rappelé que l'anglais et le français sont les deux langues de travail, mais que dans les faits on ne parlait qu'anglais. Les habitudes de travail en anglais sont telles, que même lorsque de nombreuses personnes de l'encadrement parlent français, on continue à travailler en anglais. D'ailleurs même les projets à destination des pays francophones sont rédigés en anglais, car ils doivent au préalable être approuvés par des organes internes anglophones.

Que faire ? Pour M. Riquelme, il faut que les francophones acceptent de parler anglais. Il est souhaitable que la francophonie cherche à se maintenir, notamment au travers des cours de langue. Mais il est inéluctable que le français disparaisse comme langue de travail au sein des Nations unies. L'anglicisation n'est pas une politique appliquée volontairement, c'est de la sociologie : elle résulte des forces du marché. Cette situation résulte aussi de l'univers clos de la communauté diplomatique où l'on parle de nombreuses langues. Les francophones eux-mêmes parlent diverses langues, même dans les dîners en ville. En outre, il n'y a pas de communauté francophone, et les couples sont souvent mixtes.

C'est sans doute l'entretien le plus négatif que j'ai jamais eu.

Le second jour a été consacré à l'OSCE.

Entretien avec M. Yves Doutriaux, Représentant Permanent de la France auprès l'OSCE, et avec divers membres de son service

L'OSCE, aboutissement des accords d'Helsinki, est compétente dans les domaines politico-militaires, la coopération économique, environnementale, scientifique et technique, ainsi que dans celui des droits de l'homme.

Là comme ailleurs l'anglais l'emporte, même s'il y a six langues officielles (anglais, russe, allemand, italien, espagnol et français) et si la documentation officielle est toujours traduite en français à temps pour les négociations.

Au cours de la réunion à laquelle j'ai assisté, une rapide description des activités de la Représentation Permanente m'a été faite, notamment en ce qui concerne la participation aux réunions de coordination des vingt-cinq pays de l'Union européenne. Là, deux fois par semaine, l'anglais et le français sont en usage sans interprète. Mais les nouveaux membres sont peu francophones et cette situation risque d'évoluer défavorablement.

Les instructions de la Représentation Permanente sont de continuer à parler français, mais lentement, et de favoriser les cours en français proposés notamment aux diplomates des dix pays entrant.

Une des caractéristiques de l'OSCE est d'envoyer des missions sur le terrain, notamment dans le cadre de la coopération policière pour lutter contre les nouvelles menaces. Actuellement, 70 français sont sur le terrain à ce titre.

On retrouve aussi les conceptions juridiques différentes du droit anglo-saxon et du droit continental : la question s'est posée dernièrement avec les négociations sur la lutte contre le racisme sur Internet.

Ces entretiens se sont révélés très concrets puisque l'ambassadeur a passé en revue les différentes conférences, récentes ou en préparation, par exemple sur la traite des êtres humains ou la lutte contre l'antisémitisme et le racisme ainsi que diverses actions de coopération. Il en ressort que les moyens de préserver la francophonie à l'OSCE passent par la nomination de francophones dans des postes de responsabilité, une défense active du français dans toutes les réunions auxquelles participent des pays francophones et la désignation d'experts, si possible à des postes significatifs, pour les missions sur le terrain. Ces experts ont des contrats de six mois en général. Il y a donc là un moyen rapide d'agir en faveur de la francophonie.

La représentation permanente française, quant à elle, fait également porté son action dans deux domaines privilégiés :

- les cours de français pour les diplomates et le personnel de l'OSCE. Ces cours sont dispensés par l'Institut culturel français et ont un grand succès.

- la traduction en français de la partie centrale, permanente, du site Internet de l'OSCE, jusqu'à présent uniquement en anglais, projet auquel participe l'AIF, et que nous pourrions appuyer en intervenant auprès de l'agence.

Entretien avec M. Laquièze, conseiller culturel (Institut culturel français)

M. Laquièze a décrit les activités de l'Institut culturel. Celui-ci a des activités proprement culturelles, telles que les expositions ou le festival de cinéma francophone - qui n'apportent cependant pas que des satisfactions malgré leur succès, puisque, par exemple, Yann Artus Bertrand est venu faire une conférence... en anglais. Mais l'institut se consacre en grande partie à l'enseignement du français en coopération avec le système éducatif autrichien et en dispensant des cours de français, centrés sur certains publics (diplomates) ou sur certains secteurs (militaire). 3000 élèves par an environ suivent ces cours qui ont un effet d'entraînement et permettent d'abord aux francophones de s'exprimer en français en étant compris.

L'Institut culturel a d'autres projets comme le développement de l'enseignement en français à l'Académie diplomatique (l'équivalent de Sciences-Po) - et là encore l'aide de l'AIF serait la bienvenue -, les deux cours actuels étant financés à 80 % par l'institut.

L'institut organise également des cycles de conférences en français dans toute l'Autriche. Ces conférences pourraient être multipliées. Tout cela se heurte cependant à la question du financement. Il faut en outre savoir que l'espagnol et surtout l'italien sont très présents en Autriche, ce qui, avec la baisse de la fréquentation touristique, gène nos ambitions en terme de développement de la francophonie.

Entretien avec M. Richard Murphy, porte-parole de l'OSCE et avec Mme Luciana Bal-Doebel, administrateur du site Web public de l'OSCE

M. Murphy a indiqué que les relations avec la presse se faisaient surtout en anglais, rarement en français. Toutefois, les informations sont données dans chacune des langues officielles. Les communiqués de presse sont uniquement en anglais, faute de ressources suffisantes.

Mme Bal-Doebel a présenté le site Web et montré les parties qui devaient être traduites en français. Le site reçoit 7000 visiteurs par jour, avec 9 millions de pages consultées par mois.

Mes interlocuteurs ont ensuite présenté les moyens dont ils disposaient pour faire connaître l'OSCE, organisation mal connue et considérée comme un troisième niveau de priorité, après l'OTAN. Ils ont confirmé la faible présence des ministres francophones aux conférences.

Voilà, résumées, les grandes lignes des informations que j'ai obtenues au cours de mes deux jours de rencontre. Elles n'incitent pas à l'optimisme. Parmi ces rencontres, celle de M. Riquelme, qui passe le français par pertes et profits, sans états d'âme, pour se contenter du seul anglais, m'a le plus marqué.

Tous mes interlocuteurs se sont déclarés favorables au pluralisme culturel. Mais tous se résignent au monolinguisme anglais. Or je ne vois pas comment défendre le pluralisme culturel si on abandonne le multilinguisme, qui en est le fondement.

L'ordre du jour de nos travaux semble mentionner la présentation d'un projet de résolution. Cela me semble prématuré, pour deux raisons : d'une part, comme je l'ai dit en introduction, il avait été envisagé de poursuivre les rencontres sur ce thème à Addis-Abeba, pour avoir une vision africaine de la question, ainsi qu'à Paris. Cela devrait se faire à notre réunion d'automne. D'autre part, lors de notre réunion de Bucarest, nous avions décidé de demander à chaque section d'interroger le gouvernement de son pays, par les voies parlementaires, ce qui généralement prend du temps, afin de connaître sa politique et ses pratiques pour la défense de l'usage du français dans les organisations internationales. Il est apparu que le délai était trop court, que certains parlements ne siégeaient pas, et donc qu'il était irréaliste d'attendre les réponses pour aujourd'hui. Je pense que cela sera possible pour notre prochaine réunion et j'en ferais alors la synthèse. J'insiste cependant sur le fait que la commission de Bucarest ne demandait pas une enquête, mais souhaitait, par cette démarche, sensibiliser à nouveau les gouvernements sur leur responsabilité en la matière.

Pour toutes ces raisons je n'ai pas cru possible de proposer un projet de résolution avant notre réunion du printemps prochain. D'autant qu'un débat préalable me semble indispensable pour fixer notre démarche ainsi que les grandes lignes du projet de résolution.

Je m'interroge en effet sur les moyens de donner un peu d'efficacité à notre résolution une fois celle-ci adoptée. Je vous avoue que je suis vraiment très pessimiste et qu'à cet égard je me demande sur quoi pourrait déboucher notre résolution. Ne faudrait-il pas l'accompagner d'autres actions, conférences de presse ou autre ?

Toutefois, sans attendre, je crois qu'il conviendrait d'adresser une lettre à la signature de notre président de commission afin d'attirer l'attention de l'AIF d'une part sur la nécessité d'une aide financière au développement d'une version francophone du site de l'OSCE, d'autre part sur l'utilité de financer le développement des cours en français à l'Académie diplomatique de Vienne, ou d'aider à leur financement, afin que les diplomates autrichiens aient une parfaite connaissance du français. J'ai, à cette fin, préparé un projet de lettre.

Contribution de Mme Henriette Martinez, députée, rapporteure
du Réseau des Femmes, au thème de la session plénière de l'APF
à Charlottetown : « Relation du citoyen à la vie politique :
crise et renouveau »

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En France, comme dans la majorité des sociétés occidentales, la relation des citoyens à la vie politique s'inscrit dans le cadre de la démocratie représentative dans lequel les citoyens délèguent leur pouvoir de décision à des représentants élus ; cette relation s'exprime donc essentiellement à travers les consultations électorales, plus rarement par des procédures d'expression directe (referendum, par exemple).

Pour fonctionner de manière satisfaisante, la démocratie représentative implique que les citoyens soient en mesure de choisir leurs représentants et les options politiques que ces derniers devront mettre en oeuvre, c'est-à-dire qu'il existe une offre suffisante à la fois de personnalités et de projets politiques, et que soient respectés les principes de base qui sous-tendent le système : transparence des décisions, intégrité, probité, responsabilité des représentants.

L'observation de la vie politique montre que la démocratie représentative est en crise, en France comme ailleurs :

- l'offre de projets politiques est souvent réduite, dans le meilleur des cas, à une alternative, le bipartisme ayant remplacé le multipartisme et l'alternance au gouvernement ayant estompé les différences idéologiques entre les deux pôles en présence ; par ailleurs, dans un contexte d'intégration régionale et de mondialisation, la maîtrise des choix complexes échappe aux représentants nationaux pour être confiée à des « experts » non élus ;

- l'offre de représentants est limitée en amont par la pré-sélection effectuée par les partis lors des investitures ; aussi, la classe politique est essentiellement masculine, issue des mêmes catégories socio-professionnelles, et se renouvelle peu.

- Enfin, les efforts entrepris pour moraliser la vie publique (cf. les différentes lois sur le financement des partis et des campagnes électorales adoptées en France), n'ont pas encore supprimé toutes les dérives (prise illégale d'intérêt, irresponsabilité et impunité d'élus normalement comptables de leurs actes devant les électeurs)...

L'écart se creuse entre les citoyens et leurs représentants, la crise entraîne la baisse du militantisme politique et syndical ainsi que la montée de l'abstention et du vote protestataire (lors des élections présidentielles françaises de 2002, 40% des voix se sont portées sur des candidats extérieurs aux « partis de gouvernement »).

Aussi, le développement de la démocratie participative semble être un moyen de rétablir la relation entre le citoyen et la vie politique, d'autant que les femmes y prennent une part active.

Depuis quelques années en France, les formations politiques ont encouragé, à l'échelon local, la participation des administrés, afin d'améliorer leur compréhension globale de la vie politique. Les mouvements associatifs, qui sont en plein essor, offrent aux citoyens la possibilité de prendre part aux décisions concernant leur quotidien (conseils de quartiers, mouvements de citoyens etc...) et de gérer un destin collectif.

Certes, en s'investissant dans des actions de proximité, les citoyens oublient parfois que le pouvoir de décision appartient à leurs représentants  et que la démocratie participative est un complément et non un substitut ou un contrepoids à la démocratie représentative.....

Mais malgré ces excès, la démocratie participative peut contribuer à rénover la démocratie représentative parce qu'elle fonctionne de manière plus ouverte.

Ainsi les femmes, qui éprouvent des difficultés à s'engager en politique, en raison du mode de recrutement sélectif des partis et en l'absence de dispositifs permettant de concilier vie privée et vie publique, s'impliquent plus volontiers dans différents secteurs - social, culturel voire sportif - de la vie locale ; il arrive que les responsabilités qu'elles assument dans ce cadre les encouragent par la suite à briguer des mandats représentatifs ; à cet égard, des mesures de discrimination positive, comme la loi sur la parité adoptée en juin 2000, sont susceptibles de faciliter leur engagement en politique.

La participation des femmes à la vie politique, en faisant sauter les verrous de la représentation traditionnelle, peut favoriser l'ouverture de la classe politique sur la société civile, et partant, contribuer à redéfinir la place et la forme de la politique dans le quotidien et à élaborer de nouveaux projets.

XVII ème Assemblée régionale Europe
(Val d'Aoste, 27 - 28 octobre 2004)

Rapport présenté par M. Jean-Pierre Dufau, député,
au nom de la section française de l'APF :
« Régions et cités : rôle et place du français »

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L'action extérieure des collectivités locales françaises s'est considérablement développée à partir de la fin de la seconde guerre mondiale.

La coopération dite « décentralisée », qui a acquis une reconnaissance officielle depuis l'adoption de la loi de 1992 sur les collectivités territoriales, constitue un complément précieux à la politique étrangère de l'Etat, dans la mesure où elle concerne des actions de proximité, bénéficiant d'une forte visibilité sur le terrain, et qu'elle suscite des contacts humains d'une grande richesse, contribuant ainsi au rapprochement et à une meilleure compréhension mutuelle entre les peuples.

La chute du Rideau de fer a permis à cette forme de coopération de se développer avec les pays d'Europe centrale et orientale (PECO).

Ainsi, les collectivités locales françaises ont participé d'une manière non négligeable à la préparation des pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne.

Au travers d'actions ponctuelles, elles contribuent également à la diffusion de la langue française et au rayonnement de la francophonie. Toutefois, la multiplication et la diversification croissante des initiatives dans ce domaine font naître un besoin de mise en cohérence, qui n'est encore que partiellement satisfait.

I - Les relations internationales des collectivités locales françaises

1/ Historique

Les jumelages ont constitué la première forme des relations internationales des collectivités locales, et notamment des villes, françaises. Apparus juste après la seconde guerre mondiale, dans un esprit de réconciliation et de compréhension entre les peuples, ils ont favorisé les échanges et les contacts entre européens de différentes nationalités. Ils ont notamment joué un rôle clé dans le processus de réconciliation franco-allemande.

Fondée à l'origine sur des liens affectifs et d'amitié, la pratique des jumelages a suivi au fil des ans deux types d'évolution. D'une part, leur champ s'est élargi à des secteurs de coopération plus techniques, et par ailleurs leur forme est devenue plus juridique, donnant lieu à la signature de conventions portant sur des domaines précis.

Ainsi est progressivement apparu le concept de coopération décentralisée, qui s'est largement ouverte aux nouveaux pays issus de la décolonisation dans les années soixante (en Afrique subsaharienne notamment).

2/ La coopération décentralisée

La conception française de la coopération décentralisée désigne l'ensemble des actions de coopération internationale menées entre une ou plusieurs collectivités territoriales (régions, départements, communes et leurs groupements) et une ou plusieurs autorités locales étrangères, dans un intérêt commun.

Ces actions reposent sur des accords contractuels et prennent des formes diverses (échanges culturels, programmes de collaboration technique, formation ...). Depuis 1992, la loi française reconnaît la coopération décentralisée, donnant aux collectivités locales et à leurs groupements la faculté de conclure des conventions avec des collectivités étrangères, dans les limites de leurs compétences et le respect des engagements internationaux de la France.

L'intégralité des vingt-six régions, plus des trois-quarts des départements, la totalité des grandes villes et de nombreuses communes françaises sont engagés dans de tels liens dans 115 pays du monde.

3/ Les partenaires de la coopération décentralisée

a) Les pouvoirs publics

L'Etat peut contribuer à l'élaboration de stratégies régionales de coopération décentralisée à travers les Contrats de plan Etat-régions (CPER). Ainsi, pour la période 2000-2006, dix-sept CPER mentionnent explicitement des actions de coopération décentralisée. Les autres instruments contractuels que sont les contrats de pays ou les contrats d'agglomération peuvent également comporter un volet relatif à ce type d'actions.

L'Etat soutient également certaines actions de coopération décentralisée à travers des cofinancements dont la gestion est assurée par les services centraux du ministère des Affaires étrangères. Ces cofinancements sont attribués à des projets qui présentent un intérêt particulier au regard des priorités de l'action extérieure de la France.

Par ailleurs, dans le cadre du programme PHARE de préparation des pays d'Europe centrale et orientale à l'adhésion à l'Union européenne, la Commission européenne a mis en oeuvre un programme de jumelages destiné principalement aux institutions étatiques, mais qui a concerné également un certain nombre de régions, dans le but de les préparer à la gestion des fonds structurels.

b) Les associations

Les associations d'amitié bilatérales, qui se sont crées avec la plupart des pays d'Europe centrale et orientale (« France Slovaquie Développement », « Initiatives France Hongrie », « France Pologne pour l'Europe », etc.) jouent un rôle souvent essentiel d'initiative et d'accompagnement des actions de coopération décentralisée. Par exemple, Initiatives France-Hongrie participe depuis 1995 à l'accueil et la formation d'élus et de fonctionnaires territoriaux en liaison avec l'Association des Départements de France sur des thèmes liés à la fiscalité, l'intercommunalité, l'environnement, la santé et les affaires sociales, les collectivités locales et l'Europe. Elle apporte également son concours logistique et financier aux actions de coopération décentralisée d'une trentaine de collectivités.

En outre de nombreuses organisations fédérant les collectivités territoriales s'investissent dans la coopération décentralisée : l'Association des maires de France, l'Assemblée des départements de France, le Conseil des communes et régions d'Europe, la Fédération mondiale des cités et villes jumelées, etc.

c) Cités Unies France

Association créée en 1975, Cités Unies France a pour vocation de fédérer, au niveau national, les collectivités territoriales engagées dans la coopération décentralisée.

Elle compte plus de 500 collectivités locales adhérentes et constitue un réseau d'environ 2000 collectivités participant régulièrement aux activités qu'elle organise. Elle est membre de la nouvelle organisation mondiale Cités et Gouvernements Locaux Unis, dont le congrès fondateur s'est tenu à Paris en mai 2004.

Grâce à son action de sensibilisation, d'animation de réseaux de collectivités dans le cadre de ses 21 groupes-pays et 4 groupes thématiques, mais aussi de formation d'élus et de fonctionnaires territoriaux, Cités Unies France contribue au développement de la coopération décentralisée française et favorise la cohérence des actions de coopération des collectivités.

En outre, elle assure un rôle de représentation et de proposition sur les questions de coopération décentralisée auprès des pouvoirs publics français, des grandes fédérations de collectivités locales, des collectifs d'ONG et auprès des institutions internationales.

L'association s'avère particulièrement active vers les pays d'Europe centrale et orientale au travers de ses quatre groupes-pays (Pologne, Roumanie, Slovaquie et République tchèque) qui ont développé, notamment depuis 2000, de nombreuses initiatives (assises, séminaires et ateliers de travail) afin de sensibiliser les collectivités territoriales aux perspectives et aux enjeux, à l'échelon local et régional, de l'intégration européenne.

II - La coopération décentralisée avec les pays d'Europe centrale et orientale

1/ Un essor lié à la préparation à l'adhésion

La perspective de l'adhésion de plusieurs pays d'Europe centrale et orientale à l'Union européenne a suscité un véritable élan d'enthousiasme de la part des collectivités locales françaises dans l'élaboration et la poursuite d'actions de coopération décentralisée, qui répondait à une forte demande d'aide et de solidarité exprimée par ces pays tout justes libérés de régimes plus ou moins totalitaires.

Ainsi, la contribution qu'ont apportée ces collectivités à l'effort de réformes structurelles que les PECO ont été appelés à consentir pour répondre aux critères d'adhésion n'est pas négligeable.

Elles ont notamment joué un rôle efficace d'accompagnement des réformes relatives à l'organisation administrative des territoires, à la décentralisation, à la formation des élus et des cadres administratifs. Elles ont également aidé à la mise à niveau des capacités de ces pays dans les domaines de l'aménagement rural, de l'environnement, des infrastructures et des transports, du traitement des déchets et des services publics en général. Enfin, plusieurs régions françaises ont apporté une précieuse assistance technique et juridique à leurs partenaires de l'Est afin de leur permettre d'accéder aux financements et aux divers fonds de développement communautaires.

En outre, sur un plan moins quantifiable mais tout aussi important, la multiplication de ces actions, qu'il s'agisse de formes traditionnelles de jumelage ou de coopérations techniques plus spécialisées, a notablement contribué (et continue à le faire) à l'émergence d'une « citoyenneté européenne ». Par les échanges d'expériences et d'idées qu'elles permettent à travers des rencontres, des séminaires ou des voyages d'études, les relations entre collectivités locales suscitent des contacts humains et relationnels solides sur lesquels se construit progressivement un sentiment d'appartenance à un espace européen fondé sur le partage de valeurs communes.

2/ Les perspectives créées par l'élargissement

L'adhésion de dix nouveaux Etats dans l'Union européenne au 1 er mai 2004 et l'entrée programmée de deux autres (dont la Roumanie, principal partenaire des collectivités françaises) ouvre une nouvelle ère pour la coopération décentralisée entre les collectivités locales françaises et leurs homologues d'Europe centrale et orientale. Le contexte s'avère plutôt favorable à un fort développement des initiatives dans ce domaine, à plusieurs titres.

Tout d'abord cette forme de coopération devient plus stratégique pour la France, car elle constitue un vecteur non négligeable du dialogue et de la concertation qu'il conviendra d'approfondir, s'agissant de partenaires avec lesquels la France partage désormais la prise de décision sur les grands dossiers économiques et sociaux européens.

Elle est par ailleurs facilitée par le fait qu'il s'agit désormais d'actions internes à l'Union européenne, et qu'elles bénéficient ainsi des libertés de circulation et du cadre juridique commun.

Enfin, la réorientation des fonds structurels principalement vers les PECO devrait en améliorer le financement.

En tout état de cause, l'adhésion doit entraîner une évolution de la nature même de la coopération décentralisée avec ces pays, et une large réflexion s'impose sur les moyens à mettre en oeuvre pour passer d'une coopération de solidarité à un véritable partenariat.

3/ La coopération décentralisée avec les PECO : état des lieux

Actuellement, près de 550 liens de coopération décentralisée se sont noués avec les pays d'Europe centrale et orientale, principalement à partir de la fin des années 80, parmi lesquels environ 200 avec la Roumanie, 170 avec la Pologne, et une soixantaine avec la Hongrie et la République tchèque. Plus récemment, de telles coopérations ont connu un développement notable en Slovaquie et désormais il existe une présence locale française, à des degrés divers, dans l'ensemble des pays de la zone.

Roumanie

La coopération décentralisée a véritablement pris son essor en Roumanie à partir des années 90, même s'il existait déjà quelques jumelages auparavant (Poitiers/Iasi depuis 1969 et Argenteuil/Hunedoara depuis 1973). Aujourd'hui, avec de l'ordre de 200 partenariats, la Roumanie apparaît, avec la Pologne, comme le théâtre privilégié du développement de la coopération décentralisée française en Europe centrale et orientale. Cette forte implication des collectivités locales françaises résulte de deux facteurs : l'élan de générosité des français au lendemain de la chute du régime de Ceaucescu, qui s'est matérialisé par une importante aide humanitaire apportée aux populations entre 1989 et 1992, et aussi une tradition francophone encore très présente dans ce pays.

Pologne

La quasi-totalité des régions polonaises (14 sur 16) entretiennent des partenariats de coopération décentralisée avec 10 régions et 31 départements français. Par ailleurs environ 130 villes polonaises ont des partenaires en France.

Les autorités polonaises considèrent la coopération décentralisée avec les collectivités françaises comme un élément important de leur politique étrangère. Ainsi l'ambassade de Pologne en France a-t-elle mis en place un dispositif pour accompagner les initiatives des collectivités françaises désireuses de développer des relations de coopération avec des collectivités polonaises. Par ailleurs la partie polonaise, dans le souci de contribuer à la construction d'une véritable citoyenneté européenne et d'éviter l'émergence d'une nouvelle frontière hermétique à l'Est, encourage l'évolution des échanges bilatéraux en relations multilatérales incluant des collectivités de pays limitrophes non membres de l'Union européenne (notamment l'Ukraine).

République tchèque

On recense actuellement une soixantaine de jumelages/partenariats entre des collectivités territoriales françaises et tchèques. La plupart des contacts se sont noués au cours des années 90 mais certaines relations remontent aux années 60, comme c'est le cas pour la ville de Trappes (Yvelines) et sa ville jumelle Koprivnice.

Les accords de coopération, s'ils concernent principalement des villes, sont également développés par quelques départements et conseils régionaux français.

Dans le prolongement des Assises franco-tchèques organisées par l'ambassade de France à Prague, en mars 2000, Cités Unies France et son homologue tchèque (SMOCR) ont signé un accord de partenariat qui les engage à développer un ambitieux programme d'échanges dans les domaines de l'administration locale, du développement économique et de la politique touristique.

Hongrie

On dénombre aujourd'hui environ soixante partenariats de coopération décentralisée entre la France et la Hongrie. Ils concernent, du côté français, cinq conseils régionaux, une dizaine de départements, une quarantaine de villes et quelques communautés de communes.

En octobre 2001 se sont tenues à Budapest les « Assises de la coopération décentralisée franco-hongroise », en présence de nombreux élus locaux des deux pays. La manifestation était organisée conjointement par l'ambassade de France et l'association « Initiatives France-Hongrie », laquelle a favorisé l'établissement de nombreux partenariats au cours des dernières années.

Autres pays

Avec une vingtaine de partenariats recensés, la coopération décentralisée connaît un réel essor avec la Slovaquie. En revanche elle reste peu développée avec la Bulgarie, la Slovénie ou les pays baltes, notamment du fait de l'absence de liens historiques forts. Toutefois, la proximité géographique de la Slovénie, de même que la tradition francophone de la Bulgarie pourraient être de nature à susciter l'apparition de nouveaux partenariats avec des collectivités françaises.

III - Rôle et place de la Francophonie dans la coopération décentralisée avec les Pays d'Europe centrale et orientale

1/ La Francophonie, une « valeur ajoutée » pour la coopération décentralisée

Même s'il apparaît que la Francophonie constitue rarement un axe explicite des relations internationales des collectivités locales, leur motivation principale dans ce domaine étant de se constituer une image internationale, elle s'y intègre de fait et constitue une valeur ajoutée indéniable pour leurs actions de coopération décentralisée.

Evidente dans les programmes visant à promouvoir la langue française et les cultures des pays francophones, la notion de francophonie est également entendue dans un sens plus large par les collectivités locales, comme un espace de solidarité et d'échanges partageant des valeurs communes telles que le respect des cultures, la démocratie et l'Etat de droit. Ainsi les programmes d'appuis institutionnels, notamment dans le cadre de la préparation des pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne, constituent un vecteur de diffusion de la culture francophone en matière juridique et administrative.

Pour d'autres, et cela concerne essentiellement les régions, prévaut un enjeu économique lié à l'investissement des entreprises dans les pays francophones. En effet, le fait que des entreprises déjà implantées ou souhaitant s'implanter dans les régions partenaires puissent y trouver des interlocuteurs ainsi qu'un vivier de jeunes diplômés francophones représente un atout non négligeable pour l'économie régionale.

2/ Des actions multiformes

Les échanges au niveau scolaire, qui constituent souvent la base des partenariats de type « jumelages », contribuent de toute évidence à la promotion de la Francophonie.

En ce qui concerne les PECO, ces échanges sont par exemple à l'origine de la coopération qui s'est établie entre la Bourgogne et la région de Bohême centrale en République tchèque. En effet, dès 1920, de jeunes tchécoslovaques ont été accueillis en formation au lycée de Dijon. Cette coopération scolaire est toujours active puisqu'une trentaine de lycéens tchèques bénéficient chaque année d'une bourse du Conseil régional bourguignon pour étudier à Dijon. Elle s'est étendue au niveau universitaire, avec la mise en place de programmes d'échanges d'étudiants, et également d'enseignants.

Tout aussi favorables au rayonnement de la Francophonie sont les coopérations décentralisées qui concernent le secteur culturel.

A cet égard, l'accord global de coopération signé en septembre 2001 entre la Bourgogne et la Bohême centrale prévoit, parmi les six domaines d'action recensés, un volet culturel ambitieux : établissement de relations directes entre institutions et acteurs culturels (théâtre, musique, arts plastiques, protection du patrimoine), information réciproque sur les évènements culturels organisés par les deux parties, coopération entre les services « culture » des deux institutions, échanges d'artistes, de musiciens, d'écrivains, organisation de spectacles dans la région partenaire.

Parmi les multiples autres coopérations décentralisées avec des collectivités des PECO pouvant intéresser la Francophonie, on peut citer notamment le partenariat entre le département des Côtes d'Armor et la voïvodie de Warmie et Mazurie en Pologne, qui a mis notamment l'accent sur un programme ambitieux de formation linguistique, l'organisation et le financement par la région Poitou-Charentes de cours de langue française en liaison avec le lycée belge francophone de éilina (Slovaquie), la fourniture par le conseil général de la Charente Maritime d'un laboratoire de langues et d'un pôle de documentation francophone destinés au centre de perfectionnement des cadres de l'administration publique du département de Calarasi, en Roumanie, etc.

3/ Un bilan contrasté

Malgré ces nombreuses initiatives ponctuelles, la Francophonie ne constitue toutefois que très rarement un axe clairement identifié des relations internationales des collectivités territoriales.

Ainsi, en France, seuls le Conseil régional de Rhône-Alpes et la Ville de Paris ont prévu une ligne budgétaire spécifique pour leurs actions dans ce domaine. De même, aucun poste de responsable des questions relatives à la Francophonie n'est prévu dans les organigrammes des services des collectivités.

Il en résulte souvent un chevauchement de compétences, entre les services des affaires culturelles et ceux qui sont chargés des relations internationales, qui s'avère préjudiciable à la mise en place de politiques structurées en la matière, ainsi qu'au suivi et à la mise en cohérence des actions.

Par ailleurs, ont peut regretter que les collectivités locales, sans doute jalouses d'une autonomie encore assez récente en matière de relations internationales, répugnent à s'engager dans des partenariats multilatéraux regroupant plusieurs collectivités françaises, ou un ensemble de collectivités de plusieurs pays.

Il en résulte, tant sur les plans quantitatif que qualitatif, un saupoudrage d'actions disparates, sans cohérence apparente, et ce d'autant moins que les relais institutionnels en matière de Francophonie ne jouent pas le rôle structurant qui pourrait leur revenir.

En premier lieu, un forum de concertation entre les collectivités locales et l'Etat semble de plus en plus s'imposer, de manière à introduire les choix et les stratégies politiques de ce dernier en matière de Francophonie dans la coopération décentralisée, et à favoriser une vision d'ensemble et une harmonisation des initiatives. La Commission nationale de la Coopération décentralisée, rassemblant à parité des élus des collectivités territoriales et des représentants de l'Etat, pourrait servir de cadre à ces consultations, mais jusqu'à présent ses débats ont porté essentiellement sur les questions de développement, et très marginalement sur la promotion de la Francophonie.

Ce rôle d'impulsion et d'harmonisation des actions de coopération décentralisée à caractère francophone n'est pas davantage joué par les opérateurs institutionnels de la Francophonie. En effet, malgré une prise de conscience récente, on ne trouve pas à proprement parler d'axe de travail associant les collectivités locales parmi l'ensemble des programmes mobilisateurs mis en place par l'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF). Par ailleurs, le champ d'action de l'AIMF (Association internationale des maires et responsables des capitales et métropoles partiellement ou entièrement francophones) est très limité. Par exemple en France, elle ne regroupe que Paris et quatre autres très grandes villes.

Une prise de conscience de ce manque d'encadrement a mené à la création de l'AFICOD (Association francophone internationale de la Coopération décentralisée), dont le congrès fondateur s'est tenu à l'occasion des premières Rencontres internationales de la Francophonie et de la Coopération décentralisée, organisées les 6 et 7 mai 2004 à Issy-les-Moulineaux.

Ces rencontres ont réuni 440 participants représentant 31 pays, parmi lesquels des élus territoriaux, des associations d'élus, des associations de développement, des diplomates et des représentants des institutions de la Francophonie.

Créée à l'initiative de M. Bernard Stasi, qui est également président de l'AIMF, l'AFICOD se présente comme la réponse à l'un des souhaits exprimés lors du Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la Francophonie de Moncton en 1999 : « Convaincus que la démocratie locale est une des conditions de l'approfondissement de la démocratie, nous inciterons les collectivités territoriales de nos Etats membres à s'engager dans la voie de la coopération décentralisée francophone ».

Par rapport à l'AIMF, qui ne réunit qu'une centaine de capitales et de grandes cités des pays francophones, l'AFICOD se veut ouverte à toutes les catégories de collectivités territoriales, francophones ou simplement intéressées par les valeurs et les cultures de la Francophonie, et quelles que soient leurs dimensions.

Autre différence avec l'AIMF, elle ne sera pas un opérateur de la Francophonie, son ambition étant de devenir un lieu de rencontres et d'échanges entre les collectivités locales et les institutions francophones (à l'image de la convention qu'elle a signée avec TV5 pour la création de « maisons TV5 »), les associations engagées dans des actions de coopération autour de la Francophonie, comme la Fédération internationale des Professeurs de français avec laquelle elle a noué des contacts, ainsi que le monde des entreprises à travers le Forum francophone des Affaires.

Il est donc à souhaiter que cette nouvelle association puisse trouver sa place d'animateur d'une coopération décentralisée à vocation réellement francophone. Bien que, parmi la centaine de collectivités qu'elle réunit à ce jour, la quasi-totalité soient situées en France et en Afrique (à l'exception de trois villes roumaines), le Bureau de l'AFICOD, lors de sa réunion du 10 septembre dernier, a décidé qu'un effort prioritaire serait porté en direction des pays d'Europe centrale et orientale.

________

Ces coopérations décentralisées ont contribué à forger un sentiment d'identité européenne, à faire naître une solidarité entre les territoires et à construire une Europe plus proche de la vie des citoyens. S'inscrivant dans la durée, elles se trouvent renforcées par le sentiment d'appartenance à un même espace politique et économique né de l'élargissement de l'Union le 1 er mai 2004.

De même, les actions de coopération décentralisée peuvent constituer un vecteur puissant pour la Francophonie sur le continent européen.

En effet, la Francophonie, la culture et les valeurs qu'elle véhicule, notamment en matière de démocratie et de respect des Droits de l'Homme, ont joué un rôle central dans la construction de l'Union européenne. Il nous revient de veiller à ce qu'elles demeurent au coeur de l'Europe élargie, en consacrant à cet objectif une volonté politique sans faille.

Car votre rapporteur est convaincu que l'avenir de la Francophonie est conditionné par son développement sur le continent européen, et que les coopérations et les jumelages entre collectivités locales, par leur aspect de proximité, peuvent et doivent jouer un rôle éminent de diffusion des valeurs francophones directement auprès des citoyens, en complément de l'action des opérateurs de la Francophonie institutionnelle.

Informations relatives à la section française de l'APF

Liste des députés membres de la section française
(par ordre alphabétique)

Mme

AURILLAC Martine

UMP

Paris

Présidente du G.A. Sénégal

M.

BAPT Gérard

S

Haute-Garonne

Désigné par le groupe

M.

BEAUGENDRE Joël

UMP

Guadeloupe

Désigné par le groupe

M.

BIGNON Jérôme

UMP

Somme

Président du G.A. Canada

M.

BLANC Etienne

UMP

Ain

Désigné par le groupe

M.

BLISKO Serge

S

Paris

Désigné par le groupe

M.

BLOCHE Patrick

S

Paris

Désigné par le groupe

M.

BOURG-BROC Bruno

UMP

Marne

Désigné par le groupe

M.

BOUVARD Loïc

UMP

Morbihan

Président du G.A. Moldavie

M.

BRIAND Philippe

UMP

Indre et Loire

Président du G.A. Tunisie

M.

BRUNHES Jacques

CR

Hauts-de-Seine

Président du G.A. Cambodge

Mme

BUFFET Marie-George

CR

Seine-Saint-Denis

Désignée par le groupe

M.

CAILLAUD Dominique

UMP

Vendée

Désigné par le groupe

M.

CALVET François

UMP

Pyrénées Orientales

Président du G.A. Andorre

M.

CARRÉ Antoine

UMP

Loiret

Désigné par le groupe

M.

CAZENAVE Richard

UMP

Isère

Président du G.A. Mauritanie

Mme

COMPARINI Anne-Marie

UDF

Rhône

Désignée par le groupe

M.

COUSSAIN Yves

UMP

Cantal

Présidente du G.A. Albanie

M.

DASSEUX Michel

S

Dordogne

Désigné par le groupe

M.

DE GAULLE Jean

UMP

Paris

Président du G.A. Vietnam

M.

DEHOUX Marcel

S

Nord

Président du G.A. Macédoine

M.

DELNATTE Patrick

UMP

Nord

Président du G.A. Belgique

M.

DEROSIER Bernard

S

Nord

Président du G.A. Algérie

M.

DOSÉ François

S

Meuse

Désigné par le groupe

M.

DOSIÈRE René

S

Aisne

Président du G.A. Guinée

M.

DUFAU Jean-Pierre

S

Landes

Président du G.A. Roumanie

M.

DUPONT-AIGNAN Nicolas

UMP

Essonne

Désigné par le groupe

M.

FENECH Georges

UMP

Rhône

Désigné par le groupe

M.

FERRAND Jean-Michel

UMP

Vaucluse

Président du G.A. Hongrie

M.

FERRY Alain

UMP

Bas-Rhin

Désigné par le groupe

M.

FRANÇAIX Michel

S

Oise

Président du G.A. St Thomas et Prince

M.

FROMION Yves

UMP

Cher

Président du G.A. Laos

Mme

GAUTIER Nathalie

S

Rhône

Désignée par le groupe

M.

GEVEAUX Jean-Marie

UMP

Sarthe

Désigné par le groupe

M.

GISCARD D'ESTAING Louis

UMP

Puy-de-Dôme

Président du G.A. Egypte

M.

GOASGUEN Claude

UMP

Paris

Président du G.A. Québec

M.

GODFRAIN Jacques

UMP

Aveyron

Président du G.A. Gabon

M.

GONNOT François-Michel

UMP

Oise

Président du G.A. République du Congo (Brazzaville)

M.

GRAND Jean-Pierre

UMP

Hérault

Président du G.A. Cap Vert

M.

GUIBAL Jean-Pierre

UMP

Alpes-Maritimes

Président du G.A. Monaco

M.

HAGE Georges

CR

Nord

Désigné par le groupe

M.

HAMEL Gérard

UMP

Eure-et-Loir

Président du G.A. Burkina Faso

M.

HART Joël

UMP

Somme

Président du G.A. Burundi

M.

HERBILLON Michel

UMP

Val-de-Marne

Désigné par le groupe

M.

HUGON Jean-Yves

UMP

Indre

Désigné par le groupe

M.

JARDE Olivier

UDF

Somme

Désigné par le groupe

M.

KAMARDINE Mansour

UMP

Mayotte

Président du G.A. Comores

M.

KOSSOWSKI Jacques

UMP

Hauts-de-Seine

Président du G.A. Guinée Bissau

M.

LANDRAIN Edouard

UMP

Loire Atlantique

Président du G.A. Haïti

M.

LASBORDES Pierre

UMP

Essonne

Désigné par le groupe

M.

LE BRIS Gilbert

S

Finistère

Président du G.A. Seychelles

M.

LE FUR Marc

UMP

Côtes d'Armor

Désigné par le groupe

M.

LEFRANC Jean-Marc

UMP

Calvados

Président du G.A. Bénin

M.

LEMOINE Jean-Claude

UMP

Manche

Président du G.A. Rwanda

M.

LENGAGNE Guy

S

Pas-de-Calais

Président du G.A. Centrafrique

M.

LEONARD Gérard

UMP

Meurthe-et-Moselle

Président du G.A. Liban

M.

LEONARD Jean-Louis

UMP

Charente-Maritime

Président du G.A. Pologne

M.

LEROY Maurice

UDF

Loir-et-Cher

Désigné par le groupe

M.

LETT Céleste

UMP

Moselle

Président du G.A. Luxembourg

Mme

LIGNIERES-CASSOU Martine

S

Pyrénées-Atlantiques

Désignée par le groupe

Mme

MARTINEZ Henriette

UMP

Hautes-Alpes

Désignée par le groupe

M.

MESLOT Damien

UMP

Territoire-de-Belfort

Désigné par le groupe

Mme

MIGNON Hélène

S

Haute-Garonne

Désignée par le groupe

M.

MORANGE Pierre

UMP

Yvelines

Président du G.A. Côte d'Ivoire

M.

MORIN Hervé

UDF

Eure

Président du G.A. Niger

M.

NÉRI Alain

S

Puy-de-Dôme

Président du G.A. Maurice

M.

PAILLÉ Dominique

UMP

Deux-Sèvres

Désigné par le groupe

M.

PEIRO Germinal

S

Dordogne

Président du G.A. Bulgarie

Mme

PEROL-DUMONT Marie-Françoise

S

Haute-Vienne

Désignée par le groupe

M.

PHILIP Christian

UMP

Rhône

Président du G.A. Togo

Mme

POLETTI Bérangère

UMP

Ardennes

Désignée par le groupe

M.

REMILLER Jacques

UMP

Isère

Président du G.A. Tchad

M.

RENUCCI Simon

S

Corse-du-Sud

Désigné par le groupe

Mme

RIMANE Juliana

UMP

Guyane

Désignée par le groupe

M.

ROATTA Jean

UMP

Bouches-du-Rhône

Président du G.A. Maroc

Mme

ROBIN-RODRIGO Chantal

S

Hautes-Pyrénées

Désignée par le groupe

M.

ROLLAND Jean-Marie

UMP

Yonne

Désigné par le groupe

M.

ROUMEGOUX Michel

UMP

Lot

Président du G.A. Mali

M.

SCHNEIDER André

UMP

Bas-Rhin

Président du G.A. Cameroun

M.

SICRE Henri

S

Pyrénées Orientales

Président du G.A. Guinée Equatoriale

M.

SIFFREDI Georges

UMP

Hauts-de-Seine

Désigné par le groupe

M.

STRAUSS-KAHN Dominique

S

Val d'Oise

Désigné par le groupe

M.

TERROT Michel

UMP

Rhône

Président du G.A. République démocratique du Congo (Kinshasa)

M.

TOURTELIER Philippe

S

Ille-et-Vilaine

Désigné par le groupe

M.

UEBERSCHLAG Jean

UMP

Haut-Rhin

Président du G.A. Suisse

Mme

VERNAUDON Béatrice

UMP

Polynésie française

Désignée par le groupe

M.

VICTORIA René Paul

UMP

Réunion

Président du G.A. Madagascar

M.

VIGNOBLE Gérard

UDF

Nord

Président du G.A. Djibouti

M.

VOISIN Michel

UMP

Ain

Président du G.A. Vanuatu

Liste des sénateurs membres de la section française
(par ordre alphabétique)

M.

ABOUT Nicolas

UC

Yvelines

Président du G.I. Egypte

Mme

ANDRÉ Michèle

SOC

Puy-de-Dôme

Désignée par le groupe

M.

BADINTER Robert

SOC

Hauts-de-Seine

Président du G.I. Macédoine

M.

BADRÉ Denis

UC

Hauts-de-Seine

Désigné par le groupe

M.

BÉCOT Michel

UMP

Deux-Sèvres

Désigné par le groupe

M.

BÉTEILLE Laurent

UMP

Essonne

Désigné par le groupe

M.

BLIN Maurice

UC

Ardennes

Désigné par le groupe

M.

BOURDIN Joël

UMP

Eure

Désigné par le groupe

Mme

BOYER Yolande

SOC

Finistère

Désignée par le groupe

Mme

BRISEPIERRE Paulette

UMP

Français établis hors de France

Présidente du G.I. Maroc

M.

CANTEGRIT Jean-Pierre

UMP

Français établis hors de France

Président du G.I. Afrique centrale

Mme

CERISIER BEN GUIGA Monique

SOC

Français établis hors de France

Présidente du G.I. Tunisie

M.

CLÉACH Marcel-Pierre

UMP

Sarthe

Président du G.I. Canada

M.

COINTAT Christian

UMP

Français établis hors de France

Président du G.I. Belgique et Luxembourg

M.

COLLIN Yvon

RDSE

Tarn-et-Garonne

Désigné par le groupe

M.

DARNICHE Philippe

NI

Vendée

Désigné par le groupe

M.

DAUGE Yves

SOC

Indre-et-Loire

Désigné par le groupe

Mme

DAVID Annie

CRC

Isère

Désignée par le groupe

M.

DEL PICCHIA Robert

UMP

Français établis hors de France

Président du G.I. Hongrie

M.

DETCHEVERRY Denis

UMP-ratt.

St-Pierre-et-Miquelon

Désigné par le groupe

M.

DOMEIZEL Claude

SOC

Alpes de Haute-Provence

Président du G.I. Algérie

M.

DREYFUS-SCHMIDT Michel

SOC

Territoire de Belfort

Président du G.I. Caraïbes

Mme

DURRIEU Josette

SOC

Hautes-Pyrénées

Présidente du G.I. Moldavie

M.

DUSSAUT Bernard

SOC

Gironde

Désigné par le groupe

M.

DUVERNOIS Louis

UMP

Français établis hors de France

Président du G.I. Djibouti et corne de l'Afrique

M.

FAURE Jean

UMP

Isère

Président du G.I. Madagascar et pays de l'Océan indien et du G.I. Laos-Cambodge

M.

FERRAND André

UMP

Français établis hors de France

Désigné par le groupe

M.

FOURNIER Bernard

UMP

Loire

Président du G.I. Albanie

M.

GAILLARD Yann

UMP

Aube

Président du G.I. Pologne

Mme

GARRIAUD-MAYLAM Joëlle

UMP

Français établis hors de France

Désignée par le groupe

M.

GILLOT Jacques

SOC-app.

Guadeloupe

Désigné par le groupe

M.

GOUTEYRON Adrien

UMP

Haute-Loire

Président du G.I. Liban

M.

HÉRISSON Pierre

UMP

Haute-Savoie

Président du G.I. Suisse

M.

HUE Robert

CRC

Val d'Oise

Désigné par le groupe

M.

JÉGOU Jean-Jacques

UC

Val de Marne

Désigné par le groupe

M.

LAUFOAULU Robert

UMP-ratt.

Wallis et Futuna

Désigné par le groupe

M.

LEGENDRE Jacques

UMP

Nord

Président du G.I. Afrique de l'Ouest

M.

LISE Claude

SOC-app.

Martinique

Désigné par le groupe

M.

LOUECKHOTE Simon

UMP

Nouvelle-Calédonie

Désigné par le groupe

M.

LUART (du) Roland

UMP

Sarthe

Désigné par le groupe

Mme

LUC Hélène

CRC

Val de Marne

Désignée par le groupe

M.

MARINI Philippe

UMP

Oise

Président du G.I. Québec

M.

MASSION Marc

SOC

Seine-Maritime

Désigné par le groupe

M.

MAUROY Pierre

SOC

Nord

Désigné par le groupe

M.

MIQUEL Gérard

SOC

Lot

Président du G.I. Vietnam

M.

MOULY Georges

RDSE

Corrèze

Désigné par le groupe

M.

NACHBAR Philippe

UMP

Meurthe-et-Moselle

Désigné par le groupe

Mme

PAPON Monique

UMP

Loire-Atlantique

Désignée par le groupe

Mme

PAYET Anne-Marie

UC

Réunion

Désignée par le groupe

M.

PELLETIER Jacques

RDSE

Aisne

Président du G.I. Afrique australe

M.

PICHERAL Jean-François

SOC

Bouches-du-Rhône

Président du G.I. Bulgarie

M.

PONCELET Christian

UMP

Vosges

Désigné par le groupe

M.

RAINCOURT (de) Henri

UMP

Yonne

Désigné par le groupe

M.

RENAR Ivan

CRC

Nord

Désigné par le groupe

M.

REVOL Henri

UMP

Côte d'Or

Président du G.I. Roumanie

M.

SAUNIER Claude

SOC

Côtes-d'Armor

Désigné par le groupe

Mme

TASCA Catherine

SOC

Yvelines

Désignée par le groupe

M.

VALADE Jacques

UMP

Gironde

Désigné par le groupe

M.

VALLET André

UC

Bouches-du-Rhône

Président du G.I. Vanuatu et Iles du Pacifique

M.

YUNG Richard

SOC

Français établis hors de France

Désigné par le groupe

* 1 cf. Constitution - article 39

* 2 idem

* 3 Le nombre des commissions est fixé par la Constitution

* 4 Depuis 1998, à l'Assemblée nationale, deux matinées par mois sont consacrées à cette procédure.

* 5 La Conférence des Présidents est composée, outre du Président, des vice-présidents de l'Assemblée - qui suppléent le Président pour la présidence des séances publiques -, des présidents des commissions permanentes et de la délégation pour l'Union européenne, des présidents des groupes et du rapporteur général de la commission des finances.

* 6 ce qui semble normal, chaque commission reflétant fidèlement la composition politique de l'assemblée

* 7 Rappel : les 27 membres sont : États fédérés de Micronésie, Guam, îles Cook, îles Fidji, îles Marianne du Nord, îles Marshall, îles Salomon, Kiribati, Nauru, Niue, Nouvelle-Calédonie, Palau, Papouasie-Nouvelle Guinée, Pitcairn, Polynésie française, Samoa, Samoa américaines, Tokelau, Tonga, Tuvalu, Vanuatu, Wallis et Futuna, Australie, France, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et Etats-Unis.

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