B. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE : ISRAËL CONNAIT LE PLUS INTENSIF ET LE PLUS LARGE PROGRAMME DE RÉFORMES ÉCONOMIQUES DE SON HISTOIRE

Quand la délégation quittait Israël, le Gouvernement avait annoncé qu'il se réunirait le mois d'après pour examiner le troisième volet de la réforme fiscale.

1. Les réformes libérales engagées en 2002

Depuis la crise financière de juillet 2001, en effet, un nombre important de réformes économiques ont été entreprises ou sur le point d'être mises en oeuvre. Il s'agit notamment :

- de la réforme de la sécurité sociale, dans le sens d'une réduction des allocations et de centaines de milliers de bénéficiaires.

- d'un vaste mouvement de privatisation, qui a pris la forme de la vente des actifs les plus importants, comme la banque Hapoalim, la compagnie El Al, les entreprises militaires israéliennes et, plus récemment, Bezeq, le géant des télécommunications ;

- de l'accession à la stabilité des prix, qui est longtemps restée un doux espoir, maintenant assurée par la loi ;

- d'un nouveau plan général de dépenses et de recettes pour les autorités municipales ;

- de la révision globale de la loi encourageant les investissements ;

- de la division des entités portuaires en lots séparés et compétitifs ;

- de l'évolution des règles du système financier et bancaire ;

- d'une révision complète du système fiscal.

Le Gouvernement israélien envisage aujourd'hui de mettre en oeuvre un troisième volet de réforme fiscale, d'examiner une refonte du système foncier et de réviser les règles de la banque d'Israël (BOL).

Cela faisait vingt ans que de nombreuses propositions de réformes étaient envisagées, sans succès.

La rapidité avec laquelle elles ont été entreprises dans les derniers mois est, par conséquent, remarquable.

Le Gouvernement est parvenu à se débarrasser de nombreuses réglementations inspirées uniquement par des intérêts catégoriels, soutenus par un certain nombre de lobbies.

Pour faire accepter le changement, quasiment toutes les ordonnances récentes ont assorti leur application d'un échéancier relativement long de mise en oeuvre.

2. Une conjonction inespérée d'occasion politique, économique et sociale

Il a fallu une crise économique pour que le processus de réforme soit lancé.

A la fin des années 1990, l'instabilité des Gouvernements israéliens a permis à des groupes d'intérêts, agissant au travers des commissions de la Knesset, de faire adopter des lois très onéreuses, sans qu'en contrepartie, on n'augmente les recettes.

En 2001, l'effet de ciseau n'était plus soutenable.

Cette fois-ci, une fois la crise résorbée, le Gouvernement n'a pas repris ses vieilles habitudes : les réformes ont été soutenues, en dépit du fait que la plupart de ses défenseurs n'aient modifié ni leurs méthodes ni leur discours idéologique.

Le ministre des finances Benjamin Netanyahu n'a pas tardé à faire valoir la réussite de sa méthode.

Toutefois, ce qui semble avoir rendu possible la réforme réside plutôt dans la conjonction favorable des conjonctures économiques, sociales et, surtout, politiques, qui ont permis aux administrations de l'État de faire passer leurs propositions.

a) Les ambitions de Benjamin Netanyahu

M. Netanyahu s'est saisi de la réforme parce qu'il avait besoin d'un tremplin pour redorer son blason politique mis à mal durant son mandat de Premier ministre.

Son mérite a consisté à transformer des propositions complexes bâties par la Haute administration en des slogans simples et populaires. En ce sens, il est parvenu à faire passer ses choix au sein du comité central du Likoud, traditionnellement inféodé aux intérêts catégoriels et à ceux qui réclament des augmentations de dépenses.

Cependant, en même temps, il faisait campagne contre le désengagement de Gaza, qui a la faveur des investisseurs, et tentait de distancer le Premier ministre Ariel Sharon, alors même que la stabilité politique était essentielle à la viabilité économique.

Finalement, Netanyahu aurait été incapable de faire adopter son dernier budget sans les manoeuvres de dernières minutes d'Ariel Sharon.

b) Les calculs d'Ariel Sharon

Ariel Sharon cherchait à confier une tâche de poids à son ambitieux ministre des finances, tout en gardant un oeil attentif sur lui : aucun ministre des finances n'a récemment accédé au poste de Premier ministre.

Ayant largement contribué à mettre en place les distorsions économiques, notamment pour les allocations allouées aux colons juifs, Ariel Sharon cherche aujourd'hui à marquer son mandat en soutenant le processus de désengagement de la bande de Gaza.

Son parti a voté contre ces propositions et lui-même a perdu la confiance tant de son comité central que de la majorité des membres du Likoud qu'il avait désignés en tant que ministre.

Il a par conséquent cherché à construire son pouvoir avec l'aide du soutien politique des Etats-Unis.

Or, Washington a conditionné les garanties de prêt accordées en 2001 à la révision complète du système économique israélien. Ariel Sharon a considéré que c'était un prix acceptable à payer en contrepartie du soutien américain basé notamment sur l'affirmation que les réalités de terrain (telles que les implantations dans la bande ouest) devraient être prises en compte dans les négociations finales israélo-palestiniennes.

Toutefois, Ariel Sharon a également entendu payer en retour le soutien de ses alliés en faisant adopter le budget du retrait de Gaza.

c) La confusion du parti travailliste

Les leaders du parti travailliste se sont divisés, engendrant une certaine confusion au sein du parti. Ils doivent néanmoins s'entendre sur une feuille de route.

La principale base électorale du parti réside aujourd'hui dans la classe moyenne, les travailleurs l'ayant abandonnée en faveur du Likoud et du parti Shas.

Fondamentalement le désengagement est aujourd'hui sa première préoccupation. Le parti a donc dû accepter certaines des propositions de réforme libérale de Benjamin Netanyahu, afin de soutenir le retrait de Gaza, puisque le succès de ce retrait est concrètement corrélé à la réussite des réformes budgétaires.

d) La faiblesse du Histradrut

La fédération nationale syndicale, Histradut, est aujourd'hui encore plus désorganisée que le parti travailliste.

Elle est devenue un club privé rassemblant les syndicats les plus riches du pays, qui défendent becs et ongles leurs salaires et leurs avantages. C'est ce qui explique que le Histradut a perdu la grande majorité des travailleurs, de condition modeste.

Par conséquent, aucune organisation ne les représente plus aujourd'hui, alors même qu'ils sont les premiers touchés par les réformes libérales engagées par le Gouvernement.

e) Le discrédit de la Knesset

D'après les résultats des derniers sondages, la Knesset, qui est à l'origine de la plupart des distorsions économiques aujourd'hui combattues par le Gouvernement, et traditionnellement opposée à toute réforme, quelle qu'elle soit, souffre aujourd'hui du pire discrédit de son histoire.

Elle est donc incapable de mobiliser l'opposition populaire autour du soutien de réformes difficiles.

En conclusion, l'objectif des hauts fonctionnaires de l'État qui dirigent et mettent en oeuvre les réformes vise à amener les analystes économiques étrangers à classer Israël en entité économique standardisés -plutôt que parmi les économies en développement ou émergentes.

On peut dire aujourd'hui qu'ils y sont partiellement parvenus.

Ces derniers mois, les investisseurs étrangers ont donné des signes allant dans ce sens vis-à-vis des sociétés israéliennes, propulsant le marché de valeur des actions de Tel Aviv, pendant que le Nasdaq et le Dow connaissaient de nouvelles baisses.

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