III. LES DISTRICTS INDUSTRIELS ITALIENS

L'un des facteurs de compétitivité et de souplesse de l'industrie italienne est le district (en anglais cluster ), qui regroupe en réseau des PME spécialisée dans le même métier. C'est cette forme d'organisation qui explique largement la réactivité et les succès à l'exportation de l'industrie italienne. Les districts sont pour l'essentiel concentrés dans le nord et le centre du pays.

Lors de son déplacement, la délégation du groupe interparlementaire France-Italie s'est rendue dans la province de Biella, spécialisée dans l'industrie textile. Elle a pu, notamment, visiter la manufacture Zegna, entreprise de renommée mondiale dans la fabrication des tissus de luxe.

A. UNE FORME TRADITIONNELLE D'ORGANISATION DE L'INDUSTRIE

Par rapport aux systèmes de production français et aux regroupements d'entreprises existants dans d'autres pays européens, comme l'Espagne ou l'Allemagne, les districts industriels italiens constituent une spécificité à la fois par leur puissance industrielle et par leur aspect informel, prenant racine dans le monde de l'entreprise à l'échelon local.

Les 196 districts italiens emploient plus de 44 % du total de la main d'oeuvre du secteur manufacturier, et réalisent 42 % des exportations du pays. Ils constituent le coeur du Made in Italy. Les districts regroupaient, fin 2001, 85.500 entreprises (83.000 petites, 2.4000 de taille moyenne et 75 grandes) et employaient plus de 2,5 millions de personnes (soit 52 % des effectifs du secteur manufacturier). Au cours des cinq années précédentes, le nombre d'emplois dans les districts a augmenté de 1 %, alors qu'il diminuait de 15 % dans le reste du pays.

Les avantages de cette forme d'organisation et de coopération entre PME, associant aussi de grandes entreprises, sont nombreux : meilleure répartition des coûts et coordination plus facile des opérations, meilleurs intégration verticale de la filière, diversification de l'activité de l'entreprise et contrôle plus aisé de la distribution. Les districts favorisent la diffusion d'information sur les méthodes de gestion, les marchés et les technologies.

Cette forme d'organisation est aussi une conséquence de la grande fragmentation du tissu industriel italien. L'Italie compte plus de 4,5 millions de PME, et le chiffre d'affaires des multinationales industrielles italiennes ne représente que 11 % du PIB, contre un moyenne européenne de 25,3 %.

B. UN CADRE JURIDIQUE FIXÉ RÉCEMMENT

Ce n'est qu'en 1991 que les districts industriels ont été reconnus par la loi, qui les définit comme un nombre important d'entreprises de petite taille développant des activités de production, pour la plupart dans des secteurs traditionnels, et se situant dans un même bassin d'emplois. Les régions jouent un rôle fondamental, puisque ce sont elles qui reconnaissent les districts.

Depuis une loi de 1998, les compétences en matière d'aides aux entreprises ont été régionalisées, et actuellement 16 régions sur 25 ont adopté une loi organisant la tutelle des districts. Le district est donc un cadre permettant à la fois de formaliser le tissu de relations unissant les industriels du bassin concerné, et aussi un cadre utilisé par les régions et l'Etat pour mettre en oeuvre des politiques de compétitivité territoriale : la formation, l'internationalisation, l'innovation technologique, l'amélioration des infrastructures.

Les aides versées aux entreprises membres de districts ont représenté 6,76 milliards d'euros en 2002.

Un comité de district, réunissant les acteurs politiques locaux et les représentants des entreprises concernées a été institué au sein de la moitié des districts : c'est l'instance de dialogue qui permet la coordination des efforts. De nombreux districts sont toutefois très peu organisés, et c'est alors le plus souvent la chambre de commerce locale qui en assure effectivement la gestion. Un district est d'abord une réalité informelle, bien avant d'être organisé par une structure administrative.

C. LA COOPÉRATION ENTRE LES ENTREPRISES MEMBRES

L'existence de relations de concurrence et de coopération entre les entreprises du district rend leurs rapports interactifs et complexes. Les opérateurs travaillent en effet dans le même secteur d'activité, utilisent parfois les mêmes fournisseurs ou sous-traitants, et opèrent sur le même marché.

Cette organisation permet aux PME de réaliser d'importantes économies, puisqu'elles mettent en place des services utilisés en commun, à la fois pour les phases de conception (dessin, recherche et développement), de commercialisation (publicité, communication) et de distribution (transports).

Mais la coopération des entreprises des districts ne s'arrête pas aux activités productives. Elle comprend également la gestion de la main-d'oeuvre, organisée au sein du district avec l'aide de la caisse d'allocations chômage.

L'internationalisation (aides à l'export, à l'implantation à l'étranger) constitue un objectif d'importance croissante assigné par les collectivités et les entreprises aux districts. Nombreuses sont les entreprises qui organisent des actions communes pour la recherche de débouchés sur d'autres marchés.

La répartition sectorielle des districts industriels reflète les spécialisations des PMI italiennes : 26 % relèvent de la filière textile-habillement, 19 % de la mécanique, 17 ?5 % de l'ameublement, 12,5 % de la chaussure-cuir. Géographiquement, les districts sont concentrés dans le centre-nord et le nord-est.

D. LES LIMITES DU MODÈLE ITALIEN DES DISTRICTS

Les aides versées aux entreprises membres des districts ont consisté pour plus de 30 % en des subventions d'investissement à fonds perdus. Le soutien à la recherche-développement (10 % des aides) ou à l'internationalisation (11 %) ont donc été négligées, de même que les infrastructures. Ainsi, selon une étude faite en 2001, 80 % des entreprises membres de districts se déclaraient mécontentes du réseau routier.

Le défi de la recherche et de la technologie s'avère difficile à relever dans le cadre des districts. Les entreprises italiennes sont en effet très dynamiques dans le domaine de l'innovation, mais, du fait notamment de leur faible taille, elles n'investissent que 0,5 % du PIB en recherche-développement.

Du fait de la liberté laissée à l'initiative des entrepreneurs, on relève une grande hétérogénéité dans l'organisation des districts. Cette hétérogénéité favorise le cloisonnement, et empêche la mise en oeuvre de stratégies inter-districts.

E. L'AVENIR : LES DISTRICTS TECHNOLOGIQUES

Confronté à la remise en cause de l'efficacité du modèle des districts industriels ces dernières années - l'Italie a perdu 30 % de ses parts de marché dans le commerce international en cinq ans - le gouvernement a mis en place à la fin de 2002 un nouvel outil destiné à favoriser l'émergence de nouvelles filières, non liées au secteur manufacturier traditionnel : il s'agit des districts technologiques.

Ceux-ci sont orientés exclusivement vers des filières à haute intensité technologiques et sont destinés à intensifier les liens entre le monde de la recherche et le monde de l'industrie, entre les sphères publique et privée. Pour mettre en oeuvre cette stratégie, le ministère de la Recherche a procédé à une évaluation préalable des secteurs de recherche les plus pertinents : téléphonie sans fil, biotechs, nanotechnologies, matériaux polymères, mécanique avancée...

Un état des lieux sur le positionnement des centres de recherche au niveau international a été effectué. Enfin, une ultime sélection basée sur la « masse critique » a été réalisée. L'objectif final a été de choisir uniquement les districts atteignant une taille suffisante : onze d'entre eux ont été sélectionnés.

Carte des districts industriels italiens

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