IV. DES RELATIONS BILATÉRALES SOUTENUES

La situation au Liban a incontestablement entraîné une raréfaction des relations politiques franco-syriennes.

Il ne semble pas, en revanche, qu'elle se soit traduite de manière trop sensible dans d'autres domaines, en particulier en matière économique et culturelle.

A. LES RELATIONS ÉCONOMIQUES

Depuis plusieurs années, nos échanges avec la Syrie connaissent une sensible progression qui témoigne de l'effort d'ouverture de ce pays.

a) Des échanges à présent équilibrés

Notre balance commerciale avec la Syrie est traditionnellement déficitaire en raison de nos achats importants d'hydrocarbures. Ceux-ci représentent 65 % de nos échanges avec la Syrie.

Cependant, 2006 a marqué une rupture grâce, d'une part, à une sensible baisse de nos importations de pétrole brut (- 7,5 % à 387 millions d'euros) et, d'autre part, à une très forte augmentation de nos exportations de produits pétroliers raffinés (+ 74 % à 210 millions d'euros). Au total, la France a bénéficié d'un solde commercial positif de 91 millions d'euros contre un déficit de 13 millions en 2005.

b) Des exportations françaises concentrées

A eux seuls, les produits pétroliers raffinés, le sucre et le tabac transformés représentent 53 % de nos exportations.

Les biens intermédiaires sont un autre contributeur de notre solde commercial (91 millions d'euros), mais les ventes en la matière semblent s'essouffler alors même que la demande syrienne est soutenue. Il en va de même des biens d'équipements professionnels (- 20 % à 61 millions d'euros). Cela témoigne de la frilosité de certaines entreprises françaises sur le marché syrien.

c) Une présence économique encore limitée

Plusieurs entreprises françaises ont investi en Syrie. On peut citer, en particulier, Total, qui exerce sur place des activités d'exploration/production. La compagnie aurait investi plus d'un milliard et demi de dollars depuis son implantation en 1988. Dans le secteur agro-alimentaire, les fromageries Bel sont une entreprise phare. Elle produit sur place des fromages fondus et vise non seulement la Syrie mais aussi les marchés voisins, en particulier le Liban et la Jordanie.

Parmi les autres entreprises françaises présentes sur le marché, on notera le groupe cigarettier Altadis, Alcatel, Accor ou encore le Crédit Agricole-Indosuez, au travers de la BEMO Saudi Fransi, filiale de la BEMO (Banque européenne pour le Moyen-Orient) et de la banque Saudi Fransi dont le Crédit Agricole est actionnaire. Par ailleurs, la Société générale de banques au Liban (SGBL), dont la Société Générale est actionnaire minoritaire (19 %), a ouvert une agence dans la zone franche de Damas habilitée à offrir ses services aux sociétés agréées dans les zones franches syriennes.

Toutefois, notre présence sur place reste encore insuffisante. Si l'on se fie aux statistiques du Bureau des investissements syriens, qui recense les projets inscrits sous la loi n° 10 (abrogée en 2006, elle concernait l'industrie, l'agriculture, les transports, l'immobilier, certains services), la France est très en retard sur la période 1991-2006 avec 0,36 % des investissements (16 e rang) alors que l'Allemagne atteindrait 4 %.

Pourtant, comme dans le domaine politique, il n'est sans doute pas opportun de laisser la Syrie en tête-à-tête avec l'Iran. Relevons que ce dernier pays a proposé tout récemment un très ambitieux programme de coopération industrielle à Damas, évoquant la somme de 10 milliards de dollars d'investissements industriels sur 10 ans.

B. UNE COOPÉRATION UNIVERSITAIRE ET CULTURELLE AMBITIEUSE

1. La coopération universitaire

Il s'agit probablement de l'un des beaux succès de la coopération française. Les établissements d'enseignement supérieur français mènent, avec le soutien du ministère des affaires étrangères, du service culturel de l'ambassade et aussi, dans certains cas, du Sénat, une politique très active.

a) La mise en place de formations et de diplômes communs

Gestion, droit des affaires

Il convient de rappeler, pour mémoire, la création de l'Institut national d'administration (INA). Cet établissement forme les cadres supérieurs du secteur public syrien. Sa création est issue d'un accord de coopération entre le ministère français de la fonction publique et le ministère syrien de l'enseignement supérieur et faisait suite aux travaux de la Commission mixte franco-syrienne d'avril 2001.

Un master « droit des affaires internes et internationales » a été créé grâce à un partenariat entre l'Université Paris II et l'Université de Damas. Ce diplôme a fait l'objet d'un soutien financier du Sénat et du programme européen Tempus .

Au terme de deux années de fonctionnement, une cinquantaine d'étudiants ont reçu le double diplôme des deux universités partenaires. Ce master a été ouvert à la rentrée 2005 et accueille chaque année de 20 à 25 étudiants. Ceux-ci doivent disposer d'une licence de droit et maîtriser la langue française. Les cours ont lieu, pour l'essentiel, en arabe au premier semestre et en français au second semestre.

Votre rapporteur a tenu à rencontrer les étudiants de ce diplôme. Au cours d'un débat de bonne tenue, il a pu constater combien ceux-ci étaient motivés et déterminés à participer à la modernisation économique de leur pays.

Ce diplôme pourrait trouver un prolongement par adjonction d'une année supplémentaire et une transformation en master II avec deux options : recherche ou professionnalisation.

Autres diplômes

Un master « management-sécurité-environnement » a été créé par les Universités de Poitiers et de Damas. Cinq promotions ont été diplômées depuis 2003. Les débouchés de ce nouveau diplôme semblent excellents.

Un master de « restauration architecturale et urbaine » a été créé grâce à un partenariat entre le Centre des hautes études de Chaillot (CEDHEC) et l'Université de Damas. Les cours sont assurés pour moitié en français par des enseignants du CEDHEC et pour moitié en arabe par des enseignants de l'Université de Damas, pour un public composé d'architectes diplômés.

Un master en informatique est issu de la coopération avec l'Institut national des sciences appliquées (INSA) de Syrie et l'Université d'Alep.

Un diplôme supérieur de didactique du français langue étrangère a été créé par coopération entre l'Université Paris III-Sorbonne Nouvelle et l'Université de Damas.

Des projets

De nombreux autres projets sont étudiés et témoignent de la vitalité de la coopération universitaire mais aussi de la coopération linguistique franco-syrienne. Parmi ces projets, on relèvera : un diplôme d'échographie en radiologie et imagerie médicale (Damas et Lille II), un master spécialisé en ingénierie avancée en télécommunications (ENST Bretagne et Université de Damas), un master urbanisme et développement durable (Université de Marne-la-Vallée et Université de Damas).

b) Des engagements de long terme

Il convient de citer deux outils essentiels de la politique de coopération scientifique entre la France et la Syrie :

Le programme de formation doctorale des assistants des universités syriennes connaît un très important succès. A terme, grâce à ce programme, une majorité des enseignants des universités aura suivi une formation en France.

L'Institut français du Proche-Orient (IFPO) est un autre outil d'excellence. Il est né en 2003 de la fusion de l'Institut français d'archéologie du Proche-Orient (IFAPO), de l'Institut français d'études arabes de Damas (IFEAD) et du Centre d'études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain (CERMOC).

Ce regroupement de moyens lui permet d'être présent en Syrie mais aussi au Liban, en Jordanie. Organisé en trois directions scientifiques (archéologie et sciences de l'Antiquité, études médiévales, modernes et arabes, études contemporaines), l'IFPO accueille des chercheurs confirmés de nombreuses origines (affaires étrangères, CNRS, IRD...) pour 2 à 4 ans ainsi que des chercheurs en formation.

Tout en relevant du ministère des affaires étrangères, l'Institut constitue une équipe de recherche du CNRS. Il a retenu 4 grands thèmes de recherche pour la période 2006-2009 :

- la connaissance du patrimoine proche-oriental et l'analyse notamment de la production culturelle locale. Ce thème englobe bien sûr les fouilles archéologiques, qui mobilisent une vingtaine de chantiers et de programmes archéologiques de terrain en Syrie, Jordanie et Liban. Mais il a aussi vocation à encourager la réflexion sur la pensée arabe et musulmane ;

- le fait religieux au Proche-Orient. Outre la réalisation d'un inventaire raisonné des temples, sanctuaires et lieux de pèlerinage du Proche-Orient, cet axe de recherche vise aussi à mieux comprendre l'islam ainsi que les évolutions politico-religieuses des sociétés contemporaines ;

- le problème de la gestion des ressources naturelles. Cet axe sera l'occasion de poursuivre des recherches sur les usages et les enjeux de l'eau ;

- les espaces sociaux et manifestations du politique. Ce programme de recherche s'intéresse notamment au phénomène urbain, aux études ottomanes et fait une place à l'Atelier du Vieux Damas qui réalise un inventaire des anciens quartiers de la capitale syrienne.

Organisme reconnu et dynamique, l'IFPO mène actuellement une réflexion sur une plus grande internationalisation de ses équipes. Il doit aussi développer son effort de diffusion de la recherche. Sur le plan logistique, une restructuration des ses implantations immobilières est actuellement à l'étude, sous l'impulsion efficace de son directeur.

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