II. ENTRETIEN AVEC M. CHOEPEL, VICE-PRÉSIDENT DU COMITÉ PERMANENT DE L'ASSEMBLÉE POPULAIRE DE LA RÉGION AUTONOME DU TIBET

M. Louis de Broissia, sénateur :

Nous ne sommes pas là pour refaire l'histoire, mais pour constater le présent et préparer l'avenir. Je crois que son succès économique autorise la Chine à avoir une vision encore plus généreuse sur le Tibet. Or, dans le reste du monde, la question du Tibet est un handicap pour la Chine. Tout ce qui permettra de rapprocher les points de vue avec les Tibétains en exil contribuera à améliorer l'image de la Chine, de donner d'elle l'image d'un pays généreux, réconcilié avec son histoire.

M. Choepel, vice-président du comité permanent de l'assemblée populaire du Tibet :

Il est vrai que l'image du Tibet dans le monde à un impact sur l'image de la Chine. Ainsi, lorsque le président du Parlement européen, M. Josep Borel, est venu visiter le Tibet et Shangai, il a posé des questions sur le Dalaï-Lama.

M. Louis de Broissia :

Pourquoi la photo du Dalaï-Lama n'est-elle pas affichée dans les temples, alors que celle du Panchen-Lama s'y trouve ?

Je sais que M. Jacques Chirac et M. Hu Jintao ont coutume d'évoquer la question des prisonniers d'opinion tibétains. J'ai d'ailleurs avec moi une liste de certains d'entre eux. Mais je préfère en parler entre amis, pas forcément devant la presse mondiale.

M. Choepel :

Le président du Parlement européen nous aussi posé la question du dialogue avec le DalaÏ-Lama. C'est simple : la politique du gouvernement chinois à l'égard du Dalaï-Lama est constante ; le déroulement du dialogue ne dépend donc plus que du bon vouloir de ce dernier.

M. Louis de Broissia :

Le Dalaï-Lama est un homme de paix, dont le monde a besoin.

M. Choepel :

Je connais le Dalaï-Lama depuis mon enfance, en tant que Tibétain. Autrefois, il existait au Tibet un régime de servage féodal. En 1959, le Dalaï-Lama a fui en Inde et déclaré l'indépendance du Tibet. Depuis, il n'a jamais changé son objectif fondamental, qui demeure la soi-disant indépendance du Tibet. Son discours à l'égard des étrangers n'est qu'un stratagème. En fait, il veut un Tibet « hautement autonome » et un « Grand Tibet », pour en faire le centre du bouddhisme dans le monde.

En 1965, la première session de l'assemblée populaire du Tibet a mis en place le système de l'autonomie ethnique. Depuis quarante ans, ce système est reconnu et apprécié par les Tibétains. Lorsque le Dalaï-Lama revendique un Tibet « hautement autonome », c'est en fait une indépendance déguisée qu'il veut, ce que le peuple tibétain n'acceptera pas. Quant à la notion de « Grand Tibet », elle n'a jamais existé dans l'histoire tibétaine. Le Dalaï-Lama observe une stratégie de double face à destination des Occidentaux.

Le canal du dialogue avec le gouvernement chinois a toujours été ouvert. Pendant quelques temps, il a été bloqué par le Dalaï-Lama lui-même, qui a déclaré en 1993 qu'il ne voulait plus de contacts avec Pékin. Lorsque la puissance de la Chine s'est accrue, il a souhaité reprendre contact. Le gouvernement chinois a alors fait preuve d'une grande bonne volonté. Les représentants du Dalaï-Lama, son frère aîné, sa soeur cadette, ont même pu venir au Tibet.

Le Dalaï-Lama n'est pas un simple dirigeant religieux, mais un chef politique qui se livre à des activités séparatistes. Ceci suffit à expliquer que sa photo ne soit pas affichée dans les temples.

M. Louis de Broissia :

Nous n'avons pas de conseils à donner sur le contenu du dialogue entre le gouvernement chinois et le Dalaï-Lama, mais nous sommes prêts à le faciliter. Il faut une volonté car, comme le disait le général De Gaulle, « là où il y a une volonté, il y a toujours un chemin » ? Le jour où le Dalaï-Lama sera à Pékin, la Chine fera un bond dans l'opinion publique mondiale.

M. Choepel :

Le Dalaï-Lama sera le bienvenu en Chine, dès qu'il abandonnera sa position en faveur de la soi-disant indépendance du Tibet. Nous l'avions d'ailleurs invité à venir lors du décès du X ème Panchen-Lama, mais il avait alors refusé cette invitation.

Le Dalaï-Lama a aussi été vice-président de l'Assemblée nationale populaire, jusqu'à sa fuite en 1959. Ce poste lui a néanmoins été réservé jusqu'en 1971.

M. Louis de Broissia :

Nous souhaitons que la pratique de la langue, de la religion et de la civilisation tibétaines soit la plus libre possible. Pourquoi n'enseigne-t-on pas le tibétain dans le secondaire ?

M. Choepel :

Mais on enseigne le tibétain dans le secondaire ! J'ai été président d'université et chargé de l'éducation dans le gouvernement de la région autonome du Tibet jusqu'en 2003.

L'enseignement obligatoire porte sur 9 années. Dans le primaire et le premier cycle du secondaire, on enseigne le chinois, le tibétain, plus éventuellement l'anglais. Dans le second cycle du secondaire, l'enseignement du secondaire se fait en tibétain dans certaines écoles. Enfin, le tibétain est obligatoire, et éliminatoire, dans les universités du Tibet.

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