B. DANIS TANOVIC : FAIRE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE L'ACTRICE DU CHANGEMENT

Récompensé par l'Oscar du meilleur film étranger pour No man's land en 2002, le réalisateur Danis Tanovic d'origine bosniaque a fondé le 5 avril 2008 le mouvement politique Nasa Stranka (Notre parti), qui entend rassembler les différentes communautés bosniennes. La composition des instances dirigeantes du parti avec un bosno-serbe à sa tête, M. Bojan Bajic, trente ans, et un bosno-croate à la vice-présidence, M. Boris Divkovic, reflète cette ambition. Les cadres du parti sont issus des mondes universitaire et culturel.

Si ses résultats demeurent encore modestes, la nouvelle formation n'ayant obtenu que 12 % dans le très symbolique centre de Sarajevo lors des dernières élections municipales, elle traduit néanmoins l'émergence au sein de la société civile, et en particulier dans le monde de la culture, d'une véritable volonté d'incarner la nation bosnienne. L'absence de résultat immédiat n'est pas sans décourager les fondateurs du parti tant celui-ci entend travailler sur la durée. La principale ambition est d'attirer une partie des abstentionnistes.

La démarche de Nasa Stranka n'est pas sans intérêt tant elle prend à rebours les logiques mises en avant en Republika Sprska et au sein de la Bosnie-Herzégovine. Loin de céder à la tentation de condamner totalement les accords de Dayton, le jeune mouvement politique insiste plutôt sur leur application raisonnée. M. Bajic dénonce ainsi la permanence d'objectifs datant de la guerre au sein des programmes des principales formations politiques et l'inapplication implicite des accords en raison de cette logique maximaliste. Aucune avancée ne sera possible si les dirigeants bosniaques, serbes et croates campent sur leurs positions.

Le refus de centrer le débat sur les questions institutionnelles traduit une volonté de répondre aux défis quotidiens que rencontre la population bosnienne, qu'il s'agisse d'économie, d'éducation, de justice ou d'écologie. Certains des membres de Nasa Stranka dénoncent ainsi une économie mercantiliste, quasi moyenâgeuse, peu apte à attirer les investissements européens. La modernisation de la Bosnie-Herzégovine passe avant tout par un travail sur les structures économiques et sociales, seules aptes à transcender les logiques identitaires, fondées notamment sur l'exacerbation des peurs.

Dans cette optique, Nasa Stranka confère au Haut Représentant une seule fonction d'arbitre apte à trancher en cas de violation des accords de Dayton. Il ne saurait assumer d'autre responsabilité tant l'exercice réel du pouvoir doit revenir aux forces politiques en présence. Nasa Stranka milite pour une responsabilisation des acteurs politiques qui cesseraient dès lors de se défausser sur l'entité voisine ou la communauté internationale. Cette prise de conscience est le seul préalable à toute réforme ambitieuse du pays.

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