D. L'AVENIR DU SECTEUR DES HYDROCARBURES NIGÉRIAN, UN ENJEU MAJEUR POUR LES ENTREPRISES FRANÇAISES

Le Nigeria dispose de ressources en hydrocarbures exceptionnelles. Ses réserves prouvées de pétrole sont estimées à 36,2 milliards de barils, concentrant ainsi 35 % des réserves de brut du continent africain et près de 80 % de celles de l'Afrique subsaharienne . Le pays se classe ainsi au 10e rang mondial , et les autorités envisagent de porter ce total à 40 milliards de barils d'ici à 2010 grâce à la poursuite de l'exploration dans le Golfe de Guinée. La plus grande partie de ces réserves sont situées dans la région du delta du Niger et dans l' offshore qui en constitue le prolongement.

Toutefois, la production nigériane de pétrole accuse une baisse tendancielle avant tout liée à l' insécurité persistante dans le delta , qui affecte aussi bien les personnels que les infrastructures. Les enlèvements et les actions de sabotage conduites principalement par les militants du Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger (MEND) ont ainsi considérablement perturbé l'exploitation pétrolière : après avoir culminé à 2,6 millions de barils par jour en 2005, la production nigériane n'a pas dépassé 2,3 millions de barils par jour en 2007 pour une capacité de production évaluée à 2,5 millions b/j. Dès lors, l'objectif affiché par les autorités nigérianes de porter la production à 4 millions b/j semble tout à fait irréaliste.

Le Nigeria est également extrêmement bien doté en gaz : ses réserves, estimées à 5 000 milliards de mètres cubes, se situent au 7 e rang mondial et au premier rang de l'Afrique . Néanmoins, l'exploitation gazière est beaucoup plus récente et la production annuelle reste modeste bien qu'en augmentation constante.

Lors de son arrivée au pouvoir en 2007, le Président Yar'Adua a décidé de restructurer le secteur des hydrocarbures afin d'en améliorer l'efficience. Dans cette optique, la Compagnie pétrolière nationale nigériane ( Nigerian National Petroleum Company - NNPC) a vocation à devenir une compagnie pétrolière et gazière intégrée, active sur l'ensemble du secteur, tant au niveau national qu'international. Toutefois, pour réussir, le changement de structure doit également s'accompagner d'une modification de son mode de financement. En effet, l' endettement chronique de la NNPC constitue, à l'heure actuelle, une entrave considérable à la mise en oeuvre de projets, dès lors que le régime pétrolier prévoit la constitution de joint-ventures , associant obligatoirement la NNPC, dans le cadre du partage de la production.

Par ailleurs, à la demande des autorités nigérianes, les contrats conclus dans les années 1990 avec les compagnies internationales sont en cours de renégociation. En effet, conclus à une période où le prix du pétrole était très bas, les contrats apparaissent aujourd'hui comme excessivement favorables aux sociétés étrangères.

Le régime pétrolier, établi à l'origine et encore en vigueur, consiste en un régime de concession classique sous forme d'association ( joint-venture ) avec la NNPC , majoritaire à 60 % 12 ( * ) . Le régime de concession est soumis à une fiscalité dite de type OPEP, avec une redevance de 20 % et un taux d'imposition notionnel de 85 %. Cette fiscalité s'applique à la quasi-totalité de la production actuelle et à la grande majorité des titres miniers hors offshore profond. Cinq compagnies étrangères opèrent aujourd'hui à elles seules plus de 90 % de la production totale de brut nigérian, en association avec la NNPC : Shell, Exxon Mobil, Chevron, Total, ENI.

Implanté au Nigeria depuis 1956, l'entreprise française Total y est présente dans l' amont pétrolier (activités d'exploration et de production), la production de gaz naturel liquéfié, la distribution de produits pétroliers et dans le secteur électrique. Total réalise au Nigeria près de 10 % de production mondiale, soit en 2007 environ 261 000 barils équivalents pétrole par jour. Le groupe est actuellement en pleine expansion dans le pays, sa production ayant doublé entre 1999 et 2005 ; il devrait y engager un important programme d'investissements tant sur le volet pétrolier que sur le volet gazier, d'un montant prévisionnel de 8 à 10 milliards de dollars US pour la période 2009-2013. L'accent devrait être porté sur les projets en eau profonde et la croissance des productions gazières.

Pour l'heure, Total opère sept permis de production et deux permis d'exploration. Sa production se concentre sur le champ d'Amenam (125 000 b/j), situé en offshore profond. Les principaux champs en développement sont : Akpo, dont la production a démarré au premier semestre 2009, Ofon II et Usan, ces deux dernières plateformes devant commencer à produire respectivement en 2010 et 2012. En plateau, la production de ces trois champs devrait atteindre 475 000 b/j.

À l'occasion de sa rencontre avec les conseillers du commerce extérieur ainsi que les représentants de différentes entreprises françaises implantées au Nigeria, notamment ceux de Total, la délégation a relevé trois obstacles principaux au développement du potentiel pétrolier et gazier du pays :

- l' insécurité dans le delta du Niger : face à la dégradation croissante des conditions de sécurité dans la région, les entreprises exploitantes ont réclamé une action globale de la part des autorités nigérianes, aussi bien sur le plan sécuritaire que sur le plan socio-économique. Sur ce point, le gouverneur de l'État de Rivers, M. Rotimi Amaechi, rencontré par la délégation, a insisté sur les progrès réalisés sous son administration dans le sens d'un renforcement de la sécurité et d'une amélioration des conditions de vie à Port Harcourt. Par ailleurs, Total a indiqué s'être considérablement investi dans la promotion du développement durable des communautés locales implantées sur ses sites de production, en facilitant l'accès l'éducation et en multipliant les actions de pédagogie sur les synergies à établir entre l'exploitation des ressources naturelles du delta et l'amélioration des conditions de vie de ses habitants ;

Une réponse du gouvernement fédéral face aux problèmes d'insécurité
dans le delta du Niger : l'amnistie

Afin de résorber le conflit larvé en cours dans le delta du Niger, qui coûterait au pays, selon certains observateurs, près du tiers de sa production annuelle de pétrole, le Président Yar'Adua a lancé, le 6 août 2009, une offre de grâce inconditionnelle , de versements d'argent et de réinsertion aux rebelles qui acceptent de déposer leurs armes et de se présenter dans des centres de démobilisation. Les autorités nigérianes proposent notamment aux rebelles repentant environ 300 euros par mois pour se nourrir et se loger pendant la période de réhabilitation .

Cette opération d'amnistie, qui s'est achevée le 4 octobre 2009, est considérée par le gouvernement fédéral comme un franc succès, après la reddition de plusieurs milliers de rebelles, dont plusieurs personnalités. Après avoir lancé, en mai, une vaste offensive terrestre, aérienne et maritime dans le delta du Niger pour tenter de déloger les rebelles de leurs refuges, le gouvernement a procédé, après l'annonce début août de son offre d'amnistie, à la libération de M. Henry Okah, chef présumé du MEND, mouvement qui avait conclu en juillet dernier un cessez-le-feu de 60 jours avec l'État. M. Okah aurait accepté l'amnistie après que les accusations de trahison et de trafic d'armes qui pesaient sur lui ont été abandonnées.

Le MEND réclame une réponse globale aux problèmes de la région du delta du Niger, en particulier le règlement du différend portant sur la répartition des ressources issues de l'exploitation du pétrole, afin de garantir une paix durable. Un comité désigné par le gouvernement en 2008 a notamment estimé que les États producteurs de pétrole devraient se voir reverser 25 % des revenus pétroliers du pays, contre 13 % à l'heure actuelle. Le MEND aurait désigné récemment une équipe de médiateurs dans le but d'ouvrir des discussions avec le gouvernement au début du mois d'octobre 2009.

Source : à partir de Courrier international , édition du 11 août 2009.

- le défaut de financement de la quote-part d'investissements de la société nationale NNPC : le modèle contractuel de joint-ventures au Nigeria entre la compagnie nationale NNPC et les sociétés internationales prévoit que chaque partenaire finance sa quote-part des coûts d'investissement et de fonctionnement de l'activité et dispose, en contrepartie, de sa quote-part de production. Or, depuis un certain nombre d'années, il nous a été indiqué que la NNPC ne reçoit plus de l'État fédéral les moyens financiers suffisants pour honorer sa quote-part des investissements, si bien que nombreux sont les projets qui ont dû être reportés. Le Nigeria se trouve ainsi encore loin de son potentiel d'exploitation ;

- l' incertitude que fait peser sur le cadre contractuel et fiscal de l'industrie pétrolière le projet en cours de réforme du secteur des hydrocarbures : ce projet de loi, déposé devant l'Assemblée nationale nigériane (Chambre des représentants et Sénat) en décembre 2008, tend à modifier le cadre légal, contractuel et fiscal du secteur des hydrocarbures afin d'en améliorer l' efficience , d'établir de nouvelles autorités de contrôle et de régulation et de définir des directives pour les opérations pétrolières amont et aval . L'objectif poursuivi par cette réforme consiste à faire de la NNPC une compagnie pétrolière et gazière intégrée, opérant tant au niveau national qu'international, à établir un mode de financement soutenable qui permette d'éviter à l'industrie de faire trop souvent les frais des défauts de paiement de la part du gouvernement fédéral, et à renforcer la transparence et la séparation des rôles afin de garantir un développement endogène. La délégation a eu l'occasion d'interroger les différentes personnalités politiques sur ce thème, notamment des parlementaires nigérians, qui l'ont assuré que les sociétés pétrolières seraient naturellement consultées en amont et en aval de cette réforme, le texte étant encore en discussion à l'Assemblée nationale, au stade de la troisième lecture en commissions.

* 12 À l'exception de la joint venture avec l'entreprise Shell dans laquelle la participation de la NNPC s'élève à 55 %.

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