C. L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT FRANÇAISE AU NIGERIA

L'aide publique au développement française en faveur du Nigeria s'élevait, en 2005, à 1 155 millions d'euros, faisant du Nigeria, à l'époque, le premier bénéficiaire de notre aide, pour des raisons principalement conjoncturelles liées aux allègements de dette concédés dans le cadre du Club de Paris.

Traditionnellement, l'aide publique française au développement consistait en une aide souveraine, au profit des États. Toutefois, la coopération économique franco-nigériane prend désormais un tournant beaucoup plus opérationnel depuis le démarrage des activités de l'entreprise Proparco, banque d'investissements soutenant le secteur privé exclusivement, à l'automne 2007, et l'activation d'une section de l'Agence française de développement (AFD) à Abuja depuis le mois de décembre 2008. L'installation de l'AFD au Nigeria n'a pas été sans difficulté : il fut difficile pour l'Agence, bailleur de fonds le plus coûteux au Nigeria malgré un taux de remboursement fixe de 2 % , de convaincre les autorités nigérianes. Toutefois, l'AFD a reçu au début du mois d'août une lettre d'accord de principe du ministre nigérian des finances sur la base de propositions d'un montant global de 250 millions de dollars américains.

Ainsi, l'aide française est-elle de moins en moins souveraine au Nigeria , en s'adressant de plus en plus aux États fédérés, et l'Agence envisage même dans l'avenir de prêter aux autorités locales sans garantie de l'État fédéral. Les engagements non souverains de l'AFD au Nigeria constituent désormais environ 20 % des investissements de l'Agence. Afin de renforcer ses positions dans le pays, l'AFD multiplie les cofinancements avec d'autres bailleurs de fonds, notamment multilatéraux, tels que la Banque mondiale, dans les secteurs de l'énergie, de l'eau, de l'assainissement et des transports urbains. À titre d'exemple, dans l'État de Lagos, l'aide budgétaire fournie par l'AFD sera gérée en partenariat avec la banque d'investissements française Proparco, pour permettre à quatre banques locales nigérianes de proposer plus de fonds à des PME qui éprouvent traditionnellement de sérieuses difficultés dans l'accès au crédit.

En juin 2008, le Président Yar'Adua a réservé sa première visite bilatérale en Europe à la France : ce déplacement a été l'occasion d'engager un processus de relance concertée de la coopération franco-nigériane afin d'aboutir à un « partenariat stratégique » renouvelé dans des domaines aussi variés que le dialogue politique, la coopération économique, culturelle, éducative, scientifique et technique, et militaire et de défense.

À la suite de la visite en octobre 2008 de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, le Premier ministre, M. François Fillon, s'est rendu au Nigeria en mai 2009 afin de signer un certain nombre de textes et accords, notamment un accord de coopération judiciaire en matière pénale et un mémorandum sur la coopération de défense et la sécurité maritime. Un document-cadre de partenariat est en cours d'élaboration entre les autorités françaises et nigérianes, pour fixer le cadre et les modalités d'une coopération franco-nigériane renouvelée dans le domaine économique.

Le Nigeria sera ainsi un pays privilégié pour la mise en oeuvre de l'initiative présidentielle française pour l'Afrique visant à soutenir la croissance africaine, selon les principes définis par le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, dans son discours du Cap du 28 février 2009. Dans cet esprit, la France souhaite privilégier le développement du secteur privé en Afrique, en accompagnant en particulier les petites et moyennes entreprises, qui sont potentiellement les plus génératrices d'emplois, dans leur accès aux financements, notamment via les mécanismes de microcrédit et de micro-finance .

Dans ce cadre, l'AFD met en oeuvre une stratégie ciblée sur deux secteurs prioritaires : les infrastructures de développement (énergie, eau et assainissement, transports, habitat social, etc.) et le soutien au secteur productif non pétrolier (agriculture, PME, micro-finance, etc.). Ces choix sont en cohérence aussi bien avec les objectifs de l'initiative présidentielle française pour l'Afrique qu'avec les priorités dégagées par l'ancien plan nigérian de développement NEEDS, fondu au sein de l'agenda en 7 points du Président Yar'Adua. Afin d'appliquer sur le terrain l'initiative présidentielle pour l'Afrique du 28 février 2009, l'AFD déploiera au Nigeria dix milliards d'euros sur la période 2008-2012. En 20009, elle projette d'investir deux milliards d'euros, et 30 % des projets qu'elle finance sont en excédent.

L'AFD encourage ainsi les banques au Nigeria à financer les PME en leur proposant de bénéficier du mécanisme de garantie bancaire « Ariz » qui permet aux banques de partager leur risque avec l'AFD, un projet ayant déjà été engagé en ce sens en 2009. L'AFD instruit également plusieurs projets de cofinancements, sous forme de prêts, avec la Banque mondiale et d'autres bailleurs de fonds, notamment pour multiplier les partenariats publics-privés dans les secteurs prioritaires évoqués précédemment, et travaille à la mise en oeuvre d'un projet d'appui à la création de Microcred Nigeria, une institution de micro-finance qui devrait s'implanter dans le Nord du Nigeria. Dans ce contexte, les engagements annuels de l'AFD au Nigeria pourraient être de l'ordre de 250 millions de dollars US à partir de 2010 .

La montée en puissance des activités de l'AFD au Nigeria devrait notamment permettre d'accompagner l'État de Lagos dans son projet de rénovation urbaine visant à faire de Lagos une mégapole moderne digne des vingt premières économies mondiales. La présentation par le ministre des finances de l'État de Lagos du projet intitulé « Lagos Megacity Project », devant la Chambre de commerce franco-nigériane et en présence de la délégation et du directeur local de l'AFD, M. Luc Bonnamour, ainsi que la rencontre avec le gouverneur de l'État de Lagos ont permis de manifester la volonté française d'appuyer les projets de rénovation urbaine à Lagos.

Impliquer les entreprises françaises dans la réalisation des projets de rénovation urbaine à Lagos dans le cadre du « Lagos Megacity Project » : une occasion exceptionnelle de relancer le partenariat franco-nigérian

1. L'État de Lagos : les défis d'une mégapole africaine

- Créé en 1967 à partir de la conurbation de Lagos, l'État de Lagos s'est imposé comme le centre commercial, financier et industriel névralgique du Nigeria, en comptant plus de 2 000 industries manufacturières et 200 institutions financières (banques, compagnies d'assurance, etc.) ainsi que la bourse nigériane.

- Plus petit État de la fédération nigériane, il n'en est pas moins l'État le plus peuplé : il abrite plus de 18 millions de Nigérians avec un taux de croissance démographique de 5 %, ce qui fait de Lagos une « mégacité » au sens des Nations unies.

- Les Nations unies estiment que l'État de Lagos deviendra la troisième mégapole la plus importante au monde en 2015, derrière Tokyo et Bombay, si son taux de croissance démographique actuel se maintient.

- Lagos représente 60 % des investissements industriels au Nigeria, de son commerce international et du revenu issu de la valeur ajoutée, et concentre 65 % des activités commerciales du pays.

- Lagos est le seul État générant la plus grande partie de son revenu de façon endogène : son revenu hors subventions fédérales excède de 200 % l'allocation statutaire qu'il perçoit du gouvernement fédéral.

2. Les réformes-clés envisagées par l'État de Lagos pour attirer les investissements directs étrangers :

- Amélioration du fonctionnement des services publics (augmentation de la rémunération des agents publics, informatisation, respect des règles de procédure).

- Réformes du secteur public dans le domaine des retraites, du Trésor public et du système judiciaire.

- Améliorer la gestion des déchets, sur la base d'un partenariat public-privé.

- Lutte contre la pauvreté via l'accès au microcrédit et l'acquisition de compétences.

- Renforcer le système éducatif (construction d'écoles et mise en oeuvre d'un programme de réhabilitation).

- Multiplier les partenariats et les cofinancements avec les donneurs multilatéraux (LAMATA, LMDDGP, plus grand fournisseur direct de fonds de la Banque mondiale au profit d'un gouvernement local).

- Amélioration de la perception des taxes et des impôts.

3. Un besoin massif d'investissements directs étrangers pour soutenir la modernisation et le développement des dix secteurs suivants :

- Infrastructures routières ;

- Réseau de transports ;

- Distribution d'énergie et d'eau ;

- Plan de développement durable et protection de l'environnement ;

- Santé ;

- Éducation ;

- Emploi ;

- Sécurité alimentaire ;

- Logement ;

- Augmentation du revenu.

Source : Présentation du projet « Lagos Megacity Project » par M. Prince Rotimi Oyekan, ministre des finances de l'État de Lagos, devant la Chambre de commerce franco-nigériane le 2 septembre 2009.

À l'occasion de multiples entretiens avec le gouverneur de l'État de Rivers, M. Rotimi Amaechi, aussi bien à Port Harcourt qu'à Paris, la délégation a pu dégager des pistes de coopération franco-nigériane concrètes dans l'État de Rivers :

Mettre en oeuvre des projets rapidement opérationnels
dans les secteurs créateurs d'emplois dans l'État de Rivers
Entretiens avec M. Rotimi Amaechi, gouverneur de l'État de Rivers, le 5 septembre 2009 à Port Harcourt et le 29 septembre 2009 au Sénat français

Le gouverneur de l'État de Rivers, M. Rotimi Amaechi, a exprimé le souhait que des contacts soient établis entre des entreprises, des collectivités territoriales et des institutions financières françaises (banques, Agence française de développement, et autres fonds d'investissement) d'une part, et des compagnies nigérianes et l'État fédéré de Rivers d'autre part, afin d'élaborer des projets rapidement opérationnels, prioritairement dans le secteur non pétrolier et dans le développement des réseaux de distribution d'énergie (électricité, pétrole et gaz) et d'eau, en privilégiant le recours aux partenariats publics-privés.

1. Le secteur non pétrolier créateur d'emplois doit constituer l'axe privilégié d'une coopération franco-nigériane renouvelée

Le gouverneur de l'État de Rivers a souligné le fait que la coopération franco-nigériane ne saurait se limiter aux seules industries extractives (pétrole et gaz), et devrait cibler l'aide au développement du secteur privé non pétrolier dans des domaines particulièrement porteurs de créations d'emplois, en favorisant notamment :

- la création d'un tissu dense de petites et moyennes entreprises, principales sources d'emplois au Nigeria, qui devraient bénéficier à terme d'un environnement fiscal favorable aux investissements privés et étrangers dans l'État de Rivers ;

- le développement d'un secteur agricole puissant et exportateur, en tirant profit des potentialités considérables de l'État de Rivers dans ce domaine. À ce titre, le gouverneur Amaechi a rappelé qu'étant donné les déficiences de l'exploitation agricole au Nigeria, les opportunités d'investissement dans ce secteur devraient être particulièrement intéressantes aux yeux des compagnies françaises, dans la mesure où le vaste marché nigérian (près de 150 millions de personnes) est encore très inégalement et insuffisamment approvisionné ;

- le renforcement des capacités portuaires de l'État de Rivers pour ouvrir des perspectives d'exportation aux entreprises nigérianes ;

- le développement du secteur de la construction et du bâtiment, avec un soutien particulier à la création d'infrastructures et de réseaux de distribution d'énergie et d'eau.

Le gouverneur a émis le souhait que la coopération franco-nigériane dans le domaine agricole puisse favoriser, à terme, la constitution d'une économie de l' agro-business solide et diversifiée, qui puisse mobiliser la population nigériane à tous les stades de la production agricole : exploitation, transformation, distribution, ingénierie et recherche, etc. Les potentialités agricoles de la région de Port Harcourt sont telles que l'État de Rivers pourrait mettre à la disposition des compagnies agricoles étrangères de 11 000 à 15 000 hectares de terres cultivables. A également évoquée la possibilité d'assister plus particulièrement l'État de Rivers dans le développement de l'aquaculture.

2. Un besoin urgent d'expertise et de formation

Le gouverneur Amaechi a lourdement insisté sur la nécessité d'inclure dans tout projet de coopération franco-nigérian, autant que faire se peut, des partenariats dans le domaine éducatif, en mettant l'accent sur l'échange d'expertise et de capacités d'ingénierie et sur la formation universitaire et professionnelle.

Les transferts de technologie entre entreprises françaises et nigérianes ne peuvent raisonnablement se limiter au seul secteur des hydrocarbures. Le mouvement de diversification de l'économie de l'État de Rivers engagé par le gouverneur Amaechi suppose, en effet, que les entreprises et les pouvoirs publics français soutiennent également les départements de « recherche et développement » des entreprises nigérianes dans le secteur non pétrolier, notamment agricole.

À ce titre, le groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest a évoqué la possibilité que de grands instituts de recherche français puissent être associés à l'échange de capacités d'ingénierie et à la formation, notamment l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) et l'Institut national de recherche agronomique (INRA).

3. Le recours aux partenariats publics-privés devrait être privilégié

Le gouverneur Amaechi a déclaré que les contrats de coopération franco-nigérians dans les domaines évoqués précédemment devraient prendre la forme de partenariats publics-privés. C'est précisément l'instrument que l'Agence française de développement a indiqué vouloir privilégier dans son soutien au secteur privé nigérian.

Le gouverneur a précisé que la législation de l'État de Rivers prévoit la possibilité pour différents types d'investisseurs (personne morale de droit public, entreprises et investisseurs privés, etc.) de s'associer à l'État de Rivers dans le cadre d'un « special purpose vehicle » : il s'agit d'une société appelée à conduire une activité déterminée ou temporaire, dont le capital serait détenu par les investisseurs français et l'État de Rivers, chaque actionnaire percevant les dividendes de la société à hauteur de sa quote-part d'investissement. Ce type d'association (plus ou moins analogue aux joint-ventures établies entre les sociétés pétrolières étrangères et la Compagnie nationale nigériane du pétrole) permettrait, dans le domaine agricole, à l'État de Rivers de participer au capital de l'entreprise par l'octroi de terres et aux entreprises partenaires de les exploiter dans un cadre contractuel.

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