C. DES TENSIONS ENTRE LES COMMUNAUTÉS COMPOSANT LA SLOVAQUIE EXISTENT-ELLES ?

Durant son déplacement, la délégation a été marquée par la forte présence dans les discussions du débat sur la question de la loi sur la langue nationale.

Il faut en premier lieu rappeler que la population de la Slovaquie de plus de 5,4 millions d'habitants au 1 er janvier 2009 dont plusieurs minorités ainsi 10,5 % de Hongrois, au moins 8 % de Roms et d'autres minorités nationales Tchèques, Ruthènes, Ukrainiens... représentant chacun moins de 1 % de la population globale. Cette composition est le fruit de l'histoire et recoupe des disparités régionales, la minorité hongroise se concentrant essentiellement dans la plaine du sud et les Roms dans les provinces plus orientales.

1 - UN CADRE A PRIORI PROTECTEUR ET RESPECTUEUX DES MINORITÉS

La Constitution slovaque reconnait le droit des minorités nationales et des groupes ethniques aux articles 33 et 34. Ainsi parmi les droits reconnus aux minorités nationales et groupes ethniques on peut relever le droit de développer leur culture, le droit de diffuser et de recevoir des informations dans leur langue nationale, le droit de fonder des associations ou groupements sur un fondement de cette appartenance à une minorité ethnique ou nationale.

En outre, élément qui apparaît très original au regard de notre modèle national, les membres de ces minorités peuvent recevoir une éducation dans leur langue nationale et communiquer avec l'administration dans cette même langue. Ces droits sont bien sûr soumis à un encadrement législatif devant en définir ses limites.

De façon effective, on constate en Slovaquie que c'est la communauté minoritaire la plus organisée, la minorité magyarophone , qui bénéficie le plus de ce schéma constitutionnel extrêmement favorable. Ainsi, il est possible d'effectuer en Slovaquie une scolarité complète de l'école élémentaire à l'université dans un système d'apprentissage magyar.

2 - DES TENSIONS LOCALISÉES

Il semble que sur le terrain peu de difficultés existent entre les communautés même s'il convient d'effectuer des distinctions entre les régions. En fait malgré certains aléas des frontières au cours de l'histoire, les populations peuplant aujourd'hui la Slovaquie ont toujours cohabité en bonne intelligence. A l'image de la ville de Bratislava ou celle de Kosice, les grandes villes slovaques sont riches de la diversité de leurs populations. Lors de sa visite à Kosice, le maire de la ville a tenu à souligner la richesse de sa ville liée à la pluralité de ses populations. M. Frantisek Knapik a rappelé le riche passé d'une ville multiple qui vit depuis longtemps avec de nombreuses minorités religieuses et culturelles. Sa cathédrale gothique qui est la plus orientale d'Europe témoigne d'un attachement à une culture européenne de tradition catholique. Cependant la ville se démarque également d'autres standards de certaines villes en possédant deux théâtres des minorités : un théâtre rom et un théâtre hongrois.

La ville de Kosice a remporté avec Marseille la compétition pour le titre de capitale européenne de la culture 2013. Lors de ses échanges la délégation, qui s'est vue présenter les différents projets visant à valoriser les deux villes, a été marquée par la volonté de rapprocher l'histoire des deux villes qui sont des villes cosmopolites où des populations différentes vivent depuis longtemps dans une réelle harmonie.

Ainsi, la Slovaquie est forte de ses minorités, certaines, comme la population magyare, étant plus organisée, d'autres, comme les populations rom pouvant être l'objet de plus de difficultés en particulier dans l'est où ces populations, à la suite de la chute du modèle communiste, ont souvent été les premières victimes des licenciements et du déclassement. Les régions orientales de la Slovaquie sont parfois confrontées plus qu'ailleurs à un réel problème de cohabitation.

Lors de son passage à la région de Kosice la délégation a souhaité aborder cette question avec les autorités régionales. Le vice-président de la région de Kosice a fait une présentation très franche de la situation en donnant quelques chiffres qui illustrent la réalité de la vie des différentes communautés. Il a souligné que la région arrivait à gérer ses différentes minorités. Ainsi, alors que la population hongroise représente 22 % de la population, il n'y aurait pas à noter de clivage entre les différents citoyens. 3 % des habitants seraient des Ruthènes et depuis près de 8 ans une journée de l'amitié slovaco-ukrainienne a été créée et est soutenue par la région.

La région souhaite même développer des projets européens interrégionaux pour poursuivre dans le sens de cette relation amicale avec ses voisins et ainsi renforcer la place des minorités nationales.

Pour ce qui concerne la minorité rom qui représente près de 120 000 personnes sur la région de Kosice les autorités insistent pour souligner qu'il n'existe pas de tension particulière généralisée mais cependant que des foyers de tensions seraient nés avec des manifestations extrémistes dans certaines villes de l'ouest de la région. On constate régulièrement des poussées de fièvre à l'occasion de faits divers dont sont accusés les Roms qui sont souvent déclassés et vivent dans des hameaux, dans des logements insalubres (37% n'ont pas d'alimentation en eau), en marge des villages. Durant sa mission la délégation a traversé plusieurs de ces groupements d'habitations qui témoignent d'un très net différentiel de niveau de vie avec le reste de la population.

Pour aider les populations rom des efforts sont faits par la région au niveau de l'école et de l'incitation à la scolarisation et également à travers des rencontres culturels et sportives pour que les populations se rencontrent et dépassent les préjugés parfois tenaces.

Dans le cas de la communauté magyare la question est encore différente dans la mesure où dans certains districts slovaques cette minorité est majoritaire. On comprend que certains Slovaques peuvent craindre que ces populations développent un différentialisme qui les rapproche des autorités de Budapest.

D'un point de vue extérieur il n'est pas incongru de s'interroger sur le concept même d'un parti politique qui est considéré comme le parti hongrois au sein d'un État unitaire. Celui-ci est en fait la déclinaison des droits qui sont justement reconnus par la Constitution aux minorités ; ceci pourrait poser question dans le cas du modèle français.

Cette réalité, on l'anticipe, peut être source de tensions qui n'ont rien à voir avec le schéma classique de minorités brimées. Au contraire, dans le cas de la minorité magyarophone on fait face à une crainte de la population majoritaire slovaque de voir des populations issues de l'ancienne puissance tutélaire hongroise prendre le dessus sur ses ressortissants voir prôner un irrédentisme qui, pour absurde qu'il peut apparaître aux habitants d'une nation ancrée comme la France, ne peut être négligé comme sentiment de populations d'un pays qui s'est construit il y a moins de 20 ans et dont les frontières ont souvent été très mouvantes.

Cependant le fait que ceci puisse exister en République slovaque est un élément de plus visant à démontrer que les communautés dites minoritaires sont respectées dans ce pays.

Au bilan on peut estimer que la Slovaquie est un pays où, loin d'exister une ostracisation d'une ou plusieurs parties de ses populations, des efforts sont faits pour permettre à toutes les minorités nationales ou ethniques reconnues de faire valoir leurs différences linguistiques et culturelles.

Parfois cette reconnaissance comme dans le cas de la communauté magyare semble tellement importante qu'elle devrait inciter à ne pas imaginer qu'on puisse évoquer un non respect des droits de ces minorités en Slovaquie. Pourtant un débat s'est emparé du pays et a trouvé écho jusque dans les colonnes de la presse internationale. Il s'agit du débat sur la loi sur la langue d'État. Pourquoi un tel débat et que traduit-il ?

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