3 - LE DÉBAT SUR LA LANGUE D'ÉTAT : UN DÉBAT INSTRUMENTALISÉ ?

D'un point de vue franco-français ce débat ne devrait pratiquement purement et simplement pas pouvoir exister. En effet, cette loi sur la langue d'État, qui date de 1995, a été amendée par le Parlement le 30 juin 2009 et cet amendement a été validé au travers de la signature du texte par le Président Gasparovic le 17 juillet de la même année. Les décrets d'application ont été adoptés le 16 décembre dernier.

Cette modification visait à assortir de sanctions financières le mauvais usage de la langue d'État, le slovaque, dans la vie publique. Ceci vise essentiellement à faire en sorte que le slovaque puisse être utilisé sur l'ensemble du territoire slovaque et ainsi permettre à tout citoyen de s'exprimer dans une langue qu'il comprend partout sur son territoire. La loi a pour objectif que dans les services publics la langue slovaque soit utilisée et correctement utilisée.

A titre d'exemple cette loi vise à ce que dans les établissements publics scolaires dont la langue d'enseignement n'est pas le slovaque, les documents pédagogiques soient également rédigés en langue slovaque. Parmi les motivations avancées par le gouvernement il s'agit de respecter les recommandations de l'OSCE de 1998 selon lesquelles « l'intégration des individus dans une société est impossible sans la maîtrise de la langue d'État ». Une lecture attentive du texte démontre que cet amendement ne remet pas en cause la liberté des minorités de pouvoir utiliser leur langue maternelle dans leur quotidien, pour poursuivre leurs études ainsi que pour les personnes qui ne maîtrisent pas la langue slovaque dans les rapports avec l'administration.

Il est à noter que ce débat a suscité une levée de bouclier essentiellement dans la minorité hongroise mais que les autres minorités n'ont pas réagi selon le même principe. Ainsi depuis l'été 2009 cette loi est devenue un élément de tension majeur qui a de plus été alimentée par une reprise internationale de la question.

Ainsi, le haut commissaire de l'OSCE pour les minorités nationales, M. Knut Vollebaek estimait que le nouvel amendement respectait un équilibre approprié entre d'une part le renforcement de la langue d'État et d'autre part la protection des droits linguistiques des minorités nationales .

Il a suggéré des mesures pour renforcer cet équilibre et proposé des recommandations pour assurer une bonne mise en application de la loi, il a invité le ministère slovaque de la culture à élaborer un panel de consignes méthodiques afin, entre autres, d'établir précisément la liste des infractions et le montant de l'amende encourue.

Malgré cette position a priori mesurée, cette question a pris des proportions assez importantes conduisant à un début de très vive tension diplomatique entre Bratislava et Budapest et donc à l'apparition d'une crise entre deux partenaires de l'Union européenne.

Les positions des différents partis politiques vont pour l'essentiel dans le sens d'un soutien à la loi ou dans l'opposition d'une critique de l'opportunité de cet amendement. C'est bien évidemment à l'intérieur du parti SMK, parti magyarophone, que l'opposition a été la plus virulente.

Il est certain que ce débat a ravivé les nationalismes de part et d'autre de la frontière sud et on peut estimer que le contexte des élections générales devant se tenir en 2010 tant en Slovaquie qu'en Hongrie n'ont pas participé à apaiser le climat entre les deux capitales. Cette querelle n'a pas été facilitée par le contexte économique international de la crise qui on le constate souvent peut être l'occasion d'une montée des nationalismes pour justifier les difficultés d'une crise.

Il faut cependant s'interroger sur la difficulté qu'il existe pour la Slovaquie à gérer la nécessité de son affirmation avec le respect d'une minorité en particulier qui est majoritaire dans les régions frontalières avec le pays dont elle est culturellement issue.

Dans ce contexte il apparait difficile de titrer comme la faisait un grand quotidien du soir français que la Slovaquie allait interdire les langues minoritaires. Il semble plutôt qu'on se trouve dans un équilibre souhaitable entre le respect des droits des minorités tout en permettant à l'ensemble de la population slovaque de maîtriser une langue commune pour que ceci permette à tout citoyen slovaque, quelle que soit son origine ethnique, de ne pas se sentir désavantagé ou discriminé sur le territoire de son pays en raison de la langue qu'il parle, aucune minorité ne pouvant vivre isolée de la population majoritaire en Slovaquie.

Il apparait donc que ce débat est un débat réel mais qui a été utilisé alors même que cet amendement à la loi n'est pas attentatoire aux droits des minorités. Bien au contraire la Slovaquie est un des pays d'Europe où les minorités nationales ou ethniques sont les mieux protégées.

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