B. UN RÉGIME POLITIQUE PRÉSIDENTIEL STABLE, EN QUÊTE DE MOYENS ET D'ASSISTANCE AFIN DE CONSOLIDER SA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE

La Constitution de 1970, qui divisait le gouvernement en branches indépendantes exerçant respectivement le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, fut suspendue en 1994 à la suite du coup d'État militaire qui renversa le Président Dawda Jawara, au pouvoir depuis la proclamation de la République en 1970. Une nouvelle Constitution fut adoptée par référendum en août 1996 et entra en vigueur en 1997. Elle a été amendée pour la dernière fois en 2001.

Aux termes de la Constitution de 1997, la Gambie est une république séculaire multipartite organisée selon un régime présidentiel, dans le cadre duquel le Président de la République exerce à la fois les charges de chef de l'État et de chef du Gouvernement. Il est élu pour un mandat de cinq ans. La Constitution ne limite pas le nombre de mandats présidentiels. On notera que seul le Cabinet du Président de la République (Gouvernement) a la possibilité de présenter à l'Assemblée nationale des projets de loi.

Le Président de la République exerce, conjointement avec le vice-président et les membres de son Cabinet, les pouvoirs de l'exécutif qui lui sont conférés par la Constitution ou par l'Assemblée nationale, conformément à l'article 76 de la Constitution de 1997. Le vice-président et les secrétaires d'État sont désignés par le Président de la République, et assistent celui-ci dans ses fonctions exécutives. Les membres du Cabinet sont révocables ad nutum par le Président de la République. Ils sont limités au nombre de 15, aux termes de l'article 71 de la Constitution de 1997. Parmi les membres du Gouvernement, le ministre de la justice (« Attorney General ») joue un rôle particulier : il est le principal conseiller juridique du Cabinet présidentiel, conformément à l'article 72 de la Constitution.

En vertu de l'article 74 de la Constitution, les membres du Cabinet sont responsables devant le Président de la République et l'Assemblée nationale. À la demande d'au moins un tiers de ses membres, l'Assemblée nationale peut censurer un secrétaire d'État, après l'adoption d'une résolution en ce sens à la majorité des deux tiers.

L'Assemblée nationale compte 53 membres, dont 48 sont élus au suffrage universel direct au scrutin uninominal pour un mandat de cinq ans. Les cinq autres membres sont nommés par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale (« Speaker ») devant être choisi parmi ces derniers par ses pairs parlementaires. Seules trois femmes siègent à l'Assemblée nationale, dont deux élues au suffrage universel direct et une nommée par le chef de l'État et qui occupe, à l'heure actuelle, les fonctions de vice-présidente de l'Assemblée ( Deputy Speaker ). L'opposition est composée de cinq parlementaires, dont quatre sont membres du Parti de l'unité et de la démocratie (UDP) et un de l'Alliance nationale pour la démocratie et le développement (NADD). Un parlementaire est inscrit comme indépendant.

M. Abdoualie Bojang a été élu le 12 novembre 2010 à la présidence de l'Assemblée nationale, en remplacement de Mme Elizabeth Renner, à la suite de la révocation de cette dernière par le président Yahya Jammeh. La délégation gambienne en visite à Paris au mois de mai 2011 a indiqué aux membres du groupe sénatorial d'amitié France-Afrique de l'Ouest que la révocation de Mme Renner était devenue inévitable afin d'apaiser le climat au sein de l'Assemblée nationale. En effet, un certain nombre de parlementaires affichaient une véritable hostilité face à une présidente qu'ils jugeaient trop directive et menaçaient, en conséquence, d'engager une procédure de révocation ( impeachment ) à son encontre. Toutefois, le limogeage de Mme Renner a été jugé brusque par la presse nationale et ouest-africaine car soupçonné d'être lié, selon certains, à ses prises de position critiques à l'égard de certains chef coutumiers souhaitant couronner roi le chef de l'État. Cette révocation rappelle, en tout état de cause, l'influence considérable dont dispose le Président de la République sur l'institution parlementaire.

Bien que l'initiative des lois soit réservée au seul Cabinet présidentiel, l'Assemblée nationale est supposée exercer, selon la Constitution, un pouvoir de contrôle de l'exécutif :

- conformément à l'article 63 de la Constitution de 1997, le Président de la République peut être révoqué par l'Assemblée Nationale, à la majorité des deux tiers et, à la suite de ce vote, au terme d'un référendum organisé par la Commission électorale indépendante ;

- en vertu de l'article 75 de la Constitution, l'Assemblée nationale a le pouvoir de voter une motion de censure à l'encontre des membres du Cabinet dans les conditions définies par cet article.

L'Assemblée nationale vote les lois, qui sont ensuite soumises à l'assentiment du Président de la République, dans les conditions prévues par l'article 100 de la Constitution. Dans les faits, les pouvoirs de l'Assemblée nationale, qui n'exerce pas de droit d'amendement, sont sensiblement limités par rapport aux responsabilités qui lui sont confiées par la Constitution.

En outre, la Constitution de 1997 a institué une Commission électorale indépendante, composée de cinq membres nommés pour un mandat de sept ans renouvelable par le Président de la République après consultation de la commission du service public, organe chargé par la loi de pourvoir aux emplois du service public et de veiller à la bonne gestion et à l'efficacité du service public, et de la commission du service judiciaire, chargée de nommer les magistrats des tribunaux et cours gambiens. Cette commission électorale indépendante est chargée de veiller au bon déroulement des scrutins, dans un cadre transparent et démocratique.

Malgré son caractère multipartite inscrit dans la Constitution, la République de Gambie est très largement dominée par le parti présidentiel, l'APRC, compte tenu de la faiblesse des partis d'opposition, notamment en termes de moyens et d'implantation. Les deux candidats d'opposition, pour l'Alliance nationale pour la démocratie et le développement (NADD) et le Parti de l'unité et de la démocratie (UDP), n'ont pas pu, avec respectivement 26 % et 7 % des voix, empêcher la réélection de M. Yahya Jammeh lors du scrutin présidentiel de 2006. Les élections législatives de 2007 ont confirmé la domination de l'ARPC qui a remporté 42 des 48 sièges à l'Assemblée nationale. Ces deux derniers scrutins ont été jugés calmes et ont été avalisés par des observateurs internationaux, même si le taux de participation demeure toujours limité (58 % pour l'élection présidentielle, 41 % pour les élections législatives). La prochaine élection présidentielle devrait se tenir en novembre 2011, les législatives en janvier 2012.

Le Gouvernement, la haute fonction publique, aussi bien civile que militaire, ainsi que les entreprises étatiques restent sujets à une grande instabilité. La volonté du Président de la République de changer les titulaires des postes les plus importants au sein de l'administration, notamment des « permanent secretaries » (directeurs d'administration), est parfois interprétée comme une crainte du chef de l'exécutif de voir une personnalité s'affirmer au point de remettre en cause son autorité. Cette instabilité à la tête des grandes directions administratives ne facilite pas le suivi de la mise en oeuvre des projets de développement soutenus par l'Union européenne.

En dehors des périodes de campagne électorale, les partis de l'opposition ont encore trop rarement accès aux médias et leurs réunions publiques souffrent des pressions et des entraves exercées par les forces de sécurité. Une certaine amélioration dans le sens d'un plus grand respect des droits d'expression de l'opposition politique peut cependant être observée, dans le cadre du dialogue politique entre la Gambie et l'Union européenne.

En ce qui concerne la préparation des prochaines échéances électorales (élection présidentielle le 24 novembre 2011, renouvellement de l'Assemblée nationale au premier trimestre 2012 et élections locales au premier trimestre 2013), elle semble être sur la bonne voie sous l'égide la Commission électorale indépendante (CEI) et de son président, M. Alhaji Mustapha Carayo. L'inscription sur les listes électorales devait s'effectuer du 2 mai au 12 juin 2011, et M. Carayo a souhaité qu'un membre de chaque parti politique accompagne chacune des 200 équipes déployées sur l'ensemble du territoire, pendant toute la période d'inscription. En outre, les nouvelles cartes électorales biométriques seront fabriquées par une compagnie canadienne internationalement reconnue. Il semblerait que l'opposition soit désormais plus confiante dans la sincérité du fichier d'inscription électorale.

Néanmoins, des progrès notables doivent encore être mis en oeuvre. Un assouplissement de la législation concernant la liberté de la presse semble indispensable, en particulier s'agissant d'une loi de 2004 jugée particulièrement répressive, afin de mettre un terme aux restrictions à la liberté d'expression et aux emprisonnements de journalistes pour calomnie et diffamation. En effet, la presse gambienne demeure encore très affectée par le meurtre, en décembre 2004, de M. Hydara, journaliste généralement critique sur la gestion du gouvernement, et l'arrestation puis la disparition, depuis juillet 2006, du journaliste Ebrima Manneh. Le gouvernement gambien a affirmé à plusieurs reprises, pour sa part, n'être pas impliqué dans ces affaires. Les pressions des organisations internationales, notamment de la part du groupe de travail onusien sur la détention arbitraire et de l'Union européenne, se multiplient toutefois afin d'obtenir la mise en place d'une enquête neutre conjointe des Nations unies et du Commonwealth sur ces questions non élucidées.

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