Structure d'influence électorale et structure d'accueil pour le vote contre le gouvernement : le cas Européen

Bernard OWEN, C.E.C.E., Université Panthéon-Assas Paris 2

Des mécanismes modifient la perception de l'enjeu politique par le citoyen. Ainsi, la structure d'accueil pour le vote contre le gouvernement constitue le premier de ces mécanismes. Le système électoral du scrutin proportionnel limite l'accentuation, en sièges, du parti obtenant le plus grand nombre de suffrages. Afin de pouvoir gouverner, des coalitions de partis émergent. En Belgique, après la seconde guerre mondiale, le parti libéral appuie tantôt les forces du parti socialiste, tantôt celles du parti démocrate-chrétien. Lorsque cet appui a cessé, les deux grands partis se sont unis pour former un gouvernement de grande coalition. Néanmoins, les électeurs n'y trouvent pas leur compte. Ils votent donc en faveur d'un parti linguistique ou d'un parti extrémiste.

Toutefois, un petit parti est vulnérable. En effet, le positionnement d'un parti par rapport aux institutions influe sur les votes obtenus par un parti. Nous assistons donc à des caricatures de régime parlementaire. Ainsi, le parti de Jörg Haider a perdu plus de la moitié de son audience électorale après sa participation au gouvernement.

La structure d'influence électorale constitue un autre mécanisme existant dans un système proportionnaliste. Ainsi, l'Eglise et les confédérations syndicales constituent des soutiens nécessaires. Par ailleurs, en cas de rupture de coalition, une vacance du pouvoir a alors lieu. Ainsi, les gouvernements ne disposent pas d'une majorité parlementaire et se limitent à traiter les affaires courantes.

Aux Etats-Unis, le vote indirect a été très critiqué. En outre, une majorité des Américains s'est tournée vers une structure d'accueil pour le vote contre le gouvernement. Ainsi, chaque crise politique est dépassée par l'alternance. Par ailleurs, les Américains ont tenté d'introduire le scrutin proportionnel, sans succès. Ils ont compris que le système majoritaire était plus adapté à leur société pluriculturelle.

Chaque société s'appuie généralement sur un parti progressiste et un parti conservateur. Cependant, de nombreux efforts et progrès doivent encore être accomplis !

Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES
Professeur à l'Université Paris II

Le second volet de l'introduction sera davantage axé sur l'aspect territorial. Ainsi, je cède la parole à Michel BUSSI.

Faire voter les kilomètres carrés ?

Michel BUSSI
Université de Rouen

Les géographes s'intéressent assez peu au fait politique, surtout lorsque celui-ci comporte un aspect électoral. Les géographes s'intéressent cependant de plus en plus aux évolutions des coopérations et des territoires. Ainsi, Jacques Levy s'est opposé à faire voter des « kilomètres carrés ». En effet, le principe « un homme, une voix » semblerait remis en cause.

Je propose d'exposer en quelle mesure nous avons besoin de territorialiser le vote. Ce débat est particulièrement actuel dans le contexte du redécoupage des circonscriptions électorales. J'aborderai la fonction de représentation et celle de cohésion territoriale, puis des solutions pour trancher le problème.

La fonction de représentation garantit l'égalité démocratique des citoyens. La vision de cohésion stipule que tous les espaces doivent avoir le sentiment d'être représentés. Clisthène avait découpé l'Attique en trois territoires : la ville, la côte et l'intérieur. Les élus étaient les représentants de territoires discontinus et devaient rassembler les voix de trois catégories sociales différentes.

La démocratie nécessite-t-elle encore des territoires ? De nombreuses voix négatives se font entendre. Ainsi, le vote par internet permet à l'électeur de se détacher du territoire. En revanche, trois éléments plaident en faveur des territoires. La métropolisation de la société est le premier élément. Ainsi, les territoires peu peuplés peuvent être représentés. A titre d'exemple, le système des grands électeurs aux Etats-Unis permet à des Etats peu peuplés de compter dans le vote. L'adhésion volontaire à des territoires de coopération constitue le deuxième élément. Ainsi, les petits territoires négocient une part de pouvoir supérieure à ce qu'ils auraient pu exiger, eu égard à leur territoire et leur population. A titre d'exemple, le Luxembourg est surreprésenté au sein de l'Union Européenne. Troisièmement, la représentation des minorités doit être assurée. Les effets de ségrégation montrent que certains territoires participent peu à la décision nationale. En s'appuyant sur les territoires, cette question politique peut être résolue.

Six solutions se présentent à l'opposition entre égalité géographique et égalité démographique.

• Modifier le découpage électoral

Certaines minorités et certains territoires peuvent ainsi être davantage représentés.

• Jouer sur le mode de scrutin proportionnel et la représentation des minorités

L'implantation territoriale des minorités est importante. Le mode de scrutin peut être changé pour diminuer l'influence de partis extrémistes.

• Instaurer des quotas électoraux

Des circonscriptions sont créées pour les minorités. Cependant, le risque est de promouvoir le radicalisme et le communautarisme. Le vote intercommunautaire permet donc de minimiser ces effets.

• S'appuyer sur le principe « Un homme, deux voix, plusieurs territoires »

Plusieurs modes de scrutins sont cumulés pour une élection. Le Japon, le Mexique et la Russie ont adopté un tel système, basé sur le système allemand. Il est cependant étranger à la culture française.

• Instaurer la double majorité démographique et géographique

Cette solution est complexe et efficace pour éviter la tyrannie géographique ou la tyrannie démographique. Elle est utilisée au sein de l'Union Européenne, mais également au sein des coopérations intercommunales en France.

• Créer la double assemblée : la chambre des électeurs et la chambre des territoires

Une chambre basse, telle que l'Assemblée Nationale française, représente les électeurs, sur le principe de l'égalité démographique la plus stricte. La chambre haute, telle que le Sénat, représente les territoires. Cette solution est évidemment mise en oeuvre dans les Etats fédéraux. La chambre des territoires progresse, dans la mesure où de plus en plus d'Etats se décentralisent. Toutefois, une question se pose : quels territoires doivent être représentés ?

En conclusion, le vote des kilomètres carrés ne constitue pas une vision archaïque. De la souveraineté nationale à celle de l'opinion individuelle, l'agrégation des voix s'opère toujours in fine dans un cadre spatial. Le philosophe ALAIN disait : « Si l'écrasement des minorités est injuste dans la circonscription, par quel miracle devient-il juste au Parlement ? »

Jean-Michel LEMOYNE DE FORGES

Je vous remercie de la richesse de votre intervention. Cette dernière montre que la question est pluridisciplinaire. Je cède la parole à Antoine PANTELIS.