Travaux de l'après-midi : Présentation générale

Jean-Claude MASCLET,
Professeur à l'Université Panthéon Sorbonne Paris I

Les propos tenus nous montrent des évolutions fondamentales du droit électoral. Elles se manifestent à travers divers points de vue historiques, statistiques, numériques, de géographes et tirés d'expériences étrangères. Le droit de vote et l'égalité du suffrage ne faisaient l'objet que d'une seule approche, purement juridique. Aujourd'hui, l'égalité ne peut être comprise sans considération de l'aspect sociologique. La représentation, pour être plus égalitaire, doit davantage tenir compte des diverses réalités démographiques.

L'observation d'un scrutin électronique au Venezuela

François DEPAS

Je souhaite aborder les résultats d'une mission d'observation au Venezuela, réalisée en 2005 et 2006.

Durant la phase du briefing, nous étudions les conditions du processus électoral et de sécurité du pays. Rappelons que le Venezuela compte 27 millions d'habitants. La population est diverse : elle comprend notamment les paysans, les indiens et les urbains de Caracas. En 1999, une nouvelle constitution a vu le jour. Elle stipule le caractère fédéral de l'Etat. Ce dernier s'appuie sur 23 Etats fédérés. En outre, le pouvoir électoral est détenu par une instance indépendante, le CNE. Conformément à une loi de 1998, elle met progressivement en place le vote électronique.

Nous avons rendu visite aux ONG locales d'observation locale des élections. Nous préparons ensuite notre propre observation. Ainsi, nous accueillons trois équipes de binômes d'observateurs à court terme et leur distribuons le matériel de communication. Suite à notre mission de reconnaissance, les missions et les circonscriptions électorales sont réparties.

Deux jours avant le vote, le personnel et le matériel font l'objet de vérifications. Chaque bureau de vote s'appuie sur un président, deux assesseurs et un secrétaire. Ces quatre personnes prêtent serment. L'armée leur délivre alors le matériel. Elle assure donc la logistique du processus. L'opérateur de machine constate le bon fonctionnement de la machine, toujours deux jours avant le vote. L'ensemble du matériel est alors gardé par l'armée.

32 331 des 33 000 centres de vote étaient déjà automatisés en 2006. 671 restaient manuels. Cependant, le vote demeure manuel lorsque le nombre d'électeurs est inférieur à cent. A 5 heures 30, la machine est mise en oeuvre, sous la responsabilité du président du bureau de vote. Un acte stipule que le nombre de bulletins est nul. Les électeurs se présentent ensuite au bureau de vote. Rappelons qu'un cinquième de la population est analphabète. En outre, la population est très jeune. L'électeur est authentifié sur un registre du bureau de vote. Le président lui explique le fonctionnement de la machine électronique. Après avoir voté, l'électeur place le récépissé de vote dans une boîte. En sortant, son petit doigt est teinté d'une encre indélébile.

Le vote doit être effectué en trois minutes. Ce délai est reconductible. Au bout de six minutes, le vote est perdu. Des cartons encadrent la machine, afin de garantir le secret du vote. A tout moment, les électeurs peuvent solliciter l'aide d'un membre de leur famille ou du bureau de vote. De même, des représentants des partis proposent leur aide.

A 18 heures, soit dix heures après l'ouverture du bureau, l'acte de vote se termine si aucun électeur ne fait plus la queue. Les résultats du vote et le nombre de votes sont alors imprimés. Ils sont remis au président. Le nombre de votes comptabilisés est comparé pour vérification avec le nombre de votants. La machine est ensuite branchée sur une ligne de communication dédiée aux élections. Les résultats de chaque machine sont envoyés au centre de totalisation à Caracas. Si aucune communication n'est possible, un porteur des forces armées transmet la clé USB scellée contenant les résultats à un centre de vote connecté.

Une phase d'audit des machines a ensuite lieu. En 2004, 1% des machines a été contrôlé ; en 2008, ce chiffre s'élève à 54%. Plus de la moitié des machines est donc désormais vérifiée, conformément au souhait de l'opposition.

Le lendemain du vote, nous établissons un bilan préliminaire et recueillons l'avis des observateurs que nous avons déployés. En 2006, 1 825 machines sont tombées en panne. 1 600 ont été remplacées.

Les audits des machines ne peuvent être réalisés que par des experts. En outre, un nouveau code d'observation a été mis en place par l'OSCE notamment. Par ailleurs, le rôle joué par l'opérateur en télécommunications est important, dans la mesure où le Venezuela est sur la voie d'une totale numérisation du processus électoral.

Le vote électronique permet de dépasser la défiance de la population. Cependant, cette défiance est transférée des gouvernants vers la machine. La transparence est donc nécessaire : elle appelle la réalisation d'audits, afin que le verdict des urnes soit accepté. En outre, le vote électronique présente des caractéristiques de fiabilité et de rapidité. Enfin, il est nécessaire d'informer les électeurs pour que ces derniers acceptent et comprennent cet outil.

Jean-Claude MASCLET,

Professeur à l'Université Sorbonne Paris I

Je vous remercie de cet intéressant exposé. De nombreux enseignements sont à tirer des expériences sud-américaines. Je cède immédiatement la parole à Michel LAFLANDRE.