Colloque Sénat-Ubifrance sur l'Australie et la Nouvelle-Zélande



Les fondements politiques et économiques des affaires en Australie et en Nouvelle-Zélande

Sont intervenus :

François DESCOUEYTE, Ambassadeur de France en Australie
Jean-Louis LATOUR, Chef des Services économiques pour l'Océanie
Jean-Luc FAURE-TOURNAIRE, Sous-Directeur de l'Océanie, Ministère des Affaires étrangères
François RAFFRAY, Chef de la Mission économique de Wellington

Les débats étaient animés par Carole GAESSLER, journaliste.

François DESCOUEYTE

L'Australie dispose, à mon sens, de trois atouts fondamentaux, dont le premier est l'espace. La superficie de ce pays est égale à celle des Etats-Unis sans l'Alaska, et représente quatorze fois la taille de la France. La densité de population, encore faible, renforce cette impression d'immensité. L'Australie ne compte, en effet, que vingt millions d'habitants. Sa taille lui permet de bénéficier de ressources naturelles importantes, notamment dans le domaine énergétique. Elle dispose ainsi de 40 % des réserves mondiales prouvées d'uranium. Elle a également d'immenses gisements de gaz naturel ainsi que des mines de charbon à ciel ouvert.

La fédération australienne comprend six Etats et deux territoires qui se caractérisent par leur francophilie et par la présence de nombreuses opportunités commerciales. Les grands pôles économiques se concentrent dans le triangle « classique » formé par les villes de Sydney, Melbourne et Canberra et dans le triangle de croissance formé par les villes de Brisbane, Perth et Adélaïde. Il ne faut pas négliger, pour autant, les opportunités commerciales qu'offrent les villes de Darwin au nord et d'Hobart au sud du pays.

Le deuxième atout de l'Australie réside dans une forte croissance de long terme. Elle atteint le taux record, au sein de l'OCDE, de 3,6 % annuel en moyenne, sur les dix dernières années. En outre, le taux d'inflation est limité et les finances publiques sont saines. Le pays connaît, en effet, un excédent budgétaire. L'Australie enregistre, en revanche, un déficit commercial important en termes de balance courante. Il est, toutefois, facilement financé par des emprunts sur le marché extérieur. La réputation de l'Australie est telle qu'elle peut se permettre de libeller ses titres dans sa propre monnaie, ce qui annule les risques de change.

L'Australie représente la quinzième économie mondiale, avec un revenu par habitant équivalent à celui de la France. Elle abrite, en outre, la deuxième place financière d'Asie. L'augmentation de la demande mondiale de matières premières, ainsi que la croissance indienne et chinoise, garantissent la croissance continue de cette économie. Par ailleurs, le débat public, à l'approche des élections, témoigne du consensus sur la politique économique dans ce pays. L'industrie tient, certes, une place limitée dans la structure de l'économie australienne mais les perspectives restent prometteuses pour les secteurs de haute technologie. Enfin, ce pays dispose de ressources humaines d'une rare qualité comme en atteste la présence de sept prix Nobel sur son territoire.

Le troisième atout de l'Australie est la qualité de la vie, fondée sur un subtil équilibre entre le travail et les loisirs. La durée légale du travail est ainsi limitée à 38 heures légales hebdomadaires. L'organisation du travail est, en outre, moderne et peu hiérarchisée.

A ces atouts, je tiens à ajouter l'excellence des relations politiques entre nos deux pays, qui est sans précédent. La conclusion d'un accord de défense, en décembre 2006, souligne la qualité de nos rapports. Nous sommes, de fait, dans une situation de rattrapage après les malentendus de ces dernières années. C'est ainsi un nouvel âge d'or qui s'ouvre pour les relations franco-australiennes en raison de la prise de conscience d'intérêts communs.

En outre, la balance commerciale française est excédentaire vis-à-vis de l'Australie. Les statistiques douanières australiennes, qui intègrent la vente des équipements de défense et les services, laissent ainsi apparaître que la France exporte en valeur quatre fois ce qu'elle importe d'Australie. Les investissements se développent au point que la France est désormais le septième investisseur en Australie. Les milieux financiers australiens commencent, réciproquement, à s'intéresser à la France.

Je souhaiterais conclure sur la qualité des relations humaines en Australie, qui me semble fondamentale. Ce pays se caractérise par l'ouverture d'esprit et la proximité culturelle de ses habitants tant avec l'Europe qu'avec l'Asie. Plus de 100 000 immigrants viennent en Australie chaque année, enrichissant une société composite. La société australienne fait figure de laboratoire réussi de la mondialisation puisqu'un quart de la population est né est à l'étranger. La communauté française d'Australie, forte de 75 000 ressortissants, s'intègre facilement. Ainsi les deux tiers d'entre eux disposent de la double nationalité.

En définitive, le seul obstacle existant dans le développement des relations franco-australiennes est la distance. Toutefois, la « tyrannie de la distance », pour reprendre la formule forgée par l'historien Geoffrey Blainey, est compensée par la proximité politique, économique et culturelle.

Jean-Louis LATOUR

Je souhaiterais citer quelques chiffres qui me paraissent significatifs. En premier lieu, il convient de souligner que l'Australie est une société du plein-emploi avec un taux de chômage qui se limite à 5 %. Cet excellent résultat est dû à une croissance soutenue de 3,6 % sur la période 1992-2007. Le problème de la sécheresse qu'a connu l'Australie en 2006 n'a que légèrement érodé son taux de croissance. Les hypothèses de croissance pour 2007-2008 se situent du reste au dessus de 3%.

La réussite économique de l'Australie s'exprime ainsi dans l'augmentation de 43 % du revenu réel par habitant en l'espace de quinze ans. Cette performance est d'autant plus exceptionnelle que le revenu par habitant des Etats-Unis n'a augmenté que de 35 % sur la même période. De fait, le consommateur australien dispose d'un pouvoir d'achat plus important ; ce qui le rend plus exigeant quant à la qualité des biens qu'il acquiert.

Le plein emploi présente toutefois quelques inconvénients puisque des pénuries de main d'oeuvre apparaissent dans tous les secteurs de l'activité. De même, des déficits dans les infrastructures conduisent à des goulets d'étranglement. Ils sont progressivement en voie d'être comblés tant par l'action des pouvoirs publics que par celle des opérateurs privés. Ainsi, ces nouvelles infrastructures devraient soutenir la croissance économique dans les prochaines années. La sécheresse qui affecte l'Australie a des incidences sur l'économie dans sa globalité. L'amélioration des infrastructures liées à l'eau devrait néanmoins permettre de résoudre ces difficultés.

Carole GAESSLER

Nous allons maintenant évoquer le deuxième pays auquel ce colloque est consacré. Peut-on également parler d'un âge d'or dans nos relations avec la Nouvelle-Zélande ?

Jean-Luc FAURE-TOURNAIRE

La relation avec la Nouvelle-Zélande est aujourd'hui excellente. Le contentieux lié à l'affaire du Rainbow Warriorest désormais apuré comme le soulignait Madame Helen Clark, Premier Ministre néo-zélandais, en novembre 2006. De même, les différends nés des essais nucléaires ou de l'évolution du statut de la Nouvelle-Calédonie ont été réglés. Ces évolutions offrent de nouvelles bases pour les relations entre nos deux pays. Madame Helen Clark s'est ainsi rendue à Paris, en novembre 2006, effectuant à cette occasion, son troisième déplacement en France en trois ans. De même Madame Lagarde et Monsieur Baroin, alors Ministre de l'Outre-mer, se sont rendus récemment en Australie.

Toutefois, la distance subsiste. C'est à l'aune de cet éloignement géographique qu'il convient d'apprécier le fait que les échanges commerciaux restent limités. La France n'est ainsi que le dixième fournisseur de la Nouvelle-Zélande, qui, elle-même, n'est que le soixante-dixième fournisseur de la France.

La prise en considération de nos collectivités d'Outre-Mer tempère néanmoins ces données. La Nouvelle-Zélande est ainsi le deuxième fournisseur de la Polynésie française et le troisième fournisseur de la Nouvelle-Calédonie. Les relations bilatérales entre la France et la Nouvelle-Zélande ainsi qu'entre la France et l'Australie s'enrichissent du rôle joué par nos collectivités d'Outre-Mer. La France contribue ainsi à la stabilité de la région ; ce qui contribue à l'évolution de nos relations politiques avec ces deux pays.

François RAFFRAY

La Nouvelle-Zélande est un pays, certes beaucoup plus petit que l'Australie et plus éloigné géographiquement de la France, mais néanmoins beaucoup plus proche de notre pays par sa culture. En outre, Madame Helen Clark, Premier Ministre néo-zélandais, a exprimé à Madame Christine Lagarde, Ministre du Commerce Extérieur, son désir de voir s'intensifier les relations commerciales avec la France.

Le marché néo-zélandais est un petit marché prospère de quatre millions d'habitants. Pour l'instant, nos relations commerciales se limitent à l'agro-alimentaire. Or les opportunités commerciales existent dans de nouveaux secteurs, notamment dans les biotechnologies, l'environnement et l'énergie. Les Néo-zélandais sont en effet demandeurs de la présence française en raison de la qualité de notre savoir faire.

Le marché néo-zélandais est, en outre, facile à pénétrer. La seule contrainte existante est le respect des règles. Toutefois, cette contrainte est également un facteur de sécurité. Ainsi la Nouvelle-Zélande occupe le premier rang au classement, établi par la Banque mondiale, sur la pratique des affaires. Le marché néo-zélandais peut donc faire office de marché test dans la mesure où le risque y est minime. La société Alcatel, par exemple, a utilisé son partenariat avec Telecom New Zealand comme un test, avant de partir à l'assaut de la zone Asie-Pacifique.