Titre de la réunion / Cassette


Enjeux économiques

I. Présentation macroéconomique et financements disponibles sur l'ASEAN

Emmanuel VIAUD, Responsable pays au Bureau Asie du Sud-ASEAN, DREE, MINEFI

L'ASEAN, avec un PIB de 682 milliards de dollars, contribue à 1,9 % de la richesse mondiale (contre environ 30 % pour l'Union européenne). Les pays de l'ASEAN ont des poids économiques peu comparables, puisque l'Indonésie, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour et les Philippines représentent 90 % du PIB total de l'ASEAN. L'Indonésie, les Philippines et la Thaïlande ont, quant à eux, un revenu moyen par habitant inférieur à 1 000 dollars US par an. En outre, trois des pays de l'ASEAN, le Cambodge, le Laos et la Birmanie, font partie des cinquante pays les moins développés du monde recensés par les Nations Unies.

Les dragons asiatiques se sont développés sur le plan économique par une grande ouverture. Les pays les plus développés de l'ASEAN ont vu leurs échanges diminuer avec les grands pays, au profit du commerce avec la Chine : la part des exportations de l'ASEAN vers la Chine est, en effet, passée de 3,7 % à 6,7 %, soit de 70 à 80 % d'augmentation en proportion, tandis que les volumes en jeu s'accroissent aussi considérablement.

Après la crise de 1997-1998, la région retrouve une croissance soutenue, mais les dragons n'ont pas retrouvé les taux de croissance tendancielle des années qui ont précédé la crise. Il est vrai que la période récente, marquée par exemple par l'épidémie de SRAS, a encore été impactée par des chocs aux conséquences importantes.

Le début de l'année 2004 a, ainsi, été marqué par trois interrogations sur :

· l'impact de la hausse du prix des matières premières ;

· le rythme de remontée des taux directeurs ;

· le dynamisme de la demande mondiale, avec plus particulièrement des interrogations sur le niveau de demande de la Chine et l'état du marché mondial de l'électronique.

Pour l'avenir, les marchés asiatiques demeurent dépendants des marchés développés, mais présentent encore des perspectives favorables. La Chine attire près de 10 % des IDE dans le monde et provoque donc un effet d'éviction réel. La question consiste à savoir s'il peut être durable. L'attrait des pays de l'ASEAN, qui offrent des alternatives intéressantes dans certains secteurs et une opportunité de diversification du risque pays, demeure en tout cas réel.

Les finances publiques portent la marque des chocs récents. Hormis Brunei, la plupart des pays de l'ASEAN ont vu leur situation budgétaire se dégrader avec la crise. L'avenir devrait ainsi être dédié à une période de consolidation budgétaire. On peut enfin rappeler que les pressions inflationnistes tendent à s'accroître, tandis que les niveaux de changes présentent des situations variées. Quant aux modes de financement domestiques, le recours aux établissements de crédit demeure prépondérant, dans un contexte de rétablissement du paysage bancaire, même si une partie des créances douteuses reste à éponger.

Les financements internationaux disponibles sont accessibles via de nombreux guichets. Le volume d'aide publique au développement de la région avoisine les 7 milliards de dollars. Le Vietnam, avec le Laos, constitue un pays très aidé, puisqu'il représente 40 % de ces flux.

II. Enjeux de la région ASEAN pour la France

Philippe ALLOUCHE, chef du bureau Asie du Sud-ASEAN, DREE, MINEFI

Les relations économiques et commerciales entre la France et l'ASEAN sont marquées par un recul des exportations suite à la crise asiatique. Les flux d'investissements français vers l'ASEAN demeurent significatifs en 2002 (418 millions d'euros, contre 375 millions d'euros vers la Chine). L'augmentation des importations françaises est également à noter, mais s'accompagne d'un recul de nos parts de marché entre 1998 et 2002. Le recul des exportations concerne aussi nos principaux concurrents européens. Des facteurs d'optimisme sont cependant apportés par les résultats de l'année 2004 : sur les sept premiers mois de l'année, les exportations françaises croissent de 12,9 %, à près de 3 milliards d'euros. Les importations progressent de 5,2 %, à 4,7 milliards d'euros.

Les flux d'IDE français vers l'ASEAN, de 418 millions d'euros en 2002, sont supérieurs à leur niveau de 2001 (301 millions d'euros), mais nettement inférieurs à leur niveau de 1996 (environ 600 millions d'euros). L'Union européenne représente le principal investisseur direct étranger dans l'ASEAN. Au sein de l'Union, le Royaume-Uni représente le principal contributeur de ces investissements, devant les Pays-Bas, notamment pour des raisons fiscales. Les pays destinataires des flux d'IDE français sont Singapour, suivi d'assez loin par le Vietnam et la Thaïlande. En termes sectoriels, les services aux entreprises et l'immobilier sont les principaux destinataires de ces flux d'investissements, devant les industries manufacturières.

Il existe aujourd'hui sept accords de protection des investissements en vigueur et sept conventions légales. On peut aussi rappeler que les principales banques françaises sont présentes en Indonésie, en Malaisie, aux Philippines, à Singapour et au Vietnam.

Les principaux objectifs consistent aujourd'hui à renforcer la présence des entreprises françaises dans l'ASEAN et à lutter contre un risque d'éviction lié à la montée en puissance de la Chine et à la multiplication des projets d'accord de libre-échange. Les moyens d'action, du côté de l'initiative publique, résident notamment dans une politique d'appui à l'exportation. Il est à noter que deux pays de l'ASEAN, la Malaisie et la Thaïlande, figurent parmi les sept pays d'Asie prioritaires ciblés par le ministre délégué au Commerce extérieur. Du côté de la stratégie des entreprises, l'identification des secteurs en croissance et des secteurs où la France dispose d'une offre concurrentielle ainsi que le partenariat avec les entreprises asiatiques semblent à privilégier.

La DREE fait de l'Asie une priorité de son action au service des entreprises. Elle peut s'appuyer sur dix missions économiques et offre notamment aux entreprises des informations ciblées, par pays et par secteur. La DREE est également engagée au travers de financements dans les pays émergents, et propose une information sur les financements multilatéraux.

III. Questions et débat

Françoise CROUIGNEAU

Les participants à cette journée doivent aussi avoir en tête le niveau tout de même assez alarmant des parts de marché françaises au sein de l'ASEAN, dont la progression ne doit pas masquer le niveau de départ relativement bas.

Monsieur le représentant du Secrétariat de l'ASEAN, l'adhésion de la Birmanie a suscité quelques frictions entre les Européens et les pays membres de l'ASEAN. Ces frictions pourront-elles être surmontées, alors que la Birmanie assurera la Présidence de l'ASEAN dès 2006 ?

Worapot MANUPIPATPONG

Votre question est délicate. La Présidence de l'ASEAN revient de façon tournante à chacun des pays membres, comme au sein de l'Union européenne. Des interrogations quant à l'adhésion de la Birmanie à notre alliance ont effectivement animé les discussions au sein de l'ASEAN. Des pistes ont été évoquées, notamment dans la presse, mais il me paraît précoce de préjuger dès aujourd'hui de l'attitude qui pourrait être celle de la Birmanie en 2006, au moment de l'exercice de cette Présidence.

Thierry DANA

Le régime birman a plusieurs facettes, mais nous n'avons pas trop d'illusions sur sa nature et son évolution possible - les dernières semaines n'ont pu que confirmer ce sentiment, que semble partager l'Union européenne. Le dialogue que nous souhaitons entretenir avec l'ASEAN me semble, toutefois, considérablement plus important que le problème posé par la Birmanie. Il faut donc faire la part des choses, même s'il peut exister des points de croisement entre ces problématiques.

Jean-Pierre BONVALLET, Directeur des Relations internationales, Institut Paris-Grignon, membre du groupement Polytech

S'il existe un atout pour la France, c'est sans doute celui de notre enseignement supérieur, technique et technologique, qui est de plus en plus reconnu sur la scène internationale et notamment en Asie. Dans le cadre de Polytech, nous avons aujourd'hui un programme d'échange de cadres entre la France et la Chine, d'ailleurs l'un des plus importants programmes de ce type.

Laurent CHEMINEAU, La Tribune

On entend souvent des propos contradictoires sur la capacité des pays de l'ASEAN à atteindre leurs objectifs en termes de libéralisation des échanges. Comment expliquer des commentaires aussi contradictoires ? S'agissant de Singapour, la multiplication des accords bilatéraux n'affaiblit-elle pas le poids relatif de l'ASEAN ?

Worapot MANUPIPATPONG

Je ne suis pas certain de l'origine de ces commentaires contradictoires, mais il me paraît clair que nous avons réalisé des progrès en termes de libéralisation des échanges. Les droits de douane ont été réduits pour la plupart des biens, avec de l'avance sur le calendrier prévisionnel pour plusieurs pays. Un peu plus de temps a été laissé à d'autres du fait de leur situation, témoignant en cela de notre flexibilité, qui constitue, à mes yeux, un des atouts de l'ASEAN.

Si les accords d'échange bilatéraux ont proliféré au cours des dernières années, je crois qu'ils n'ont pas nécessairement pour conséquence d'affaiblir les accords multilatéraux. Un accord multilatéral vient ainsi d'être conclu avec la Chine avec pour horizon 2010 ou 2011. En outre, les accords bilatéraux peuvent servir de modèle à l'élaboration des accords multilatéraux, dont de nouveaux développements devraient prochainement voir le jour, par exemple, vis-à-vis du Japon ou de la Corée.

Philippe ALLOUCHE

Cela ne remet pas en cause la priorité donnée à la dimension multilatérale. Singapour a d'ailleurs joué un rôle moteur dans cette direction dans le cadre des discussions de l'OMC.

Chan NGUYEN NGOC, banque CALYON

Il y a une dizaine d'années, se tenaient des séminaires semblables à celui-ci sur les perspectives d'investissement de la France dans les pays de l'ASEAN et notamment du Sud-Est asiatique.

Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts et la crise asiatique est survenue. Ainsi, la Thaïlande paie dorénavant ses importations en monnaie locale, imitée en cela par d'autres pays. L'encouragement des entreprises françaises à travailler avec les pays de l'ASEAN a-t-il tenu compte de ces évolutions, par exemple par une attention portée aux « crédits acheteurs » en monnaie locale ?

Philippe ALLOUCHE

Nous sommes en tout cas, depuis quelques années, dans une phase de réouverture de crédits dans plusieurs pays de l'ASEAN, notamment en Thaïlande.

Françoise CROUIGNEAU

Les pays de l'ASEAN sont aujourd'hui confrontés à deux types de menaces : une chute trop brutale du dollar, d'une part, et l'échec de la Chine dans sa tentative d'atterrissage en douceur du point de vue de son niveau de croissance, d'autre part. Le risque de ce type de choc vous inquiète-t-il ?

Worapot MANUPIPATPONG

Nous avons essayé de réduire notre trop grande dépendance par rapport au dollar américain, mais ceci est plus facile à dire qu'à faire : nous avons essayé de prendre en compte un panier de monnaies ou de promouvoir des transactions transfrontalières en monnaie locale. Des accords bilatéraux existent également pour le règlement entre pays de l'ASEAN. Cela pourrait contribuer à réduire l'impact d'un tel choc. Il n'en demeure pas moins que le dollar constitue la principale monnaie d'échanges commerciaux, en ASEAN comme dans d'autres régions du monde.

S'agissant de la Chine, le problème de l'atterrissage en douceur de sa croissance est posé depuis assez longtemps maintenant. Pour ma part, je crois que le caractère centralisé de l'économie chinoise doit faciliter ce « soft landing », malgré la hausse récente des taux d'intérêt pratiqués par le géant chinois.

Thierry DANA

Je ne suis pas sûr, quant à moi, que le cumul des deux hypothèses de façon brutale soit très vraisemblable. Si cela devait tout de même se produire, les pays du Sud-Est asiatique ont déjà montré une faculté d'adaptation assez étonnante et l'épisode récent de la crise devrait sans doute leur permettre de réagir mieux encore à de tels chocs. La réduction de leur impact passe en tout cas, sans nul doute, par une plus grande coopération entre ces pays. L'approfondissement des relations avec l'Union européenne peut constituer pour eux une opportunité de diversification de leurs échanges par rapport au dollar.

Emmanuel VIAUD

Il existe des facteurs inflationnistes, mais les banques centrales n'ont pas relevé leurs taux directeurs. Les pays de l'ASEAN peuvent, en outre, s'appuyer sur des excédents courants atteignant près d'un tiers du PIB à Singapour. Ils peuvent ainsi accroître leurs réserves pour faire face, éventuellement, à de nouveaux chocs, notamment par des interventions sur les marchés des changes.

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