Colloque sur le Caucase (19 mai 2005)



Le Sud-Caucase en quête de stabilité

Serge SMESSOW, Directeur adjoint Europe

Le Sud-Caucase a été marqué en quelques années par un certain nombre d'événements capitaux. Géographiquement encadrée par l'Iran, la Russie ou la Turquie, la région a notamment dû faire face à l'effondrement du bloc soviétique. La « révolution des roses », née en Géorgie, a profondément influé sur la région. Quoi qu'il en soit, les différents indicateurs économiques des pays de la zone se sont réellement améliorés.

En effet, une amélioration générale du climat des affaires est à constater, même si certains travers doivent être corrigés. Par exemple, l'opacité des privatisations suscite de nombreuses interrogations. Les relations politiques sont en outre problématiques : je pense tout particulièrement aux relations avec Moscou et aux velléités séparatistes existant en Géorgie. Ces questions détournent parfois les gouvernants des réformes. Aussi espérons-nous tous que ce ralentissement dans les réformes, que nous constatons actuellement, n'est que passager.

L'Azerbaïdjan est promis à un bel avenir et à une forte croissance, en raison de son rôle dans le secteur des hydrocarbures. Les pouvoirs publics français accompagnent cette évolution, notamment au travers de la COFACE. Au final, la France est bien placée pour tirer profit de cette situation favorable, dans le secteur pétrolier et dans le secteur para-pétrolier. D'autres secteurs d'activité (infrastructures, agroalimentaire) sont susceptibles de profiter également de la croissance existant en Azerbaïdjan. Il est à noter cependant que, sur le plan politique, des limites à la liberté d'expression demeurent. En conséquence, le déroulement des prochaines élections législatives aura valeur de test.

La situation politique de l'Arménie est complexe. Les élections de 2003 se sont déroulées dans des conditions difficiles. De plus, les manifestations de l'opposition, en avril dernier, ont été sévèrement réprimées. Des évolutions encourageantes sont néanmoins à noter : plusieurs engagements ont été pris devant le Conseil de l'Europe. Dans ce cadre, une loi relative aux médias a notamment été votée. Évidemment, il est impossible de passer sous silence les conséquences du conflit du Haut-Karabakh sur la politique régionale et sur le commerce avec la Russie.

Dans ce contexte, quelle est la position de la France ? Nous soutenons les autorités géorgiennes dans leur volonté réformatrice. Ce soutien est financier. Il se caractérise également par des opérations de coopération. Nous voulons, en outre, accompagner les réformes dans les trois pays. Demeurant vigilants sur les questions des droits de l'Homme et de la liberté d'expression), nous souhaitons agir avec nos partenaires de l'UE et l'OSCE.

La région se doit de trouver un équilibre avec les puissances avoisinantes. L'influence culturelle de la Russie reste très forte. L'importance de l'émigration vers la Russie reste prégnante, ce qu'il convient de garder à l'esprit. En effet, deux millions d'Arméniens et un million de Géorgiens sont présents en Russie. L'influence économique de la Russie reste essentielle, ce pays demeurant souvent le premier partenaire commercial de la zone, tant en termes d'importations que d'exportations. Cette affirmation est particulièrement vraie dans le domaine des énergies. Il convient enfin de rappeler l'importance de la présence militaire russe dans l'ensemble de la région.

La présence américaine est très récente si nous la comparons à celle de la Russie. Les États-unis ont « découvert » la région après la disparition de l'Union Soviétique. Cependant, même si leur présence est récente, ils jouent un rôle-clé dans la région et estiment y détenir des intérêts stratégiques. En conséquence, les États-unis souhaitent stabiliser cette zone fragile, renforcer l'indépendance des pays de la région et consolider leurs intérêts, en particulier dans le secteur pétrolier. Rappelons que les budgets de coopération économique et humanitaire des États-unis sont extrêmement importants. Dans ce cadre, l'aide accordée à certains pays, à des moments-clés, a été parfois considérable. Elle reste très importante.

La politique européenne de voisinage va être un facteur déterminant pour la région. D'ores et déjà, l'Union Européenne en est l'un des principaux fournisseurs d'aides. Ces aides se sont élevées, entre 1992 et 2002, à un milliard d'euros.

L'élargissement de l'Union Européenne a induit la nécessité de mettre en place de nouvelles relations avec les pays du Caucase, ce qui s'est traduit par plusieurs initiatives. Un représentant spécial de l'Union Européenne a ainsi été désigné en juillet 2003. De plus, une politique de voisinage est en train de se mettre en place afin, comme l'a rappelé Monsieur Prodi, d'accorder aux pays de la région un certain nombre d'avantages. Ces derniers sont les mêmes que ceux dont bénéficient les pays membres (à défaut de la participation aux institutions).

La France souhaite avant tout éviter que le Caucase demeure une zone de rivalités entre diverses puissances. A ce titre, elle essaie de convaincre la Russie de travailler conjointement avec les autres puissances à la stabilisation de la région. Pour ce qui est des conflits régionaux, nous souhaitons renforcer l'influence politique de l'Union Européenne, tout particulièrement au travers des négociations en cours (Haut Karabakh, Abkhazie). Nous voulons encourager la coopération régionale, facteur incontournable de stabilité.