Colloque Moyen-Orient



Peut-on travailler à partir de Dubaï sur l'ensemble de la région ?

Jean-François GOUMY, Adjoint au Chef de la mission économique de Dubaï
M. FOUGERAT, Escot Télécom
Firo DJAVANSHIR, Directeur du développement International, Okaïdi (vêtements pour enfants)
Natacha AUDOYE, Directrice Marketing, responsable communication, Bioderma

Les débats étaient animés par Jean-François GOUMY

Jean-François GOUMY

En introduction, je vous livrerai un certain nombre de données chiffrées.

Sur la présente carte des douanes de Dubaï, nous pouvons observer le rayonnement de la ville chiffré au travers de ses exportations et importations. Particulièrement élargie, cette zone englobe près de deux milliards d'habitants puisqu'elle prend également en compte l'Inde.

La seconde carte tend à démontrer la situation géographique privilégiée de Dubaï, en indiquant les zones susceptibles d'être atteintes en moins de trois semaines depuis son port.

Dubaï constitue également le troisième centre de réexportation mondial. Elle représente 80 % des échanges des Emirats Arabes Unis. Ses zones franches notamment jouent un rôle déterminant puisqu'elles assurent 40 % des échanges de l'Emirat de Dubaï et près de 50 % de ses exportations et réexportations. La plus grande zone franche (Jafza) concentre plus de 6 000 entreprises.

En outre, Dubaï héberge le huitième port de containers mondial.

Son centre des expositions internationales de 60 000 m 2 . en fait également un acteur privilégié du monde des affaires. D'ici à 2010, il est prévu de doubler cette capacité.

Sur le plan logistique, il s'agit d'un hub commercial considérable. En témoigne la présente carte, sur laquelle figure le futur projet de ville, notamment la construction d'un aéroport international plus grand qu'Heathrow et JFK réunis, auquel la zone franche sera accolée.

En matière de réexportations, les principaux clients de la région sont l'Iran, l'Inde, l'Irak, l'Arabie Saoudite et la Pakistan. Ses principaux utilisateurs sont la Chine, qui arrive largement en première place, le Japon, les Etats-Unis, l'Allemagne. La France en revanche arrive très loin derrière ces pays.

Natacha AUDOYE

Je travaille pour Bioderma, laboratoire de cosmétiques distribués par le réseau pharmaceutique, basé à Lyon et présent dans 64 pays dans le monde.

Si nos objectifs sont atteints d'ici à la fin de l'année, le Moyen-Orient deviendra notre principale filiale. Ouvert en 2002, notre bureau au Moyen-Orient est essentiellement destiné à accompagner nos douze distributeurs présents sur le terrain. Il ne procède en revanche à aucune facturation. Nous rayonnons sur douze pays principaux du Golfe et d'Afrique, notre volume de ventes le plus important étant réalisé en Iran, en Egypte et au Liban. En valeur néanmoins, c'est au Koweït et dans les Emirats que notre chiffre d'affaires est le plus important.

Alors que nous avions prévu de nous installer au Liban, les attentats du 13 février 2005 nous en ont dissuadés. Dubaï, qui présente un cadre de vie sécurisé, notamment pour les femmes, nous est alors apparu comme la solution idéale. 6 000 Français y vivent actuellement, sans compter les autres nationalités francophones. Nous y disposons de réseaux très satisfaisants en termes d'écoles et de lycées. En outre, aucune restriction alimentaire ou vestimentaire n'y est imposée. Le temps constitue également un facteur non négligeable, même si les mois de juillet et d'août peuvent parfois s'avérer difficiles.

Les problèmes de visa de travail sont également restreints et les déplacements sont facilités par le système des deux passeports et la présence de toutes les compagnies aériennes.

En termes de recrutement, après quelques difficultés rencontrées il y a trois ans, nous disposons désormais d'un personnel qualifié et très motivé, notamment des Libanais, trilingues en arabe, français et anglais.

Il s'agit également d'un pays structuré et très dynamique, qui dispose d'un réseau de pharmacies équivalent à celui de la France. Enfin, en tant que Français, nous disposons auprès des populations locales d'une excellente image de marque.

Je soulèverai néanmoins quelques points négatifs. La densité du trafic tout d'abord constitue une perte considérable de temps et d'argent. Par ailleurs, nous sommes actuellement confrontés à une augmentation du coût de la vie.

Malgré l'ouverture d'esprit général, nous rencontrons souvent des problèmes de compréhension, qui peuvent parfois conduire à des situations catastrophiques sur le plan juridique.

En outre, si le climat favorise la vente de nos produits solaires, il constitue un désagrément pour les familles et parfois un risque pour nos produits lorsque nous les transportons en voiture.

Par ailleurs, il est très difficile pour une femme de travailler au Moyen-Orient. Ainsi, en Arabie Saoudite, ai-je été amenée à me faire remplacer par un homme. Je suis par ailleurs contrainte d'adapter les supports visuels de communication qui me sont envoyés de France aux règles du Moyen-Orient en termes de représentation du corps de la femme.

Enfin, au Moyen-Orient, le volume horaire travaillé est particulièrement important.

Firo DJAVANSHIR

J'appartiens à un Groupe composé de trois marques, Okaïdi, Obaïbi et Jacadi. Nous sommes passés de 200 magasins essentiellement en France en 2001 à 700 magasins aujourd'hui. Nous avons pour projet d'aboutir à 1 400 magasins d'ici trois ans.

Nous avons fait le choix délibéré de nous diversifier au Moyen-Orient en raison :

· de la forte natalité ;

· de la demande ;

· de la consommation ;

· de l'absence de contraintes douanières.

En outre, nous étions particulièrement attendus sur ce marché. Nous avons en outre choisi de travailler sur deux zones, les Emirats et l'Arabie Saoudite, en partenariat avec des sociétés internationales importantes (Zara, Mango, Promod, etc.), disposant, sur place, d'une expérience pertinente.

Il nous a néanmoins été difficile de nous décider parmi ces partenaires dans la mesure où, dans cette région, la recherche d'information requiert beaucoup de tact. Nous nous sommes donc appuyés sur les exemples d'expériences réussies. Depuis cinq ans, mis à part l'Iran, la Syrie et le Yémen, nous avons investi tous les pays du Golfe.

Notre activité étant à flux tendus, les infrastructures offertes par Dubaï ont parfaitement répondu à nos attentes. Dans cette ville, nous sommes en effet en mesure de livrer deux, voire quatre fois, par semaine des produits à nos magasins dans la région.

Sur Dubaï, nous disposons d'une quinzaine de magasins. Nous avons pour objectif de passer à 25 d'ici deux ans.

Dubaï constitue également une plateforme de transport tout à fait adaptée pour importer les produits que nous faisons fabriquer en Asie. Outre l'avion, des solutions intermédiaires par air ou par mer sont également possibles pour se déplacer depuis la Chine ou l'Asie du Sud-Est.

Enfin, les pays de la zone sont particulièrement demandeurs de savoir-faire et de techniques, y compris au niveau du commerce de détail et de la distribution. Ainsi, nous avons créé des écoles de formation qui soutiennent des sessions deux fois par an dans la région et deux fois par an en France. Nos responsables régionaux se déplacent également dans la région pour contrôler et mettre en place tout ce qui a trait à la présentation des vitrines et au management des équipes.

Notre expérience au Moyen-Orient nous semble donc très réussie. Nous espérons continuer à nous implanter à Dubaï, à hauteur de 80 magasins d'ici à deux ans. Dubaï reste également un point central pour assurer notre développement en direction de l'Inde. Ainsi, d'ici un an ou deux, nous envisageons de créer une plateforme de redistribution chargée d'alimenter les pays du Golfe ainsi que l'Inde à partir de Dubaï.

M. FOUGERAT

Je représente un groupe de PME qui, avec environ 450 personnes, produit 35 millions de chiffre d'affaires par an. En tant qu'intégrateur de solutions de télécommunications, proposant des produits provenant de Chine ainsi que de nos usines de fabrication en propre en Inde et en Turquie sur des marchés d'Afrique et du Moyen-Orient, Dubaï nous est apparu comme une plateforme centrale et incontournable pour faire face à la concurrence des Chinois et des Indiens, notamment en termes de coûts. Nous intervenons tant sur des marchés régionaux que sur des opérations de soutien de sociétés françaises, comme Bouygues Télécom ou sur des opérations de marché clé en main en Afrique.

Jean-François GOUMY

Parmi vos produits, il me semble que certains ont été conçus par Philippe Starck.

M. FOUGERAT

Avec Philippe Starck, nous avons en effet conçu des pylônes de télécommunication susceptibles de se fondre davantage dans le paysage naturel et d'être montés en une demi-journée.

Jean-François GOUMY

S'agissant des grandes entreprises à dimension internationale, il me semble que Gérard Escot compte s'appuyer sur Etisalat pour étendre son rayonnement dans la région et au-delà.

M. FOUGERAT

Avec Etisalat, nous disposons d'une part d'un marché sur Oman et nous travaillons d'autre part sur des filiales africaines.

Jean-François GOUMY

A l'issu de ce débat, la réponse à la question posée en introduction reste très nuancée. Elle varie notamment en fonction du secteur et de la dimension des marchés. Dubaï constitue néanmoins un centre d'affaires qui facilite considérablement les rencontres. Une marge de développement est encore possible, de nombreuses entreprises ayant installé dans cette ville leur siège régional. Une limite à ces avantages réside cependant dans l'obligation de s'associer à un partenaire local pour créer une société sur le territoire. La législation sur ce point a néanmoins vocation à évoluer.