Environnement international, processus électoral et consolidation démocratique



Conclusion

Jean-Claude COLLIARD
Université Paris I

Les sujets étaient disparates et il est donc difficile de faire une synthèse.

Le point de départ est l'articulation entre la volonté et l'obéissance, comme l'a rappelé Jean BAECHLER. La démocratie semble reposer uniquement sur le calcul, c'est-à-dire sur la légitimité rationnelle. Son exposé permet de comprendre pourquoi Athènes est classée parmi les démocraties : en fait, la démocratie électorale n'est qu'un modèle démocratique parmi d'autres. Une démocratie peut donc se fonder sur la distinction entre des citoyens et des esclaves. Le débat peut d'ailleurs être repris, aujourd'hui, avec la différence entre les citoyens et les exclus des banlieues.

La démocratie, au sens actuel, commence par l'élection. Sur ce point, Bernard OWEN a rappelé que pour les universitaires, les élections sont un point de détail, alors que c'est par elles que tout commence.

Bertrand SIMON a mis en évidence qu'Internet est la technique de la démocratie d'opinion, comme l'élection est la technique de la démocratie représentative. Pour ma part, je suis un peu inquiet par l'idée de Marcel GAUCHET qui estime que le grand homme politique sera celui qui exprime le mieux l'opinion. Il s'agirait d'un éloge du populisme et de la facilité. Il y a quarante ans, Robert ESCARPITTE avait écrit Le Litteratron , une machine qui prenait la mesure de l'opinion et qui écrivait ce que l'électeur voulait entendre. Cela ne correspond pas à ma vision de la démocratie. Cependant, Internet ne conduit pas forcément à la démocratie d'opinion.

Je suis frappé par le décalage entre le monde virtuel et le monde réel. Le premier devient de plus en plus important. En outre, le même outil, l'ordinateur, sert pour le jeu et le travail, ce qui change les frontières. Les individus sont plus heureux à jouer qu'à se confronter à la réalité. C'est peut-être l'explication du trader de la Société générale, qui voulait effacer ses gains comme s'il voulait recommencer une partie. De même, le décalage entre virtuel et réel risque d'avoir des conséquences sur le plan politique et démocratique.

La démocratie est une vieille histoire. Comme Denis GIRAUX l'a montré, un lent processus de sédimentation est nécessaire. Il est donc difficile de l'imposer ou même de la proposer. Il faut accepter de prendre en compte les pratiques tribales. Le vote individuel n'est pas forcément une nécessité dans les pays où chacun a pour usage de demander conseil au sage de la tribu. À l'inverse, le secret du vote est toujours une nécessité.

Comme Didier MAUS l'a expliqué, l'ingénierie électorale est lourde. Dix personnes sont nécessaires pour chacun des 62 000 bureaux français.

Nous devons clairement distinguer l'assistance et l'observation. L'assistance est la mise au point de la norme électorale. Cette mise au point est délicate, car les modes de scrutin sont nombreux. Il faut donc prendre en compte la culture locale, même si elle apparaît peu démocratique. Aux États-Unis, les droits des États sont plus importants que les droits des citoyens. Dans le même sens, il faut tenir compte des communautés.

Concernant l'observation, on peut ironiser sur la multiplication des organisations et sur leurs valeurs et désirs réels. Néanmoins, l'observation est utile. Certes, de nombreuses missions se contentent d'observer les façades sans pouvoir connaître la réalité, comme les façades en carton dans Tintin au pays des Soviets . Néanmoins, les États ne peuvent pas faire comme si les missions n'existaient pas. Les dirigeants peuvent aussi comprendre qu'il est aussi facile de faire de vrais bureaux de vote que des bureaux en carton. En outre, l'observation permet de faire entrer la normalité électorale dans les moeurs, comme l'ont signalé Khaled KHALI et Nathalie GOULET.

Concernant les sondages d'opinion à la sortie des urnes, ils apparaissent de plus en plus comme une surveillance du dépouillement, comme l'a indiqué Carine MARCÉ. En fait, le résultat de l'élection paraît normal lorsqu'il rejoint le résultat du sondage. La normalité passe donc du côté du virtuel, alors que les citoyens devraient davantage faire confiance aux résultats réels.

Enfin, le résultat de l'élection doit être acceptable et accepté, quel que soit le mode de scrutin. Autrement dit, il faut une acceptation du pouvoir de l'autre, au moins temporairement. C'est un élément central de la démocratie. Si le pouvoir de l'autre n'est pas accepté, cela aboutit à des violences, comme le montre l'exemple du Kenya. En revanche, si un résultat contestable est accepté, cela exprime une réelle avancée démocratique, comme cela a été le cas au Mexique à l'été 2007. La population a eu suffisamment confiance dans le processus électoral et dans les institutions de surveillance (l'institut fédéral électoral et le tribunal) pour accepter le résultat. Il est vrai que les sondages correspondaient aux résultats et que les irrégularités n'étaient pas suffisantes pour combler l'écart.

J'espère que cette journée aura permis de faire progresser l'idée de la bonne administration et de la bonne expression électorale.