Colloque Coopération décentralisée France-Russie (15 février 2007)



Actes du colloque

« Coopération décentralisée France-Russie »

Sénat - Jeudi 15 février 2007

Ouverture

Patrice GÉLARD ,
Sénateur, Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Russie du Sénat

Je souhaite à tous la bienvenue à ce colloque sur la coopération décentralisée France Russie, organisé notamment par le Dialogue Franco-Russe et le groupe sénatorial d'amitié France-Russie.

Je vais maintenant vous lire le message de Monsieur Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères, qui ne peut malheureusement pas être parmi nous aujourd'hui.

« Par la coopération décentralisée, les collectivités territoriales françaises - régions, départements, communes et leurs groupements - sont présentes dans près de 120 pays. La législation française, encore améliorée par l'adoption, ce mois même, de la proposition de loi du sénateur Thiollière, leur permet d'agir dans le domaine de leur compétence, sous la seule condition de respecter les engagements internationaux de la France. Les partenariats se nouent librement, en fonction des affinités, sur la base des intérêts réciproques de chacune des parties.

Actifs dans le domaine de la gouvernance, de l'aménagement et de la promotion des territoires, des services d'intérêt économique général et, plus largement, des services aux citoyens, les acteurs locaux français contribuent au rayonnement économique et culturel du pays, mais ils sont aussi disposés à partager leurs expériences sur des questions techniques très concrètes.

Je forme le voeu que ce thème soit largement abordé lors de la rencontre organisée par le Dialogue franco-russe au Sénat le 15 février 2007. Cet échange doit permettre de répondre aux attentes des milieux économiques et favoriser à la fois l'émergence de nouveaux partenariats et l'approfondissement de nos relations bilatérales. »

Sergueï NARYCHKINE ,
Ministre, Chef de l'Appareil du Gouvernement de la Fédération de Russie

Je tiens à remercier le Sénat, le Ministère des Affaires étrangères, ainsi que les autres organisateurs de ce colloque, de m'avoir invité et de me donner la parole pour son ouverture.

De nombreuses initiatives ont été mises en oeuvre pour renforcer les relations entre la France et la Russie, notamment dans le cadre du Conseil franco-russe économique, financier, industriel et commercial (CEFIC). Plusieurs groupes de travail ont été constitués. Ils traitent de sujets divers, comme la coopération dans le domaine de la conquête spatiale, du tourisme ou de l'énergie. Nous avons déjà remporté de grands succès. Néanmoins, je suis convaincu que nous ne sommes qu'au début du chemin.

L'étude du potentiel d'investissement réciproque des deux pays montre que l'essentiel de ce dernier se trouve dans les régions. C'est la raison pour laquelle, cette année, la réunion du CEFIC s'est tenue dans l'une des principales régions industrielles de Russie, à Nijni Novgorod. Nous allons maintenir cette tradition pour les prochaines rencontres, qui se tiendront dans une région française.

Je voudrais profiter de cette tribune pour proposer à nos collègues français de réfléchir à la création d'un nouveau groupe de travail, dans le cadre du CEFIC. Celui-ci serait composé des régions engagées dans la coopération décentralisée ou intéressées par cette démarche. Il pourrait être placé sous la direction des représentants plénipotentiaires de nos deux pays.

Je salue les efforts menés par le gouvernement français pour renforcer la présence des entreprises françaises sur le marché russe et la porter au même niveau que celle des autres grands pays. De notre côté, nous avons engagé des actions similaires.

La croissance économique est très forte en Russie. Les grandes entreprises russes attirent désormais des capitaux en provenance des marchés financiers du monde entier. L'année dernière, nous avons franchi un seuil important. Pour la première fois, l'inflation n'était qu'à un seul chiffre, autour de 9 %. Nous sommes fermement décidés à ce qu'elle continue à baisser. Notre objectif est de faire en sorte qu'elle parvienne à un niveau de 4 à 5 %. Par ailleurs, la Russie s'est acquittée avant terme de la dette de l'ancienne Union Soviétique. L'an passé, celle-ci s'élevait à 22 milliards de dollars. Au milieu des années 90, elle atteignait, pour la seule Russie, environ 265 milliards. Nos réserves d'or et de devises se montent maintenant à 300 millions de dollars, ce qui nous situe à la troisième place mondiale. La Russie dispose donc des moyens de faire face à la chute des prix des hydrocarbures. La croissance économique russe n'est pas seulement liée à la conjoncture extérieure. Elle s'appuie également sur la progression de la demande intérieure.

Par le passé, l'apport de capitaux en Russie représentait de l'ordre de 15 à 20 milliards de dollars. L'an dernier, ceux-ci ont atteint 40 milliards. Après une phase de stabilisation, nous sommes maintenant dans une phase de développement. Le gouvernement a adopté un certain nombre de programmes dans le domaine de l'énergie, des transports ou de la construction navale. Les représentants des régions vous diront peut-être quelques mots sur les projets qui ont également été mis en oeuvre au niveau de ces territoires.

Je pense que les efforts engagés par les autorités russes ont bien été perçus par les entreprises françaises. En 2006, elles ont réalisé des investissements très importants dans les régions de Moscou, de Saint-Pétersbourg, de Nijni Novgorod, de Rostov sur le Don ou de Novossibirsk. Néanmoins, le potentiel de notre coopération n'a pas encore été épuisé. Dans le cadre du CEFIC, nous avons donc décidé de rechercher d'autres moyens de renforcer les relations économiques franco-russes. A mon sens, celles-ci passent en grande partie par les régions.

Pour conclure, permettez moi de former le voeu que notre colloque d'aujourd'hui soit utile pour les entrepreneurs, qu'il permette de renforcer l'intérêt réciproque de nos deux pays et qu'il contribue au développement de la coopération russo-française.

Brice HORTEFEUX ,
Ministre délégué aux Collectivités territoriales

Je vous remercie de votre invitation qui me donne l'occasion de saluer des personnalités russes que j'ai eu l'occasion de rencontrer lors du sommet du G8 ou que j'ai récemment accueillies en France, notamment dans le cadre de la Foire européenne de Strasbourg.

Dans le cadre de mes fonctions ministérielles, il m'a été demandé de mener des réflexions sur l'organisation des coopérations décentralisées. La France doit faire évoluer son engagement dans ce secteur. Elle est très dynamique, puisque 3 250 collectivités ou groupements sont impliqués dans plus de 6 000 coopérations localisées dans 120 pays. Mais il convient probablement d'aller vers des modes d'action plus efficaces.

La relation bilatérale franco-russe est en très nette expansion. Il existe actuellement 67 partenariats impliquant six régions, trois départements, six groupements intercommunaux, ainsi que de nombreuses communes. Seuls 22 d'entre eux ont été concrétisés avant 1990. La grande majorité a vu le jour au cours des quinze dernières années, lorsque les acteurs français ont pris la mesure du potentiel de la Russie et des débouchés qu'elle pouvait offrir à nos PME.

Aujourd'hui, un grand nombre de coopérations prennent la forme de jumelages de villes, comme Dijon et Saint-Pétersbourg, Paris et Moscou ou Toulon et Kronstadt. Il existe également de multiples échanges culturels, sportifs et éducatifs. Mais nous devons désormais réfléchir à d'autres pistes.

Même si nous enregistrons des réussites, le dispositif actuel comporte plusieurs imperfections et introduit un certain nombre d'obstacles. Compte tenu de l'importance de la Russie, il n'y a pas suffisamment de relations interrégionales. Au-delà de cet aspect quantitatif, nous sommes également limités sur les thématiques et l'engagement opérationnel. La France et la Russie n'ont pas encore mis en place la coopération décentralisée qu'elles méritent.

La France doit intensifier ses relations avec de nouveaux partenaires. La présence du monde local français est encore trop discrète dans des pays qui s'affirment de plus en plus sur la scène internationale. Les pays en développement ou émergents totalisent 220 partenariats, soit seulement 11 % des engagements hors Union Européenne. La priorité a trop longtemps été donnée à des schémas traditionnels, qui se sont également accompagnés d'une concurrence inutile entre les différents niveaux de collectivités territoriales. Il est maintenant souhaitable que les dispositifs se rééquilibrent vers des pays majeurs et en forte croissance, comme la Thaïlande, les Philippines, la Malaisie, la Corée du Sud, le Mexique, le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Inde et évidemment la Russie. Nous avons ainsi rédigé et rendu publique une nouvelle orientation de la coopération décentralisée. Approuvée en réunion interministérielle en mars 2006, elle classe la Russie parmi les pays justifiant des actions prioritaires.

Nous devons nous adapter à notre époque. Notre coopération doit changer de nature et devenir plus opérationnelle. Une première phase a été initiée après la Seconde Guerre mondiale. Celle-ci privilégiait les liens d'amitié et de connaissance mutuelle. Logiquement, elle était prioritairement tournée vers l'Allemagne, qui continue à représenter 1 800 liens sur les 6 000 existants. Dans les années 70, l'action s'est davantage tournée vers l'aide humanitaire, notamment dans les pays du Sud issus de la colonisation française. La coopération a alors commencé à être plus concrète et à s'attaquer à des thèmes comme l'environnement ou le développement urbain. Puis, plus récemment, les collectivités territoriales ont pris en considération les aspects économiques. Ils doivent évidemment être privilégiés dans le cadre des relations franco-russes.

Il est important de repositionner notre coopération, en développant les relations interrégionales et en créant une collectivité de référence. Il est difficile de déterminer le meilleur interlocuteur. Pour ma part, je pense toutefois que le choix de la région ou de la capitale régionale serait le plus lisible pour nos interlocuteurs étrangers. En tout état de cause, quand nous aurons avancé sur ce point, il faudra que la collectivité chef de file organise les différentes initiatives.

La coopération franco-russe est actuellement à la croisée des chemins. Nous sommes suffisamment liés pour être certains de notre amitié, mais nous sommes également suffisamment ambitieux pour vouloir aller plus loin. Nous devons donc nous mobiliser pour franchir une nouvelle étape. Celle-ci nécessitera un effort de pédagogie et une vraie volonté politique. C'est à ces conditions que notre coopération bilatérale sera à la hauteur de ce que nous sommes, les uns et les autres, en droit d'attendre.