Débat : « De la prospection commerciale à l'implantation : les clés du succès en Russie »

Débat avec la Section Russie des Conseillers du Commerce extérieur de la France, animé par Philippe PELÉ-CLAMOUR, Président, Thaïs Capital Partners, Président de la Commission CEI-Eurasie des CCEF, Fondateur du Courrier de Russie

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Servier est une société aujourd'hui en plein essor mais cela n'a pas toujours été le cas. Comment êtes-vous parvenus à pénétrer sur le marché russe ?

Jérôme GAVET, Directeur général, Servier Russie

Nous sommes arrivés en Russie dès 1992 et avons fait le choix de nous y établir dans la durée. Nous avons ainsi ouvert un bureau de représentation qui pouvait se prévaloir d'une activité d'une vingtaine de millions d'euros en 1999. Outre les activités pharmaceutiques promotionnelles, nous avons mis en place un centre de recherches cliniques et avons inauguré notre première usine de production à Sophyno, à proximité de Moscou, en 2007.

Le groupe Servier emploie dorénavant 1 000 personnes en Russie, et comptabilise 250 millions d'euros de chiffre d'affaires. Celui-ci s'élève même à 320 millions d'euros dans sa version consolidée incluant les résultats de ce laboratoire hongrois dont nous sommes actionnaires à 50 %.

Servier en Russie, c'est 1000 personnes, 250 millions d'euros de chiffre d'affaires, et même 320 millions après consolidation de nos résultats avec ceux du laboratoire hongrois dont nous possédons 50 %.

Nous occupons la 9 ème place en tant que laboratoire pharmaceutique et sommes leaders sur le marché du médicament de prescription.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Quelles relations entretenez-vous avec les distributeurs ?

Jérôme GAVET

Le marché pharmaceutique russe est terriblement lié à la distribution. Le pays compte actuellement 600 distributeurs environ et nous travaillons pour notre part avec 60 d'entre eux, dont une dizaine couvrent l'essentiel du marché. Au départ, nous surveillions de très près les distributeurs avec lesquels nous travaillions et avions établi avec ces derniers des relations commerciales très strictes. Peu à peu, avec l'ouverture du marché, nous avons pu faire montre de plus de souplesse et nos relations se sont progressivement assainies. De leur côté, les distributeurs russes ont gagné en professionnalisme.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Quels outils propres au secteur de l'énergie pourraient être transférables à celui des PME ?

Luc CHARREYRE, Chef du Bureau de Représentation à Moscou, EDF

EDF a développé en Russie plusieurs types d'activités. Nous achetons et vendons notamment des biens et des services, comme nous le faisions déjà en URSS, depuis 1978.

A l'instar de Servier, nous nous sommes par ailleurs efforcés de développer, au cours des quatre années qui viennent de s'écouler, une présence industrielle aux côtés de nos partenaires russes, ce qui nous a permis de constater que les différences d'approches vis-à-vis de la Russie étaient assez marquées, parmi les acteurs européens.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Quid de votre prise de participation dans le projet de gazoduc South Stream ?

Quels rapports entretenez-vous avec le groupe nucléaire public russe Rosatom ?

Luc CHARREYRE

Nous avons développé un partenariat avec Gazprom, qui passe par l'entrée au capital de South Stream.

EDF a par ailleurs signé en juin dernier, avec le groupe Rosatom, un accord de coopération dans le domaine nucléaire.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les spécificités allemandes et italiennes dans l'appréhension du marché russe ?

Luc CHARREYRE

Nos homologues italiens, anglais ou allemands ont une approche moins problématique que la nôtre de ce marché. Les Français s'interrogent en effet toujours énormément sur la qualité du climat des affaires sur le sol russe, au détriment d'une approche pragmatique de la situation.

Pour notre part, depuis que Poutine a mis l'accent sur le thème de l'efficacité énergétique, nous avons fait en sorte de faire montre de proactivité et avons à ce titre organisé, en janvier 2009, un séminaire sur l'expertise de notre groupe dans ce domaine. Une telle démarche nous a ainsi permis de proposer nos services à Avtovaz, qui a finalement consenti à travailler avec nous.

Nicolas MEGRELIS , Directeur général, Dlia Doucha i Douchi, Président de la section russe

Je suis à la tête d'un important réseau de cosmétiques et de fleurs en Russie, pays dans lequel je suis implanté de longue date et qui possède dorénavant 200 magasins environ. Nous employons environ 750 personnes (contre 1 000 avant la survenue de la crise économique, en 2008). Nous jouons par ailleurs le rôle d'agent sur le sol russe, pour quelques entreprises françaises de l'industrie chimique.

La Russie possède un potentiel de développement énorme et je vous invite tous à venir y investir sans plus attendre, à l'instar du groupe Renault, qui détient dorénavant 25 % d'Avtovaz et qui est désormais le numéro 1 de l'automobile en Russie.

Bruno GRENDENE, SILEC Câble, de la salle

J'ai le sentiment que les Russes sont prêts à nous laisser importer du matériel électrique vers leur pays, à condition que nous consentions à construire des usines sur leur sol d'ici quelque temps. C'est en tout cas ce qu'ils nous font comprendre lorsqu'ils nous accordent les homologations nécessaires à la réalisation du business sur leur territoire.

Jérôme GAVET

Dans le secteur pharmaceutique, la volonté de voir des laboratoires étrangers implanter des usines de production sur le sol russe est clairement mise en avant par les autorités. Ces dernières n'encouragent d'ailleurs les investissements étrangers qu'en vue de dynamiser, à terme, la production locale.

Philippe PEGORIER

De toute évidence, les autorités russes souhaitent attirer les investissements étrangers sur leur sol, afin de voir la production locale se développer, ce qui permettra de drainer en retour l'ensemble du marché.

Luc CHARREYRE

Il me semble pour ma part tout à fait légitime que les autorités russes attendent des entreprises françaises qu'elles les aident à revivifier le tissu industriel de leur pays.

M. LEMPEREUR, société de Tiers payant, de la salle

Quid des systèmes d'assurance santé en Russie ?

Jérôme GAVET

Si l'Etat contribue au financement de l'hospitalisation et de la prise en charge de certaines grandes pathologies, les médicaments restent en revanche majoritairement à la charge des patients. Le gouvernement a donc prévu de mettre en place, à compter de 2012, un système de prélèvements sur les salaires pour financer progressivement la santé.

Franck BENAIM, Groupe Athéna Formation, de la salle

Nous sommes une société d'enseignement du français et j'aimerais savoir quelles sont les possibilités s'offrent à nous pour travailler en Russie, sans entrer en concurrence directe avec les alliances françaises.

Philippe PELÉ-CLAMOUR

Je pense qu'il existe des opportunités de développement dans les régions. Pour ce faire, vous devez veiller à mettre l'accent sur vos critères différenciants, en regard de la concurrence.

Philippe PEGORIER

L'enseignement du français reste de très bonne qualité en Russie. Vous aurez donc à affronter une concurrence sérieuse si vous comptez vous développer dans ce secteur d'activité.

De la salle

Les universités russes, telles que celle de Mourmansk, regorgent d'étudiants parlant parfaitement le français. Nous manquons en revanche d'interprètes très spécialisés sur tel ou tel secteur. A cet égard, ne serait-il pas possible d'envisager l'organisation de séminaires de spécialisation, à destination de ces étudiants possédant déjà un très bon niveau de langue ?

Philippe PEGORIER

Il existe déjà un mastère franco-russe de français des affaires, qui a été créé par la Chambre de commerce franco-russe et qui doit toujours fonctionner.

Lauriane BONNET, Cisco International, de la salle

Nous cherchons à conquérir le marché russe et avions pour ce faire trouvé un distributeur. Notre logiciel de CFAO étant toutefois malheureusement considéré comme un bien à double usage, il nous a fallu un délai de dix semaines pour obtenir la licence et notre distributeur n'est pas sûr de pouvoir continuer à nous accompagner dans notre démarche de conquête.

Anne-Kristina RAMON, Groupe Thalès, de la salle

Je ne saurais que trop vous conseiller de vous y prendre très en amont pour vos demandes d'autorisation. Il convient en outre de faire montre de la plus grande transparence possible, et ce dès le départ.

Christian MEGRELIS, Président d'Exa International, de la salle

La clé d'une implantation réussie en Russie consiste à se lancer à la conquête de ce grand pays en s'entourant préalablement de Russes compétents. Vous ne pourrez en effet travailler correctement en Russie si vous ne faites par l'effort de comprendre et d'aimer le peuple russe.

Dominique DE BLANCHARD, Présidente de Cristofol, de la salle

Je dirige une TPE dans le secteur de la joaillerie et nous venons tout juste d'ouvrir une boutique à l'hôtel Ukraine à Moscou, ce qui ne s'est pas fait sans mal. Partant de là, dans un contexte où l'on ne cesse de nous répéter qu'il faut que nous nous implantions à tout prix en Russie, je m'étonne que la documentation diffusée par Ubifrance recommande à l'inverse « de faire venir les acheteurs en France » , dans le secteur particulier de la joaillerie.

Philippe PEGORIER

Les conditions d'importation des métaux précieux restent très délicates.

Kira HOSANY

La recommandation que vous citez était en outre davantage destinée aux personnes cherchant un conseil pour la prospection que pour l'importation, à proprement parler.