SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Janvier 2005)

CANADA

Le dernier recours à la conscription remonte à la seconde guerre mondiale. Il divisa profondément le pays et revêtit une ampleur limitée, puisque seulement 13 000 conscrits furent envoyés en Europe.

Désormais, les forces armées sont donc uniquement formées de volontaires : d'après la loi de 1985 sur la défense nationale , les forces armées se composent d'une « force régulière », formée de professionnels, et d'une « force de réserve ». Le livre blanc sur la défense, de 1987, énonce le concept de force totale et fait de la réserve un « pilier fondamental du potentiel de sécurité du Canada »

Cependant, les réservistes ne sont dotés d' aucun statut législatif . Leurs activités militaires reposent sur le volontariat des intéressés, ainsi que sur celui des employeurs.

Le Conseil de liaison des forces canadiennes (CLFC), constitué de dirigeants d'entreprise et de cadres supérieurs qui consacrent bénévolement une partie de leur temps à la promotion de la réserve, a développé une importante politique de sensibilisation des employeurs, pour que ces derniers embauchent des réservistes et leur octroient les congés nécessaires.

1) L'organisation de la réserve militaire

La réserve se compose de quatre éléments. Les trois premiers, c'est-à-dire la première réserve, les instructeurs de cadets et les rangers jouent un rôle actif et ne réunissent que des volontaires. Le quatrième, la réserve supplémentaire, est mobilisable seulement en cas d'urgence.

À l'intérieur des différentes composantes de la force de réserve, sauf dans la réserve supplémentaire, on distingue trois classes de service , qui dépendent de la durée annuelle des activités militaires des intéressés et qui déterminent les rémunérations.

a) La première réserve

Lorsqu'ils s'enrôlent, les membres de la première réserve s'engagent à répondre à tout ordre de mobilisation ou d'instruction.

En pratique cependant, toutes les activités militaires des membres de la première réserve sont volontaires, aussi bien l'instruction que les autres activités. En effet, le dernier rappel obligatoire remonte à 1939 et il n'a jamais été fait usage de la disposition législative selon laquelle le gouvernement peut obliger les réservistes à suivre chaque année quinze ou soixante jours d'instruction selon que les intéressés sont réservistes à temps plein ou à temps partiel.

Conformément au principe d'égalité d'accès à l'emploi , les réservistes sont recrutés par concours. Ils doivent suivre l'instruction élémentaire, d'une durée de dix à quatorze semaines, puis la formation correspondant au métier pour lequel ils ont été engagés.

La limite d'âge inférieure pour entrer dans la réserve est fixée à seize ou dix-huit ans selon les armes, tandis que la limite d'âge supérieure est de l'ordre de cinquante ans : elle n'est pas toujours formellement exprimée, mais l'intéressé doit disposer d'un nombre d'années suffisant pour servir dans la réserve avant d'atteindre l'âge de la retraite obligatoire, fixé à soixante ans. La plupart des réservistes restent dans la réserve pendant toute leur vie adulte, jusqu'à l'âge de la retraite obligatoire.

Les réservistes peuvent servir selon un engagement de durée indéterminée , mais ils peuvent également se porter volontaires pour servir à temps plein pendant une période déterminée .

En temps de paix, les membres de la première réserve ont surtout des obligations d'entraînement , en général à raison d'une soirée par semaine et d'une fin de semaine par mois. Ils ne peuvent pas servir dans un contexte opérationnel sans s'être portés explicitement volontaires pour une telle mission, que celle-ci ait lieu à l'extérieur ou l'intérieur des frontières. Ainsi, certains éléments ou certaines unités de la première réserve participent à des actions militaires de maintien de la paix à l'étranger ou à des opérations de sauvetage à l'intérieur des frontières. Au cours des dernières années, des réservistes canadiens ont été déployés en Afghanistan, en Bosnie, en Croatie et en Haïti. Les réservistes représentent habituellement environ 10 % des effectifs militaires envoyés à l'étranger. Des réservistes apportent également leur concours pour faire face à des situations d'urgence, comme des intempéries exceptionnelles. De même, à l'occasion du passage à l'an 2000, des milliers de réservistes attendaient un ordre de mobilisation.

b) Les instructeurs de cadets

Ce cadre rassemble quelque 6 000 officiers qui encadrent et entraînent un ou deux soirs par semaine pendant l'année scolaire les cadets, âgés de douze à dix-huit ans.

c) Les rangers

Les rangers , au nombre d'environ 3 200, assurent une présence militaire dans les régions isolées fort peu peuplées (régions septentrionales, côtières, etc.). Ils remplissent leur mission (essentiellement surveillance) en même temps qu'ils exercent leurs activités professionnelles habituelles et n'ont aucune obligation d'entraînement.

d) La réserve supplémentaire

Elle réunit non seulement d'anciens membres de la force régulière et de la première réserve, mais aussi des personnes sans expérience militaire possédant des compétences appréciées par l'armée. L'âge maximal des membres de la réserve supplémentaire est de soixante-cinq ans.

En temps normal, les membres de la réserve supplémentaire ne sont tenus à aucune obligation. Ils n'ont en particulier aucune obligation d'entraînement . Ils pourraient être rappelés en cas d'urgence.

e) Les trois classes de service

Dans la première réserve, chez les instructeurs de cadets et chez les rangers, on distingue trois classes de réservistes : A, B et C.

La classe A regroupe les réservistes travaillant occasionnellement (au maximum douze jours consécutifs) ou à temps partiel pour l'armée, ce qui correspond au cas le plus fréquent.

La classe B comprend les réservistes qui assument chaque année pendant au moins treize jours consécutifs des fonctions à temps plein ne s'inscrivant pas dans des opérations militaires. C'est le cas des instructeurs, ainsi que des réservistes qui assument des tâches de nature temporaire, qui ne sont pas réalisées par un membre de la force régulière.

La classe C rassemble les réservistes affectés à une opération régulière ou à une opération ponctuelle (comme le secours aux sinistrés), que ces opérations se déroulent ou non à l'étranger. Ils reçoivent une affectation d'une durée de plus de 90 jours.

2) Le statut des réservistes

a) La rémunération

Les réservistes sont payés en fonction de leur grade, de leur spécialisation et de leur nombre d'années de service. La rémunération des membres des classes A et B s'élève à 85 % de celle des militaires de la force régulière de même grade . Les réservistes embauchés en classe C touchent la même solde que les membres de la force régulière. Pour toute journée d'au moins six heures, ils perçoivent la solde d'une journée complète.

Le Conseil de liaison des forces canadiennes (CLFC), organisme consultatif composé d'une douzaine de représentants du monde des affaires et chargé d'« améliorer la disponibilité des membres de la première réserve à l'entraînement et aux opérations militaires », encourage les employeurs à couvrir la différence entre la solde de réserviste et le salaire civil.

b) La garantie du maintien de l'emploi civil

Le maintien de l'emploi n'est pas garanti par la loi , mais le CLFC, qui milite pour obtenir le soutien actif des employeurs aux activités militaires de leurs salariés, s'efforce de l'obtenir.

c) La protection sociale

Les réservistes restent couverts par leur régime habituel de protection sociale, à moins d'être engagés à temps plein pour des périodes de plus de 180 jours.

Les réservistes n'ont pas droit à une pension de retraite au titre de leurs activités dans la réserve, mais à une indemnité de départ , l'allocation de retraite de la force de réserve, qui est versée en reconnaissance d'un service de longue durée dans la première réserve. En général, un réserviste qui a effectué au moins vingt années de service continu a droit à une indemnité égale à sept jours de solde par année de service. Ceux dont l'ancienneté est comprise entre dix et dix-neuf ans perçoivent 3,5 jours de solde par année de service, mais aucune allocation n'est attribuée pour des durées de service inférieures à dix ans.

La création d'un régime de retraite pour les membres de la réserve est à l'étude depuis plusieurs années . Une réforme de la loi sur la pension de retraite des forces canadiennes, applicable aux réservistes, devrait aboutir en 2005, avec effet rétroactif à partir de 1999. Les réservistes bénéficieraient alors du même régime que les militaires professionnels : la pension de retraite dépendrait de l'emploi à temps plein ou à temps partiel, et non de la participation à la force régulière ou à la réserve.

3) Les relations entre l'armée et les employeurs

a) Le droit d'absence des réservistes

L'employeur n'est pas obligé de donner des congés pour les activités entreprises volontairement (périodes de formation, cours, opérations de sauvetage, missions internationales), mais il doit le faire si le réserviste est envoyé en service actif à la suite d'un décret de mobilisation.

La reconnaissance législative d'un droit d'absence a été envisagée - notamment par la Commission spéciale pour la restructuration des réserves, qui avait émis de nombreuses propositions de réforme en 1995 - et repoussée pour deux raisons : à cause de la diversité des règles due à l'existence des codes provinciaux du travail, mais aussi pour éviter toute discrimination à l'embauche et dans le travail.

Le réserviste doit donc consacrer une partie de ses congés à ses activités militaires ou négocier avec son employeur afin de se libérer. En pratique, l'instruction individuelle et l'instruction collective de base ont lieu de septembre à juin le soir et en fin de semaine, tandis que l'instruction collective au niveau de l'unité et les cours de spécialisation se déroulent pendant l'été. De plus, ces diverses activités se déroulent généralement sous forme de cycles de deux semaines.

De plus, de nombreuses entreprises ont une politique de congés militaires et accordent deux semaines de congé sans solde aux salariés réservistes. En cas de difficulté, les réservistes peuvent prendre contact avec les officiers de liaison représentant le CLFC dans leur province.

Pour encourager les employeurs du secteur privé à adopter des mesures similaires, le ministre chargé de la fonction publique et celui de la défense ont signé en mai 2004 un accord exprimant l'engagement du gouvernement fédéral à accorder aux salariés de la fonction publique des congés pour accomplir leurs obligations militaires.

b) Le partenariat entre l'armée et les employeurs

Par l'intermédiaire du CFLC, le ministère de la défense fait de nombreux efforts pour sensibiliser les employeurs aux avantages de la formation militaire à la fois pour les entreprises et pour les salariés réservistes en insistant sur la faiblesse du prix à payer en échange de ces avantages.

Le CLFC encourage donc les employeurs à signer une « déclaration d'appui à la force de réserve », par laquelle ils affirment publiquement leur soutien et s'engagent à démontrer leur compréhension générale, voire à considérer favorablement les demandes de congé des salariés réservistes. Le CLFC diffuse la liste des entreprises qui ont signé un tel document.

La déclaration d'appui à la force de réserve se présente ainsi :

DÉCLARATION D'APPUI À LA FORCE DE RÉSERVE

En complétant la déclaration d'appui qui suit, vous démontrez que votre organisation reconnaît le rôle vital que jouent les réservistes dans le programme de la Défense nationale, leurs localités, leur emploi civil.

OUI NON

1. Oui. Cette organisation appuie la Force de réserve ? ?

2. Cette organisation considérera sympathiquement et favorablement l'octroi de congés comme suit :

a. Congé annuel aux fins d'entraînement ou de service, conformément à la politique, aux lignes directrices et/ou aux conventions collectives de la société, comme suit :

Deux semaines avec solde (i.e., la différence entre soldes militaire et civile), ou ? ?

Deux semaines sans solde ? ?

b. Congé additionnel, conformément à la politique, aux lignes directrices et/ou aux conventions collectives de la société, comme suit :

Entraînement et cours supplémentaires ? ?

Congé spécial jusqu'à 12 mois pour missions opérationnelles (par exemple, maintien de la paix ou intérieure) ? ?

3. Le nom et la localité de notre entreprise peuvent être publiés avec une liste d'employeurs qui appuient la Force de réserve ? ?

4. Signature _______________________________________ Date ____________________________

Pour atteindre son objectif général, le CLFC dispose de sept programmes visant à développer les rapports entre les employeurs civils et les réservistes . Ainsi, le programme FORCE (Formation par les réservistes de chefs d'entreprise) donne aux employeurs l'occasion d'occuper des fonctions de réservistes pendant une semaine, tandis que le programme d'aide pour l'emploi des réservistes encourage l'embauche de réservistes, en favorisant la communication entre les employeurs et les unités de réserve. Par ailleurs, les entreprises les plus coopérantes sont distinguées par des prix, attribués tant au niveau national qu'au niveau provincial.

Localement, le CFLC est relayé par des comités provinciaux et par des officiers de liaison provinciaux.

Le CFLC recommande que le commandant de chaque unité de réserve nomme un représentant de l'appui des employeurs au sein de son unité.

Pour sensibiliser la population, le ministre de la défense choisit chaque année un jour pendant lequel les réservistes sont incités à porter leur uniforme sur leur lieu de travail : c'est la journée des réservistes en uniforme .

Malgré ces efforts, les réservistes sont souvent des étudiants ou des personnes sans emploi.

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