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PROJET DE LOI

RELATIF A LA REGULATION ECONOMIQUE OUTRE-MER

ET PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES A L'OUTRE-MER

ETUDE D'IMPACT

Septembre 2012

SOMMAIRE

INTRODUCTION 4

CHAPITRE 1 : LA CHERTE DE LA VIE CARACTERISE LES OUTRE-MER 5

1.1. LA DÉGRADATION DU POUVOIR D'ACHAT D'ÉCONOMIES VULNÉRABLES 6

1.1.1. Un PIB globalement inférieur à celui de la métropole 6

1. Un PIB dans les DOM près de deux fois inférieur en moyenne à celui de la métropole 6

2. Une diversité des situations dans les COM 6

1.1.2. L'outre-mer présente un important déficit structurel de la balance commerciale 7

1. Les DOM se caractérisent par un faible niveau d'exportation 7

2. Les économies des COM sont particulièrement dépendantes de la métropole 8

1.1.3. Des revenus moyens inférieurs à ceux de la métropole 8

1. Dans les DOM, les revenus sont en moyenne inférieurs de 38% à celui des ménages de métropole 8

2. Dans les COM, les inégalités sont deux fois plus fortes qu'en métropole 8

1.2. LA STRUCTURE DES PRIX OUTRE-MER EXPLIQUE LE COUT ELEVE DE LA VIE 9

1.2.1. Des prix structurellement plus élevés qu'en métropole 9

1. Les écarts de prix entre les DOM et la métropole dépassent 55% 9

2. Une réglementation des prix dans les COM pour limiter l'impact sur le coût de la vie 10

1.2.2. Un Indice des Prix à la Consommation (IPC) qui tend à la hausse depuis quelques années 11

1. Un IPC plus élevé dans les DOM qu'en métropole 11

2. Un coût de la vie dans les COM plus élevé qu'en métropole 13

1.3. DES MARCHÉS ULTRAMARINS PROPICES AUX PHENOMENES DE CONCENTRATION 14

1.3.1. Le nombre restreint d'opérateurs économiques, favorise les concentrations 15

1.3.2. Un comportement des opérateurs destiné à défendre et accroître leurs parts de marché 16

CHAPITRE 2 : MESURES DE LUTTE CONTRE LA VIE CHERE - OPTIONS RETENUES 17

2.1. PRESENTATION DES MESURES 18

2.2 OPTIONS RETENUES 19

CHAPITRE 3 : LES AUTRES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI 22

3.1. L'EXTENSION PAR ORDONNANCES AVEC LES ADAPTATIONS NÉCESSAIRES DES NORMES 22

3.1.1. L'habilitation à modifier par ordonnance la législation applicable à Mayotte (article 9) 22

1. Législation en matière d'entrée et de séjour des étrangers 22

3.1.2. Les ratifications d'ordonnances publiées (article 11) 24

3.2. HOMOLOGATION LEGISLATIVE DE PEINES D'EMPRISONNEMENT (ARTICLE 10) 27

3.3. SUPPRESSION DE L'OBLIGATION DE COFINANCEMENT PAR LES COLLECTIVITES D'OUTREMER (ARTICLE 8) 27

3.3.1. L'inadaptation de la règle de la participation minimale des collectivités territoriales en matière de financement à la situation des collectivités territoriales d'outre-mer 27

1. Une situation financière fragile 29

2. Des besoins d'équipement supérieurs aux collectivités de métropole 30

3.3.2. Un niveau de participation minimale à adapter aux caractéristiques des territoires 32

CHAPITRE 4 : LES IMPACTS ATTENDUS 34

4.1. IMPACTS JURIDIQUES 34

4.1.1 Sécurité juridique 34

4.1.2 Intelligibilité, clarté et accessibilité du droit 34

4.2. IMPACTS ECONOMIQUES 35

4.2.1 Fonctionnement du marché 35

4.2.2 Concurrence 36

4.2.3 Impact sur les entreprises 36

4.2.4 Impact pour les particuliers 37

4.3. IMPACTS INSTITUTIONNELS 38

4.3.1 Sur les collectivités territoriales 38

4.3.2 Sur l'Autorité de la concurrence 38

4.3.3 Sur les services de l'Etat à Mayotte 39

4.3.4 En Nouvelle-Calédonie et Polynésie française 39

4.3.5 A Wallis-et-Futuna 39

CHAPITRE 5 : LES CONSULTATIONS 40

5.1 APPLICATION DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI DANS LES DIFFERENTES COLLECTIVITES 40

5.2 CONSULTATIONS 41

CHAPITRE 6 : LES MODALITES D'APPLICATION 43

6-1 TABLEAU DES MESURES D'APPLICATION 43

6-2 CALENDRIER DE MISE EN OEUVRE 43

ANNEXES 44

INTRODUCTION

Les régions et départements d'outre-mer connaissent depuis plusieurs années, et notamment depuis l'hiver 2008-2009, des crises sociales récurrentes déclenchées par des protestations contre la « vie chère ». Ce mécontentement entretenu par la faiblesse de l'activité économique et le taux de chômage élevé s'explique par des données objectives. Les chiffres publiés par l'INSEE en 2010 établissent ainsi qu'outre-mer où le revenu disponible des ménages est inférieur de 35% en moyenne, les produits alimentaires sont entre 30% et 50% plus chers que dans l'Hexagone. Beaucoup d'autres produits de grande consommation connaissent des écarts de prix comparables, voire supérieurs.

La demande sociale de contrôle des prix y est donc très forte alors que les règles de droit commun sur la liberté des prix et la concurrence s'appliquent et sont réputées permettre une modération des prix par la compétition entre les entreprises. Certes, des mesures de contrôle des prix sont possibles lorsqu'existent un monopole, une situation de crise ou une difficulté d'approvisionnement pour certains produits de première nécessité. Mais la faiblesse de ces dispositifs dérogatoires est de reposer sur un outil unique, l'encadrement des prix, qui ne constitue pas une solution pérenne pour la plupart des marchés car il n'incite pas à l'adaptation des structures productives et permet souvent à certaines rentes de prospérer à l'abri de l'encadrement tarifaire destiné à les combattre. Il faut donc sortir de l'alternative actuelle qui ne laisse le choix qu'entre la passivité, voire la résignation, face à des marchés qui ne fonctionnent pas bien et un encadrement administratif des prix de détail difficile à maintenir sur la durée.

Pour cela, il convient de mettre à la disposition des autorités publiques de nouveaux outils de régulation adaptés aux outre-mer qui constituent des marchés particuliers, isolés et de petite taille. La réforme proposée a ainsi pour objectif d'améliorer la chaîne de formation des prix et non pas seulement de réglementer le résultat final. Il s'agit de changer d'approche en passant d'une régulation aval des prix à une régulation amont des marchés de gros et de la chaîne logistique, pour recréer les conditions d'une véritable concurrence sur les marchés de détail. Ce mode de régulation, conforme au droit européen, incite efficacement les opérateurs économiques à s'inscrire dans un fonctionnement concurrentiel des marchés favorable au consommateur.

La modification du cadre législatif applicable à l'outre-mer est un préalable indispensable à ce changement de paradigme, la loi actuelle ne permettant pas aux pouvoirs publics d'intervenir efficacement en amont sur la chaîne de formation des prix. Cette nouvelle approche implique une analyse précise des marchés afin d'adapter l'action administrative aux réalités du terrain : secteur par secteur et territoire par territoire, sans a priori et sans chercher à appliquer des solutions uniformes. Ces choix de méthode, une réforme législative limitée à la création d'outils et une appréhension plus précise des réalités des marchés, montrent que l'objectif n'est pas de corseter l'activité économique des outre-mer par une accumulation de textes. Il s'agit plutôt de cibler l'action publique, au bénéfice des consommateurs, sur le rétablissement de mécanismes économiques qui ont cessé de fonctionner.

CHAPITRE 1 : LA CHERTE DE LA VIE CARACTERISE LES OUTRE-MER

Les économies ultramarines présentent des handicaps structurels reconnus notamment par les institutions européennes dont l'article 349 du Traité énonce certains de ces handicaps (éloignement, insularité, faible superficie, relief et climat difficiles auxquels il convient d'ajouter l'étroitesse des marchés, la soumission à des risques naturels majeurs) et des spécificités comme une forte tertiarisation (80% de la production) dépendant de trois domaines d'activité (agriculture, bâtiments-travaux publics et tourisme) et un tissu de PME et de TPE par nature fragiles et souvent sous capitalisées ce qui les rend plus vulnérables en période de crise.

Les outre-mer sont des micro-économies à faible produit intérieur (par rapport à la métropole), caractérisées par l'étroitesse de leurs marchés domestiques et par un faible taux de couverture (rapport entre exportations et importations de biens et de services). Leur balance commerciale est largement et structurellement déficitaire.

Les possibilités de diversification de production sont limitées du fait de la rareté des ressources à leur disposition et des caractéristiques géographiques et naturelles propres à l'ultrapériphérie.

De ce fait, les effets néfastes de la crise financière et économique mondiale de 2008-2009 se sont fait sentir avec une acuité particulière dans ces territoires, provoquant une détérioration de leur situation économique et mettant leur cohésion sociale à rude épreuve. La crise a été amplifiée dans ces territoires, dont les économies ont été paralysées par les mouvements sociaux de l'hiver 2008-2009, principalement dans les départements français d'Amérique, et dans une moindre mesure à La Réunion.

Ses effets qui touchent les économies des outre-mer mettent en lumière le niveau et les mécanismes de formation des prix. Le niveau des prix s'explique tant par des éléments objectifs et structurels tels qu'énumérés plus haut, que par le niveau des marges prélevées sur la chaîne d'approvisionnement et les entraves au libre jeu de la concurrence par quelques importateurs et distributeurs en situation d'oligopole, parfois de monopole, qui dominent les marchés dans de nombreux domaines (importation de ciment, de bitume, de pièces détachées, grande distribution, carburants, etc.).

1.1. LA DÉGRADATION DU POUVOIR D'ACHAT D'ÉCONOMIES VULNÉRABLES

L'année 2010 a été marquée par un certain redressement de l'activité dans les DOM, qui n'a dans l'ensemble cependant pas permis aux économies ultramarines de retrouver leur niveau d'activité d'avant la crise de 2009. En fin d'année 2011, l'économie des départements d'outre-mer restait fragile.

Dans les collectivités d'outre-mer, le dynamisme de la Nouvelle-Calédonie ne doit pas masquer la grande diversité des situations.

1.1.1. Un PIB globalement inférieur à celui de la métropole

1. Un PIB dans les DOM près de deux fois inférieur en moyenne à celui de la métropole

Les économies des départements d'outre-mer se caractérisent par un produit intérieur brut (PIB) par habitant très inférieur à celui de la métropole, même si l'écart varie beaucoup d'un territoire à l'autre. Cet écart demeure relativement stable.

Contrairement aux autres collectivités de l'article 73, Mayotte ne dispose pas de comptes économiques régionaux (qui mesurent les agrégats économiques tels que la consommation finale, la formation brute de capital fixe...). Dans ce contexte, il est difficile de mesurer le PIB de façon régulière. Les derniers travaux de l'INSEE sur le thème ont permis d'estimer le niveau du PIB à 1 374 millions d'euros en 2009. Il a progressé de 53 % en valeur entre 2005 et 2009, soit un taux de croissance annuel moyen de 11,2 %, largement supérieur à ceux de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de La Réunion.

2. Une diversité des situations dans les COM

La Nouvelle-Calédonie est, avec Saint-Pierre-et-Miquelon, le territoire où la richesse produite par habitant est la plus forte outre-mer. En moyenne annuelle sur la période 1999-2010, la croissance du PIB a été estimée à 6,4 % en valeur nominale et à 3,4 % en valeur réelle. En 2010, la croissance économique de la Nouvelle-Calédonie a dépassé la croissance moyenne de la période 1999-2010, atteignant +8,4 % en valeur nominale et +3,7 % en valeur réelle. Le PIB atteint ainsi 812 milliards de F CFP en 2010.

Le PIB 2008 de Saint-Pierre-et-Miquelon (évalué en 2012) s'élevait à 172 millions d'euros, soit un PIB par habitant de 28 327 euros (contre 26 076 euros en 2004). Entre 2004 et 2008, le PIB a progressé d'environ 1,6 % par an.

Si le PIB de l'île de Saint-Barthélemy a été évalué à près de 26 000 € par habitant (niveau proche de celui des Yvelines, supérieur de 10 % à la moyenne métropolitaine et sensiblement plus élevé que celui de la Guadeloupe), celui de Saint-Martin s'élève à 16 000 euros, soit 12 % de moins qu'en Guadeloupe.

Enfin, le PIB de Wallis-et-Futuna est essentiellement non marchand (75 % de la valeur ajoutée totale) alors même que dans les autres collectivités d'outre-mer, le PIB non marchand ne représente qu'un tiers du PIB total. L'économie de l'archipel est largement soutenue par le secteur administratif qui concentre plus de la moitié de la création de richesse (54 % du PIB). Par ailleurs, plus de 70 % de l'emploi salarié déclaré provient de la fonction publique et semi-publique.

1.1.2. L'outre-mer présente un important déficit structurel de la balance commerciale

1. Les DOM se caractérisent par un faible niveau d'exportation

Pour autant, les soldes du commerce extérieur enregistrent une amélioration dans la plupart des géographies. L'évolution la plus significative concerne le département de la Guyane dont l'évolution des exportations a permis une augmentation du solde des échanges extérieurs. En Guadeloupe en revanche, et dans une moindre mesure à la Martinique et à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce solde se dégrade par rapport à 2009.

Avec environ 378 millions d'euros de déficit commercial1 en 2011, la dépendance de Mayotte vis-à-vis de l'extérieur continue de se creuser. Les importations sont en hausse alors que les exportations de produits mahorais reculent sensiblement.

Taux de couverture (exportations / importations)

2009

2010

Guadeloupe

8,7%

7,0%

Guyane

12,6%

14,6%

Martinique

13,8%

13,2%

Mayotte

2,6%

2,7%

Réunion

5,9%

6,6%

Source: Douanes, in rapport annuel IEDOM 2010

2. Les économies des COM sont particulièrement dépendantes de la métropole

A l'exception de la Nouvelle-Calédonie où les exportations, liées principalement à la production de nickel, ont augmenté de 9% en 2011, les économies des COM sont particulièrement dépendantes de l'extérieur, en particulier de la métropole (sauf Saint-Pierre-et-Miquelon, qui dépend d'abord du Canada).

La part des importations de produits pétroliers tend à progresser au détriment des importations de produits manufacturés.

1.1.3. Des revenus moyens inférieurs à ceux de la métropole

1. Dans les DOM, les revenus sont en moyenne inférieurs de 38% à celui des ménages de métropole

Dans une étude publiée en février 2010, l'INSEE quantifiait les inégalités de revenus entre les DOM et la métropole, indiquant qu'en 2006 le revenu médian par unité de consommation des ménages d'outre-mer était inférieur de 38% à celui des ménages de métropole : il atteignait 9552€ dans les DOM (hors Mayotte), contre 15 372€ dans l'hexagone.

Bien que cet écart tende à se résorber sur le long terme, cette disparité subsiste.

Ainsi, les données de la direction des finances de 2009 montrent un poids élevé des foyers fiscaux à revenu très faibles dans les DOM. En effet, la moitié des foyers fiscaux des DOM (52 %) déclaraient un revenu annuel inférieur à 9 400€ en 2008, contre le quart des foyers fiscaux pour la France entière.

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

DOM

Métropole

0€ à 9 000€

51,8%

47%

53%

50,5%

50,2%

24,2%

Sources : DGFIP, in Rapports annuels IEDOM 2010

Environ 52 % des ménages mahorais ne sont pas imposables. Entre 1995 et 2005, le niveau de vie annuel moyen des Mahorais s'est fortement accru, passant de 1 989 euros à 3 728 euros par agent, soit une progression de 87 % en euros constants. En 2005, une personne sur dix disposait d'un niveau de vie inférieur à 838 euros par an, la même proportion vivant avec plus de 8 142 euros par an.

Le revenu moyen déclaré par les ménages pour le calcul de l'impôt de l'année N+1 est de 10 818 euros en 2010 contre 9 102 en 2005 (+19 %). En 2008, à Mayotte, le total des revenus déclarés se composait à 84 % de salaires contre 62 % en France métropolitaine

2. Dans les COM, les inégalités sont deux fois plus fortes qu'en métropole

Si la situation de Saint-Barthélemy est similaire à celle de la métropole, 65,9 % des foyers fiscaux de Saint-Martin touchent moins de 9400 € (les foyers fiscaux dont les revenus sont compris dans les tranches les plus élevées apparaissent particulièrement sous-représentés).

Le rapport inter-décile, qui mesure l'écart entre les revenus des plus riches et les revenus des plus modestes, ressort à 7,9 en Nouvelle-Calédonie contre 3,6 en métropole. Le taux de pauvreté atteint 17 % de la population, soit 53 000 personnes. Il est plus élevé qu'en métropole (13 %).

A Saint-Pierre-et-Miquelon, 15,5 % des foyers ont déclaré en 2011 un revenu net global inférieur à 8 000 euros contre 14,8 % l'année précédente. A l'inverse, la part des foyers fiscaux ayant un revenu net global supérieur à 42 000 euros est en léger recul : elle représentait 12,5 % du total des déclarations en 2011 contre 13,2 % en 2010.

1.2. LA STRUCTURE DES PRIX OUTRE-MER EXPLIQUE LE COUT ELEVE DE LA VIE

Problématique structurelle outre-mer, la « cherté de la vie » est à l'origine de mouvements sociaux réguliers : en 2009 dans les 4 DOM (démarrage sur prix carburants puis vie chère en général), et plus récemment 2011 à Mayotte et début 2012 à La Réunion.

Elle a également récemment été l'objet de plusieurs mouvements sociaux dans les collectivités d'outre-mer, notamment à Wallis et Futuna ou en Nouvelle-Calédonie.

1.2.1. Des prix structurellement plus élevés qu'en métropole

1. Les écarts de prix entre les DOM et la métropole dépassent 55%

Dans son avis du 8 septembre 2009 1 ( * ) , l'Autorité de la Concurrence (ADLC) indique que selon les relevés effectués par la DGCCRF sur un échantillon de 100 produits importés de métropole dans les quatre DOM, les écarts de prix en magasin avec la métropole dépassent 55 % pour plus de 50 % des produits échantillonnés.

En 2010, l'enquête spatiale de comparaison des prix produite par l'INSEE a confirmé que le niveau moyen général des prix était supérieur de 6 à 13 % selon les géographies.

Toutefois cet ordre de grandeur est pondéré selon les familles de produits, les écarts les plus marqués concernant les produits alimentaires, l'un des premiers postes de consommation des ménages, auquel sont imputables en majeur partie ces écarts avec la métropole : +38.5 % pour la Guyane, +29 % pour la Martinique, +22% pour la Guadeloupe, +24% pour La Réunion 2 ( * ) .

Deux études similaires ont été réalisées par l'INSEE dans le passé, en 1985 et 1992. L'étude de 2010 indique que depuis 1985, les écarts de prix hors loyer sont restés du même ordre, attestant du caractère structurel des différentiels de prix avec la métropole.

Il faut noter que Mayotte, qui n'avait pas encore accédé au statut de département, n'a pas été inclus dans le périmètre d'étude, mais sera concerné par la prochaine mise à jour, prévue pour 2015.

2. Une réglementation des prix dans les COM pour limiter l'impact sur le coût de la vie

Les prix sont en partie réglementés dans les collectivités d'outre-mer, dans des mesures et modalités variables en fonction des territoires, mais cette réglementation concerne généralement les prix des produits énergétiques, de première nécessité et/ou de grande consommation.

Ainsi à Saint Pierre et Miquelon ou à Wallis et Futuna, des textes prévoient la liste de produits bien définis dont les prix sont administrés par les autorités de la République, et échappent donc au secteur libre des prix.

Le décret n° 88-1048 du 17 novembre 1988 prévoit en effet à Saint Pierre et Miquelon une liste des produits pour lesquels les prix demeurent administrés par arrêté préfectoral, notamment celui du fioul domestique et des carburants pour véhicules privés et professionnels.

L'arrêté n°99 du 4 décembre 1977, complétant et modifiant l'arrêté n° 92 du 29 novembre 1974, indique que la marge de commercialisation maximum pour les marchandises importées à Wallis et Futuna ne peut dépasser le taux de 50 %, à l'exception d'une liste limitative d'une cinquantaine de produits de première nécessité (alimentation essentiellement) et de grande consommation.

Seuls les articles de quincaillerie, de luxe, les nouveautés et pièces détachées applicables à l'automobile, aux véhicules et aux cycles sont maintenus dans le secteur libre des prix.

En Nouvelle-Calédonie, le gouvernement local est compétent en matière de réglementation des prix (loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999). Certains produits et marchandises (locaux ou importés) et certaines prestations de services sont soumis à un régime de contrôle des prix, soit par la fixation du prix lui-même, soit par l'institution d'une majoration, soit encore par la définition d'une marge bénéficiaire maximale.

Actuellement, plusieurs régimes de prix coexistent en Nouvelle-Calédonie : taxation du prix, taxation des marges commerciales, liberté contrôlée, liberté surveillée, liberté conventionnelle et liberté totale.

1.2.2. Un Indice des Prix à la Consommation (IPC) qui tend à la hausse depuis quelques années

1. Un IPC plus élevé dans les DOM qu'en métropole

Dans l'ensemble la tendance d'évolution de l'indice des prix à la consommation (IPC) est similaire en métropole et dans les DOM sur le long terme. Cependant, à partir de 2007, les IPC ultramarins ont tendance à être plus élevés que celui de métropole.

S'agissant de Mayotte (données comparatives non consolidées), entre 1998 et 2003, les prix y ont augmenté de façon comparable à la métropole et à La Réunion (de l'ordre de 27 %). L'écart se creuse entre Mayotte et les autres territoires sur la période 2003-2006, les prix augmentant moins vite à Mayotte.

À partir de 2007, l'inflation s'accélère et l'indice des prix à la consommation à Mayotte converge vers les niveaux de France entière et de La Réunion. Depuis début 2009, l'évolution des prix à Mayotte oscille entre les deux. La maîtrise des prix intervenue fin 2011 a permis à Mayotte de retrouver un indice proche de l'indice national.

Cependant, l'inflation sur certains produits de consommation est en effet bien plus importante dans la plupart des DOM, comme en témoignent les IPC catégorisés pour les produits manufacturés hors santé, ainsi que les transports et dépenses de communication.

Evolution de l'IPC Produits manufacturés hors habillement et produits de santé annuel dans les DOM et en Métropole de 1998 à 2011

Evolution de l'IPC Transports et communications annuel dans les DOM et en Métropole de 1998 à 2011

2. Un coût de la vie dans les COM plus élevé qu'en métropole

La hausse des prix à la consommation dans les collectivités d'outre-mer françaises est généralement plus élevée que celle en métropole, même si l'écart est souvent modeste. Les domaines les plus touchés par la hausse des prix sont aussi ceux qui représentent les premiers postes de dépenses des ménages, posant ainsi le problème récurrent du pouvoir d'achat dans ces territoires. En effet, la hausse de l'indice des prix à la consommation touche en premier lieu les produits énergétiques (électricité, carburant, fioul domestique) et l'alimentation (produits frais notamment). Les fluctuations monétaires jouent aussi sur la hausse des prix, notamment dans le Pacifique pour la parité euro/francs CFP et des principales monnaies voisines (dollar australien), ou à Saint Pierre pour la parité de l'euro avec le dollar canadien.


• En Nouvelle-Calédonie , la hausse de l'indice des prix à la consommation se maintient à un rythme élevé, après une accélération en 2010. Elle termine l'année à +2,6 %, soit un rythme proche de la France entière (+2,5 %) mais légèrement inférieur à son niveau de 2010 (+2,7 %). Le territoire subit une pression inflationniste importée, liée notamment au renchérissement des coûts de l'énergie et des denrées alimentaires et à la dépréciation de l'euro -et donc du franc Pacifique- vis-à-vis des autres monnaies de la zone Pacifique (dollars australien et néo-zélandais notamment). En 2011, la « cherté de la vie » a été au coeur des préoccupations des organisations syndicales, réunies en intersyndicale, et des pouvoirs publics. Des moyens de lutte ont été mis en place, comme le gel des loyers pendant douze mois, à compter du 10 octobre 2011. En octobre, le gouvernement calédonien et l'intersyndicale ont signé un « préambule anti-vie chère » qui fixe les grandes lignes d'actions dans les domaines de la régulation économique, de la fiscalité, des transports, du logement, de l'énergie, de l'emploi et des salaires et de la protection sociale. Par ailleurs, la fiscalité calédonienne, directe et indirecte, est en cours de réforme pour notamment améliorer la compétitivité de l'économie. Une nouvelle imposition indirecte a ainsi été adoptée par le Congrès, le 9 janvier 2012 : la Taxe générale sur les activités (TGA), qui sera mise en place au 1er janvier 2013 et remplacera cinq impôts et taxes préexistants.


• A Saint-Pierre et Miquelon , l'IPC y progresse en moyenne chaque année de 2,8 %. Deux facteurs expliquent traditionnellement l'évolution du niveau général des prix de l'archipel :

- l'appréciation ou la dépréciation du dollar canadien par rapport à l'euro, ce qui peut générer un phénomène d'inflation importée en raison de la forte proportion de biens en provenance du

Canada ;

- les prix des carburants et du fioul domestique, dont les pondérations dans le panier de consommation sont relativement élevées (10 %) : en 2011, ils ont progressé respectivement de

11,0 % et de 17,0 %.


• A Wallis et Futuna , l'année 2011 a été marquée par une mobilisation sociale autour de la problématique de la cherté de la vie sur le territoire. Le coût de l'énergie électrique a constitué un point d'attention tout au long de l'année. Installé depuis le 9 juin 2009, l'Observatoire des prix de Wallis-et-Futuna s'est réuni à deux reprises. Lors de la dernière réunion du 3 février 2011, le Comité de l'Observatoire a examiné une synthèse des travaux d'analyse des prix de produits de base sur une période de 12 mois, en vue d'identifier les principaux facteurs de variation des prix des produits de première nécessité vendus aux consommateurs. Il ressort, compte tenu du faible degré de concurrence, que la marge bénéficiaire des importateurs constitue une composante essentielle du coût des produits importés.

Suite aux mouvements sociaux de fin d'année, un certain nombre de mesures ont été convenues entre les partenaires sociaux, sous l'égide de l'Administration supérieure, afin de lutter contre la vie chère. L'accord tripartite signé le 14 novembre 2011 entre l'Administration, le territoire et un syndicat prévoit :

- la réalisation d'une étude pour faire un point sur la situation du territoire en termes de monopoles, de concurrence et de mécanismes de formation des prix,

- ?l'installation d'un Comité consultatif social et économique (CCSE) avec pour mission de trouver des accords pour la baisse du coût de la vie et l'amélioration du pouvoir d'achat. Celui-ci a été installé le 28 novembre 2011.

- la création d'un Pôle économique (délibération n°48/AT/2011). Celui-ci sera composé de la Paierie, du Service des Douanes et contributions diverses, du Service des affaires économiques et du développement et du Service des statistiques. L'IEOM pourra être associé aux travaux qui seront conduits. L'installation du Pôle est intervenue en janvier 2012.

?- une orientation du contrôle des prix sur le contrôle des marges commerçant, travail qui pourrait être confié à une commission spécialisée du Comité social et économique.

Des propositions ont également été formulées en vue de créer les conditions d'une baisse rapide mais également à moyen et long terme du prix de vente de l'électricité sur le territoire et d'introduire un tarif économique limitant la charge imputable aux revenus les plus faibles. Pour mémoire, le prix du kWh à Wallis-et-Futuna est plus de deux fois supérieur à celui de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie.

À fin décembre 2011, l'inflation affiche une hausse de 4 % sur un an.

1.3. DES MARCHÉS ULTRAMARINS PROPICES AUX PHENOMENES DE CONCENTRATION

Les territoires ultramarins présentent les paramètres structurels des petites économies insulaires :

• l'éloignement, par rapport à la métropole, où se trouvent les principaux partenaires commerciaux ;

• l'insularité (notion qui s'applique d'une certaine manière aussi à la Guyane compte-tenu de son adossement à la forêt amazonienne et à la faiblesse des communications terrestres vers le continent), ne rendant ces territoires accessibles que par voie maritime ou aérienne, gonflant les coûts d'approche, et à laquelle se surajoute dans la majorité des cas une morphologie territoriale complexe pouvant compliquer la circulation interne des marchandises ;

• la faible superficie, induisant une étroitesse des marchés (et partant de la demande intérieure en deçà des seuils critiques de rentabilité) ;

• le climat difficile et les risques naturels élevés (nécessitant parfois des normes et technologies particulières, coûteuses et difficiles à rentabiliser).

Ces caractéristiques géographiques ont des incidences sur la structure des marchés.

1.3.1. Le nombre restreint d'opérateurs économiques, favorise les concentrations

La demande intérieure est à elle seule insuffisante pour permettre aux entreprises locales d'atteindre une taille minimale optimale de production. Cette absence d'économies d'échelle réduit le taux d'utilisation des capacités de production, élève les coûts de production, affaiblit la rentabilité des capitaux investis et, in fine rend l'investissement très peu attractif.

Dès lors, le nombre d'opérateurs économiques s'en trouve donc réduit, aussi bien dans les secteurs productifs, que dans les secteurs du commerce et de l'importation, aboutissant fréquemment à une concentration des capitaux, constitutive d'oligopoles, voire de monopoles des opérateurs locaux.

Ainsi que le souligne l'OCDE 3 ( * ) , le nombre limité d'acteurs sur la plupart de ces marchés étroits peut également faciliter le maintien de cartels et d'arrangements collusifs.

La faible superficie des départements d'outre-mer, notamment, en fait des territoires structurellement importateurs et la concentration est également présente au niveau du fret maritime.

Dans son avis du 8 septembre 2009, l'ADLC constatait que les lignes Europe du Nord -Antilles et la ligne Europe - Réunion sont les seules sur lesquelles opèrent plusieurs concurrents. Les lignes Méditerranée-Antilles et Europe-Guyane sont gérés en monopole de fait par le VSA 4 ( * ) passé entre CMA-CGM et MARFRET. Sur ces deux lignes, les volumes sont faibles à l'aller et quasi inexistants au retour.

Par ailleurs, les marchés ultramarins présentent un circuit d'approvisionnement spécifique, le circuit long ou intermédié, détaillé dans l'avis de l'ADLC du 8 septembre 2009, où sont présents des opérateurs intermédiaires entre armateurs et distributeurs : les importateurs grossistes. Ces opérateurs fournissent des prestations allant de la centrale d'achat à l'animation commerciale.

Les grands groupes de la distribution ultramarins y ont majoritairement recours, en raison du nombre de services rendus : gestion stocks, prise de commande mise en rayon, animation commerciale etc. (diminution de leur masse salariale par externalisation de ces activités).

Le recours à ces agents importateurs permet de faire face aux contraintes de gestion de stocks inhérentes à des importations régulières mais dont les volumes n'atteignent pas une taille critique permettant de faire des économies d'échelle. Ce recours garantis un approvisionnement régulier, limitant au maximum les ruptures.

L'efficacité de ces opérateurs en matière de régularité d'approvisionnement a pour corollaire la constitution d'exclusivités territoriales de marques (de droit ou de fait) de ces opérateurs comportant des risques de dérapage sur les prix pratiqués, se surajoutant aux marges supplémentaires générées par la seule présence de ces opérateurs intermédiaires.

Ces accords conduisent les distributeurs ultramarins à ne pouvoir arbitrer qu'entre un nombre restreint de fournisseurs.

Il faut également ajouter aux positions souvent dominantes de ces agents de marques l'appartenance ou l'affiliation de nombre d'entre eux aux groupes détenteurs de franchises d'enseignes de la grande distribution.

La concentration se retrouve donc à différents niveaux :

- horizontal : existence de monopoles ou oligopoles liés à l'étroitesse du marché (faible nombre d'opérateurs : distribution, transport, carburants etc.)

- vertical : existence de monopoles ou d'oligopoles liés aux circuits d'approvisionnement (forte intégration d'un nombre d'opérateurs sur le chaîne d'approvisionnement)

1.3.2. Un comportement des opérateurs destiné à défendre et accroître leurs parts de marché

Autre conséquence de la faible superficie des territoires ultramarins, le foncier commercial s'en trouve restreint, cette rareté étant de surcroît accentuée par le comportement des opérateurs dominants, qui en le rendant indisponible, empêchent l'implantation de nouveaux opérateurs concurrents.

D'une manière plus générale, l'avis de l'Autorité souligne que certains comportements ont plus d'effets outre-mer qu'en métropole étant donné le pouvoir de marché des intermédiaires-grossistes pour certaines catégories de produits, la rareté du foncier commercial et la taille en moyenne plus petite des magasins : « Ainsi, des enseignes existantes peuvent immobiliser du foncier commercial, par ailleurs relativement rare. Intégrées verticalement vers le stade du grossiste, ces mêmes enseignes peuvent également réduire la compétitivité des offres commerciales d'un nouvel entrant en choisissant, par exemple, de lui vendre des marchandises à un prix peu attractif. Enfin, les opérateurs en place peuvent également racheter de façon progressive des enseignes de petite taille, renforçant graduellement leur pouvoir de marché tout en diminuant le stock d'enseignes disponibles sur un marché où le foncier commercial demeure rare et onéreux ».

Les économies ultramarines sont donc caractérisées par l'importance des volumes d'importations, un circuit d'approvisionnement long, et une concentration relativement forte des acteurs économiques à tous les stades du circuit.

CHAPITRE 2 : MESURES DE LUTTE CONTRE LA VIE CHERE - OPTIONS RETENUES

Dans le contexte décrit au chapitre précédent, l'Autorité de la concurrence précise dans son avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d'outre-mer, que la réglementation des prix doit demeurer une mesure exceptionnelle, décidée vis-à-vis de secteurs clairement identifiés et visant des problèmes de tarification ou d'approvisionnement précis.

Dans le passé, des circonstances particulières sur le plan climatique (catastrophes naturelles, par exemple) ou politiques (tel un risque de conflit) ont effectivement pu justifier le recours à de tels dispositifs.

Une réglementation des prix peut également être mise en oeuvre en réponse à des problèmes de concurrence objectivement et précisément identifiés, par exemple lorsque certains secteurs présentent les caractéristiques d'un monopole naturel. En dehors de ces situations extrêmes, qui, de façon générale, n'ont pas été constatées sur les circuits d'approvisionnement étudiés, la réglementation des prix, compte tenu de ses écueils, ne saurait constituer une réponse durable aux difficultés des consommateurs domiens.

Au contraire, il apparaît moins risqué et plus efficient de s'attacher à faciliter le jeu de la concurrence sur ces territoires, en abaissant les barrières à l'entrée qui ont pu être constatées sur les marchés domiens, en remettant en cause les comportements des opérateurs susceptibles d'atténuer l'intensité de la concurrence, en améliorant la transparence des prix pour le consommateur et en encourageant la mise en place d'infrastructures logistiques à même de réduire les coûts et de faciliter l'accès des importateurs aux marchés domiens.

Ainsi, au titre des actions souhaitables face au double constat formulé, l'Autorité privilégie des remèdes de deux types.

En premier lieu , les entraves au dynamisme du jeu concurrentiel doivent être levées dans toute la mesure possible. A cet égard, le secteur de la grande distribution exerce une influence fondamentale : plus les distributeurs sont en concurrence entre eux, plus ils mettront leurs fournisseurs, qu'ils soient industriels ou intermédiaires-grossistes, en compétition. Dans ce domaine, plusieurs obstacles au libre-jeu de la concurrence ont déjà été atténués par la loi de modernisation de l'économie. Ce cercle vertueux ne pourra toutefois s'enclencher que s'il existe une concurrence suffisante entre les distributeurs.

En second lieu , les circuits d'approvisionnement actuellement privilégiés par les opérateurs s'avèrent relativement coûteux. Pour autant, ils apparaissent à l'heure actuelle comme incontournables, les faibles volumes traités par un approvisionnement par plates-formes ne permettant pas toujours de dégager une rentabilité suffisante. L'Autorité de la concurrence recommande donc aux autorités nationales et régionales d'étudier le coût et le fonctionnement d'une plateforme globale commune à tous les distributeurs et importateurs, chargée de stocker les produits importés et d'ainsi abaisser, par mutualisation des opérations logistiques et suppression d'un intermédiaire, les coûts d'approvisionnement.

2.1. PRESENTATION DES MESURES

Article 1 :

Autoriser l'Etat à prendre par décret des mesures d'organisation des marchés pour corriger les situations de monopoles, de quasi monopoles ou d'oligopoles collusifs. Cette régulation est limitée aux marchés de gros conformément à la doctrine du droit européen appliquée à l'ouverture de certains secteurs à la concurrence. Les mesures correctives prises par l'Autorité de la concurrence dans le cadre des procédures contentieuses se limitent également à la régulation des marchés de gros.

Le non respect de ces mesures de régulations sera sanctionné dans le cadre du droit commun des injonctions prononcées par l'Autorité de la concurrence saisie par le ministre de l'économie.

Article 2 :

Prévoir la possibilité d'interdire les clauses des contrats commerciaux qui ont pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation à un opérateur dans les collectivités d'outre-mer lorsqu'ils ne sont pas justifiés par des motifs objectifs tirés de l'efficacité économique au bénéfice des consommateurs. De part leur éloignement et leur isolement les territoires ultramarins sont qualifiées de « régions ultra périphériques », par les textes communautaires. Ils sont confrontés à des problèmes spécifiques d'approvisionnement que ne connaissent pas les régions continentales. Les exclusivités d'importation peuvent donc avoir des effets particulièrement nocifs en outre-mer.

Article 3 :

Permettre aux régions d'outre-mer et aux autres collectivités d'outre-mer détenant une compétence économique, comme le Département de Mayotte, de saisir l'Autorité de la concurrence pour des actions contentieuses. Cette extension de leur pouvoir de saisine, déjà prévue par le code de commerce, leur permet d'intervenir dès lors que des pratiques de nature à altérer le jeu de la concurrence sont en cause.

Article 4 :

Abaisser à 5 M€ le seuil de 7,5 M€ pour le contrôle des concentrations dans le commerce de détail en outre-mer.

Article 5 :

Donner à l'Autorité de la concurrence un pouvoir d'injonction structurelle en matière de grande distribution, uniquement en outre-mer où les structures historiques des marchés rendent particulièrement difficile l'installation de nouveaux compétiteurs. Un tel outil est indispensable pour permettre la remise en cause de situations acquises qui, sans cela, ne pourraient être examinées par l'Autorité que dans le cadre d'une procédure contentieuse.

Un article « outre-mer » est adossé, pour l'essentiel, aux dispositions de l'article L. 752-26 du code de commerce dont il reprend la structure et la rédaction.

Article 6 :

Mettre à jour le code des postes et communications électroniques avec le nouveau règlement communautaire sur les tarifs d'itinérance.

Article 7

Habiliter le Gouvernement à étendre à Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législatives intervenues au livre IV du code de commerce depuis le 18 septembre 2000.

2.2 OPTIONS RETENUES

Article 1 :

Cet article constitue la disposition principale pour passer d'une régulation des marchés de détail par contrôle des prix à une régulation des marchés de gros par la levée des obstacles à la concurrence.

Le choix de ne pas donner un catalogue des mesures envisageables (obligation d'accès, obligation de mutualisation, offres tarifaires de tarifs de référence, obligation de non discrimination, information sur les marges, séparation comptable de certaines activités, etc...) a été écarté. Il permettait certes de pouvoir choisir des remèdes issus des analyses de marché susceptibles d'être menées dans un cadre contradictoire et de donner la possibilité aux autorités de l'Etat d'intégrer sous forme d'obligations réglementaires des propositions émises par les opérateurs eux-mêmes. Toutefois, l'habilitation donnée au Gouvernement eut été trop générale et encourait le risque d'être frappée d'inconstitutionnalité à ce titre.

Il a donc été privilégié de retenir l'option encadrant clairement le pouvoir réglementaire par une habilitation à prendre les mesures nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements des marchés de gros dans quatre domaines : l'accès aux marchés, la loyauté des transactions, les marges des opérateurs et la protection des consommateurs.

S'agissant du respect des obligations et des sanctions, l'option d'un dispositif répressif propre a été écartée car elle aurait obligé le Parlement à définir une procédure d'instruction nouvelle et à fixer un barème de sanctions spécifiques. Le choix a donc été fait de rattacher le contrôle de ces règles à une procédure existante : celle de non respect des injonctions prononcées par l'Autorité de la concurrence. Le dispositif construit une procédure en deux temps. L'Autorité, saisie par le ministre de l'économie, constate dans un premier temps que le dispositif de régulation n'est pas respecté et enjoint à l'entreprise de se mettre en conformité avec ses obligations. Si l'entreprise s'exécute, la procédure s'arrête. Si elle ne s'exécute pas, l'Autorité engage les procédures de droit commun de sanction du non respect des injonctions qu'elle prononce. A tous les stades, les opérateurs bénéficient du contradictoire et des procédures de recours déjà prévue par les textes.

Article 2 :

Cet article a pour objet d'éliminer les exclusivités qui n'ont pas de justifications économiques et limitent la concurrence sur l'approvisionnement. Le choix a été fait de ne pas procéder par interdiction générale des exclusivités en laissant des possibilités de dérogation, procédure utilisée par exemple pour les « exemptions » du droit communautaire, car cela aurait conduit à faire peser sur l'entreprise la charge de la preuve de la nécessité de cette exclusivité. Dans le dispositif proposé, la charge de la preuve repose sur l'autorité répressive qui doit démontrer que l'exclusivité est dénuée de justification économique.

Article 3 :

Cet article est destiné à mieux associer les régions ultramarines à la lutte contre les atteintes à la concurrence en étendant le pouvoir de saisine de l'Autorité de la concurrence qu'elles détiennent déjà pour les affaires dont elles ont la charge. Cette extension à toutes les affaires de leur territoire dont elles auraient connaissance, permettrait à des petites entreprises locales, réticentes à affronter directement des clients ou des fournisseurs puissants ou qui n'auraient pas les moyens économiques d'affronter un contentieux, d'utiliser leur canal pour dénoncer une pratique anticoncurrentielle.

L'option d'une saisine directe de l'Autorité par le ministre chargé de l'outre-mer a été écartée car elle revenait à une remise en cause de la fonction d'unique commissaire du gouvernement attribuée au ministre de l'économie.

L'option de la compétence liée du ministre de l'économie à saisir l'autorité de la concurrence lorsque la demande lui en était faite par les collectivités concernées a été écartée, dès lors qu'elle remettait en cause la séparation des pouvoirs entre Etat et collectivités territoriales.

L'option retenue est celle d'une saisine directe de l'autorité de la concurrence par les collectivités ultramarines concernées. Elle permet en effet à celles-ci d'exercer pleinement la compétence qui leur est reconnue en matière d'activité économique, sans remettre en cause les prérogatives dévolues au ministre de l'économie.

Article 4 :

Cet article consiste seulement à mettre les seuils de concentration de l'outre-mer en cohérence avec ceux de la métropole. En effet, le rapport entre les secteurs de droit commun et le commerce de détail y sont de un à trois (15 M€ contre 50 M€) alors qu'ils sont que de un à deux en outre-mer (7,5M€ contre 15 M€). Le passage de 7,5 à 5 M€ permet d'avoir le même ratio de un à trois. Il permet aussi de contrôler les rachats de surfaces de ventes comprises entre 600 m² et 1000m² qui sont importantes pour la concurrence sur ces territoires.

Article 5 :

Cet article constitue une adaptation des pouvoirs de l'Autorité de corriger les structures de marché en cas d'infraction, d'où sa désignation fréquente par les termes « d'injonction structurelle ». La rédaction a été calquée sur celle de l'injonction structurelle actuelle valable pour tous les départements. Pour l'outre-mer, le constat d'une infraction est remplacé par le constat d'une position dominante, se traduisant par des prix ou des marges abusifs, qui empêche en elle-même la concurrence de se développer compte-tenu de l'étroitesse des marchés ultramarins.

Toutefois cette mesure est fortement encadrée puisque le passage par un constat préalable contradictoire est maintenu pour établir le blocage du marché, ce qui en permet la contestation ultérieure devant le juge. En outre, les entreprises gardent la possibilité de répondre par des engagements dont le refus doit être motivé et peut donc également être contesté. Enfin, les critères de nécessité et de proportionnalité, qui sont des principes fondamentaux en matière de sanctions en droit de la concurrence s'appliqueront également ce qui donne des garanties supplémentaires.

Article 6 :

Il s'agit d'une simple mise à jour des textes européens visés à l'article L. 34-10 du Code des postes et communications électroniques (CPCE).

La référence au règlement (CE) n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2007 concernant l'itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l'intérieur de la Communauté est remplacée par la référence au Règlement (UE) n° 531/2012 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2012 concernant l'itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l'intérieur de l'Union, qui l'a abrogé.

Article 7 :

Cet article vise à actualiser le droit de la concurrence applicable à Wallis et Futuna et à permettre la pleine application de l'ensemble des mesures prévues par le projet de loi, certaines dispositions intervenues depuis le 18 septembre 2000 n'ayant, en effet, pas été étendues à ce territoire. Le projet de loi habilite ainsi le Gouvernement à procéder par ordonnance pour mettre en place un dispositif cohérent dans ce domaine.

CHAPITRE 3 : LES AUTRES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

La deuxième partie du projet de loi comporte des dispositions diverses qui traduisent, d'une part, l'important travail d'extension des normes outre-mer par le recours aux ordonnances des articles 38 et 74-1 de la Constitution, d'autre part la mise en oeuvre de certains dispositifs propres aux collectivités d'outre-mer (procédure d'homologation des peines d'emprisonnement édictées par des lois du pays prises dans les domaines de compétence exercées localement), et enfin le besoin des mesures spécifiques tenant aux caractéristiques ultramarines.

3.1. L'EXTENSION PAR ORDONNANCES AVEC LES ADAPTATIONS NÉCESSAIRES DES NORMES

3.1.1. L'habilitation à modifier par ordonnance la législation applicable à Mayotte (article 9)

1. Législation en matière d'entrée et de séjour des étrangers

Depuis une cinquantaine d'années, Mayotte a fait le choix de se rapprocher progressivement de la métropole : cette collectivité a ainsi accédé, en mars 2011, au statut de Département relevant de l'article 73 de la Constitution.

Dans ce cadre, et sur le fondement de l'article 355, paragraphe 6, du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne, la France a demandé la transformation du statut européen de cette collectivité, actuellement Pays et Territoire d'Outre-Mer, en Région Ultra-Périphérique, telle que définie à l'article 349 du Traité. Ce changement de statut pourra avoir lieu le 1 er janvier 2014, le Conseil Européen ayant donné son accord le 11 juillet 2012.

Cette évolution implique une reprise de l'acquis communautaire, notamment dans le domaine de l'entrée et le séjour des étrangers. A Mayotte, cette matière est actuellement régie par un texte spécifique : l'ordonnance n°2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte. Compte tenu de la pression migratoire exceptionnelle subie par cette collectivité, et à la déstabilisation sociale causée par l'immigration clandestine, les règles fixées par cette ordonnance sont dérogatoires, sur certains points, au droit des étrangers applicable en métropole.

La reprise de l'acquis communautaire dans ce domaine nécessite, ainsi, de mettre en conformité les dispositions de l'ordonnance du 26 avril 2000 avec celles de deux directives européennes :

- directive 2003/9/CE relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres ;

- directive 2008/115/CE relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

Cette réécriture de l'ordonnance impactera principalement les dispositions relatives au séjour des étrangers (regroupement familial, conditions de circulation sur les territoires français et européen, ...), à leur éloignement, y compris pour des motifs d'ordre public, à leur rétention dans ce cadre.

Le projet de loi habilite le Gouvernement à modifier l'ordonnance du 26 avril 2000, afin de la mettre en conformité avec la législation européenne, dans un délai de 18 mois suivant la publication de la loi.

2. Législation du code de l'action sociale et des familles relative à l'adoption, à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et à la prestation de compensation du handicap (PCH)

Une nouvelle habilitation, prenant le relais de celle de l'article 30 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte, est nécessaire pour achever l'adaptation à ce territoire de l'ensemble des dispositions du code de l'action sociale et des familles. Celles relatives à l'adoption n'ont pu l'être à la faveur de l'ordonnance n° 2012-785 du 31 mai 2012 qui a procédé à l'extension de ce code, pour des raisons de procédure (l'avis du Conseil supérieur de l'adoption en cours de renouvellement au moment de l'élaboration de l'ordonnance n'ayant pu matériellement être requis). Par ailleurs, l'ordonnance du 31 mai 2012 a, dans son rapport au Président de la République, annoncé l'adaptation pour 2014 des deux grandes prestations que sont l'APA et la PCH, en concertation avec le Département de Mayotte. Ces prestations sont attendues, notamment dans le domaine du handicap. Véritables plans d'aides individuelles en faveur des personnes âgées et handicapées élaborés autour de la personne, elles participeront toutes deux au déploiement des orientations des différentes autorités publiques, notamment de celles de l'agence de santé de l'Océan Indien, inscrites dans le schéma médico-social.

En raison de leur complexité et des dispositifs financiers qu'elles impliquent (extensions et adaptations de certaines cotisations sociales), un délai de 18 mois est nécessaire.

3. Législation relative à la couverture des risques vieillesse, maladie, maternité, invalidité et accidents du travail, aux prestations familiales ainsi qu'aux organismes compétents en la matière

L'ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011 - dont le présent projet de loi prévoit la ratification - organise une convergence progressive et adaptée des prestations et des cotisations correspondant aux différentes branches de la sécurité sociale. De nouveaux droits substantiels ont été ouverts à l'ensemble des habitants du Département ou à certaines catégories d'entre eux : on citera, à titre d'exemples, l'évolution du montant des allocations familiales, la création de la pension d'invalidité et du capital-décès, ou bien encore l'instauration de prestations maternité en espèces au profit des assurées non salariées réduisant ou interrompant leur activité professionnelle à l'occasion d'une grossesse. L'habilitation demandée permettra d'apporter quelques ajustements et compléments aux mesures déjà prises pour tenir compte des premiers mois d'application.

Au-delà, l'ordonnance du 22 décembre 2011 traduit une démarche prévue sur une durée de vingt-cinq ans dont elle n'a organisé que la première étape. Elle fonde ainsi une méthode qui permettra, dans le cadre de rendez-vous ultérieurs, de poursuivre progressivement, en fonction des évolutions socio-économiques de Mayotte, le rapprochement du droit applicable vers la convergence totale. L'habilitation demandée s'inscrit également dans cette perspective.

4. Législation du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle

Dans ces domaines, une nouvelle habilitation est là aussi nécessaire pour poursuivre la départementalisation de Mayotte.

Dans le champ du droit du travail, l'habilitation de l'article 9 du projet de loi s'inscrit notamment dans le prolongement de l'ordonnance n° 2012-792 du 7 juin 2012 mettant en oeuvre à Mayotte les dispositions relatives au droit syndical et à la représentativité des organisations syndicales. Il est donc urgent pour compléter ce dispositif de rendre applicables à Mayotte les dispositions relatives aux élections professionnelles et à la validité des accords préélectoraux en vue de ces élections. En outre, la convergence vers le droit commun en matière de conditions de travail, de contrat de travail et de lutte contre le travail illégal pourra débuter.

Dans le champ de l'emploi et de la formation professionnelle, cette habilitation permet notamment de rendre applicables à Mayotte les dispositions relatives au contrat d'insertion dans la vie civile (CIVIS), à l'insertion par l'activité économique, au maintien, à la reprise et à la création d'entreprises par les demandeurs d'emploi et à la validation des acquis (VAE).

Pour toutes les ordonnances prises sur habilitation de l'article 9, le dépôt de la demande de ratification doit intervenir dans un délai de 6 mois suivant la publication de l'ordonnance.

3.1.2. Les ratifications d'ordonnances publiées (article 11)

Le projet de loi vise à ratifier, dans le respect des échéances prévues et conformément aux dispositions des articles 38 et 74-1 de la Constitution, vingt-six ordonnances spécifiques aux outre-mer dont quinze, énumérées au III de l'article 11, sont prises sur le fondement d'une habilitation prévue par l'article 30 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative à Mayotte.

? Les cinq ordonnances énumérées au I de l'article 11 sont prises sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution et doivent impérativement être ratifiées par le Parlement dans un délai de 18 mois suivant leur publication, sauf à devenir caduques.

L'ordonnance n° 2011-827 du 8 juillet 2011 relative à la répression du dopage en Nouvelle-Calédonie est prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution et a pour objet d'étendre et d'adapter des dispositions de nature législative, issues de la loi n° 2008-650 du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic des produits dopants et de l'ordonnance n° 2010-379 du 14 avril 2010 relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du code du sport avec les principes du code mondial antidopage, à la Nouvelle-Calédonie en insérant ces dispositions au sein des dispositions applicables à l'outre-mer dans le code du sport.

L'ordonnance n° 2011-865 du 22 juillet 2011 relative à la mise en valeur des terres incultes ou manifestement sous-exploitées à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin est prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution et vise à adapter les dispositions du code rural et de la pêche maritime à ces deux collectivités en ce qui concerne, d'une part, la procédure d'information du public lors de la procédure d'enquête sur l'état d'inculture ou de sous-exploitation des terres, pour se conformer aux dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement, et, d'autre part, dans l'obligation faite à l'attributaire de présenter un projet de mise en valeur du fond dont il sollicite l'attribution, afin d'éviter que ces terres ne retombent dans le même état d'inculture ou de sous-exploitation que précédemment.

L'ordonnance n° 2011-1920 du 22 décembre 2011 portant adaptation du code monétaire et financier et du code des douanes à la suite du changement de statut de la collectivité de Saint-Barthélemy vis-à-vis de l'Union européenne met en cohérence le code monétaire et financier avec la loi autorisant la ratification de l'accord monétaire entre la République française et l'Union européenne relatif au maintien de l'euro à Saint-Barthélemy. Elle permet également de tirer les conséquences dans le code des douanes du passage de Saint-Barthélemy, depuis le 1 er janvier 2012, du statut de région ultrapériphérique au statut de « pays et territoires d'outre-mer» (PTOM).

L'ordonnance n° 2012-396 du 23 mars 2012 portant adaptation de l'aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna est prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution et a pour objet d'étendre à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna les nouvelles conditions de rétribution des avocats désignés d'office pour l'assistance d'une personne gardée à vue issues de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.

L'ordonnance n° 2012-515 du 18 avril 2012 portant extension et adaptation à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie de dispositions du code de la santé publique est prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution et vise à mettre en cohérence du nouvel encadrement législatif tel qu'issu de l'ordonnance précédente et apporter des modifications législatives qui, bien que relevant du domaine de la bioéthique, ne sont pas directement dans le champ de la loi du 7 juillet 2011. L'ordonnance intervient en matière d'examen des caractéristiques génétiques, ainsi qu'en matière de préparation et de conservation des tissus et cellules du corps humain.

? Les six ordonnances énumérées au II de l'article 11 sont prises sur le fondement de diverses habilitations législatives prévues par l'article 38 de la Constitution.

L'ordonnance n° 2011-821 du 8 juillet 2011 relative à l'adaptation à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services est prise sur le fondement de l'article 47 de la loi du 23 juillet 2010 qui habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine législatif nécessaires pour étendre, en les adaptant, aux collectivités d'outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte les dispositions du code de commerce régissant le réseau des chambres de commerce et d'industrie. Compte tenu de l'absence d'échelon régional dans ces collectivités territoriales, l'ordonnance a pour effet de maintenir en l'état la situation actuelle de la chambre d'agriculture, de commerce, d'industrie, de métiers et de l'artisanat (CACIMA) de Saint-Pierre-et-Miquelon et de la chambre de commerce et d'industrie de Mayotte. Les dispositions applicables aux chambres de commerce et d'industrie territoriales sont applicables à ces deux chambres qui, par ailleurs, conservent la compétence dans le recrutement et la gestion des personnels de droit public.

L'ordonnance n° 2011-864 du 22 juillet 2011 relative à la protection et à la mise en valeur des terres agricoles dans les départements d'outre-mer, dans le Département de Mayotte et à Saint-Martin est prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, en application de l'article 94 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, la présente ordonnance a pour objet de renforcer, en les adaptant aux départements et collectivités d'outre-mer concernés, les mesures de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche relatives à la lutte contre la régression des terres agricoles. Elle modifie les dispositions du code rural et de la pêche maritime en étendant aux départements d'outre mer le rôle de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles et en créant une procédure simplifiée d'information du public lors de la procédure d'enquête sur l'état d'inculture ou de sous-exploitation des terres.

L'ordonnance n° 2011-1327 du 20 octobre 2011 portant extension et adaptation des dispositions relatives au crédit immobilier et au prêt viager hypothécaire en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française et à la fourniture de services financiers à distance dans ces collectivités et dans les îles Wallis et Futuna est prise sur le fondement sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, en application de l'article 91 de la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière de la Constitution et vise à étendre et adapter à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française les dispositions pertinentes du code de la consommation relatives à la fourniture de services financiers à distance, au crédit immobilier et au prêt viager hypothécaire, ainsi qu'étendre à Wallis-et-Futuna les dispositions concernant les services financiers à distance.

L'ordonnance n° 2011-1875 du 15 décembre 2011 portant extension de la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna est prise sur le fondement de l'article 42 de la loi du 22 décembre 2010 qui a habilité le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à l'extension et à l'adaptation des dispositions de la même loi ainsi que des dispositions législatives à la profession d'avocat en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

L'ordonnance n° 2012-514 du 18 avril 2012 portant extension et adaptation aux îles Wallis et Futuna, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française des dispositions de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique est prise sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article de la loi du 7 juillet 2011, selon les conditions de l'article 38 de la Constitution, et vise à étendre et adapter les dispositions de la même loi venues réviser les règles de bioéthique. Les normes étendues visent à renforcer l'information et l'accompagnement des citoyens confrontés aux techniques biomédicales et à protéger les personnes et leur entourage face à la maladie ou à l'infertilité.

L'ordonnance n° 2012-644 du 4 mai 2012 portant extension et adaptation de la stratégie nationale pour la mer et le littoral dans les collectivités d'outre-mer est prise sur le fondement de l'article 15 de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique qui habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance, dans les conditions définies par l'article 38 de la Constitution, les mesures visant à étendre et à adapter les dispositions des articles L. 219-3 à L. 219-5 du code de l'environnement aux départements et régions d'outre-mer, aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie et les dispositions des articles L. 219-1, L. 219-2 et L. 219-6 du même code aux collectivités d'outre-mer de l'article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie. L'ordonnance n° 2012-644 du 4 mai 2012 a étendu et adapté la stratégie nationale pour la mer et le littoral dans les collectivités d'outre-mer.

? Les ordonnances énumérées au III sont prises sur le fondement de l'article 30 de la loi du 7 décembre 2010 relative à Mayotte et ont pour objet, dans le cadre du processus de départementalisation de la collectivité, de rapprocher les règles applicables à Mayotte aux règles applicables en métropole ou dans les autres collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution. Ces ordonnances soit étendent la législation intéressée dans une mesure et selon une progressivité adaptées aux caractéristiques et contraintes particulières à Mayotte, soit adaptent le contenu de cette législation à ces caractéristiques et contraintes particulières, soit procèdent aux deux opérations.

? Le IV de l'article 11 qui modifie le code de la construction et de l'habitation, procède à des substitutions de références destinées à prendre en compte la refonte du code du travail applicable à Mayotte résultant de l'ordonnance du 7 juin 2012 publiée postérieurement à l'ordonnance du 26 avril 2012 relative à l'extension du code de la construction et de l'habitation à Mayotte

3.2. HOMOLOGATION LEGISLATIVE DE PEINES D'EMPRISONNEMENT (ARTICLE 10)

L'article 10 du projet de loi vise à homologuer les peines d'emprisonnement prévues dans la réglementation de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française, en application respectivement des dispositions de l'article 87 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et de l'article 21 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française

En effet, les infractions que les deux collectivités susvisées sont habilitées à créer, dans les matières relevant de leur compétence, par la réglementation locale (lois du pays, délibérations) peuvent être assorties de peines d'emprisonnement, sous réserve de respecter la classification des délits et de ne pas excéder le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements de la République.

Les dispositions statutaires susvisées subordonnent l'applicabilité de ces peines d'emprisonnement à leur homologation par la loi.

3.3. SUPPRESSION DE L'OBLIGATION DE COFINANCEMENT PAR LES COLLECTIVITES D'OUTREMER (ARTICLE 8)

3.3.1. L'inadaptation de la règle de la participation minimale des collectivités territoriales en matière de financement à la situation des collectivités territoriales d'outre-mer

L'article 76 de la loi n°2010-1563 de réforme des collectivités territoriales a introduit dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) un article L.1111-10 instaurant le principe d'une participation minimale de 20 % des collectivités territoriales et de leurs groupements au financement des projets dont ils assurent la maîtrise d'ouvrage.

La loi avait, toutefois, déjà prévu de tenir compte des caractéristiques et contraintes particulières des collectivités territoriales d'outre-mer : l'article 88 de ladite loi a autorisé le Gouvernement à adapter cette disposition par voie d'ordonnance, selon la procédure prévue à l'article 38 de la Constitution. Aucun projet d'ordonnance n'a cependant pu être déposé au Parlement dans les délais prescrits par l'habilitation.

La situation des collectivités ultramarines est fréquemment caractérisée par une insuffisance d'autofinancement de leur investissement allant même parfois jusqu'à une absence totale de capacité d'autofinancement voire à des situations de déficit structurel.

En outre, les collectivités territoriales d'outre-mer exposent des besoins d'équipement supérieurs aux collectivités de métropole du fait des contraintes liées à l'environnement géographique (contraintes climatiques, respect des normes antisismiques, isolement), mais aussi des retards accumulés dans les domaines stratégiques et structurants qui constituent un enjeu majeur pour la santé publique, l'environnement et le développement économique et touristique.

La règle de participation minimale peut alors se révéler être un obstacle à l'investissement.

Ce sont ces caractéristiques qui expliquent que, jusqu'en 2012, les collectivités ultramarines ont bénéficié d'une règle dérogatoire permettant à l'Etat de subventionner à 100% certains projets d'investissement, aux termes du décret 2001-120 du 7 février 2001 relatif aux subventions de l'Etat pour les projets d'investissement dans les départements d'outre-mer et les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte.

Par conséquent, il est proposé d'exclure du champ d'application de l'article L.1111-10 du CGCT les collectivités territoriales et les groupements de collectivités territoriales de Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

1. Une situation financière fragile

La situation financière des collectivités territoriales d'outre-mer est caractérisée par un taux d'épargne brute sensiblement plus faible que celui observé dans les collectivités de métropole. Ainsi le taux d'épargne brute exposé par les comptes administratifs 2010 des collectivités concernées s'établit à :

- 6,5 % pour les communes d'outre-mer de moins de 10 000 habitants contre 21,3 % pour la moyenne des communes de moins de 10 000 habitants ;

- 8,4 % pour les communes d'outre-mer de plus de 10 000 habitants contre 14,8 % pour la moyenne des communes de plus de 10 000 habitants ;

- 10,51 % pour les départements d'outre-mer contre 12,57 % pour la moyenne des départements ;

- 36,06 % pour les régions d'outre-mer contre 24,84 % pour la moyenne des régions.

Cette situation se traduit dans certains territoires par une absence de capacité d'autofinancement et, par voie de conséquence, par l'arrêt de l'investissement public pourtant nécessaire à la population.

Ainsi la collectivité de Saint-Pierre et Miquelon, alors qu'elle a un PIB/habitant plus élevé que les autres collectivités ultramarines, ne s'en trouve pas moins dans une situation financière délicate.

La fiscalité de la collectivité présente en effet la particularité d'être pour une part très importante liée à l'activité économique (taxes sur les carburants, octroi de mer, droits de douane, taxe sur l'importation). Il en résulte que, dans une conjoncture difficile, nombre de produits fiscaux stagnent voire régressent. La compensation de cette altération résulte essentiellement des impôts fonciers, sur le revenu.

Il apparait que le fait que la nature de l'assiette des principaux impôts ayant un caractère majoritairement cyclique constitue un handicap pour la collectivité au regard tant de l'évolution de ses charges d'exploitation que du financement de ses actions de développement.

Les collectivités de Mayotte et de Guyane, elles, connaissent une situation particulièrement dégradée.

A Mayotte, le déficit structurel du Conseil général se traduit par l'arrêt de l'investissement public. Ce défaut du Conseil général fait obstacle à la construction d'infrastructures de base relatives, notamment à la santé et à l'éducation des populations.

A titre d'exemple, le Conseil Général de Mayotte, cofinanceur des opérations d'assainissement collectif inscrites au contrat de projet, n'est pas en mesure de participer financièrement aux opérations dont la maîtrise d'ouvrage est confiée au syndicat intercommunal eau et assainissement de Mayotte.

En Guyane, près de la moitié des communes ne dispose d'aucun autofinancement voire présente des déficits de la section de fonctionnement. Ces difficultés font obstacle à ce que ces communes réalisent les investissements nécessaires à la population.

L'intercommunalité de l'ouest guyanais, qui dispose de la compétence gestion des déchets, est dans l'incapacité, faute de ressources fiscales, de participer à la réalisation des investissements (CSDU, quai de transfert des déchets, déchetteries) rendues nécessaires par l'application de la directive communautaire déchets de 1999, laissant planer le risque d'une condamnation de la France pour non respect de cette directive pour un montant de 67M€.

À titre d'exemple, à Mayotte, 11 communes sur 17 ont présenté une exécution budgétaire en déficit en 2010 alors qu'en Guyane, près de la moitié des communes ne disposent d'aucun autofinancement voire présentent des déficits de la section de fonctionnement.

2. Des besoins d'équipement supérieurs aux collectivités de métropole


Le contexte général

Les collectivités territoriales d'outre-mer exposent des besoins d'équipement supérieurs aux collectivités de métropole du fait des contraintes liées à l'environnement géographique (contraintes climatiques, respect des normes antisismiques, isolement des villes, etc.), mais aussi des retards accumulés dans des domaines stratégiques et structurants qui constituent un enjeu majeur pour la santé publique, l'environnement et le développement économique et touristique.

En outre, les collectivités d'outre-mer accusent des retards dans les équipements dans des domaines aussi essentiels que le logement, l'eau potable et l'assainissement, la collecte et le traitement des déchets, les constructions scolaires.

Elles connaissent de grandes difficultés pour rattraper le retard pris, en particulier pour la Guyane, qui cumule des conditions de terrain extrêmement difficiles (conditions climatiques, défaut de réseau routier, villes isolées ...).

Parallèlement, les collectivités doivent mettre aux normes leurs installations conformément aux directives communautaires sous peine d'accroître les risques de contentieux. Ces mises aux normes nécessitent des investissements coûteux alors que les capacités financières des collectivités sont extrêmement limitées.


Les domaines prioritaires d'investissement outre-mer

- Dans le domaine de l'aménagement foncier, les DOM connaissent des besoins d'investissements très élevés afin de construire des logements et des équipements publics structurants. En effet, la situation du logement social dans les départements d'outre-mer se caractérise par des besoins en logements sociaux très importants du fait d'une croissance démographique quatre fois supérieure à celle des départements métropolitains. En outre, la situation des DOM en matière d'insalubrité et d'habitat indigne présente une gravité et une acuité particulière : la proportion de logements classés comme insalubres par l'État est d'environ 8 % en métropole contre 26 % outre-mer, et si 3,25 % de la population hexagonale habitent dans un logement considéré comme insalubre, cette proportion est de 8,36 % en outre-mer.

- Dans le domaine de l'eau potable et de l'assainissement des eaux usées, il existe un retard structurel important en infrastructures de base qui constitue un enjeu majeur à la fois pour la santé publique, l'environnement et le développement économique et touristique.

Les ouvrages d'épuration des eaux usées sont parfois absents, et parmi ceux qui existent, nombreux sont ceux qui ne sont pas conformes aux prescriptions de la directive sur les eaux résiduaires urbaines. La ressource en eau mobilisée est souvent insuffisante pour satisfaire les besoins en eau potable et on note des problèmes de qualité de l'eau distribuée par les réseaux. Par ailleurs, la mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau du 23 octobre 2000, qui demande d'atteindre un bon état écologique de l'eau en 2015, nécessite d'importants investissements pour réduire la pollution par les eaux usées et l'agriculture et pour mettre en place des réseaux de surveillance de la qualité de l'eau.

Alors qu'en métropole, le taux de raccordement au réseau d'eau potable est de 99% et le taux de raccordement à l'assainissement collectif de 90%, les 4 DOM présentent un retard important.

En Martinique, 5% de la population n'a pas accès à l'eau potable, seulement 40 % de la population est raccordée à un réseau de collecte et d'assainissement des eaux usées.

En Guyane, 15% de la population n'a pas accès à l'eau potable. La situation est particulièrement délicate : certains sites isolés  n'ont toujours pas d'alimentation en eau potable et la forte urbanisation s'accompagne de problématiques d'insalubrité liées à un manque d'équipements dans le domaine de l'assainissement. Pour l'assainissement, seuls 39% de la population de la Guyane sont raccordés à un réseau d'assainissement collectif. Environ 40% utilisent un système d'assainissement individuel (dont les performances et l'entretien sont souvent défaillants). 21% ne disposent d'aucun système d'assainissement et rejette ses eaux usées directement dans le milieu naturel.

Taux de raccordement à un système d'assainissement collectif

(90 % en métropole)

Guadeloupe

20-30 %

Guyane

20 %

Martinique

20-30 %

Mayotte

5 %

Réunion

40 %

Le taux de non-conformité de l'assainissement non collectif (assainissement individuel) dans les DOM est estimé à 90 %.

Les réseaux d'adduction en eau sont en général très dégradés : par exemple, la perte en eau potable est supérieure à 50 % en Guadeloupe.

Les besoins en assainissement sont particulièrement importants à Mayotte et sont estimés à 600 millions d'euros pour la mise en conformité de l'assainissement à l'horizon 2027 dont 250 à 300 millions d'euros seraient nécessaires d'ici fin 2020.

Sur la période 2010-2015, les besoins en assainissement, sur l'ensemble des DOM sont chiffrés à 878 millions d'euros par les directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL).

A court terme (2012/2013), pour les travaux prioritaires au regard de la directive sur le traitement des eaux résiduaires urbaines (ERU) et du risque de contentieux communautaire, le chiffrage est estimé à 237 millions d'euros dont 37 millions d'euros pour la Martinique, 111 millions  d'euros pour la Réunion, 31 millions d'euros pour la Guadeloupe et  58 millions d'euros pour la Guyane.

- Dans le domaine des déchets , des investissements considérables sont également à prévoir pour les prochaines années.

En Martinique, toutes les décharges existantes arrivent à saturation à l'horizon de fin 2012.

La Guyane est concernée par le contentieux communautaire relatif aux décharges non autorisées. Plusieurs investissements sont prévus pour permettre une gestion durable des déchets sur ce territoire : projet d'installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND) à Maripasoula, Mana, au Galion, construction de déchetteries et de quai de transferts à Saint-Georges et Régina... Une mise aux normes des ISDND existantes à Kourou et Saint-Laurent est par ailleurs nécessaire au regard des règles environnementales en vigueur et des impacts sanitaires liés à la situation actuelle. Il convient de souligner le fait qu'en Guyane où des travaux importants doivent être réalisés, la situation financière est particulièrement fragile pour certaines intercommunalités, au regard de la faiblesse de leurs recettes fiscales, pour l'exercice de la compétence « déchets » : à titre d'exemple, le coût en fonctionnement de la gestion des déchets de la CCOG est de 2,4 M € (2009) et devrait passer à 5,4 M€ en 2015 (de 8% à 40% du budget de fonctionnement). Le taux de chômage très élevé (21% en Guyane, plus de 40 % sur le territoire de la CCEG), le nombre élevé de bénéficiaires des minima sociaux non imposables, le développement d'une activité économique transfrontalière illicite expliquent le faible niveau des recettes fiscales perçues au bénéfice des communes et intercommunalités. De surcroît, l'absence d'infrastructures routières liée à la topographie, l'éparpillement des villages (entre bourgs et écarts), les constructions disséminées, non achevées ou non autorisées limitent le produit attendu de taxe foncière et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) au bénéfice des intercommunalités géographiquement les plus étendues (CCOG et CCEG).

En ce qui concerne Mayotte, les 5 décharges existantes sont illégales et devront être fermées avant 2014. Une nouvelle installation de stockage de déchets non dangereux conforme aux règlementations nationale et européenne est en cours de construction. D'autres installations (déchetteries, etc.) devront être mise en place pour aller dans le sens d'une gestion durable des déchets. La Commission européenne (DG ENV) a indiqué à l'occasion de la présentation par la France du dossier de « rupéïsation », qu'elle serait très attentive à l'atteinte des objectifs des directives cadre pour ce qui concerne Mayotte, et est plutôt fermée à l'idée d'une demande de dérogation (report de l'application de la directive déchets) concernant ces sujets par la France .

- Dans le domaine de l'électrification rurale, les besoins d'équipements structurants sont également considérables et la demande continue de croitre en raison notamment de l'explosion démographique que connaissent certains territoires. Le taux moyen d'électrification rurale est par exemple évalué à 70% en Guyane. Des investissements sont indispensables pour développer le réseau d'électrification rurale (création et renforcement des centrales thermiques ou hybrides, extension et sécurisation des réseaux électriques, études de planification et de faisabilité, etc.) d'autant plus que le manque d'accès à l'énergie électrique constitue un frein au développement d'infrastructures de base (écoles, dispensaires, etc.).

3.3.2. Un niveau de participation minimale à adapter aux caractéristiques des territoires

Compte-tenu de la conjugaison d'une part, de la faiblesse de l'épargne brute des collectivités territoriales d'outre-mer et d'autre part, de leurs besoins en investissement public sensiblement supérieurs, il est apparu nécessaire d'abaisser la participation minimale de ces collectivités pour le financement de leurs projets d'investissement.

Deux options sont envisageables à savoir :

- d'une part, un taux de participation différencié selon les collectivités, afin de tenir compte des spécificités de chacune des collectivités d'outre-mer ;

- d'autre part, l'inapplication des dispositions de l'article L.1111-10 du CGCT pour l'ensemble des collectivités de Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Suivant la première option, qui prône une approche différenciée selon la situation économique des collectivités, il pourrait être utile de :

• fixer à 10 % cette participation minimale, soit la moitié de celle retenue pour les collectivités territoriales de métropole, pour les départements et régions de Guadeloupe, de Martinique et de la Réunion. Le niveau d'une telle quote-part apparait en cohérence avec les moyens financiers des collectivités concernées.

• ne pas prévoir de participation minimale pour les départements de Guyane et de Mayotte qui cumulent les handicaps (situation financière très dégradée et retard d'infrastructures).

On peut rappeler que dans la même logique, des dispositions spécifiques ont été adoptées pour les collectivités de Corse, pour les projets d'investissement en matière d'eau potable et d'assainissement, d'élimination des déchets, de protection contre les incendies de forêts et de voirie communale qui sont réalisés par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de Corse ou par les communes membres d'un tel établissement lorsque les projets n'entrent pas dans le champ de compétence communautaire.

Lorsque ces conditions sont réunies, la participation minimale du maître de l'ouvrage est de 10 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques.

Cependant, le traitement différencié entre les collectivités d'outre-mer risque d'être mal compris par les autorités locales qui se trouvent confrontées à des situations proches en matière de difficultés financières et de besoins de financement.

Il semble donc préférable d'opter pour une exonération identique du taux de participation pour l'ensemble des collectivités soumises aux mêmes contraintes.

Une telle exonération répond à la volonté du législateur qui avait autorisé à l'article 88 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales le Gouvernement à procéder par ordonnance pour adapter la participation minimale des collectivités territoriales d'outre-mer.

Cette adaptation, qui reprend l'esprit de celle en vigueur jusqu'à la fin de l'année 2011, est nécessaire pour encourager la réalisation des projets d'investissement dans les domaines stratégiques et structurants tels que l'aménagement foncier et urbain, l'alimentation en eau potable, l'assainissement des eaux usées et la gestion des déchets.

L'article du projet de loi propose, dès lors, de déroger aux dispositions relatives à la participation minimale des collectivités territoriales au financement des projets dont ils assurent la maîtrise d'ouvrage pour tenir compte des spécificités des collectivités territoriales d'outre-mer.

CHAPITRE 4 : LES IMPACTS ATTENDUS

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1 Sécurité juridique

Le présent projet de loi n'emporte pas abrogation de normes qui seraient devenues obsolètes, ou qui le deviendraient subséquemment à la mise en oeuvre de la réforme.

Des mesures transitoires sont prévues à l'article 12 s'agissant de l'article 2 qui s'applique aux contrats et pratiques en cours.

L'article 6 prévoit, à l'article L. 34-10 du code des postes et des communications électroniques, que les obligations nées du règlement (UE) n° 531/2012 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2012 s'imposent aux opérateurs pour ce qui est des communications avec l'outre-mer. Ces obligations portent sur la baisse de la tarification des communications en itinérance (« roaming »), mais le règlement n'a vocation à trouver application que pour les communications entre Etats membres, et non pas pour les communications à l'intérieur d'un même Etat membre. Or, les modalités techniques de transmission des flux d'information entre les collectivités ultramarines et la métropole sont similaires à celles de flux internationaux. Il importait donc de mettre à jour l'article L. 34-10 pour garantir que les obligations nées de la réglementation européenne continueraient de s'imposer aux opérateurs. Entre l'entrée en vigueur du règlement, le 1 er juillet 2012, et celle des dispositions prévues à l'article 6 du projet de loi, le Ministre des outre-mer a obtenu des opérateurs que ceux-ci s'engagent à appliquer aux communications entre l'outre-mer et la métropole, sur la base du volontariat, les mesures prévues par le règlement dès l'entrée en vigueur de celui-ci.

4.1.2 Intelligibilité, clarté et accessibilité du droit

La plupart des dispositions du projet de loi procèdent par codification de mesures nouvelles (articles 1 er , 2, 5) ou par modifications de mesures déjà codifiées (articles 1 er , 2, 3, 4, 6). Les autres dispositions n'ont pas vocation à être codifiées, s'agissant de l'autorisation demandée par le Gouvernement de prendre par ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la loi (articles 7 et 9), de l'homologation législative de peines d'emprisonnement prévues dans deux collectivités relevant, l'une de l'article 74 de la Constitution, l'autre du titre XIII de la Constitution, en application respectivement des dispositions des lois organiques n° 2004-192 du 27 février 2004 et n° 99-209 du 19 mars 1999 (article 10), ou encore de la ratification d'ordonnances (article 11).

4.2. IMPACTS ECONOMIQUES

4.2.1 Fonctionnement du marché

Le projet de loi affectera le fonctionnement du marché.

L' article 1 er , en ce qu'il introduit un article L. 410-3 nouveau au code de commerce, vise à permettre au Gouvernement de réglementer le fonctionnement des marchés de gros. Plus particulièrement, l'objet de la mesure est de permettre d'agir sur les conditions d'approvisionnement et les structures de marché, marquées par des situations de quasi monopole dans la plupart des territoires d'outre-mer.

Le choix a été fait, au niveau de la disposition législative, de dresser une liste des mesures envisageables afin d'encadrer le pouvoir réglementaire par une habilitation à prendre les mesures nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements des marchés de gros dans quatre domaines : l'accès aux marchés, la loyauté des transactions, les marges des opérateurs et la protection des consommateurs. e. Ainsi, plusieurs mesures semblent pouvoir être prises sur le fondement de ces dispositions :

- obligation d'accès ;

- obligation de mutualisation ;

- obligation d'offres tarifaires de tarifs de référence ;

- obligation de non discrimination ;

- information sur les marges

- séparation comptable de certaines activités

Il convient de souligner que les propositions d'engagements émises par les opérateurs eux-mêmes sont susceptibles d'entrer dans le champ des mesures envisageables.

Par la régulation des marchés de gros, la mesure envisagée par cet article est de nature, de surcroît, à renforcer et sécuriser les opérateurs des marchés de détail, et plus particulièrement les opérateurs et producteurs locaux, en ce qu'elle permettra à ceux-ci de diversifier leurs sources et de réduire leurs coûts d'approvisionnement.

L' article 2 , en ce qu'il prohibe, en introduisant un nouvel article L. 420-5-1 au code de commerce, les clauses des contrats commerciaux qui ont pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation à un opérateur, à la condition toutefois que ces clauses ne soient pas justifiées par des motifs objectifs tirés de l'efficacité économique au bénéfice des consommateurs.

En effet, une fois les contrats en cours arrivés à leur terme, la disposition nouvelle emportera ouverture du marché d'importation dans les territoires concernés à de nouveaux opérateurs, qui en sont exclus dans la situation actuelle du fait des clauses d'exclusivité. Eu égard à la nécessaire sécurité juridique des contrats en cours, cette disposition aura vocation à s'appliquer dans un délai de quatre mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi.

L'article 3 donne la possibilité aux collectivités territoriales d'outre-mer détenant une compétence économique de saisir l'Autorité de la concurrence pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. Compte tenu de leur implication dans la vie économique locale, il apparaît légitime de donner aux exécutifs locaux cette possibilité dès lors que des pratiques de nature à altérer le jeu de la concurrence existent sur leur territoire.

L'article 4 , par l'abaissement des seuils de concentration pour ce qui est du commerce de détail en outre-mer, permettra de soumettre à contrôle les rachats de surfaces de ventes importantes pour la concurrence sur ces territoires. A titre d'exemple, en Martinique, environ 50% des magasins d'alimentation d'une surface de vente comprise entre 400 et 1200 m² présentent un chiffre d'affaires TTC tel qu'elles relèveraient désormais de la procédure de contrôle de concentration, du fait de l'abaissement du seuil. En Guadeloupe, cette proportion serait de 36%, et à La Réunion de 24%.

L' article 5 donne compétence à l'Autorité de la concurrence pour demander à une entreprise ou à un groupe d'entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail, en cas d'existence d'une position dominante de nature à soulever, en elle-même, des préoccupations de concurrence, de proposer des engagements susceptibles de répondre aux préoccupations de concurrence.

En vertu des dispositions du code de commerce introduites par cet article, au terme d'une procédure contradictoire, l'Autorité de la concurrence est susceptible d'enjoindre aux entreprises ou groupes d'entreprises concernés d'une part, de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, tous accords et tous actes par lesquels s'est constituée la puissance économique qui limite le libre jeu de la concurrence, et, d'autre part, de procéder à la cession de surfaces, si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective dans la zone de chalandise considérée.

Ce faisant, par application des dispositions prévues à l'article 5, le structure du marché peut être, in fine, modifiée, y compris en termes de réserve foncière disponible.

4.2.2 Concurrence

Les dispositions prévues aux articles 1 er , 2, 3 et 5 , en ce qu'elles permettront d'opérer une régulation, ou une remise en cause, de situations de marché caractérisées par l'existence de monopoles ou quasi-monopoles, ainsi que de positions dominantes de nature à soulever, en elle-même, des préoccupations de concurrence, auront nécessairement un effet positif sur le jeu de la concurrence.

Elles permettront, ou donneront au Gouvernement les moyens de permettre l'entrée de nouveaux opérateurs sur les marchés des territoires concernés par le projet, et renforceront de ce fait la pression concurrentielle.

L'article 4 permettra, lui, de veiller à ce que la constitution de situations de marché susceptibles de limiter le libre jeu de la concurrence n'échappe pas au contrôle de l'Autorité de la concurrence.

4.2.3 Impact sur les entreprises

Le projet n'impose pas, en soi, de nouvelles obligations aux entreprises. Les dispositions de l'article 6, relatives aux obligations des opérateurs en matière d'itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles, se bornent à reconduire les obligations en vigueur au titre des dispositions de l'article L. 34-10 du code des postes et des communications électroniques.

Plusieurs dispositions du projet sont de nature à favoriser l'investissement . Plus particulièrement, les dispositions des articles 1 er , 2 et 5, en limitant les effets négatifs de situations de marché caractérisées par l'existence de monopoles ou de quasi-monopoles, doivent permettre l'entrée sur les différents marchés de nouveaux opérateurs. Cet aspect est d'autant plus prononcé au titre de l'article 5, l'Autorité de la concurrence pouvant imposer, au terme d'une procédure contradictoire, la cession de réserves foncières inexploitées, dont il est établi qu'elles ne sont constituées que dans le but de restreindre l'accès des marchés ultramarins à de nouveaux investisseurs potentiels.

Les dispositions de l' article 8 auront un effet direct sur l'investissement. En effet, les collectivités territoriales d'outre-mer, eu égard à leurs situation financière délicate, ne sont pas en mesure d'assurer la participation minimale au financement des opérations d'investissement dont elles ont la maîtrise d'ouvrage, comme cela est exigé en vertu des dispositions actuelles de l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales. Il en résulte que les projets structurants nécessaires à ces collectivités ne sont, pour la plupart, pas lancés, alors que l'investissement des collectivités publiques est, dans les territoires ultramarins, essentiel à la croissance économique et fortement pourvoyeur d'activité pour le tissu économique local, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

La suppression de l'obligation de participation au financement, et donc la possibilité faite à l'Etat d'assurer la totalité du financement des opérations d'investissement, est donc de nature à permettre de relancer l'investissement local, public et privé.

De manière indirecte, les dispositions des articles 1 er , 2 et 5 sont susceptibles d'augmenter la compétitivité des entreprises ou groupes d'entreprises visées par les mesures. En effet, le maintien de celles-ci dans une situation de monopole ou de position dominante a pour conséquence de réduire leur capacité d'adaptabilité au jeu de la concurrence et de les asseoir dans une situation de rente. Le développement de la concurrence, induit par les mesures envisagées, sera de nature à les inciter à plus de dynamisme économique et commercial.

4.2.4 Impact pour les particuliers

L'objet du projet de loi est de lutter contre la vie chère dans les collectivités ultramarines.

La limitation du jeu de la concurrence dans les marchés de gros, sur laquelle l'article 1 er entend revenir, a pour effet de renchérir, en cascade, le prix des biens commercialisés dans le réseau de détail. L'écart de prix, pour des produits identiques, entre la métropole et les collectivités ultramarines, a été la cause des mouvements sociaux observés en 2009, et malgré les engagements pris à l'époque, il n'a pas été remédié depuis à ce dysfonctionnement structurel. Les mesures envisagées dans le cadre du nouvel article L. 410-3 du code de commerce, créé par cet article, sont de nature à faire diminuer le prix des biens de consommation dans les collectivités d'outre-mer, et par là même, d'augmenter le pouvoir d'achat global des particuliers.

Il en va de même du maintien, par les dispositions de l'article 6, des obligations pesant sur les opérateurs de télécommunications.

Les dispositions des articles 2 et 5 auront un effet indirect sur le pouvoir d'achat global des particuliers, en renforçant le libre jeu de la concurrence dans les économies ultramarines.

Pour l'ensemble des motifs précédents, les dispositions du projet de loi sont en outre susceptibles de réduire l'inflation pesant sur les collectivités concernées.

4.3. IMPACTS INSTITUTIONNELS

4.3.1 Sur les collectivités territoriales

Les dispositions de l'article 3 tirent les conséquences des compétences en matière économiques dévolues aux régions d'outre-mer, au Département de Mayotte, ainsi qu'aux collectivités d'outremer de Saint-Pierre et Miquelon, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Sans élargir le champ des compétences de ces collectivités, les dispositions envisagées permettent à ces collectivités de saisir l'Autorité de la concurrence au titre des pratiques anticoncurrentielles mentionnées aux articles L. 420-1, L. 420-2, L. 420-5 et L. 420-5-1 nouveau du code de commerce.

4.3.2 Sur l'Autorité de la concurrence

Les dispositions de l' article 5 ouvrent une compétence nouvelle à l'Autorité de la concurrence, en ce que, par l'article L. 752-27 nouveau qu'elles introduisent au code de commerce, elles lui permettent, sans même que soient méconnues les dispositions du code de commerce, d'enjoindre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail, en cas d'existence d'une position dominante de nature à soulever, en elle-même, des préoccupations de concurrence, de proposer des engagements susceptibles de répondre aux préoccupations de concurrence.

Le nouvel article L. 752-27 ouvre à l'Autorité de la concurrence, en l'absence ou en cas d'insuffisance des engagements proposés, la compétence, au terme d'une procédure contradictoire, d'enjoindre aux entreprises ou aux groupes d'entreprises concernés d'une part, de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, tous accords et tous actes par lesquels s'est constituée la puissance économique qui limite le libre jeu de la concurrence, et, d'autre part, de procéder à la cession de surfaces, si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective dans la zone de chalandise considérée.

L' article 1 er , par les dispositions de l'article L. 410-3 nouveau qu'il insère au code de commerce, introduit une procédure de consultation de l'Autorité de la concurrence préalable à l'adoption par le Gouvernement, par décret en Conseil d'Etat, de mesures réglementant les marchés de gros dans les secteurs de certaines collectivités ultramarines pour lesquels les conditions d'approvisionnement ou les structures de marché limitent le libre jeu de la concurrence.

Le même article, ainsi que l'article 3 , par les modifications qu'ils apportent aux dispositions des articles L. 462-5 et L. 462-6 du code de commerce, font entrer dans le champ des compétences de l'Autorité de la concurrence toute pratique contraire aux mesures de régulation prises en application de l'article L. 410-3 nouveau du code de commerce.

L'article 2 du projet de loi fait entrer dans le champ des compétences de l'Autorité de la concurrence les pratiques prohibées en vertu des dispositions de l'article L. 420-5-1 nouveau, introduit au code de commerce par ce même article.

4.3.3 Sur les services de l'Etat à Mayotte

L'article 9 , s'il ne porte, à ce stade, qu'habilitation à procéder par voie d'ordonnance, aura un impact, par les mesures susceptibles d'être adoptées ultérieurement, sur l'activité des services de l'Etat (services de lutte contre l'immigration clandestine, services sanitaires et sociaux notamment). En effet, les mesures envisagées concernent le regroupement familial, mais aussi les conditions de circulation des migrants, celles de leur éloignement, y compris pour des motifs d'ordre public, ainsi que celles de leur rétention dans ce cadre. A ce stade, une réflexion interministérielle sur l'ensemble de la politique migratoire à Mayotte a été engagée et devrait porter ses fruits avant la fin de l'année 2012.

4.3.4 En Nouvelle-Calédonie et Polynésie française

L'article 10 , qui porte homologation des peines d'emprisonnement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, rend désormais possible l'exécution de telles peines, et pourrait donc avoir des effets sur la population carcérale dans ces territoires.

4.3.5 A Wallis-et-Futuna

L'article 7 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures étendant à Wallis-et-Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative intervenues au livre IV du code de commerce depuis le 18 septembre 2000. Ainsi, sera permise la pleine application des dispositions du chapitre 1 du projet de loi.

En effet, si les dispositions de l'article L. 950-1 du code de commerce, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2000-912 du 12 septembre 2000, rendent applicables à Wallis-et-Futuna les dispositions du livre IV du même code, aucune mention expresse n'est venue, depuis, étendre à ce territoire l'application des modifications apportées à ce livre IV postérieurement à 2000, et plus particulièrement celles issues de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 créant l'Autorité de la concurrence et lui transférant les pouvoirs de l'ancien Conseil de la concurrence.

Il en résulte que les dispositions du livre IV du code de commerce telles que modifiées postérieurement à 2000 ne sont pas applicables à Wallis-et-Futuna. Ainsi, le I de l'article 1 er du projet de loi qui permet au Gouvernement de prendre les mesures réglementaires visant à organiser le marché de gros est susceptible de s'appliquer à Wallis-et-Futuna, alors que les II et III du même article, qui prévoient l'intervention de l'Autorité de la concurrence pour sanctionner, le cas échéant, la méconnaissance de ces prescriptions réglementaires ne s'appliquent pas dans cette collectivité.

CHAPITRE 5 : LES CONSULTATIONS

5.1 APPLICATION DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI DANS LES DIFFERENTES COLLECTIVITES

Les articles 1 à 5 modifient certaines parties du code de commerce :

- Le titre Ier du livre IV (article 1er) ;

- Le titre II du livre IV (article 2) ;

- Le titre III du livre IV (article 4) ;

- Le titre VI du livre IV (articles 1er, 2 et 3) ;

- Le titre V du livre VII (article 5).

Pour ce qui est des collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, les dispositions du code de commerce s'appliquent de plein droit, et plus particulièrement, s'agissant de Mayotte , il ressort des dispositions du titre II du livre IX du même code que les parties affectées par le projet n'ont fait l'objet d'aucune adaptation spécifique.

Les dispositions du code de commerce affectées par le projet de loi ne sont pas au nombre de celles que les dispositions de l'article L. 940-1 du même code rendent applicables à la Polynésie française .

Il en va de même pour la Nouvelle-Calédonie, aux termes de l'article L. 930-1, et plus particulièrement de ses 4° et 7°.

S'agissant des îles Wallis et Futuna , il ressort des dispositions du 4° de l'article L. 950-1 du code de commerce que les dispositions du livre IV du même code sont applicables, mais qu'en revanche, en vertu des dispositions du 7° du même article, les dispositions du livre VII affectées par le projet de loi ne le sont pas. Toutefois, la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 créant l'Autorité de la concurrence n'a pas été expressément étendue à Wallis-et-Futuna.

Pour ce qui est des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin , les dispositions du code de commerce s'appliquent de plein droit, et il ressort des dispositions du titre VI du même code que les parties affectées par le projet n'ont fait l'objet d'aucune adaptation spécifique.

Il ressort de tout ce qui précède, et la rédaction du projet de loi en tire les conséquences, que :

- les dispositions des articles 1 à 4 du projet de loi sont applicables aux collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et aux collectivités d'outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Seules les dispositions du I des articles 1 et 2 sont applicables à la collectivité d'outre-mer de Wallis-et-Futuna ;

- les dispositions de l'article 5 sont applicables aux collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et aux collectivités d'outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Afin de rendre applicables à Wallis et Futuna les dispositions législatives du livre IV du code de commerce intervenues depuis le 18 septembre 2000, l'article 7 accorde au Gouvernement une habilitation pour procéder par ordonnance aux extensions nécessaires. Le dépôt du projet de loi de ratification de l'ordonnance doit intervenir dans un délai de six mois suivant la publication de l'ordonnance.

Eu égard aux compétences dévolues à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, il n'est pas prévu d'adapter ces dispositions par voie d'ordonnance à ces territoires. En revanche, un travail commun a été engagé pour les aider à adopter - et à mettre en oeuvre effectivement - celles des dispositions qu'elles jugeront utiles à leur situation.

L' article 6 modifie les dispositions de l'article L. 34-10 du code des postes et des communications électroniques, relatif aux prestations d'itinérance ultramarine.

Aux termes du 17° bis de l'article L. 32 du même code, on entend par prestation d'itinérance ultramarine celle qui est fournie par un opérateur de radiocommunications mobiles déclaré sur le territoire de la France métropolitaine, d'un département d'outre-mer, de Mayotte, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon à un autre opérateur de radiocommunications mobiles fournissant des services de communications mobiles sur réseau public terrestre dans un autre de ces territoires, en vue de permettre l'utilisation du réseau du premier, dit "opérateur du réseau visité", par les clients du second, dit "opérateur du réseau d'origine", pour émettre ou recevoir des communications à destination de l'un de ces territoires ou d'un Etat membre de l'Union européenne.

L'article 8 introduit une dérogation à l'obligation, pour les collectivités territoriales ou groupement de collectivités territoriales lorsqu'elles sont maître d'ouvrage d'une opération d'investissement, d'assurer une participation minimale au financement de ce projet. Cette dérogation ne concerne ni la Polynésie française ni la Nouvelle-Calédonie, pour lesquelles cette obligation n'est pas prévue par les lois organiques régissant leurs statuts respectifs.

L'article 10 porte homologation législative de peines d'emprisonnement prévues par la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.

5.2 CONSULTATIONS

Eu égard aux modalités d'application des dispositions du projet de loi aux différentes collectivités d'outre-mer, doivent faire l'objet d'une saisine pour avis les collectivités suivantes :

- Guadeloupe

- Martinique

- Guyane

- La Réunion

- Mayotte

- Saint-Pierre et Miquelon

- Saint-Martin

- Saint-Barthélemy

- Mayotte

- Nouvelle-Calédonie

- Wallis et Futuna

- Polynésie française

La consultation de l'Autorité de la concurrence ne s'impose pas, s'agissant d'un projet de loi. Toutefois, le projet de loi lui a été soumis pour recueillir son avis sur celles des dispositions affectant le code de commerce.

CHAPITRE 6 : LES MODALITES D'APPLICATION

6-1 TABLEAU DES MESURES D'APPLICATION

Sans objet, dès lors qu'il n'est besoin d'aucune mesure d'application pour que la loi produise ses effets.

6-2 CALENDRIER DE MISE EN OEUVRE

La loi entrera en vigueur le lendemain de sa publication au Journal Officiel , à l'exception des dispositions de l'article 2 qui entreront en vigueur dans un délai de quatre mois.

ANNEXES

ANNEXE 1 :

Tableau des homologations des peines d'emprisonnement adoptées par les lois du pays de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie dans le cadre de l'exercice des compétences partagées avec l'Etat

ANNEXE 2 :

Avis n°09-A-45 de l'Autorité de la Concurrence du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d'outre-mer du 8 septembre 2009

ANNEXE 3 :

« Comparaison des prix entre les DOM et la métropole en 2010 »

Jean-Pierre Berthier, Jean-Louis Lhéritier et Gérald Petit, Département des Prix à la consommation, des ressources et des conditions de vie des ménages (Insee Première n°1304 - juillet 2010)

Sont également consultables sur Internet :


• « Les régions ultrapériphériques européennes dans le marché unique : le rayonnement de l'UE dans le monde »

Rapport au Membre de la Commission européenne Michel Barnier présenté par Pedro Solbes Mira, ancien ministre espagnol de l'agriculture et de l'économie et des finances, ancien Commissaire européen (12 octobre 2011)

http://ec.europa.eu/internal_market/outermost_regions/docs/report2011_fr.pdf


• « L'ultrapériphéricité définit-elle un modèle de croissance ? »

Directeur de la publication : Jean Gaillard. Rédactrices en chef : Réjane Hugounenq et Valérie Reboud (AFD)

http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=24&ref_id=16693


• « Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d'évolution », Gérard Forgeot, Cynthia Celma (Insee - juillet 2009)

http://www.insee.fr/fr/insee_regions/martinique/themes/etudes_detaillees/inegalitesAG/inegalitesAG.pdf


* 1 Avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d'outre-mer

* 2 Il s'agit de l'écart de prix au sens de Fischer : moyenne géométrique de l'écart de prix calculé en prenant comme référence le panier des consommations (ici alimentaires) de métropole et de l'écart de prix calculé en prenant comme référence le panier des consommations du DOM (Enquête INSEE Première : Comparaison des prix entre les DOM et la métropole en 2010).

* 3 « Small economies and competition policy : a background paper », OECD Global Forum on Competition.

* 4 VSA= Vessel Sharing Agreement , accord de partage de vaisseau. Il s'agit d'une mise en commun des navires, sans accord de prix.

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