EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'accueil des gens du voyage est une tâche nécessitant une importante flexibilité et réactivité pour les collectivités territoriales. Et si le cadre fondamental de l'accueil des gens du voyage a été posé il y a près de vingt ans par la loi « Besson » n° 2000-614 du 5 juillet 2000, de nombreuses problématiques concrètes demeurent sur le terrain. En effet, des insuffisances dans les possibilités actuelles d'action des acteurs territoriaux et de l'État engendrent parfois un sentiment d'impuissance pour les élus locaux, tout en étant source de difficultés pour les gens du voyage eux-mêmes, placés trop souvent dans une position d'usager passif plutôt que de partenaire responsable de la politique d'accueil.

La configuration actuelle de la palette des solutions pour l'accueil des gens du voyage s'adapte insuffisamment aux concentrations saisonnières et géographiques, qui reflètent les mouvements de cette population. Ces concentrations ponctuelles tendent à imposer une charge importante pour les capacités d'accueil de territoires très circonscrits, alors que les capacités de certains territoires pourtant adjacents demeurent sous-utilisées. Cette situation est l'une des causes des occupations illicites de terrains, qui constituent un problème inacceptable auquel sont depuis longtemps confrontés les élus.

Vingt ans après la loi « Besson », trois constats s'imposent donc : les outils à disposition des acteurs de terrain pour assurer le bon accueil des gens du voyage restent à perfectionner, les gens du voyage eux-mêmes demeurent insuffisamment impliqués, et les occupations illégales continuent trop souvent en toute impunité.

L'adoption de la loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018 a déjà été un pas dans la bonne direction. Malheureusement, pour rendre possible un aboutissement rapide de ce texte dans le contexte d'alors, la navette parlementaire n'a pas pu permettre de concrétiser un certain nombre des propositions votées par le Sénat.

Par conséquent, les auteurs de la présente proposition de loi estiment qu'il demeure nécessaire d'aller plus loin, en retravaillant les dispositifs adoptés par la Haute assemblée à l'époque, et en ouvrant de nouvelles pistes. Celles-ci visent à la fois à améliorer les outils de gestion des flux impliquant tant les collectivités que les préfets, à rénover les pans du droit de l'accueil des gens du voyage qui le nécessitent et, enfin, à donner aux collectivités des outils adaptés pour lutter efficacement et rapidement contre les occupations illégales, au moyen d'un dispositif de sanction plus robuste et décisif.

L' article 1 er crée un cadre législatif pour les stratégies régionales de gestion de flux (SRGF) et, en particulier, pour le recensement de ces flux et donc, à l'anticipation des saturations, afin d'harmoniser les pratiques administratives sur le territoire national et de donner une meilleure lisibilité du système pour les gens du voyage eux-mêmes.

Pour associer pleinement dans chaque région les collectivités concernées - départements et bloc communal -, il prévoit une information régulière de celles-ci sur l'ampleur et la répartition géographique des flux et populations concernées, ainsi que la consultation annuelle par le préfet de région des départements au sujet de la mise en oeuvre des SRGF.

Ces stratégies rénovées s'accompagnent d'un cadre de nature incitative, qui permettrait à certains groupes ne tombant pas dans le dispositif actuel des « grands passages » de bénéficier, s'ils choisissent d'informer le préfet de leur destination, d'une priorité d'installation en cas de saturation des aires. Cette réorientation nécessiterait l'accord de la collectivité de destination finale.

Enfin, ce dernier dispositif s'articule avec les « réservations préalables » des places d'aires créées par l'article 2, de telle sorte que les gens du voyage faisant l'objet d'une réorientation vers des aires dotées de places libres y bénéficieraient automatiquement d'une réservation, consolidant ainsi les incitations à participer de bonne foi au dispositif.

L' article 2 établit un cadre législatif pour la mise en place de dispositifs de réservation préalables à l'accès aux aires d'accueil des gens du voyage, et l'articule avec l'orientation des flux prévue à l'article 1 er , de manière à limiter le nombre de démarches à effectuer par les gens du voyage acceptant d'être réorientés.

L' article 3 vise à renforcer le poids des communes et intercommunalités dans le cadre de l'élaboration du schéma départemental de coopération intercommunale, en en renversant la logique, et obligeant le préfet à obtenir l'accord de la CDCI à la majorité des deux tiers. Cela consolidera le rôle des élus locaux en amont des décisions portant sur l'accueil des gens du voyage.

L' article 4 , déjà voté par le Sénat au moment de l'examen de la loi « égalité et citoyenneté » puis de la loi « Carle », a pour objectif de soutenir les collectivités territoriales en proposant de comptabiliser en tant que logements sociaux les emplacements des aires permanentes d'accueil des gens du voyage au titre de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation.

L' article 5 , également voté par le Sénat au moment de l'examen de la loi « Carle », vise à supprimer la procédure de consignation de fonds à l'encontre des communes et des EPCI ne respectant pas le schéma départemental d'accueil des gens du voyage. En effet, cette procédure représente un dispositif coercitif portant significativement atteinte à l'autonomie financière des collectivités du bloc communal et à leur libre administration.

L' article 6 s'inscrit dans le cadre d'une démarche sénatoriale ancienne de lutte contre la fraude électorale. Au moment de l'examen de la loi « égalité et citoyenneté » à la fin de l'année 2016, le Sénat s'était inquiété du risque que la suppression de la commune de rattachement affaiblisse les outils de lutte contre la fraude électorale, et avait suggéré son maintien par l'intégration dans la loi « Besson ».

Prenant acte de la fin de la notion administrative de commune de rattachement, les auteurs de la présente proposition de loi suggèrent cependant de réintroduire dans la loi électorale certaines des garanties les plus opportunes qui y étaient associées, et dont la constitutionnalité n'avait par ailleurs pas été remise en cause par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Pour cela, ils proposent de restaurer une limite à 3 % de la population communale pour les inscriptions des gens du voyage sur les listes électorales, tout en permettant d'y déroger dans les cas où la présence du centre des intérêts moraux et matériels d'une personne le justifierait.

L' article 7 propose un ajustement purement correctif du texte de l'article 9 de la loi « Besson », afin de remédier à un oubli du législateur, qui avait donné lieu à une censure par la décision n° 2019-805 QPC du 27 septembre 2019 du Conseil Constitutionnel.

L' article 8 comporte plusieurs volets, visant à renforcer la robustesse des outils de lutte contre les installations illicites.

Premièrement, il établit un dispositif d'astreinte solidaire, qui constituera un outil puissant dans la lutte contre les installations illicites. Cette mesure de police administrative, assortie à la mise en demeure de quitter les lieux du préfet, si les collectivités en font la demande, impliquerait le paiement d'une astreinte jusqu'à 100 € par jour et par résidence mobile. Étant solidaire, elle serait directement payable à la commune ou l'EPCI par tout ou partie des personnes du groupe illégalement installé, selon une procédure plus rapide et efficace que le recours aux dispositifs actuels.

Deuxièmement, cet article permet le doublement de la durée de la mise en demeure d'expulsion, dans la lignée des dispositions votées par le Sénat durant l'examen de la loi « Carle ».

Enfin, il modifie la nature de la compétence du préfet en matière d'évacuation forcée. Celle-ci deviendrait une compétence liée, et non plus discrétionnaire, imposant par là au représentant de l'État d'agir lorsque les conditions sont réunies.

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