EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise sanitaire, couplée à la digitalisation grandissante de notre société, a révélé comment l'inégal accès de nos concitoyens au numérique crée une rupture d'égalité et renforce les injustices. Les confinements ont jeté une lumière crue sur la détresse de 13 millions de personnes en situation d'illectronisme 1 ( * ) . Aujourd'hui, près d'un français sur deux n'est pas à l'aise avec le numérique, et près d'un sur cinq en reste totalement exclu.

Pour beaucoup, travailler, étudier, accéder à ses droits, et même se soigner devient un défi insurmontable. Car, non seulement l'accès matériel au numérique est trop coûteux, mais aussi, son utilisation, loin d'être simple et intuitive, suppose d'en maîtriser les codes. Savoir utiliser les ressources numériques courantes (Internet, traitement de texte...) est devenu presque aussi indispensable que savoir lire, écrire et compter.

Pourtant, dès 1999, Lionel Jospin pointait ce risque. Si nos concitoyens sont encore si nombreux à connaître des difficultés dans l'utilisation et/ou l'accès au numérique, c'est donc que notre société a échoué et n'a pas réussi à apporter de bonnes réponses ou du moins pas suffisamment.

Ce qu'il faut appeler un échec est en fait lié à l'absence de politique publique à proprement parler aujourd'hui en France.

Sur le terrain, si les initiatives publiques et privées se multiplient, le foisonnement de l'offre de médiation, l'atomisation des initiatives et les différents niveaux de décision rendent les actions difficilement visibles pour les potentiels bénéficiaires, ce qui est contre-productif. Parallèlement, certaines structures ont du mal à toucher les publics les plus éloignés du numérique. Or, tout comme dans la lutte contre l'illettrisme, la difficulté de l'illectronisme réside dans la capacité à atteindre ceux qui ont le plus besoin d'accompagnement.

Nous souffrons donc d'un manque de définition, de structuration et de pilotage des politiques publiques en matière de lutte contre l'exclusion numérique.

Pour y remédier, nous devrions, comme l'a indiqué le Conseil Économique, Social et Environnemental 2 ( * ) « faire du numérique un service public à part entière qui réponde aux principes de continuité, de mutabilité, d'égalité et de neutralité. »

La Commission Supérieure du Numérique et des Postes s'est, elle aussi, prononcée en faveur d'une politique publique d'inclusion numérique au service de tous 3 ( * ) .

Cela suppose que cette compétence soit explicitement dévolue à l'une des collectivités territoriales. Compte tenu de sa mission de solidarité territoriale, particulièrement en dehors des territoires urbains, de lutte contre toutes les formes d'exclusion et d'accompagnement social et de retour vers l'emploi, le département est l'échelon idoine pour mener cette politique, étant précisé que, dans les faits, de nombreux départements se sont déjà saisis de cette problématique.

Afin de clarifier le paysage en matière d'inclusion numérique et de lutte contre l'illectronisme et rendre plus lisibles les actions menées, cette proposition entend donc donner explicitement au conseil départemental la compétence pour mettre en oeuvre toute aide ou action dans ce domaine ( article 1 er ), et, plus précisément, à leur en donner le « chef de filat » ( article 2 ).

L' article 3 , quant à lui, instaure l'élaboration d'un schéma d'inclusion numérique et de lutte contre l'illectronisme par chaque département. Pour ce faire, il pourra notamment s'appuyer sur les initiatives et structures existantes (les associations, La Poste, les Maisons France Service, ...). Avec ce schéma, non seulement les questions d'illectronisme seront plus systématiquement prises en compte, mais la politique départementale en la matière sera aussi clairement définie et gagnera en efficacité en rendant les diverses actions mieux coordonnées sur et entre les territoires, meilleure plus lisibles et donc plus visibles aux yeux des usagers.

Enfin, l'article 4 constitue le gage de cette proposition de loi qui prévoit une majoration de la dotation globale de fonctionnement en s'appuyant sur la taxe dite « GAFAM ».


* 1 « L'illectronisme désigne le fait de ne pas posséder les compétences numériques de base (envoyer des courriers électroniques, consulter ses comptes en ligne, utiliser des logiciels, etc.) ou de ne pas se servir d'Internet (incapacité ou impossibilité matérielle). » Une personne sur six n'utilise pas Internet, plus d'un usager sur trois manque de compétences numériques de base, INSEE Première n°1780, octobre 2019.

* 2 Avis du 8 juillet 2020 Services publics, services au public et aménagement des territoires à l'heure du numérique .

* 3 Avis du 24 juillet 2020.

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