EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans un contexte de lutte contre le dérèglement climatique, il est impératif que l'État soutienne le développement du transport ferroviaire afin de favoriser efficacement le report modal. L'alternative à la voiture individuelle, particulièrement en milieu rural, et aux passages incessants de poids lourds, passe inéluctablement par le désenclavement des territoires à travers un maillage équilibré en dessertes ferroviaires en état normal de fonctionnement.

La lutte contre le changement climatique ainsi que l'accomplissement de nos objectifs européens de réduction de gaz à effet de serre 1 ( * ) ne peuvent être menés sans la décarbonation progressive du secteur des transports prévue dans notre pays en 2050, en vertu de la loi n°2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

Or, l'acceptabilité sociale de la transition écologique dépend d'un bon maillage ferroviaire, en particulier dans la ruralité. Un niveau minimum de service pour les lignes voyageurs, fret et mixtes doit donc être garanti. Les besoins sont considérables et les attentes de certains territoires, tels que le Massif central, véritable désert ferroviaire, doivent enfin être entendues.

Si ces quinze dernières années ont été marquées par une reprise des investissements dans les infrastructures ferroviaires, ce sursaut n'a pas permis de rattraper le retard accumulé durant des décennies de sous-investissement chronique en matière d'entretien et de rénovation du réseau, l'âge moyen de celui-ci dépassant désormais 29 ans pour le réseau structurant et 40 ans en moyenne pour les lignes de desserte fine du territoire, dont 40 % du réseau serait menacé s'il n'était pas rénové, comme l'a relevé le rapport Philizot 2 ( * ) . Ce désengagement de l'État entraîne des conséquences concrètes et désastreuses : ralentissements, retards, fermeture de lignes et enfin report sur le transport routier.

Dans son rapport intitulé Bilan et perspectives des investissements pour les transports et les mobilités , publié en mars 2022, le Conseil d'orientation des infrastructures juge ainsi que le niveau des crédits de renouvellement consacrés au réseau ferroviaire est « très en deçà du niveau requis pour enrayer significativement sa dégradation malgré leur augmentation spectaculaire engagée il y a quinze ans ». Les auteurs de la présente proposition de loi partagent ce constat et regrettent que le contrat de performance conclu entre l'État et SNCF Réseau pour la période 2021-2030 se contente de prévoir uniquement 2,85 milliards par an en euros courants.

Or, le rapport d'information sénatorial intitulé « Comment remettre la SNCF sur rail ? » 3 ( * ) , publié en mars 2022, estime qu'un milliard d'euros par an manquent à l'appel pour les dix prochaines années pour la seule régénération du réseau .

Les rapports se succèdent sans que l'on en tire enfin les conclusions qui s'imposent. Plutôt que des financements hasardeux, il s'agit par la présente proposition de loi de permettre, par un Grand emprunt de 45 milliards d'euros, d'assurer la pérennité des investissements pour les dix prochaines années et accorder une bouffée d'air à SNCF Réseau dans l'attente d'une réforme globale de son financement. En effet, il manque encore 10 milliards d'euros pour la régénération du réseau, en plus de la trajectoire à 28 milliards déjà enclenchée. A cela s'ajoutent les 35 milliards d'euros jugés nécessaires à la modernisation du réseau.

Le choix d'un emprunt national se justifie par l'épargne accumulée par les Français depuis le début de la crise sanitaire, mais surtout par la nécessité, dans un contexte international particulièrement volatil, de « renationaliser » la dette publique. Cette dernière est aujourd'hui détenue majoritairement par des investisseurs étrangers et émise sur les marchés financiers dont la fragilité n'est plus à démontrer. L'incertitude qui s'accroît sur le plan international doit nous inciter à agir également sur cet aspect stratégique de notre souveraineté.

Tel est donc l'objet de cette proposition de loi.


* 1 Le règlement UE 2021(1119) fixe un objectif de réduction de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 par rapport à 1990.

* 2 Devenir des lignes de desserte fine des territoires , février 2020.

* 3 MM. Hervé MAUREY et Stéphane SAUTAREL, rapport d'information au nom de la commission des finances sur la situation de la SNCF et ses perspectives, mars 2022.

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