EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les difficultés d'accès aux soins sont d'une actualité constante depuis plusieurs années et deviennent de plus en plus aiguës. Les élus locaux ou nationaux de même que les services de l'État sont donc plus en plus sollicités et interpellés sur le sujet.

En effet, ces derniers mois, les élus et habitants assistent impuissants et malgré leurs nombreuses protestations, aux fermetures brutales de services dans différents établissements faute de personnels (médecins, infirmiers, sages-femmes, anesthésistes ...). Cela suit les fermetures de lits continues dans nos hôpitaux, la délocalisation des centres 15 dans les grandes agglomérations. Viennent s'ajouter, la saturation des services d'urgences. Il en résulte une prise en charge très dégradée des patients ainsi qu'une réorientation des patients vers d'autres établissements hospitaliers des départements limitrophes.

Parallèlement à cela, dans le secteur de la médecine libérale, la situation est tout aussi préoccupante comme le révèle les données suivantes :

- Les déserts médicaux concernent aujourd'hui une commune sur trois.

- Entre 9 et 12 % de la population française vit aujourd'hui dans un désert médical, soit entre 6 et 8 millions de personnes.

- Les écarts de densité entre départements varient en moyenne de 1 à 3 pour les médecins généralistes.

- L'accès aux spécialistes est encore plus disparate, avec un rapport de 1 à 8, et même de 1 à 24 pour les pédiatres.

- Près de 9 % des assurés de plus de 16 ans n'ont pas de médecin traitant.

À titre d'exemple, la Nièvre compte 78 médecins généralistes pour 100 000 habitants : un chiffre qui la classe bien en-dessous de la moyenne nationale (108 généralistes pour 100 0000 habitants).

Cette situation risque de s'aggraver rapidement car la proportion des médecins de plus de 55 ans est 55% dans le département contre 48% à l'échelle nationale.

Cette situation participe à des différences d'espérance de vie inacceptables. À titre d'exemple, dans la Nièvre, la population a une espérance de vie inférieure de 5 ans à la moyenne nationale. Si on y ajoute le fait que 5 % des plus pauvres ont une espérance de vie inférieure de 13 ans aux 5 % des plus riches, on imagine l'inégalité que subit une partie très importante de la population nivernaise.

Ces constats viennent alimenter la triste expression de « déserts médicaux » qui s'est désormais imposée dans le débat public ces dernières années lorsque l'on parle de santé dans les territoires ruraux mais pas seulement car l'on connaît des situations tout aussi tendues dans certains territoires urbains.

Cette situation dramatique devient insupportable à vivre pour les patients et les personnels de santé et est insoutenable à porter pour les élus qui se battent sans relâche au quotidien pour trouver des solutions afin de pallier le manque de personnels de santé (en recrutant des médecins salariés, en multipliant les plans de santé, en finançant des bourses pour les étudiants...).

Notre système de santé souffre d'inégalités évidentes et palpables d'accès aux soins d'origine géographique et financière, du poids encore prépondérant de l'exercice médical isolé et d'un cloisonnement entre les différents professionnels de santé et enfin entre les différents secteurs de l'offre de soins (établissements de santé, établissements médico-sociaux, ville, établissements publics ou privés).

Partant de ce constat, cette proposition de loi présente un certain nombre de mesures relevant de plusieurs volets visant à garantir l'égalité d'accès aux soins, à encadrer les dérives et à améliorer l'attractivité des zones non sur-dotées et en particulier des zones sous-dotées.

Le chapitre 1 er incite les médecins à s'installer en zone sous-dense. Il se découpe en deux articles :

L' article 1 conditionne la signature de la convention prévue par l'article L.162-5 pour un médecin souhaitant exercer dans une zone sur-dotée, à l'exercice de son activité dans une zone dite « normale » d'au moins douze mois en équivalent temps plein sur une période de trois ans. La période est réduite à six mois en équivalent temps plein sur une période de trois ans dans une zone sous-dotée.

Pendant cette durée totale de trois années, les modes d'exercice pourront bien entendu être souples : libéral, salarié, et même en temps partagé hôpital-cabinet, pour permettre le travail d'équipe et le contact régulier avec un ou plusieurs confrères référents, remplaçant d'un médecin (article L.4131-2), adjoint d'un médecin (article L.4131-2-1), signataire avec une agence régionale de santé d'un contrat prévu par l'article L.1435-4-2, salarié d'un médecin libéral ou d'un centre de santé.

L'article 2 crée une obligation d'exercice de la médecine générale en zone sous-dense d'une durée de six mois en équivalent temps plein pour les nouveaux médecins diplômés, qui envisageraient de ne pas exercer en tant que médecins face à des patients.

Les modes d'exercice pourront bien entendu être souples : libéral ou salarié, en cabinet ou à l'hôpital.

En effet, dès 2015, dans l'éditorial de l'Atlas du Conseil National de l'Ordre des Médecins (CNOM), le Docteur Jean-François Rault, Président de la Section Santé Publique et Démographie Médicale, annonçait que « chaque année, pas moins de 25% des médecins diplômés d'une faculté française décident de ne pas s'inscrire à l'Ordre pour exercer d'autres professions, dans le journalisme ou l'administration par exemple, au détriment du soin ». Même si le chiffre cité peut être baissé dans les années qui ont suivies, il est à noter que déjà en 2015 près d'un quart des étudiants diplômés ne pratiquaient pas la médecine sur les 8000 diplômés. Alors que les déserts médicaux se développent, il devient urgent de lutter contre ce phénomène « d'évaporation des médecins » qui a un impact réel sur l'accès aux soins de nos concitoyens.

Le chapitre 2 se divise en 4 articles pour rendre plus juste l'accès aux soins et rééquilibrer les conditions de travail des professionnels afin d'améliorer l'attractivité de la profession.

L'article 3 supprime le forfait patient urgences (FPU) dans les sous-dotées, entré en vigueur depuis le 1 er janvier 2022. Le FPU n'est pas un bon outil pour répondre aux problèmes que rencontre les urgences. Bien au contraire, il accentue les inégalités territoriales et écarte une partie des habitants de l'unique offre de soin sur leur territoire. Enfin, il cristallise et soulève des problématiques plus larges : les déserts médicaux, le manque de dotations, les conditions de travail, les départs du personnel, la difficulté d'accès aux soins ...

L'article 4 vise à encadrer les modalités d'exercice de l'intérim médical dans les établissements de santé. Le Gouvernement avait promis en 2020 de mettre fin au « mercenariat de l'intérim médical », or malgré la promulgation de la loi Rist en avril 2021, rien n'a été fait à ce jour. Il est donc proposé ici de réguler l'intérim à l'hôpital et de le limiter dans le temps. Ainsi, l'exercice de l'activité de médecine intérimaire ne pourra dépasser 6 mois cumulés par période de 5 ans. Cette possibilité est portée à 24 mois dans les zones en sous-densité.

L'article 5 vise à rééquilibrer les conditions de cotisations sociales, les garanties de revenu et l'aide à l'installation afin qu'ils bénéficient de la même manière aux médecins libéraux qu'à la médecine salariée et donc aux employeurs des médecins salariés. En effet, il est indispensable que les garanties de revenu proposées aux médecins libéraux puissent s'appliquer aux centres de santé pour les accompagner dans l'équilibre de leurs recettes. Parce qu'il est urgent, pour couvrir les besoins de santé sur nos territoires ruraux de pouvoir compter sur l'exercice des médecins libéraux mais aussi des médecins salariés, les modalités juridiques d'exercice de la profession doivent donc être neutres d'un point de vue fiscal, social et des aides à l'installation diverses.

L'article 6 est un gage financier à cette proposition de loi dans son intégralité.

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