EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Fermeture de lits, difficulté d'accès aux soins, pénurie de soignants, fermeture de services d'urgence : la pandémie de Covid-19 a jeté une lumière crue sur les insuffisances d'un système de santé à bout de souffle.

Ces difficultés ne sont pourtant pas nouvelles et les soignants se mobilisent depuis plusieurs années déjà afin d'alerter de cette dégradation. La crise de la Covid-19 a encore aggravé ces fragilités et notre système de santé n'a tenu, dans cette période exceptionnelle, que grâce (et aux dépens) des professionnels de santé.

Dans le secteur de la médecine libérale, la situation est également très préoccupante et contribue fortement à l'engorgement de l'hôpital public.

Aujourd'hui, 11 % des Français -6 millions de personnes - nont pas de médecin traitant.

Ce sont plus de 8 millions de Français qui, faute dun praticien suffisamment proche de chez eux, ne peuvent consulter plus de deux fois par an.

Il existe en France une véritable pénurie de médecins généralistes du fait notamment de la diminution du numerus clausus jusqu'au début des années 2000.

Ce phénomène tend à s'aggraver du fait de l'augmentation de la demande de soin lié au vieillissement de la population et du départ à la retraite d'un grand nombre de médecins généralistes non remplacés. Le nombre de médecins généralistes a diminué de 1 % par an entre 2017 et 2021.

Aussi, les inégalités territoriales daccès aux soins ne cessent de se creuser. Une partie croissante de la population peine à organiser son parcours de soins : 30,2 % de la population vit dans un désert médical.

Vivre dans une zone sous-dense multiplie par deux le taux de renoncement aux soins, avec tous les risques que cela implique. Ce renoncement est multiplié par huit lorsque le fait de vivre dans un désert médical se couple à une « pauvreté en conditions de vie », selon la DREES.

Sils touchent en priorité les territoires ruraux, les déserts médicaux ne sont pas l'apanage des campagnes et lon connaît des situations tout aussi tendues dans certains territoires urbains tels que l'Île-de-France.

Quelles soient liées à la fermeture des urgences ou à labsence de praticien à proximité, les difficultés daccès aux soins ont la même conséquence : une baisse de la qualité des soins, et une perte de chance parfois dramatique qui met en péril lun des principes fondamentaux de la Sécurité sociale : l'égal accès aux soins.

Cette situation dramatique devient insupportable à vivre pour les patients et insoutenable à porter pour les élus qui se battent sans relâche au quotidien pour trouver des solutions afin de pallier le manque de personnel de santé (en recrutant des médecins salariés, en multipliant les plans de santé, en finançant des bourses pour les étudiants...).

La désertification médicale nest pas un épiphénomène, que lon résoudrait par une accumulation dincitations financières et matérielles.

Ainsi, à titre dexemple et selon un rapport de la commission « gestion des risques » de lAssurance Maladie présenté le 8 juillet 2022, moins de 5 000 médecins libéraux ont décidé dadhérer au contrat daide à linstallation depuis sa création en 2017 dont plus de la moitié concernaient des praticiens déjà en place.

Laide à linstallation proprement dite (jusqu'à 50 000 euros) a seulement été accordée à 2 085 médecins, essentiellement généralistes, durant cette période.

Loin d'être enrayée, la désertification médicale et les inégalités daccès aux soins sur le territoire se sont même accentuées ces dernières années. On compte 2,6 fois plus de généralistes par habitant dans le département le mieux doté que dans le département le moins bien doté en France métropolitaine (2,1 en 2016). Cet écart de densité médicale monte à 11 pour les ophtalmologues, et à 24 pour les pédiatres.

Pour autant, il apparaît que la situation saméliore pour certaines professions médicales comme les sages-femmes, les infirmières, les orthophonistes ou encore les masseurs kinésithérapeutes pour qui les dispositifs incitatifs ont été couplés à des contraintes dinstallation en zones sur-dotées.

Le problème est structurel, lurgence est réelle, et des réponses concrètes et ambitieuses sont plus que jamais nécessaires pour préserver notre modèle de soins. Pour ne pas laisser nos concitoyens dans la détresse, sans solution pour se soigner et afin dassurer l'égalité des Français dans laccès à la santé, il appartient au législateur et au gouvernement dagir.

Pour répondre à lurgence, la présente proposition de loi vise à améliorer la présence de professionnels de santé libéraux dans les zones sous-dotées, et garantir laccès aux soins pour tous sur lensemble du territoire.

L'article 1 vise à l'instauration d'une année de professionnalisation obligatoire dans les déserts médicaux pour les médecins généralistes en fin de formation avec un double objectif de professionnalisation, de meilleure reconnaissance de la spécialité de médecine générale et de lutte contre les déserts médicaux.

Cette mesure permettrait de déployer 4 000 jeunes médecins généralistes dans les zones sous denses, soit en moyenne 40 médecins par département.

Cette année sera accompagnée d'un encadrement pédagogique renforcé avec des médecins maîtres de stage et une reconnaissance de cet exercice comme une médecine à part entière avec une rémunération nette de 3 500 € par mois.

Il s'agit donc d'un dispositif hors internat dont les modalités de mise en oeuvre seront discutées avec toutes les parties prenantes, et en particulier les organisations syndicales des étudiants de troisième cycle des études de médecine générale.

En outre, cette proposition s'articule autour des départements. Les étudiants choisissent leur futur lieu d'exercice sur une liste départementale fixée par une commission départementale d'affectation et d'accompagnement à l'exercice de l'année de professionnalisation.

Cette commission départementale est composée de représentants des unités de formation et de recherche de médecine correspondante, de la délégation départementale de l'agence régionale de santé, du Conseil départemental, du conseil départemental de l'ordre des médecins, de l'union régionale des professionnels de santé, ainsi que de l'association des maires de France.

Les Département pourraient également gérer les conditions matérielles d'accueil des étudiants ainsi que l'accompagnement dans l'installation « définitive » des jeunes médecins post-formation.

Cela s'inscrit dans la lignée de nos propositions déjà formulées pour développer la démocratie sanitaire territoriale dans le projet de loi différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification.

L'article 2 vise à mettre en place une organisation coordonnée du parcours de soins de premiers recours.

Cette mesure a pour objectif de faciliter, pour chaque patient, dans chaque territoire, grâce au gain de temps médical et à la coordination entre les professionnels, une prise en charge par une équipe de soins primaires de proximité.

L'exercice coordonné dans des équipes de soins primaires pourra prendre la forme d'une convention d'équipe de soins primaires, d'une maison de santé pluri-professionnelle ou d'un centre de santé.

Cette nouvelle organisation de soins coordonnée centrée sur la répartition des actes entre le médecin traitant et les autres professionnels de santé au travers d'un protocole dûment établit par l'équipe, permettra de dégager du temps médical en priorité pour les patients sans médecin traitant et/ou en ALD à ce jour.

L'équipe de soins sera coordonnée par un médecin généraliste et devra être la plus inclusive possible associant, le cas échéant, des spécialistes de second recours dont le rôle dans le parcours de soin est lui aussi important. Cette équipe soignante devra également être renforcée par des assistants médicaux et des infirmières de pratique avancée.

Cette coordination optimisée entre les professionnels de santé doit permettre une prise en charge plus adaptée des patients et en particulier la prise en charge de nouveaux patients n'ayant pas de médecin traitant référent (6 millions aujourd'hui en France).

Larticle 3 vise à rétablir lobligation de garde pour les médecins libéraux selon des modalités fixées contractuellement avec lagence régionale de santé.

Depuis 2002 et la décision du ministre Jean-François Mattei de supprimer lobligation de garde des médecins libéraux, on observe une érosion de la permanence des soins.

Le volontariat nest plus suffisant pour répondre à la demande de permanence des soins sur le territoire, cela est particulièrement avéré dans les déserts médicaux. La revalorisation du prix de consultation na pas fait ses preuves et aujourd'hui lengorgement des urgences est directement lié à un manque de gardes de la part de la médecine libérale.

Les maisons médicales de garde ont été une première réponse apportée au besoin de permanence des soins, mais il convient aujourd'hui de revenir sur lerreur de 2002 et de rendre obligatoire la permanence des soins pour la médecine de ville.

La continuité du service public en matière de permanence des soins relève des agences régionales de santé. Il convient qu'elle soit assurée de manière prioritaire par les établissements publics de santé, mais également par les médecins libéraux, lorsque loffre de soins du territoire de santé lexige, notamment dans des disciplines comme lophtalmologie ou la radiologie.

En complément dune meilleure répartition des médecins libéraux sur le territoire, il est donc proposé de rendre obligatoire la participation à la permanence des soins pour les professionnels libéraux. Cette mission sera assurée en collaboration avec les établissements de santé et en concertation avec les professionnels regroupés, le cas échéant, sous la forme d'une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS).

L'article 4 vise à étendre aux médecins libéraux un dispositif de régulation à l'installation qui existe déjà pour plusieurs autres professionnels de santé (pharmacies, infirmiers, masseurs-kinésithérapeute, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, orthophonistes)

Elle prévoit que, dans des zones définies par les ARS en concertation avec les syndicats médicaux dans lesquelles existent un excédent en matière doffre de soins, un nouveau médecin libéral ne peut sinstaller en étant conventionné à lassurance-maladie que lorsqu'un médecin libéral de la même zone cesse son activité.

Le principe de la liberté dinstallation demeure donc, mais le conventionnement nest possible que de manière sélective pour les nouvelles installations dans les zones sur-dotées.

Ladoption dun tel principe de conventionnement sélectif des médecins libéraux permettrait de compléter utilement les dispositifs dincitation à linstallation dans les zones sous-dotées.

Pour lutter plus efficacement contre la désertification médicale, il est impératif de mobiliser lensemble des solutions possibles, en particulier lorsqu'elles ont fait leurs preuves pour dautres professions de santé.

Larticle 5 vise à rééquilibrer les conditions de cotisations sociales, les garanties de revenu et l'aide à l'installation afin qu'ils bénéficient de la même manière aux médecins libéraux qu'à la médecine salariée et donc aux employeurs des médecins salariés.

Le développement des « structures de soins pluri-professionnelles de premier recours en exercice coordonneì », qu'il s'agisse des maisons de santeì regroupant des libéraux ou de centres de santeì ouÌ oeuvrent des salariés, est aujourd'hui reconnu comme un vecteur incontournable du renforcement de l'offre de soins de proximitéì.

Les centres de santé sont souvent gérés et financés par les collectivités. Une charge très conséquente et injuste pour ces collectivités déjà fragilisées. Afin de les soutenir dans leurs actions en faveur de l'accès aux soins, il est indispensable que les garanties de revenu proposées aux médecins libéraux puissent s'appliquer aux centres de santé pour les accompagner dans l'équilibre de leurs recettes.

Parce qu'il est urgent, pour couvrir les besoins de santé sur nos territoires ruraux de pouvoir compter sur l'exercice des médecins libéraux, mais aussi des médecins salariés, les modalités juridiques d'exercice de la profession doivent donc être neutres d'un point de vue fiscal, social et des aides diverses à l'installation.

Larticle 6 est un gage financier à cette proposition de loi dans son intégralité.

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