EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le secteur du bâtiment représente 25% des émissions de gaz à effet de serre en France, et les 2/3 de ces émissions sont issues du secteur résidentiel. Le logement correspond, par ailleurs, au premier poste de dépense des françaises et des français.

La réhabilitation thermique des bâtiments résidentiels présente donc un double enjeu :

- un enjeu social , en diminuant les dépenses énergétiques des ménages et en améliorant leur confort de vie (plus de 5,6 millions de ménages sont en situation de précarité énergétique),

- et un enjeu environnemental , en permettant à la France de respecter ses engagements climatiques dans le cadre de l'Accord de Paris de 2015.

La rénovation thermique est tout à la fois une mesure de rééquilibrage des territoires - les ménages qui simposent le plus de restrictions sont ceux situés dans les communes rurales et les bourgs de moins de 20000 habitants - et mesure de santé publique . Les différentes conséquences dune mauvaise isolation, comme un logement humide ou mal chauffé, entraînent des risques de pathologies amplifiées chez les personnes âgées ou fragiles.

Pourtant, les efforts pour adapter nos logements aux nouveaux défis du siècle nont pas les effets attendus. Le dispositif MaPrimeRénov', bien qu'il ait contribué à financer la rénovation de 670.000 logements, pour un montant distribué de 3,1 milliards d'euros, et que cela représente une multiplication par 10 depuis 2018, na permis dengager que très peu de rénovations globales et véritablement performantes.

Lobjectif d'éradiquer les passoires thermiques en 2030 et de disposer dun parc de logements au niveau BBC en 2050, nécessite lengagement - sans délai - dun plan de rénovation globale redéfini et mieux ciblé , sappuyant sur les retours expériences.

La Stratégie Nationale Bas Carbone fixe quant à elle un objectif de réduction de lordre de 49% des émissions de gaz à effet de serre de 2015 à 2030, tous secteurs confondus. Or, entre 1990 et 2017, ces émissions nont diminué que de 3,7% dans le secteur du bâtiment. Le Haut Conseil pour le Climat rappelle qu'actuellement le marché de la rénovation performante est quasiment inexistant avec seulement 0,2% des rénovations sur le résidentiel.

La précarité énergétique saccroît et le nombre de logement dits « passoires thermiques » ne baisse pas . Car trop peu de personnes s'engagent dans un parcours de rénovation. Plus de la moitié des passoires thermiques sont pourtant des maisons individuelles, mais seuls 32% du parc privé a fait l'objet de travaux de réhabilitation. Les raisons en sont simples : près de la moitié des ménages résidant en passoire thermique ont des revenus modestes voire très modestes : 37 % de ces logements sont occupés par des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté.

Les analyses, recommandations, études et rapports produits ces derniers mois convergent sur deux points : 1) il faut réorienter la rénovation des bâtiments vers des parcours de rénovations globales performantes 2) il faut mieux accompagner les ménages pour les sortir de la précarité énergétique avec des aides visant un reste à charge zéro pour les ménages les plus précaires.

Cette proposition de loi entend rendre plus efficientes les politiques publiques de rénovation énergétique. Lidée étant de sortir de lhabitude de se fixer toujours plus dobjectifs, mais irréalisables en réalité. Une série de mesures applicables dès maintenant permettrait daccélérer significativement les rénovations globales des logements pour respecter lengagement pris par notre pays d'éradiquer les passoires thermiques en 2030, plutôt qu'en lan 4020. Au rythme actuel, il nous faudrait en effet plus de 2000 ans pour rénover les passoires thermiques du pays.

Et il y a urgence. La hausse générale des prix de l'énergie a des conséquences importantes sur les ménages et tout particulièrement sur les plus vulnérables qui en subissent de plein fouet les impacts.

Urgence également, car les logements les plus énergivores vont disparaître du marché de la location, faute de rénovation . Cette interdiction est entrée en vigueur au 1er janvier 2023 pour les logements en classe G qui ont une consommation supérieure à 450 kWh. Elle concernera tous les biens classés G à compter du 1 er janvier 2025.

La révision de la Stratégie française sur l'énergie et le climat, qui sera discutée ces prochains mois, constituera la feuille de route de la France :

- Pour tenir compte du rehaussement de lobjectif européen de réduction dau moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre dici 2030,

- Pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Cette révision de la Stratégie française sur l'énergie et le climat doit donc être loccasion de clarifier les priorités dactions de notre pays. Pour le groupe socialiste, écologiste et républicain, la politique climatique et énergétique de demain doit comporter une stratégie de rénovation des logements et de lutte contre la précarité énergétique plus performante et plus inclusive.

Il est en effet nécessaire que les citoyens perçoivent enfin les signes concrets de la transition énergétique. Une transition énergétique perçue comme encore trop inefficace, trop inégalitaire.

Pour toutes ces raisons, cette proposition de loi entend recentrer leffort budgétaire du pays sur les passoires thermiques pour respecter nos engagements climatiques et sortir les 5,6 millions de ménages de la précarité, qu'il soit propriétaire ou copropriétaire, bailleur ou occupant.

Elle sarticule autour de 3 axes :

- Recentrer l'effort budgétaire du pays sur l'éradication des passoires thermiques.

- Engager une stratégie de rénovation plus inclusive.

- Permettre l'innovation dans les techniques et matériaux de rénovations, particulièrement dans les territoires d'outre-mer.

Dans la perspective de la loi de programmation pluriannuelle dont nous débattrons en 2023, il est ainsi proposé de mieux flécher les aides publiques vers les travaux de rénovation énergétique performante et globale, plutôt que vers les travaux monogestes, dont les effets ne sont clairement pas suffisants (article 1 er ).

Selon la Fondation Abbé Pierre, le reste à charge des plus modestes serait actuellement de lordre de 39% pour une rénovation globale, ce qui bien trop important pour les plus familles les plus précaires, y compris dans le cadre du prêt avance rénovation mis en place par le Gouvernement. Larticle premier pose donc également le principe d'un reste à charge « zéro » à destination des plus précaires , sans quoi les objectifs de rénovation se mettront en oeuvre de manière inégalitaire, et ne seront pas atteints.

Linscription dans la loi de ces priorités daction permettra de donner aux acteurs de la rénovation un cap et des perspectives stables pour conforter la performance des travaux et faire face à la massification des interventions.

La vulnérabilité énergétique est plus répandue dans les territoires ruraux, elle concerne davantage des ménages ayant des revenus très modestes et qui souvent ne travaillent pas ou plus, les personnes retraitées notamment. Aussi, pour une stratégie de rénovation plus inclusive, la PPL favorise le « aller vers » en faveur des personnes en précarité énergétique . Elle pose également le principe de l'égal accès aux guichets France Renov et aux accompagnateurs Renov sur lensemble du territoire, y compris dans les zones de faible densité de population (article 2). Cest dautant plus essentiel dans la mesure où le recours à laccompagnateur Renovest désormais obligatoire pour certains travaux de rénovation globale financés par l'ANAH (MaPrimeRénov' Sérénité dont le coût est supérieur à 5 000 euros depuis le 1er janvier 2023).

Dans un souci de pragmatisme, larticle 3 propose de permettre au propriétaire occupant de réaliser les travaux de rénovation globale en plusieurs tranches dans le cadre dun parcours financé et accompagné , dans un délai inférieur à 6 ans à compter du début dexécution des travaux, à condition que les travaux soient accompagnés par un opérateur de l'État ou agréé par lui, et que les différentes phases de travaux soient planifiées dès le départ. Le délai actuel de 18 mois nécessite souvent un relogement et ne permet pas d'étaler les paiements dans le temps.

Larticle 4 propose de favoriser ladaptation des normes et linnovation dans les techniques et matériaux de rénovation, pour tenir compte des spécifiés territoriales, particulièrement en outre-mer . Il prévoit d'étendre les missions du Centre scientifique et technique du Bâtiment (CSTB) institué par larticle L121-1 du code de la construction et de lhabitation qui a déjà pour mission de « procéder ou faire procéder à des recherches scientifiques et techniques directement liées à la préparation ou à la mise en oeuvre des politiques publiques en matière de construction et d'habitat ». Le CSTB pourrait ainsi évaluer et promouvoir les techniques et matériaux les mieux adaptées aux spécificités locales des différents territoires ; sagissant des territoires ultramarins, il propose la reconnaissance de normes adaptées et facilitant le recours à des matériaux de construction et de rénovation produits et utilisés localement.

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