EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les maternités françaises connaissent de nombreuses tensions liées notamment à l'évolution de la démographie des professionnels de santé. Ceci se traduit, entre-autres, par un allongement du temps de parcours pour les femmes afin d'accoucher dans une maternité.

Ces situations dégradées ont des répercussions sur la prise en charge des femmes et des nouveau-nés. Alors que la France est la sixième puissance économique mondiale, elle est aujourd'hui incapable de répondre aux besoins en santé de sa population.

Il est urgent d'y remédier. C'est le sens de cette présente proposition de loi visant à garantir le droit de naître dans tous les territoires.

Des inégalités dans l'accessibilité et des accessibilités dégradées

La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) a publié en juillet 2021 une étude sur l'éloignement des femmes des maternités sur la période de 2000 à 2017. Celle-ci pointe la fermeture de 221 établissements (tous types confondus) durant cette période et conclut qu'environ 900 000 femmes en âge de procréer habitent à plus d'une demi-heure de route d'une maternité.

Selon d'autres chiffres issus des travaux du géographe Emmanuel Vigneron, le nombre de femmes en âge de procréer se trouvant à plus de quarante-cinq minutes d'une maternité a plus que doublé en vingt ans, passant de 290 000 en 1997 à 716 000 en 2019, soit 430 000 de plus. Le nombre de celles se trouvant à plus de trente minutes a, lui, augmenté de près de deux millions, passant de 1,9 million à 3,7 millions.

L'évolution de l'accessibilité est aussi une conséquence de la réorganisation territoriale engagée. L'étude précise ainsi que la tendance est à la concentration de l'offre de soins dans des maternités plus grandes et plus spécialisées. Le nombre de petites maternités est ainsi passé de 448 à 202 en 17 ans. Dans onze départements ruraux, la totalité des femmes habite à plus de 45 minutes d'une maternité de type 3.

Parmi les trois départements dans lesquels l'accessibilité se dégrade fortement, la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, en 2021, retient la Nièvre. En effet, en 2017, 16% des femmes Nivernaises habitaient à plus de 45 minutes d'une maternité, alors qu'elles étaient 3% en 2000.

Or, un temps de trajet supérieur à 45 minutes double le taux brut de mortalité du nourrisson et celui de la mortalité périnatale.

Aujourd'hui, le constat est alarmant : près de 10% des 460 maternités françaises sont en situation de « fermeture partielle » faute de soignants. Selon le syndicat de sages-femmes ONSSF et l'association Santé en danger, elles sacrifient des activités pré et post-naissance pour se concentrer aux accouchements. Ce sont ainsi toutes les consultations (suivi de grossesse, échographie) qui sont supprimées, les cours de préparation à la naissance qui sont à l'arrêt, des lits de néonatalogie, de service de grossesse pathologique ou même d'aile complète de suites de couches qui sont suspendus ou fermés.

Des fermetures de maternité qui ne cessent de croître

Selon les derniers chiffres des autorités sanitaires (DREES, 2022), le nombre des maternités est passé de 816 maternités en 1995, à 478 maternités en 2020, soit une baisse de 42%.

Actuellement, plus de 35 maternités seraient encore sous la menace d'une restructuration ou d'une fermeture. Ces fermetures drastiques de maternités paraissent illégitimes dans la mesure où le nombre de naissances reste relativement stable. Depuis les années 2000, les chiffres varient entre 700 000 et 800 000 naissances (près de 722 000 naissances en 2020). Avec 1,87 enfant par femme en âge de procréer, la France reste en tête des pays européens.

Pourtant les exemples sont multiples à l'image aujourd'hui de Guingamp, Sedan, Porto-Vecchio et Autun qui sont sur la sellette en raison d'un manque de gynécologues-obstétriciens et de sage-femme.

Ainsi, aujourd'hui, avec la suspension de la maternité d'Autun, c'est tout un secteur de 120 km, entre le Creusot (Saône-et-Loire) et Nevers (Nièvre) qui se retrouve sans offre publique de maternité.

Cette fermeture suscite l'inquiétude des femmes enceintes, notamment du Morvan, en leur imposant un temps de trajet de plus d'une heure, voire une heure trente de route - sans tenir compte des conditions climatiques et géographiques liées au massif - pour se rapprocher d'une maternité, alors même qu'une étude montrait combien l'augmentation de cette distance retentit sur la santé périnatale et les contraint à faire face à un risque vital majeur.

Pour les futures mères en attente d'accoucher, elles devront se rendre à côté d'un grand hôpital si elles habitent à plus de 45 minutes de la maternité une semaine ou 10 jours avant la date présumée de l'accouchement. On doit les préparer à accoucher toutes seules (au risque d'exclure les pères qui seront de fait éloignés ou n'auront pas forcément les moyens de se rendre à temps à l'hôpital).

La Cour des Comptes en 2014 soulignait déjà que « le maintien de cette maternité a toujours été jugé indispensable compte tenu de sa situation géographique dans le Morvan. »

Cette fermeture est donc perçue comme incompréhensible et insensée par la population et les élus. Ainsi, 81 maires ont déposé à la sous-préfecture d'Autun les clés de leurs mairies en février 2023 pour redonner à l'État ses responsabilités régaliennes et une pétition en ligne a déjà recueilli plus de 10 000 signatures en l'espace de quelques jours.

La question se pose donc de savoir pourquoi l'État condamne définitivement les zones rurales à ne plus voir naître des enfants et pourquoi il met en danger les femmes enceintes issues de ces territoires.

Au nom de la réduction des dépenses publiques de santé on ferme hôpitaux, maternités, et plus généralement les lieux de santé de proximité en précipitant l'extension de déserts médicaux. Dans un tel contexte, les inégalités territoriales d'accès aux soins hospitaliers ne cessent de se renforcer dans notre pays : le désert médical français s'étend et s'aggrave, à tel point que des territoires ruraux se retrouvent amputés de leur maternité après avoir été dépouillés de médecins généralistes et de spécialistes.

Pour les auteurs de la présente proposition de loi, il est important d'arrêter les fermetures de maternité et plus généralement de mettre fin à l'éloignement des structures de soins obstétriques pour les patientes. C'est pourquoi, ce texte propose de renforcer la présence hospitalière sur le territoire national afin de garantir à nos concitoyennes un égal accès aux soins et en particulier aux soins obstétriques qui découlent de l'exigence constitutionnelle du droit à la santé.

En ce sens, l'article premier rend pleinement effectif le principe d'égal accès aux soins s'appuyant sur un maillage du système de soins hospitaliers garantissant l'accès à un établissement de santé à moins de 30 minutes du domicile en transports motorisés. Cette mesure concerne en particulier les services de maternité, dont les fermetures récurrentes contribuent à éloigner les patientes des structures de soins et d'accouchement.

Afin d'en garantir l'application, il convient d'élargir le périmètre d'activités des hôpitaux de proximité, qui assurent le premier niveau de gradation des soins hospitaliers. C'est pourquoi, l'article 2 prévoit que les hôpitaux de proximité peuvent assurer, outre leurs activités de médecine, d'imagerie et de biologie, les activités de gynécologie et d'obstétrique.

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