EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Aujourd'hui en France, la précarité énergétique touche 12 millions de personnes (5,6 millions de ménages soit 20 % des ménages français) qui ne peuvent pas répondre à leurs besoins fondamentaux. À cela s'ajoute le fait que près d'une résidence principale sur six est une passoire thermique.

Or, depuis septembre 2021 nous connaissons un emballement historique des prix de l'énergie.

En effet, si au cours des dix dernières années, les prix du gaz domestique ont augmenté de plus de 40 % pour les usagers particuliers, depuis l'été 2021 ces prix connaissant une augmentation particulièrement inquiétante : plus 8,7 % en septembre, qui fait suite aux augmentations de 5 % en août, et de 10 % en juillet, soit une augmentation de près 298€ de la facture annuelle de gaz entre les mois de juin et septembre 2021. Cela sans compter l'augmentation de 12,6 % d'octobre 2021.

Même constat pour les prix de l'électricité qui connaissent une hausse continue depuis plus de 10 ans (plus 52%) et tout comme pour le gaz, le prix de l'électricité continue de flamber et semblerait atteindre un pic de +15% en février 2022 ( au lieu des 6% initialement prévus par la CRE) après une augmentation de 1,6 % en février 2021 et de 0,48 % en août .

Cette hausse historique pourrait avoir pour conséquence une hausse de 180 euros en moyenne sur la facture annuelle des Français .

Or, déjà en 2019, près de 300 000 foyers ont subi une coupure d'électricité ou une réduction de puissance en raison de factures impayées. En comptant les coupures de gaz, il y a eu au total plus de 670 000 interventions en 2019.

Et la situation menace aujourd'hui d'empirer sous l'effet de la crise économique et de la déflagration sociale qu'elle entraîne. Les impayés risquent de s'accumuler et le nombre de coupures va se multiplier en conséquence.

Or, l'annonce d'un gel des prix du tarif réglementé de vente de gaz (TRVG) ne constitue en rien une mesure protectrice du pouvoir d'achat des consommateurs. En effet, si d'ici le printemps prochain les tarifs du TRGV resteront figés au haut niveau actuel, le « lissage » des prix évoqué par le Premier ministre imposera en réalité aux consommateurs de payer par la suite, à une période sans risque électoral, ce qui ne l'aura pas été d'ici-là. Autrement dit, au global, les consommateurs ne tireront aucun bénéfice d'un gel des tarifs, ils paieront la note. Le gel des tarifs, le bien mal nommé « bouclier tarifaire », ne trompe personne. Il correspond en réalité à un gel du pouvoir d'achat.

De plus, face à l'envolé des prix de l'énergie, Edf a annoncé, le 12 novembre, qu'elle cesserait de couper l'électricité en cas d'impayés à partir de la fin de la trêve en 2022, cela tout au long de l'année. Toutefois, les usagers concernés verront toutefois leur débit électrique réduit à 1 kW par jour.

Ainsi, bien que les coupures soient interdites durant la trêve hivernale, les réductions de puissance (sauf pour les usagers en situation de précarité énergétique) conduisent tout de même les personnes concernées à faire des choix cruels : la lumière, le chauffage ou la machine à laver.

Il est inacceptable qu'un ménage soit conduit à choisir entre se chauffer au risque d'impayés ou ne plus se chauffer et subir les conséquences du froid sur sa santé, son logement. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de mettre fin à de telles situations et de garantir les conditions d'une vie décente à l'ensemble des individus.

C'est bien le sens de l'article L.121-1 du code de l'énergie qui définit l'électricité comme un « produit de première nécessité », cela après l'adoption d'un amendement du groupe CRCE lors du débat sur la loi de transition énergétique pour une croissance verte).

De plus, la décision d'EDF ne concerne pas les autres fournisseurs et ne s'applique qu'à l'électricité et non au gaz, ainsi allonger temporairement la trêve hivernale n'est pas une solution à la hauteur des enjeux. D'autant que de nombreux fournisseurs choisissent de résilier les contrats pour cause d'impayés ou de difficultés avant la trêve hivernale.

D'autre part, cela ne règle en rien la dette que ces familles accumulent et qu'au final elles devront régler pour retrouver la totalité de leur abonnement.

Enfin, cette mesure risque d'avoir un effet rebond et de permettre une baisse de puissance aujourd'hui interdite pour les personnes en situation de précarité qui serait le corollaire d'une interdiction des coupures tout au long de l'année.

Il faut donc aller plus loin, les coupures d'électricité comme de gaz doivent être abolies et les réductions de puissance plus limitées.

De plus, le Premier Ministre a annoncé un chèque énergie exceptionnel de 100 euros, certes cette mesure est à prendre, mais elle est loin d'être satisfaisante pour répondre aux besoins de millions d'usagers en précarité énergétique et ne compensera pas non plus les hausses continues des prix de l'énergie livrée à la « libre concurrence » qui, soi-disant, devait faire baisser les prix.

Une facture de chauffage, c'est en moyenne 1 600 euros par an, (1 925 euros en moyenne pour les ménages en précarité énergétique, selon l'enquête nationale logement (ENL) menée par l'Insee en 2013). C'est pourquoi, l'Observatoire National de la Précaritéì Energétique préconisait une revalorisation du chèque énergie de 710 euros en moyenne afin que le taux d'effort énergétique des familles en situation de précarité soit inférieur à 8%.

D'autant que les conditions pour bénéficier de certaines aides sont trop restrictives et laissent de côté de nombreux ménages en situation de précarité. C'est le cas pour les ménages chauffés par une chaudière collective (le Chèque énergie ne peut pas être utilisé pour régler des charges de chauffage collectif, que l'on soit copropriétaire ou locataire, dans le parc social comme privé), les étudiants et les gens du voyage.

Enfin , selon l'Observatoire de la précarité énergétique, si 5,7 millions de chèques ont été émis en 2019 leur d'utilisation n'est que de 80 %.

Toutefois, cette augmentation du chèque énergie ne saurait être financée par une augmentation des charges de service public ou par la création d'une autre qui serait au final payée par les usagers.

Ce droit inconditionnel d'accès à l'énergie peut être financé par les fournisseurs d'énergie comme Engie ou Total. Ces dernières ont versé cette année respectivement 1,3 et 7,6 milliards d'euros à leurs actionnaires. Du fait de l'envolée des prix de l'énergie, Total a même multiplié ses bénéfices par 23 en un an.

La lutte contre la précarité énergétique et l'instauration d'un véritable droit à l'énergie constituent des chantiers prioritaires pour mener à bien la transition énergétique dont notre pays a besoin. En ce sens, il est impératif de considérer la précarité énergétique comme une question de politique énergétique et non pas seulement comme une question sociale. C'est pourquoi les parlementaires du groupe Communiste citoyen, républicain et écologiste plaident pour un bilan et un débat public sur des dizaines d'années de casse néolibérale du secteur de l'électricité et du gaz : aucun des objectifs n'a été atteint par cette libéralisation dogmatique et autoritaire du marché de l'énergie.

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