EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les faits sont suffisamment étayés pour que nul ne puisse aujourd'hui les contester : dans la province autonome chinoise du Xinjiang, le gouvernement de Pékin s'acharne, méthodiquement et avec violence, contre la population ouïghoure, ce peuple turcophone et sunnite qui habite l'Ouest de la Chine actuelle depuis plus d'un millénaire.

Les photos satellites, les témoignages de personnes survivantes et des rares journalistes et universitaires qui ont séjourné dans la région et les fuites de documents officiels du Parti communiste chinois permettent d'estimer à au moins un million, peut-être deux millions, le nombre de personnes aujourd'hui enfermées dans des camps, soit plus de 10 % de la population ouïghoure du Xinjiang. Dans les camps, torture, lavage de cerveaux, viols et stérilisations forcées sont systématiques ; dans les villes et les villages, les arrestations arbitraires se comptent par milliers, pour le simple fait de parler la langue ouïghoure, de posséder un Coran ou de communiquer avec quelqu'un à l'étranger. La mécanique est implacable et parfaitement rodée : il s'agit de la plus grande campagne d'internement d'une population depuis la Seconde Guerre mondiale. Un crime contre l'Humanité, comme l'a reconnu l'Assemblée nationale lors de l'adoption d'une résolution en ce sens le 20 janvier 2022.

Le travail forcé est l'un des outils de répression privilégiés par le pouvoir de Pékin contre la population ouïghoure. La France, et l'Europe, doivent prendre sérieusement la mesure des conséquences de cet esclavage moderne. En septembre 2022, la Commission européenne a ainsi présenté un projet de règlement qui permettrait aux Etats-membres d'interdire l'importation de produits issus du travail forcé. Un règlement qui ne vise pas nommément Pékin, mais qui cherche à interdire l'entrée dans l'Union de tout produit fabriqué, dans le monde, par des esclaves modernes. Mais ce qui se passe derrière les murs des centaines de camps d'internement dans la région ouïghoure - un chercheur allemand, photos satellite à l'appui, estime qu'il y en aurait au moins 1 400 - doit pousser la France, et l'Europe, à en faire davantage.

Le président américain Joseph Biden a promulgué le Uyghur Forced Labor Prevention Act (Loi contre le travail forcé des Ouïghours) qui est entré en vigueur en juin 2022. Les termes de cette loi sont clairs : un produit qui a été fabriqué, même en partie, au Xinjiang est d'abord considéré comme issu du travail forcé et ne peut pas être importé aux Etats-Unis, tant que les entreprises ne peuvent pas prouver, de façon convaincante, le contraire.

Ce que prépare la Commission européenne fonctionnerait plutôt à l'inverse : les Etats-membres devraient eux-mêmes étayer leurs soupçons qu'un produit est le fruit du travail forcé, avant que l'entreprise visée ait ensuite à démontrer que ce n'est pas le cas. Une période pendant laquelle les biens concernés pourraient continuer à circuler au sein de l'Union.

Ce projet de règlement de la Commission européenne doit désormais être ratifié par le Parlement européen pour une éventuelle entrée en vigueur deux ans après son adoption. C'est trop peu, trop tard. L'Europe doit s'assurer de toute urgence qu'aucun produit issu du travail forcé dans la région ouïghoure ne puisse circuler à l'intérieur de son marché commun.

Nous devons mettre en place un embargo sur les produits issus du travail forcé qui circulent à l'intérieur des marchés français et européen, afin de s'assurer que personne, en France et en Europe, ne porte de vêtements, n'utilise de machine ou ne consomme des produits souillés du sang des victimes ouïghoures du régime de Pékin ; ce n'est malheureusement, aujourd'hui, pas le cas.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page