N° 443

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 28 juin 2001

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 septembre 2001

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

portant validation de l' impôt foncier sur les propriétés bâties en Polynésie française ,

PRÉSENTÉE

Par M. Gaston FLOSSE,

Sénateur

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Départements et territoires d'outre-mer - Impôts et taxes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis 1992, les impositions perçues par le Territoire de la Polynésie française au titre de l'impôt foncier sur les propriétés bâties sont entachées d'illégalité. En effet, l'article 225-2 du code des impôts de la Polynésie française, dans sa rédaction issue de la délibération n° 92-6 du 24 janvier 1992, prévoit que « les règles pratiques d'application de la méthode d'évaluation directe (...) sont définies dans un arrêté pris en Conseil des ministres ».

Or, jusqu'en 2000, cet arrêté n'a jamais été pris, de sorte que la détermination des valeurs locatives par l'application de la méthode d'évaluation directe s'est opérée sans base légale (notamment absence de définition du taux d'intérêt applicable).

Si toutefois, un arrêté en Conseil des ministres est intervenu, le 1e 17 septembre 1999, pour pallier ce vide juridique, la situation des impositions perçues sur les propriétés bâties depuis 1992 en Polynésie française n'est pas exempte de vice au regard de la loi.

D'une part, ledit arrêté n'a pas purgé les contributions foncières antérieures à son entrée en vigueur de leur vice, c'est-à-dire celles qui ont été perçues entre 1992 et 1999, et qui souffrent toujours d'une absence de base légale.

D'autre part, si ce texte a apporté un fondement juridique aux impositions postérieures à 1999, celles-ci ne sont pas pour autant à l'abri de tout contentieux devant le juge administratif. Cet acte réglementaire a, en effet, été jugé illégal au motif que l'Assemblée de la Polynésie française seule, détient le pouvoir de voter des dispositions réglementaires à caractère fiscal, notamment en ce qui concerne la définition de la base d'imposition des produits ( TAP n° 99-459 du 19 décembre 1999, M. Pierre Frébault c/ Territoire de la Polynésie française ). Ainsi, le juge administratif considère qu'en renvoyant au Conseil des ministres le soin de déterminer les taux applicables à la valeur vénale des immeubles passibles de l'impôt foncier, l'Assemblée a méconnu sa propre compétence et le Conseil des ministres outrepassé ses pouvoirs. Les actes contestés concernaient en effet, non pas de simples mesures d'application, mais des mesures de définition de la base d'imposition de l'impôt foncier, dont seule l'organe délibérant du Territoire pouvait être saisi.

Cette situation impérieuse appelle sans tarder une validation des impositions perçues depuis 1992 par la Polynésie au titre de la contribution foncière sur les propriétés bâties. Une forte présomption d'illégalité pèse en effet sur ces dernières, et il est fort probable que l'espèce sus rappelée ne se généralise. Une affaire similaire concernant l'impôt foncier sur les propriétés non bâties en Nouvelle-Calédonie avait nécessité l'intervention du législateur organique. Était en cause, pour les mêmes raisons d'illégalité externe, l'incompétence du Conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pour prendre des mesures de définition de la base d'imposition de l'impôt. Devant le risque d'une inflation du contentieux dont l'issue était connue, une loi de validation fut prise le 20 février 1995 afin d'arrêter l'hémorragie financière du Territoire et des communes. En application de l'article 61 alinéa 2 de la Constitution, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 95-364 DC du 8 février 1995 déclara conforme à la norme suprême cette validation des impositions sur les propriétés bâties.

En Polynésie française, les recettes produites par l'impôt foncier s'élèvent pour l'année 2000 à 2,2 milliards de FCP. Sur ce montant, deux tiers sont perçus par le Territoire et le tiers restant revient aux communes. Si l'impôt foncier sur les propriétés bâties représente une part non négligeable dans les ressources fiscales du Territoire, que dire alors de sa proportion dans le budget des communes. A lui seul, il totalise le quart des recettes fiscales communales.

Plus encore, l'action en restitution de l'indu ouvre un délai de quatre ans durant lequel toute imposition litigieuse peut-être contestée. En d'autres termes, le contribuable pourra au cas d'espèce déférer devant le juge les impositions sur les propriétés bâties des années 1997, 1998, 1999 et 2000. Mécaniquement, l'on aboutit à des chiffres faramineux : 6 milliards de FCP que le Territoire devra restituer aux contribuables, mais surtout 2,8 milliards en ce qui concerne les communes, ce qui représente ni plus ni moins que l'intégralité de leurs ressources fiscales annuelles.

Il va sans dire qu'une telle perspective plongerait les communes et le Territoire dans une banqueroute financière catastrophique, ce qui nuirait corrélativement à la continuité des pouvoirs publics.

En premier lieu, les communes, qui verront leur budget annuel amputé de leurs ressources fiscales, ne seront plus en mesure de remplir leur mission « d'intérêt communal », d'assurer en d'autres termes le « bon ordre dans la cité ».

En second lieu, le Territoire, qui connaît actuellement une reconversion économique significative, serait fragilisé dans son action réformatrice. Le passage de la rente nucléaire à une économie plus autonome par rapport à l'État s'opère à pas mesurés. Il serait dommage d'enrayer ce dynamisme économique.

D'autant que les vices reprochés à la réglementation territoriale en cause ne concernent que la légalité externe et non le fond du droit. Restituer des sommes perçues illégalement sur le plan de la forme, mais légitimement sur le fond du droit, serait payer un lourd tribut au vu des efforts consentis par la collectivité.

En outre, les vices de forme n'entachent que la légalité des impositions mises à la charge des propriétaires ne louant pas leur propriété bâtie. Une rupture d'égalité devant les charges publiques s'opère donc entre les propriétaires ne louant pas leur bien, ce qui est contestable sur le plan de l'équité. Les premiers pourront bénéficier d'un dégrèvement sanctionnant quatre années d'impositions foncières, tandis que les autres seront seuls à remplir leur devoir de contribution à l'égard de la collectivité.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article unique

Sous réserve des décharges ou dégrèvements prononcés par décision de justice passée en force de chose jugée, les impositions perçues par le territoire de la Polynésie française au titre de la contribution foncière sur les propriétés bâties sont validées, d'une part, pour les années 1992 à 1999 en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de ce que la détermination des valeurs locatives par application de la méthode d'évaluation directe s'est opérée sans base légale ; d'autre part, pour les années 2000 et 2001 en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de ce que l'autorité ayant pris l'arrêté n° 1274/CM du 17 septembre 1999 n'était pas compétente pour déterminer leur base.

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