Suppression des différences entre hommes et femmes dans le code des pensions civiles

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SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 31 octobre 2002

PROPOSITION DE LOI

visant à supprimer toute différence entre les hommes et les femmes dans le code des pensions civiles et militaires de retraite ,

PRÉSENTÉE

Par M. Jean Louis MASSON,

Sénateur.

( Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ).

Pensions civiles et militaires.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

On ne peut qu'être favorable aux évolutions actuelles en faveur de l'égalité hommes/femmes, évolutions qui tendent à aligner les droits des secondes sur ceux des premiers. Mais l'attachement au principe d'égalité entre les deux sexes commande de corriger aussi les déséquilibres qui jouent en sens inverse. C'est le cas des différences de traitement dans le code des pensions civiles et militaires de retraite au détriment des fonctionnaires hommes.

* Les bonifications de retraite pour charge de famille

L'une de ces différences a tout récemment fait l'objet d'une décision de la Cour de justice des communautés européennes. Saisie par le Conseil d'Etat dans le cadre d'un renvoi préjudiciel, celle-ci a, le 29 novembre 2001, jugé qu'il était discriminatoire de réserver aux seules femmes fonctionnaires une bonification de retraite pour charge de famille (une année de cotisations gratuites par enfant élevé).

Rappelant que le code français des pensions civiles et militaires de retraite considère dans son article premier les retraites comme un traitement, donc une rémunération, la Cour s'est référée au principe de l'égalité des rémunérations entre les hommes et les femmes posé par le traité instituant les Communautés européennes (article 141, ex-119). Elle a donc estimé que les bonifications dont les retraites peuvent être l'objet devaient être accordées sans distinction de sexe aux parents qui participent à l'éducation de leurs enfants. Le Conseil d'Etat s'est d'ailleurs aligné depuis lors sur cette jurisprudence (arrêt GRIESMAR, 29 juillet 2002).

* Les pensions de réversion

Une seconde inégalité concerne les pensions de réversion. Les veuves de fonctionnaires peuvent prétendre à la réversion de la pension de leur mari sans condition d'âge au taux de 50% (article L. 38).

Les veufs de fonctionnaires sont doublement pénalisés par rapport à elles. Ils doivent attendre l'âge de 60 ans pour toucher la pension de réversion. De plus, si le taux appliqué est le même, le montant de la retraite servie est plafonné à 37,5 % du traitement brut de l'indice 550 de la Fonction publique (article L. 50), soit 4915 francs par mois. Le versement de la pension est par ailleurs suspendu tant qu'il existe un orphelin de moins de 21 ans.

Il convient de rappeler que là aussi, la France a été condamnée par la Cour de justice des communautés européennes. Un arrêt du 17 mai 1990 a sanctionné les discriminations hommes/femmes qui existaient dans les dispositifs de réversion de ses différents régimes de sécurité sociale. Seule la Fonction publique demeure aujourd'hui en infraction avec la jurisprudence européenne.

* Les retraites anticipées

Autre inégalité, les femmes fonctionnaires ont seules la faculté, aux termes de l'article L. 24, de prendre leur retraite sans condition d'âge, avec jouissance immédiate de leurs droits, dès lors qu'elles ont quinze ans de service et trois enfants, ou un enfant handicapé ou que leur conjoint est infirme.

* Remarques

Il existait une autre discrimination au sein du code des pensions civiles et militaires de retraite à laquelle le Conseil d'Etat a remédié : l'article L. 57 prévoit que lorsque le fonctionnaire a disparu sans que son décès soit établi, sa veuve peut obtenir, à l'issue du délai d'un an, à titre provisoire, la liquidation de la pension de réversion. La même règle existe pour les orphelins de la femme fonctionnaire, mais n'a pas été prévue pour son veuf. Le Conseil d'Etat a cependant estimé (CE, 17 mai 1999, Le Briquir) qu'il y avait droit.

Enfin, l'unification du régime de réversion aura une incidence sur les pensions d'orphelin qui ne sont pas les mêmes selon que le parent décédé est la mère ou le père. Dans le premier cas, l'orphelin de moins de 21 ans cumule une pension égale à celle de son père augmentée d'un droit propre de 10 %. Dans le second, il ne peut prétendre qu'à ce dernier.

* Conclusion

La présente proposition de loi vise à supprimer ces discriminations qui sont liées au sexe des personnes. Les articles en cause figurent au sein du Livre premier du code des pensions civiles et militaires de retraite. Les modifications législatives proposées seront ainsi l'occasion de mettre la France en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes et avec les conventions internationales de non discrimination qu'elle a signées, tant au Conseil de l'Europe qu'à l'ONU.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Le troisième alinéa b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigé :

« b) bonification pour chacun des enfants légitimes, des enfants naturels dont la filiation est établie ou des enfants adoptifs et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième année révolue, pour chacun des autres enfants énumérés au paragraphe II de l'article L. 18. »

Article 2

I. - Le 3°) du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigé :

« 3°) Pour les fonctionnaires qui ont trois enfants vivants ou décédés par faits de guerre ou un enfant vivant âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %.

«  Sont assimilés aux enfants visés à l'alinéa précédent les enfants énumérés au paragraphe II de l'article L. 18 que les intéressés ont élevés dans les conditions prévues au paragraphe III dudit article. »

II. - Le I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par un 4°) ainsi rédigé :

« 4°) Pour les fonctionnaires dont il est justifié, dans les formes prévues à l'article L. 31, qu'ils sont atteints d'une infirmité ou d'une maladie incurable les plaçant dans l'impossibilité d'exercer leurs anciennes fonctions, ou que leur conjoint est atteint d'une infirmité ou d'une maladie incurable le plaçant dans l'impossibilité d'exercer une profession quelconque. »

Article 3

Les deux premiers alinéas de l'article L. 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite sont ainsi rédigés :

«  Le conjoint survivant d'un fonctionnaire a droit à une pension égale à 50 % de la pension obtenue par ce dernier ou qu'il aurait pu obtenir au jour de son décès, et augmentée, le cas échéant, de la moitié de la rente d'invalidité dont il bénéficiait ou aurait pu bénéficier.

« A cette pension s'ajoute éventuellement la moitié de la majoration prévue à l'article L. 18 qu'a obtenue ou aurait obtenue le fonctionnaire. Cet avantage n'est servi qu'aux conjoints survivants qui ont élevé, dans les conditions visées audit article L. 18, les enfants ouvrant droit à cette majoration. »

Article 4

L'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigé:

« Art. L. 39 Le droit à pension prévu à l'article L. 38 est subordonné à la condition :

« a) si le fonctionnaire décédé a obtenu ou pouvait obtenir une pension accordée dans le cas prévu à l'article L. 4 (1°), que depuis la date du mariage jusqu'à celle de la cessation d'activité du fonctionnaire, celui-ci ait accompli deux années au moins de services valables pour la retraite, sauf si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage antérieur à ladite cessation ;

« b) si le fonctionnaire décédé a obtenu ou pouvait obtenir une pension accordée dans le cas prévu à l'article L. 4 (2°), que le mariage soit antérieur à l'événement qui a amené la mise à la retraite ou la mort du fonctionnaire.

« Toutefois, au cas de mise à la retraite d'office par suite de l'abaissement des limites d'âge, il suffit que le mariage soit antérieur à la mise à la retraite et ait été contracté deux ans au moins avant soit la limite d'âge en vigueur au moment où il a été contracté, soit le décès du fonctionnaire si ce décès survient antérieurement à ladite limite d'âge.

« Nonobstant les conditions d'antériorité prévues ci-dessus, le droit à pension énoncé à l'article L. 38 est reconnu :

« 1° Si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage ;

« 2° Ou si le mariage, antérieur ou postérieur à la cessation de l'activité, a duré au moins quatre années. »

Article 5

I. - Les deux premiers alinéas de l'article L. 40 du code des pensions civiles et militaires de retraite sont ainsi rédigés :

« Chaque orphelin a droit jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans à une pension égale à 10 % de la pension obtenue par son parent fonctionnaire décédé ou qu'il aurait pu obtenir au jour de son décès, et augmentée, le cas échéant, de 10 % de la rente d'invalidité dont il bénéficiait ou aurait pu bénéficier, sans que le total des émoluments attribués au conjoint survivant et aux orphelins puisse excéder le montant de la pension et éventuellement de la rente d'invalidité attribuées ou qui auraient été attribuées au fonctionnaire décédé. S'il y a excédent, il est procédé à la réduction temporaire des pensions des orphelins.

« Au cas de décès du conjoint survivant ou si celui-ci est inhabile à obtenir une pension ou déchu de ses droits, les droits définis au premier alinéa de l'article L. 38 passent aux enfants âgés de moins de vingt-et-un ans et la pension de 10 % est maintenue à chaque enfant âgé de moins de vingt-et-un ans dans la limite du maximum fixé à l'alinéa précédent. »

II . - A l'avant-dernier alinéa du même article, le mot « père » est remplacé par les mots « parent décédé ».

Article 6

L'article L. 42 du code des pensions civiles et militaires de retraite est abrogé.

Article 7

Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les mots : « ceux nés de la même mère représentent un seul lit » sont supprimés.

Article 8

La première phrase de l'article L. 44 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigée :

« Le conjoint séparé de corps et le conjoint divorcé ont droit à la pension prévue au premier alinéa de l'article L. 38. »

Article 9

I.- Au premier alinéa de l'article L. 45 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le mot : « mari » est remplacé par le mot « fonctionnaire ».

II. - Au deuxième alinéa du même article, les mots « l'une » sont remplacés par les mots « l'un ».

III. - Le troisième alinéa du même article est supprimé.

Article 10

I.- Au deuxième alinéa de l'article L. 47 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les mots : « pensions de veuve» sont remplacés par les mots « pension de réversion ».

II. - Aux a) et b) du même article, le mot « mari » est remplacé par le mot «défunt » et les mots « a obtenu ou pouvait obtenir » sont remplacés par les mots « avait obtenu ou aurait pu obtenir ».

Article 11

Au premier alinéa de l'article L. 48 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le mot : « mari» est remplacé par le mot « défunt ».

Article 12

L'article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite et le chapitre III du titre VI du Livre premier dudit code sont abrogés.

Article 13

I. - Au premier alinéa de l'article L. 57 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les mots : « sa femme» sont remplacés par les mots « son conjoint survivant ».

II. - Le deuxième alinéa du même article est supprimé.

III. - Au troisième alinéa du même article, les mots « à la femme » sont remplacés par les mots « au conjoint survivant ».

Article 14

Le coût résultant pour l'Etat de la présente proposition de loi est compensé à due concurrence par une augmentation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers.

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