N° 169

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 janvier 2006

PROPOSITION DE LOI

tendant à instaurer une obligation minimale de parité pour l' élection des sénateurs dans les départements où le scrutin majoritaire est appliqué,

PRÉSENTÉE

Par M. Jean Louis MASSON,

Sénateur.

( Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Elections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 8 mai 1919, la Chambre des députés avait voté à une forte majorité (334 voix contre 97), l'octroi du droit de vote aux femmes, ce qui aurait institué une égalité absolue des deux sexes devant le suffrage. Cependant, lorsque ce texte fut examiné par le Sénat le 7 novembre 1922, celui-ci le repoussa par 156 voix contre 134. De ce fait, le droit de vote pour les femmes ne fut finalement instauré que par une ordonnance du 24 avril 1944 du Gouvernement Provisoire d'Alger, présidé par le Général de Gaulle. Les Françaises ont voté pour la première fois lors des élections municipales du 29 avril 1945.

Cette position malthusienne du Sénat n'est pas une exception. Ainsi, la réforme introduisant la notion de parité dans les articles 3 et 4 de la Constitution s'est heurtée lors de son examen à une mauvaise volonté évidente de la majorité sénatoriale. Qui plus est, depuis cette réforme, les lois ont en général fait progresser la parité et la seule qui ait conduit à un recul concerne le Sénat. Il s'agit de la loi de juillet 2003 ayant supprimé l'obligation de parité dans les départements élisant trois sénateurs ; elle a fait tomber la proportion de femmes élues dans cette catégorie de 20 % en 2001, à 4,8 % en 2004. Ainsi, en complète contradiction avec les articles 3 et 4 de la Constitution, d'évidentes réticences sénatoriales subsistent encore aujourd'hui à l'encontre d'un égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives.

Parmi les 128 sénateurs élus ou réélus en 2004, les femmes sont au nombre de 31, soit 24,2 %. À première vue, la situation semble donc plus satisfaisante qu'à l'Assemblée nationale (12,3 % de femmes élues en 2002). Il ne s'agit cependant que d'une apparence car dans les faits, il y a un énorme fossé entre les départements élisant leurs sénateurs au scrutin majoritaire et ceux où le scrutin proportionnel avec obligation de parité s'applique. Ainsi en 2004, sur 45 sénateurs élus au scrutin majoritaire, il y a seulement deux femmes (soit 4,4 %). Au contraire, lors du même renouvellement, il y a 29 femmes sur 83 sénateurs élus à la proportionnelle (soit 34,9 %).

C'est donc bien le scrutin proportionnel associé à l'obligation de parité qui est à l'origine des progrès de la parité au sein du Sénat. Dès sa première application, lors des élections sénatoriales de 2001, les résultats avaient d'ailleurs été spectaculaires puisque la proportion de femmes dans la série correspondante avait triplé.

Il convient de noter que le scrutin proportionnel avec obligation de parité présente accessoirement deux autres avantages (questions écrites n° 1267 de M. MASSON, JO Sénat du 5 septembre 2002 et n° 47823 de Mme ZIMMERMANN, JO Assemblée Nationale du 30 novembre 2004). D'une part, les sénatrices élues ont une moyenne d'âge nettement plus faible que les sénateurs, ce qui a entraîné en 2001 et en 2004, un net rajeunissement. D'autre part, la proportionnelle avec obligation de parité favorise une véritable respiration démocratique en empêchant les ententes entre notables en place qui additionnent leur clientèle de grands électeurs.

Il faut donc regretter le véritable combat d'arrière-garde qui a été mené après 2001 par la majorité sénatoriale pour rétablir le scrutin majoritaire dans les départements élisant trois sénateurs. Cette logique rétrograde ayant pour but de privilégier les ententes entre notables fut entérinée par une loi de juillet 2003. De ce fait, le renouvellement sénatorial de 2004 s'est traduit par un progrès de la parité beaucoup plus limité que s'il n'y avait pas eu cette modification.

Ainsi, en 2001, la proportionnelle avec obligation de parité s'est appliquée aux départements élisant trois sénateurs et parmi les 30 sénateurs élus dans ces départements, il y avait 6 femmes (soit 20 %). Au contraire, lors du renouvellement de 2004, le scrutin majoritaire s'est appliqué dans les départements élisant trois sénateurs et parmi les 21 élus dans ces départements, il n'y a eu qu'une seule femme (soit 4,8 %). Cela justifie le rétablissement au plus vite de la proportionnelle avec obligation de parité dans les départements élisant trois sénateurs.

De même en 2004, dans les départements ayant un ou deux sénateurs, une seule femme a été élue pour 24 sièges à pourvoir (soit 4,2 %). Ce constat confirme la nécessité d'imposer des mesures correctives. Pour cela, il conviendrait que dans les départements ayant deux sénateurs, tout en maintenant la possibilité de panachage, les candidatures ne puissent plus être individuelles mais se fassent obligatoirement par listes formées d'un candidat de chaque sexe. De plus, chaque candidat devrait avoir un suppléant de sexe différent.

Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est proposé d'adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 294 du code électoral, les mots : « trois sénateurs » sont remplacés par les mots « deux sénateurs » .

II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 295 du code électoral, les mots : « quatre sénateurs » sont remplacés par les mots : « trois sénateurs » .

Article 2

L'article L. 299 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 299. - Dans les départements où les élections ont lieu au scrutin majoritaire et lorsqu'il n'y a qu'un seul siège à pourvoir, chaque candidat doit mentionner dans sa déclaration de candidature, les nom, sexe, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et profession de la personne appelée à le remplacer comme sénateur dans les cas prévus à l'article L.O. 319. Il doit y joindre l'acceptation écrite du remplaçant, lequel doit remplir les conditions d'éligibilité exigées des candidats et être de sexe différent ».

Article 3

Après l'article L. 299 du code électoral, il est inséré un article L. 299-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 299-1. - Dans les départements où les élections ont lieu au scrutin majoritaire et lorsqu'il y a deux sièges à pourvoir, les candidats se présentent par liste avec possibilité de panachage. Chaque liste doit être formée d'un candidat de chaque sexe et comporte pour chacun, le nom de son remplaçant, qui doit également être de sexe différent. Une déclaration collective pour chaque liste est faite par un mandataire de celle-ci. Elle doit être signée par les deux candidats et indiquer le titre de la liste ainsi que les nom, sexe, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et profession des personnes appelées à remplacer les candidats comme sénateurs dans les cas prévus à l'article L.O. 319.

« Le mandataire doit joindre à cette déclaration l'acceptation écrite des remplaçants, lesquels doivent remplir les conditions d'éligibilité exigées des candidats. Nul ne peut figurer en qualité de remplaçant sur plusieurs déclarations de candidature. Nul ne peut être à la fois candidat et remplaçant d'un autre candidat. Nul ne peut désigner pour le second tour de scrutin une personne autre que celle qui figurait sur sa déclaration de candidature lors du premier tour ».

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