N° 182

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 31 janvier 2006

PROPOSITION DE LOI

visant à permettre la diversité sociale et l' égalité des chances dans la composition des classes préparatoires aux grandes écoles et autres établissements sélectionnant leur entrée ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Yannick BODIN, Jean-Pierre BEL, Serge LAGAUCHE, René-Pierre SIGNÉ, Jean-Marc TODESCHINI, Marcel VIDAL, Mme Jacqueline ALQUIER, M. Jean BESSON, Mmes Nicole BRICQ, Claire-Lise CAMPION, MM. Jean-Louis CARRÈRE, Roland COURTEAU, Jean-Pierre DEMERLIAT, Claude DOMEIZEL, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Mme Josette DURRIEU, MM. Jean-Claude FRÉCON, Charles GAUTIER, Mme Bariza KHIARI, MM. André LEJEUNE, Louis LE PENSEC, Mme Raymonde LE TEXIER, MM. Claude LISE, François MARC, Roger MADEC, Louis MERMAZ, Jean-Pierre MICHEL, Jean-Marc PASTOR, Jean-Claude PEYRONNET, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, M. Thierry REPENTIN, Mmes Michèle SAN VICENTE, Patricia SCHILLINGER, M. Jacques SIFFRE, Mme Catherine TASCA, MM. Pierre-Yvon TRÉMEL, André VANTOMME et les membres du groupe socialiste et apparentés,

Sénateurs.

( Renvoyée à la commission des Affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Éducation nationale.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le système éducatif doit mettre en oeuvre le principe de l'égalité républicaine, de l'école maternelle à l'enseignement supérieur.

La lutte contre l'échec scolaire concerne toutes les étapes de la vie scolaire pour qu'aucun enfant ne sorte de l'école sans diplôme ni formation. Cette ambition nécessite la mise en place de moyens spécifiques et adaptés aux inégalités sociales et territoriales. Elle s'intègre nécessairement dans une politique globale de lutte contre toutes les inégalités.

Si les universités accueillent sans limite et sans sélection l'ensemble des bacheliers qui veulent poursuivre des études supérieures, il n'en est pas de même pour l'entrée dans les filières plus prestigieuses et plus sélectives. Il est donc indispensable de faciliter l'accès à ces formations à tous les jeunes qui en sont aptes, quels que soient la catégorie socioprofessionnelle dont ils sont issus ou leur territoire de provenance.

Il va de soi que cette démarche ne saurait être exclusive d'une politique de lutte contre l'échec en premier cycle universitaire. Le dispositif proposé est complémentaire d'une politique universitaire plus ambitieuse donnant les moyens à chacun de réussir dans les études choisies.

Les modes de sélection pour l'accès aux classes préparatoires des grandes écoles sont aujourd'hui tels que les enfants des classes moyennes et populaires, et ceux résidant dans certains territoires, en sont trop souvent exclus. Le nombre d'enfants issus de ces milieux ou de ces territoires accèdent de plus en plus difficilement aux formations supérieures d'excellence.

De fait la différence de traitement entre lycées produit des inégalités de chances qui touchent non seulement les élèves des ZEP, mais des élèves de nombreux lycées de métropole et d'outre-mer, de zones urbaines et de zones rurales.

Les expériences menées par des instituts d'études politiques ou certaines grandes écoles afin de permettre à des élèves de quelques lycées de ZEP (23 lycées à la rentrée 2004) d'intégrer une école par une procédure spéciale ou de mieux se préparer aux concours, ont montré que ces élèves pouvaient réussir leur scolarité aussi bien que les autres, une fois admis dans ces établissements. On peut se féliciter des conventions signées par les lycées qui réservent des places dans leurs classes préparatoires aux grandes écoles. Il faut maintenant étendre des procédures qui ont démontré leur efficacité à l'ensemble du territoire pour donner un moteur à la nécessaire ambition éducative qui doit animer tout gouvernement de la République.

Il convient d'offrir un cadre plus général et légal à ces initiatives couronnées de succès, prises partout en France.

Trop de bons élèves ignorent souvent les modes d'intégration des filières d'excellence, voire leur existence. Il s'agit ici de créer des perspectives positives pour tous les quartiers, pour tous les territoires du pays, et d'ouvrir les voies de l'excellence éducative à tous ceux qui en sont trop souvent exclus malgré leurs bons résultats. C'est pourquoi cette proposition de loi s'inscrit dans une démarche universelle et pragmatique. Les meilleurs élèves de chaque lycée, quel que soit leur lieu de résidence, pourront être orientés en classes préparatoires, dans les IEP ou dans les autres filières universitaires d'excellence (Dauphine par exemple).

Il est indispensable de parvenir à des conditions d'accès aux grandes écoles égales sur tout le territoire. En 2003-2004, 35 065 élèves étaient inscrits en première année de classes préparatoires, soit 8,9 % des bacheliers de l'enseignement général, très inégalement répartis entre les lycées. Dans certains lycées, aucun élève n'accède aux classes préparatoires, dans d'autres plus de 80 % des élèves y parviennent.

Un système différent d'accès aux grandes écoles devrait donc s'appliquer en France. Les meilleurs élèves de chaque lycée de France auraient un droit d'accès aux classes préparatoires aux grandes écoles et aux premières années des établissements qui sélectionnent à l'entrée (instituts d'études politiques ou Dauphine par exemple). Le ministère de l'Éducation nationale fixerait chaque année le pourcentage des meilleurs élèves bénéficiaires de ce droit, charge à une commission nationale composée des recteurs d'académie de fixer ensuite le nombre d'élèves concernés, dans chaque lycée de France.

Ce mécanisme doit s'adresser à tous les lycéens de France, quel que soit leur lieu de résidence.

Au niveau local de l'établissement, la détermination des meilleurs élèves devrait s'effectuer sur la base des résultats au baccalauréat et après un examen du dossier scolaire.

Ce mécanisme de recrutement donnera la possibilité aux équipes pédagogiques de chaque lycée de créer en leur sein une dynamique positive. Il contribuera à casser le processus de ségrégation urbaine qui voit les familles ayant le moins de difficultés se concentrer près des lycées les plus cotés, et éventuellement à éviter l'isolement des lycées situés en zone rurale ou urbaine difficile.

Il nécessite le développement et donc le financement de bourses pour les étudiants les plus modestes.

Il nécessite également la mise en place d'un dispositif d'accompagnement gratuit en lien avec l'équipe pédagogique dans l'ensemble des lycées, puis dans les classes préparatoires.

Aujourd'hui, il y a environ 40 000 élèves inscrits en première année des classes préparatoires et des instituts d'études politiques, autrement dit 10 % des bacheliers. Il faut tenir compte du fait que certains bacheliers ne voudront pas bénéficier de ce droit, s'ils veulent poursuivre des études scientifiques ou littéraires ou de médecine par exemple, et atteindre un pourcentage qui laisse une marge de recrutement par d'autres voies (examen, sélection sur dossiers individuels) aux directions d'établissements.

Pour ces raisons, nous vous prions, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Le recrutement dans les classes préparatoires aux grandes écoles des lycées publics et dans les premières années des établissements d'enseignement supérieur publics effectuant une sélection des candidats à l'entrée s'effectue parmi les élèves de tous les lycées d'enseignement général et technologique de métropole et d'outre-mer.

Article 2

A compter de la rentrée scolaire 2006-2007, une commission composée de l'ensemble des recteurs d'académie et présidée par le ministre en charge de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur fixe, chaque année, un objectif chiffré, pour chaque lycée, du nombre d'élèves bénéficiaires de ce droit et les conditions de répartition des élèves dans les classes préparatoires.

La détermination des meilleurs élèves bénéficiaires de ce droit s'effectue lycée par lycée, sur la base des résultats au baccalauréat et après examen du dossier scolaire.

Article 3

Les bénéficiaires de cette procédure ont droit à des bourses d'études en fonction des ressources de leur famille.

Article 4

Un dispositif d'information, d'accompagnement et de soutien gratuit des élèves est mis en place en liaison avec l'équipe pédagogique, dans l'ensemble des lycées et dans les classes préparatoires.

Article 5

Une évaluation est menée chaque année par une commission compétente dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État. Cette évaluation peut entraîner l'octroi de moyens supplémentaires aux lycées ayant atteint l'objectif fixé à l'article 2.

Article 6

Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application de la présente loi.

Article 7

Les charges éventuelles résultant pour l'État de l'application de la présente loi sont compensées par l'augmentation à due concurrence des tarifs visés à l'article 885 U du code général des impôts.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page