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N° 492

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 mai 2010

PROPOSITION DE LOI

relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l' égalité salariale et sur les conditions d' exercice de la parentalité ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Claire-Lise CAMPION, MM. Jean-Pierre BEL, Serge ANDREONI, Mmes Maryvonne BLONDIN, Nicole BONNEFOY, M. Didier BOULAUD, Mme Bernadette BOURZAI, M. Jean-Louis CARRÈRE, Mme Françoise CARTRON, M. Bernard CAZEAU, Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Pierre-Yves COLLOMBAT, Roland COURTEAU, Yves DAUDIGNY, Mmes Christiane DEMONTÈS, Josette DURRIEU, M. Bernard FRIMAT, Mme Samia GHALI, MM. Jean-Pierre GODEFROY, Jean-Noël GUÉRINI, Didier GUILLAUME, Ronan KERDRAON, Serge LAGAUCHE, Serge LARCHER, Mmes Claudine LEPAGE, Raymonde LE TEXIER, MM. François MARC, Jean-Pierre MICHEL, Gérard MIQUEL, Jean-Jacques MIRASSOU, Robert NAVARRO, Jean-Marc PASTOR, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, Daniel REINER, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Jean-Marc TODESCHINI, Richard YUNG et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Compte tenu de la difficulté toujours actuelle en France d'articuler les temps de vie et les temps professionnels, et malgré la spécificité française en regard de son taux de fécondité à la première place de l'Union européenne, la maternité reste un obstacle à une réelle égalité professionnelle.

La législation française admet aujourd'hui, aux termes de l'article L. 1225-17 du code du travail, une période de congé maternité de 16 semaines : « La salariée a le droit de bénéficier d'un congé de maternité pendant une période qui commence six semaines avant la date présumée de l'accouchement et se termine dix semaines après la date de celui-ci. »

Ce congé n'est pas une libéralité laissée par la société aux femmes pour leur convenance. Il s'agit d'une nécessité liée aux implications du travail sur la santé de celles-ci tant en période prénatale, avec en outre les effets potentiels sur l'enfant à naître, qu'en période postnatale, avec les effets de la fatigue voire les implications des actes de chirurgie pratiqués à l'occasion des césariennes. Ce sont ces implications qui ont conduit le législateur à accorder des durées de congés plus longues pour les naissances multiples (article L. 1225-18 du code du travail), ou pour le troisième enfant (article L. 1225-19 du code du travail).

La France ne dispose pas d'une législation des plus protectrices dans l'Union européenne, que ce soit en terme de rémunération ou en terme de durée de congé. Il faut à cet égard remarquer que la durée du congé français est inférieure à celle accordée au Portugal, au Royaume-Uni, en Irlande, en Grèce, en Finlande (18 semaines réservées à la mère et 26 pour le père ou la mère), en Italie (20 semaines) ou au Danemark (28 semaines).

Devant des législations européennes diverses, et parfois peu protectrices de la santé des femmes, la Commission européenne a lancé une initiative forte en proposant une directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 92/85/CEE du Conseil concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail [Com(2008) 600/4].

Cette initiative est issue d'un long processus d'évolution depuis la directive 92/85/CEE, qui pose un congé maternité d'au moins quatorze semaines continues. Dans la présentation de sa proposition, la Commission européenne expose qu'« en raison de la vulnérabilité de la travailleuse enceinte, accouchée ou allaitante, il est nécessaire de lui accorder le droit à un congé de maternité d'au moins dix-huit semaines continues, réparties avant et/ou après l'accouchement, et de rendre obligatoire un congé de maternité d'au moins six semaines après l'accouchement ».

La Commission européenne suit, dans sa proposition, l'Organisation internationale du travail, qui recommande l'adoption d'un congé de maternité d'une durée minimale de 18 semaines. Elle propose en outre, dans le point 3 de l'article 1 er , de modifier la règle relative à la rémunération accordée pendant le congé maternité, prévoyant le principe de l'octroi du salaire mensuel complet perçu avant le congé maternité. À l'heure actuelle, la législation française permet à la salariée enceinte de bénéficier d'une garantie de rémunération pendant la suspension du contrat de travail. Cette rémunération garantie n'est pas un maintien de salaire. Elle est composée de l'allocation journalière prévue à l'article L. 333-1 du code de la sécurité sociale et d'une indemnité complémentaire pouvant être versée par l'employeur, selon les mêmes modalités que celles prévues par les dispositions mentionnées à l'article L. 1226-1 du code du travail.

Il n'existe aucune obligation au maintien du salaire, celui-ci dépendant des accords passés dans le cadre des conventions collectives. Or, nombre de conventions collectives n'accordent pas ce droit au maintien du salaire, notamment dans les secteurs historiquement fortement masculinisés. Il en ressort, dans notre droit national, une source d'inégalités entre les femmes selon les secteurs, tout à fait contraire au principe d'égalité. La maternité peut apparaître comme une sanction financière pour les femmes travaillant dans les secteurs n'ayant pas une convention collective prévoyant ce maintien du salaire.

Il convient aussi de prendre en considération la situation des femmes qui exercent des professions non salariées (chefs d'entreprise, artisans, conjoints collaborateurs) qui ne peuvent actuellement mettre durablement entre parenthèse leur activité au risque de mettre en danger leur entreprise. La législation française apparaît très insuffisante pour permettre à ces femmes de mener à bien leur maternité et vivre pleinement cette expérience. De ce fait, elles se trouvent trop souvent contraintes de reprendre rapidement leur travail, bien avant le terme légalement fixé pour les salariées. Une telle situation n'est pas acceptable. En conséquence, la société doit admettre l'effort nécessaire pour venir soutenir ces femmes.

La présente proposition de loi vise à apporter tout le soutien nécessaire à la proposition de la Commission européenne d'augmenter la durée du congé maternité en modifiant dès maintenant la législation française dans le sens demandé par la Commission européenne. Il s'agit en outre d'améliorer les conditions de choix par le père, le conjoint ou la personne vivant maritalement avec la mère de l'enfant ou ayant conclu avec elle un pacte civil de solidarité d'une prise de congé ou non. Celui-ci joue un rôle aussi fondamental dans l'accueil de l'enfant durant les premiers mois de sa vie. C'est ainsi l'amélioration de l'articulation entre la vie professionnelle, la vie personnelle et la vie familiale qui est poursuivie.

Il s'agit de permettre les conditions d'un véritable choix pour les parents afin que la société soutienne pleinement les efforts qu'ils consentent pour l'éducation de leurs enfants.

Dans l'article 1 er nous proposons donc de prolonger la durée du congé maternité de quatre semaines.

L'article 2 oblige l'employeur, à l'occasion de l'entretien relatif à l'orientation professionnelle auxquelles les femmes ont droit au retour de leur congé de maternité, d'évoquer l'adaptation de leurs conditions et horaires de travail.

Avec l'article 3, nous proposons l'extension de la période d'interdiction d'emploi des salariées ayant accouché.

Avec l'article 4, nous proposons le maintien intégral du salaire de la salariée en congé maternité. C'est la proposition de la Commission européenne, la France ne peut faire moins.

À l'article 5, sur le modèle du droit rural, nous proposons que l'ensemble des femmes exerçant une activité non salariée puissent bénéficier d'un congé maternité rémunéré qui prenne en compte leur besoin de remplacement dans leur entreprise. Il est en effet essentiel que ces femmes accèdent aux mêmes protections et droits que les salariées en ce qui concerne la maternité.

À l'article 6, est proposée la création d'un congé d'accueil de l'enfant, afin d'accorder deux semaines pleines de présence auprès de l'enfant et de la mère, du père, du conjoint, de la personne vivant maritalement avec la mère ou ayant conclu avec elle un pacte civil de solidarité.

Enfin, dans l'article 7, nous proposons que la présente loi soit applicable à l'ensemble des femmes en congé maternité au moment de sa publication. Il sera accordé une prolongation du congé aux femmes pour atteindre les 20 semaines de congé maternité.

Tel est l'objet de notre proposition de loi que nous vous demandons d'adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Le premier alinéa de l'article L. 1225-17 du code du travail est ainsi rédigé :

« La salariée a le droit de bénéficier d'un congé de maternité de vingt semaines qui commence sept semaines avant la date présumée de l'accouchement. »

Article 2

L'article L. 1225-27 du même code est complété par les mots:

« et de l'adaptation de ses conditions et horaires de travail ».

Article 3

L'article L. 1225-29 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1225-29. - Il est interdit d'employer la salariée pendant une période de dix semaines au total avant et après son accouchement.

« Il est interdit d'employer la salariée dans les sept semaines qui suivent son accouchement. »

Article 4

L'article L. 1225-24 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une indemnité compensatrice d'un montant équivalent à son salaire est assurée à la salariée durant la période définie à l'article L. 1225-17, au moyen d'une indemnité à la charge de l'employeur lorsque le salaire dépasse le plafond fixé par la sécurité sociale. »

Article 5

Les femmes exerçant une activité non salariée bénéficient des mêmes droits à congé maternité que les salariées. L'assurance maladie, invalidité et maternité de leur profession prend en charge la couverture des frais exposés pour assurer leur remplacement à leurs fonctions, et le maintien de leur rémunération selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, lorsqu'elles sont empêchées de les accomplir en raison de la maternité ou de l'arrivée à leur foyer d'un enfant confié en vue de son adoption par un service d'aide social à l'enfance ou par un organisme autorisé pour l'adoption.

L'allocation de remplacement leur est également accordée lorsqu'elles sont titulaires de l'agrément mentionné aux articles L. 225-2 ou L. 225-17 du code de l'action sociale et des familles lorsqu'elles adoptent ou accueillent un enfant en vue de son adoption par décision de l'autorité étrangère compétente, à condition que l'enfant ait été autorisé, à ce titre, à entrer sur le territoire français.

Article 6

I. - L'article L. 1225-35 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1225-35. - Après la naissance de l'enfant et dans un délai de quatre mois, le père, le conjoint, ou la personne vivant maritalement avec la mère de l'enfant ou ayant conclu avec elle un pacte civil de solidarité, bénéficie d'un congé d'accueil de l'enfant de quatorze jours consécutifs ou de vingt-et-un jours consécutifs en cas de naissances multiples.

« Le congé d'accueil de l'enfant entraîne la suspension du contrat de travail.

« Le salarié qui souhaite bénéficier du droit à ce congé avertit son employeur un mois avant la date à laquelle il envisage bénéficier de son droit. En cas de naissance prématurée, ce délai est ramené à cinq jours.

« La période de ce congé est considérée comme une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté.

« Durant cette période, une indemnité compensatrice d'un montant équivalent à son salaire est assurée au salarié, au moyen d'une indemnité à la charge de l'employeur lorsque le salaire dépasse le plafond fixé par la sécurité sociale. »

« L'employeur ne peut refuser le bénéfice de ce congé pour les personnes qui en font la demande. »

II. - 1. Au 5° de l'article L. 1142-3 et à L. 1225-36 du même code, les mots : « congé de paternité » sont remplacés par les mots : « congé d'accueil de l'enfant ».

2. L'intitulé de la section 2 du chapitre V du titre II du livre II de la première partie du même code est ainsi rédigé : « Congé d'accueil de l'enfant ».

III. - les deux premiers alinéas de l'article L. 331-8 du code de la sécurité sociale sont ainsi rédigés :

« Après la naissance de l'enfant, et dans un délai de trois mois, le père assuré, le conjoint assuré, la personne assurée vivant maritalement avec la mère de l'enfant ou ayant conclu avec elle un pacte civil de solidarité reçoit, pendant une durée maximale de quatorze jours consécutifs et dans les mêmes conditions d'ouverture de droit, de liquidation et de service, l'indemnité journalière visée à l'article L. 331-3, sous réserve de cesser toute activité salariale ou assimilée.

« En cas de naissances multiples, la durée maximale fixée au précédent alinéa est égale à vingt-et-un jours consécutifs. »

IV. - Dans le code de la sécurité sociale, les mots : « congé de paternité » sont remplacés par les mots : « congé d'accueil de l'enfant ».

Article 7

La présente loi s'applique également aux femmes en congé maternité à la date de sa publication.

Article 8

Les conséquences financières supplémentaires qui pourraient résulter pour les régimes de sécurité sociale de l'application de la présente proposition de loi sont compensées, à due concurrence, par le relèvement des droits sur les alcools prévus par les articles 402 bis et 403 du code général des impôts.

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