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N° 373

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 mars 2011

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer la prise en charge des troubles de l' audition ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Dominique VOYNET, M. Jean-Pierre BEL, Mmes Alima BOUMEDIENE-THIERY, Marie-Christine BLANDIN, Nicole BONNEFOY, M. Michel BOUTANT, Mmes Françoise CARTRON, Monique CERISIER-ben GUIGA, M. Roland COURTEAU, Mmes Christiane DEMONTÈS, Annie JARRAUD-VERGNOLLE, MM. Jean DESESSARD, Serge LAGAUCHE, Serge LARCHER, Mme Claudine LEPAGE, MM. Claude LISE, Robert NAVARRO, Mme Renée NICOUX, MM. Bernard PIRAS, Roland POVINELLI, Marcel RAINAUD, Daniel RAOUL, Daniel REINER, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Jean-Marc TODESCHINI et les membres du groupe socialiste (1), apparentés (2) et rattachés (3),

Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

(1) Ce groupe est composé de : Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Serge Andreoni, Bernard Angels, Alain Anziani, David Assouline, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Claude Bérit-Débat, Jean Besson, Mme Maryvonne Blondin, M. Yannick Bodin, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Yannick Botrel, Didier Boulaud, Martial Bourquin, Mme Bernadette Bourzai, M. Michel Boutant, Mme Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, M. Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Yves Chastan, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Yves Daudigny, Yves Dauge, Marc Daunis, Jean-Pierre Demerliat, Mme Christiane Demontès, M. Claude Domeizel, Mme Josette Durrieu, MM. Alain Fauconnier, Jean-Luc Fichet, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Mme Samia Ghali, MM. Serge Godard, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Didier Guillaume, Claude Haut, Edmond Hervé, Mmes Odette Herviaux, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Claude Jeannerot, Ronan Kerdraon, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Mme Françoise Laurent-Perrigot, M. Jacky Le Menn, Mmes Claudine Lepage, Raymonde Le Texier, MM. Alain Le Vern, Jean-Jacques Lozach, Roger Madec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Jean-Jacques Mirassou, Robert Navarro, Mme Renée Nicoux, MM. Jean-Marc Pastor, François Patriat, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Roland Povinelli, Mme Gisèle Printz, MM. Marcel Rainaud, Daniel Raoul, Paul Raoult, François Rebsamen, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Roland Ries, Mmes Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, René Teulade, Jean-Marc Todeschini, André Vantomme et Richard Yung.

(2) Apparentés : MM. Jean-Etienne Antoinette, Jacques Berthou, Jacques Gillot, Mme Virginie Klès, MM. Serge Larcher, Claude Lise, Georges Patient et Richard Tuheiava.

(3) Rattachés administrativement : Mmes Marie-Christine Blandin, Alima Boumediene-Thiery, M. Jean Desessard et Mme Dominique Voynet.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Environ quatre millions de personnes souffrent d'un déficit auditif en France, soit 6,6 % de la population, selon le ministère des solidarités et de la cohésion sociale.

Chaque année, un enfant sur mille naît avec une déficience auditive. Déficience qui est susceptible de retentir sur l'éducation, la scolarité, la vie professionnelle et l'ensemble de la vie sociale des personnes concernées.

Lancé par le Gouvernement en février 2010, le plan handicap auditif 2010-2012, qui propose une série de mesures en matière de prise en charge et d'accompagnement de la surdité à tous les âges de la vie, n'a pas été suivi d'effets. Pourtant, les besoins sont criants : des classes d'intégration scolaire ont été supprimées dans toutes les académies, laissant des centaines d'enfants sans solution de scolarisation spécialisée. Plus de 2 000 auxiliaires de vie scolaire (A.V.S.) ont vu leur contrat non reconduit en deux ans, privant les élèves qui ont besoin d'un accompagnement de la possibilité d'être scolarisés en milieu ordinaire. Le manque d'écoles bilingues sur le territoire, et de moyens nécessaires au fonctionnement des écoles bilingues qui existent, menacées à maintes reprises de fermeture, sont autant d'exemples frappants de la situation.

La plupart des personnes vivent d'autant plus leur état comme un handicap, dans une société où l'oralité est prégnante et où les interlocuteurs ne sont pas formés à la langue des signes.

Les objectifs de cette proposition de loi se basent sur un ensemble d'éléments qu'il est nécessaire de présenter.

Actuellement, le diagnostic de surdité est posé en moyenne entre 16 et 18 mois, souvent à la suite d'un parcours semé d'embûches pour les parents.

Or, la communauté médicale insiste sur l'importance du dépistage précoce du trouble de l'audition de l'enfant afin de lui permettre une prise en charge adaptée à ses besoins : appareillage, rééducation, implants cochléaires ou apprentissage de la langue des signes (LSF). Il paraît donc indispensable de mettre en place un système de dépistage adapté.

C'est ce qui a conduit des associations et des députés à proposer un dépistage précoce à moins de trois mois.

Pour notre part, nous considérons qu'il convient de rappeler qu'un diagnostic trop précoce pose un double problème : toutes les surdités ne sont pas dépistables au bout de quelques jours et le risque de faux positif est de 80 %, causant une grande inquiétude chez les parents jusqu'au diagnostic de confirmation intervenant à trois mois. De plus, un diagnostic à la maternité entraînerait un risque de surmédicalisation de la surdité, étant ainsi assimilée à une maladie rare et grave. Le dépistage ultra-précoce systématique proposé serait chiffré à un coût de 17 millions d'euros annuels, et n'avancerait que de quelques semaines la découverte de la surdité pour trois à quatre cents enfants en France. Pourtant, aucune étude scientifique rigoureuse n'a prouvé que ce gain de temps apporterait une amélioration de la qualité de vie pour l'enfant.

La présente proposition de loi a pour objet de répondre aux préoccupations des nombreuses associations qui estiment qu'aucune prise en charge de la surdité ne pouvant intervenir avant 4 mois, il semble important de ne pas briser le lien parent/enfant par une annonce brutale de la surdité de l'enfant juste après l'accouchement. Cette annonce pourrait, en effet, avoir un impact psychologique très négatif, nuisible au bon développement de l'enfant qui passe notamment par l'intimité et la communication multi sensorielle avec la mère, conditionnant le développement affectif, cognitif puis linguistique de l'enfant. Il semble donc préférable que le dépistage systématique soit réalisé plus tard, lors d'un des examens post-nataux obligatoires, à compter du 4 e mois et au plus tard au cours du 9 e mois.

Il est illusoire de croire qu'une simple généralisation du dépistage précoce des troubles de l'audition suffit à prévenir les retards d'acquisition du langage ou de développement futur de l'enfant s'il ne s'accompagne pas d'un accompagnement parental et d'une politique éducative de qualité. L'accompagnement des familles doit être renforcé, au moment du diagnostic notamment. Cette proposition de loi a ainsi pour objet d'organiser le dépistage dans le cadre de la Protection Maternelle et Infantile (PMI) permettant ainsi d'accompagner les parents dans leurs démarches et de leur présenter de manière approfondie toutes les options dont ils disposent ainsi qu'à créer un poste de référent spécialisé dans les troubles de l'audition dans les maisons départementales des personnes handicapées.

Par ailleurs, l'accompagnement post-diagnostic devra comporter une offre d'information riche et variée, une orientation vers un praticien spécialisé ainsi qu'une présentation de la LSF.

Si les langues des signes sont pour la Commission européenne une « partie du patrimoine tant linguistique que culturel de l'Europe », et que la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, reconnaît cette langue comme une « langue à part entière », l'organisation éducative en France fait le plus souvent obstacle à son existence réelle : 1 % des enfants sourds scolarisés auraient la LSF comme langue d'enseignement. Si cela reste indéniablement à développer, il est aussi indispensable d'accompagner les parents dans son apprentissage, que ce soit pour eux ou pour leur enfant. À cet effet, un congé parental de 12 semaines est mis en place.

L' article premier de cette proposition de loi précise que le dépistage des troubles de l'audition se fera, à la suite de l'examen post natal obligatoire, à compter du 4 e mois ou au plus tard au cours du 9 e mois, sachant que cet examen conditionne le versement des prestations familiales. Le dépistage non précoce permettra aux parents de tisser des liens avec leur enfant avant l'annonce d'une éventuelle surdité. Il vise aussi à ce qu'il soit réalisé dans un centre de Protection Maternelle et Infantile afin de prendre en compte d'autres enjeux que l'aspect strictement médical et à offrir aux parents une meilleure information, par le biais d'un guide, pour les aider à appréhender au mieux le handicap, sous toutes ses formes. Dans ce même esprit, c'est aux Maisons départementales des personnes handicapées d'élaborer ce programme de dépistage.

L' article 2 précise le cahier des charges.

L 'article 3 entend créer un poste de référent spécialisé dans les troubles de l'audition dans les maisons départementales des personnes handicapées.

Soucieux d'améliorer la communication entre les parents et leur enfant, l' article 4 vise à créer la possibilité, pour les parents, de prendre un congé parental de 12 semaines afin d'apprendre la Langue des Signes Française.

L' article 5 crée une redevance pour financer les frais de gestion liés à la présente proposition de loi.

Alors que la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées veut proposer une autre politique du handicap qui ne doit plus être saisie sous le seul angle médical, il nous appartient de prendre en compte les enjeux sociétaux et éthiques.

Telles sont les raisons de la proposition de loi qu'il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d'adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1

Après l'article L. 2132-2-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2132-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2132-2-2. - Dans le cadre des programmes prévus à l'article L. 1411-6, si lors de l'examen post-natal mentionné à l'article L. 2122-1 du code de la santé publique, une présomption de troubles de l'audition est détectée par le médecin, l'enfant bénéficie d'un dépistage des troubles de l'audition à compter du 4 e mois et au plus tard au cours du 9 e mois suivant la naissance.

« 1° Ce dépistage comprend un examen de repérage des troubles de l'audition réalisé dans un centre de Protection Maternelle et Infantile ;

«2° Un livret d'information est remis aux parents détaillant les différentes modes de communication, en particulier la langue mentionnée à l'article L. 312-9-1 du code de l'éducation, et leurs disponibilités au niveau régional ainsi que sur les mesures de prise en charge et d'accompagnement susceptibles d'être proposées à l'enfant et à sa famille.

« 3° Les cellules d'écoute et d'aide dans les maternités ainsi que le développement des services d'éducation spécialisée et de soins à domicile pour assurer une évaluation et un accompagnement de l'enfant en situation de handicap sont développés.

« 4° Les maisons départementales des personnes handicapées élaborent, en concertation avec chaque agence régionale de santé, les associations, et tous les professionnels concernés par les troubles de l'audition, un programme de dépistage des troubles de l'audition qui détermine les modalités et les conditions de mise en oeuvre de ce dépistage, conformément à un cahier des charges national établi par arrêté après avis de la Haute autorité de santé.

« Ce dépistage ne donne pas lieu à une contribution financière des familles.

« Un arrêté détermine les conditions d'application du présent article. »

Article 2

Le cahier des charges national prévu à l'article L. 2132-2-2 du code de la santé publique est publié dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi.

Article 3

L'article L. 146-7 du code de l'action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est créé au sein des maisons départementales des personnes handicapées un poste de référent spécialisé dans les troubles de l'audition ».

Article 4

L'article L. 1225-62 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le salarié peut prétendre à un congé parental à hauteur de 12 semaines afin d'apprendre la langue mentionnée à l'article L. 312-9-1 du code de l'éducation».

Article 5

Les éventuelles conséquences financières résultant pour les organismes de sécurité sociale de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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