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N° 374

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 mars 2011

PROPOSITION DE LOI

tendant à transférer la gestion, le prélèvement et le versement des pensions alimentaires à la caisse d' allocations familiales,

PRÉSENTÉE

Par Mmes Dominique VOYNET, Michèle ANDRÉ, Alima BOUMEDIENE-THIERY, Marie-Christine BLANDIN, Nicole BONNEFOY, Nicole BRICQ, Françoise CARTRON, M. Roland COURTEAU, Mmes Christiane DEMONTÈS, Annie JARRAUD-VERGNOLLE, MM. Michel BOUTANT, Jean DESESSARD, Ronan KERDRAON, Serge LAGAUCHE, Serge LARCHER, Mmes Claudine LEPAGE, Raymonde LE TEXIER, MM. Claude LISE, Robert NAVARRO, Mme Renée NICOUX, MM. Bernard PIRAS, Roland POVINELLI, Marcel RAINAUD, Daniel RAOUL, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Jean-Marc TODESCHINI et les membres du groupe socialiste (1), apparentés (2) et rattachés (3),

Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

(1) Ce groupe est composé de : Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Serge Andreoni, Bernard Angels, Alain Anziani, David Assouline, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Claude Bérit-Débat, Jean Besson, Mme Maryvonne Blondin, M. Yannick Bodin, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Yannick Botrel, Didier Boulaud, Martial Bourquin, Mme Bernadette Bourzai, M. Michel Boutant, Mme Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, M. Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Yves Chastan, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Yves Daudigny, Yves Dauge, Marc Daunis, Jean-Pierre Demerliat, Mme Christiane Demontès, M. Claude Domeizel, Mme Josette Durrieu, MM. Alain Fauconnier, Jean-Luc Fichet, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Mme Samia Ghali, MM. Serge Godard, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Didier Guillaume, Claude Haut, Edmond Hervé, Mmes Odette Herviaux, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Claude Jeannerot, Ronan Kerdraon, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Mme Françoise Laurent-Perrigot, M. Jacky Le Menn, Mmes Claudine Lepage, Raymonde Le Texier, MM. Alain Le Vern, Jean-Jacques Lozach, Roger Madec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Jean-Jacques Mirassou, Robert Navarro, Mme Renée Nicoux, MM. Jean-Marc Pastor, François Patriat, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Roland Povinelli, Mme Gisèle Printz, MM. Marcel Rainaud, Daniel Raoul, Paul Raoult, François Rebsamen, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Roland Ries, Mmes Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, René Teulade, Jean-Marc Todeschini, André Vantomme et Richard Yung.

(2) Apparentés : MM. Jean-Etienne Antoinette, Jacques Berthou, Jacques Gillot, Mme Virginie Klès, MM. Serge Larcher, Claude Lise, Georges Patient et Richard Tuheiava.

(3) Rattachés administrativement : Mmes Marie-Christine Blandin, Alima Boumediene-Thiery, M. Jean Desessard et Mme Dominique Voynet.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année, 120 000 nouveaux enfants vivent le divorce de leurs parents. Ainsi, en France on estime que 45 % des couples divorcent ou se séparent.

La situation des familles a considérablement évolué depuis trente ans, lorsque étaient stigmatisés les « enfants de divorcés ». Familles recomposées, gardes alternées, c'est toute la société qui s'est aujourd'hui ouverte à cette nouvelle donne sociétale.

D'après le rapport sur l'état des inégalités en France (2007) de l'Observatoire des inégalités, 41,7 % des familles monoparentales sont pauvres. Élever seul(e) ses enfants relève parfois de l'exploit quand il faut faire face aux dépenses, aux emplois mal payés, se résigner à un emploi de temps partiel ou encore à concilier vie professionnelle et éducation des enfants, au prix de frais de garde élevés.

Si les recours pour non-paiement de pension alimentaire sont punis dans 98 % des cas, peu de parents font la démarche de porter plainte, et il nous appartient d'en comprendre les raisons.

Ils sont pourtant nombreux, les parents qui ne perçoivent pas du tout de pension ou bien n'en perçoivent qu'une partie.

Les raisons de ces dysfonctionnements sont aussi diverses que le sont les situations de ces familles. Vraie difficulté financière rencontrée par le parent débiteur, mauvaise foi, chantage, telles sont les raisons qui amplifient inévitablement les tensions entre les parents et dont les enfants sont les premiers à souffrir.

Le recours est délicat : longues et complexes, les procédures existantes n'incitent pas à les utiliser. Et pour éviter que les enfants ne soient les otages de ces situations douloureuses, des parents renoncent à poursuivre le débiteur pour non-paiement de pension alimentaire.

Ces situations n'ont rien de vaudevillesque. Il n'est pas rare de rencontrer des parents englués dans un cercle vicieux : le parent qui exerce la garde des enfants refusant de le présenter au parent débiteur, que ce refus conforte dans sa décision de ne pas payer, ou le parent qui refuse de payer la pension alimentaire au motif des obstructions qui sont mises à l'exercice de son droit de voir et de recevoir son enfant.

C'est l'enfant qui est victime des relations conflictuelles de ses parents séparés, obligés, au-delà de leur responsabilité éducative partagée, de se mettre d'accord sur une question potentiellement conflictuelle. Certes, la médiation entre les parents proposée par les services de protection de la jeunesse est utile, mais d'autres pistes plus radicales méritent d'être défendues.

Personne n'est à l'abri de conflits. Sans nier les situations dépourvues de toute conflictualité où chaque parent assume ses responsabilités, il n'en reste pas moins que la loi est, de façon générale, destinée à protéger les intérêts des plus faibles et, notamment, des enfants.

Cette proposition de loi a pour ambition de garantir à terme échu le paiement des pensions alimentaires aux parents desquels la garde des enfants est confiée, mais aussi de « désincarner » le versement de la dite pension en confiant son prélèvement d'une part et son versement d'autre part à un organisme incontesté : la caisse d'allocations familiales.

Ainsi, les parents concernés se verront verser leur pension alimentaire dans son intégralité, sans avoir à supplier ou menacer le parent débiteur. En cas de non paiement, il appartiendra en effet à l'organisme de se retourner contre le débiteur.

Cela constitue à la fois une mesure de protection des enfants, mais aussi des parents qui pourront ainsi plus facilement faire face aux dépenses d'un côté et contribuer tous deux plus sereinement à l'éducation de leur progéniture.

L' article premier de cette proposition de loi confie aux caisses d'allocations familiales les missions de gestion, de prélèvement et de versement des pensions alimentaires, si le parent créancier en fait la demande. Ceux sont en effet les organismes publics les mieux placés pour remplir ce rôle, puisqu'ils interviennent déjà en la matière dans le cadre de l'allocation de soutien familial. Le montant de la pension alimentaire décidé par le juge sera donc versé par le débiteur à la caisse d'allocations familiales qui le reversera à son tour au parent ou à la personne à laquelle l'enfant a été confié ou, dans le cadre prévu par l'article 373-2-5 du code civil, à l'enfant lui-même.

L' article 2 précise que la caisse d'allocations familiales peut, d'une part, se substituer au débiteur lorsque celui-ci est dans l'impossibilité de verser la pension alimentaire, d'autre part, engager les actions en justice nécessaires pour en obtenir le paiement lorsque le débiteur s'abstient volontairement de les verser. Enfin, en cas de fraude, la caisse d'allocations familiales est autorisée à engager des poursuites judiciaires envers la personne fautive.

Soucieuse de tenir compte de la réalité concrète, dominée, pour les personnes à revenu modeste, par la complexité de l'articulation entre la pension alimentaire et les modalités de versement de l'allocation de soutien familial (ASF), l' article 3 de la présente proposition de loi prévoit la mise en oeuvre du réaménagement de l'ASF préconisée par la Cour des comptes dans son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (septembre 2010). Il s'agit de rendre cette dernière véritablement différentielle en lui permettant de compléter les petites pensions alimentaires jusqu'au montant maximal de cette allocation qui s'élève, en 2010, à 87,14 euros pour l'enfant privé de l'aide de l'un de ses parents. Cet article 3 répond à un impératif de justice sociale auquel s'ajoute un second objectif : mettre un terme aux effets pervers du mécanisme en vigueur qui, selon la Cour des comptes, « incite les parents non gardiens à ne pas s'acquitter de leur obligation, afin que le parent gardien perçoive l'ASF » et « incite également les juges à ne pas fixer de pension alimentaire, afin que les allocataires ne soient pas lésés financièrement ».

L' article 4 crée une redevance, perçue sur les pensions alimentaires versées, pour financer les frais de gestion liés à la présente proposition de loi pour les caisses d'allocations familiales.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

I. - Après l'article 373-2-5 du code civil, il est inséré un article 373-2-6 ainsi rédigé :

« Art. 373-2-6. - À la demande du parent créancier, la pension alimentaire due en application des articles 373-2-2 et 373-2-5 est versée par le parent débiteur à la caisse d'allocations familiales de son lieu de résidence, à charge pour celle-ci de la reverser à l'autre parent ou à la personne à laquelle l'enfant a été confié. » ;

II. - Au premier alinéa de l'article 373-2-2 du même code, le mot : « versée » est remplacé par le mot : « due ».

Article 2

Après l'article 373-2-2 du code civil, il est inséré un article 373-2-2-1 ainsi rédigé :

« Art. 373-2-2-1. - Dans le cas prévu par l'article 373-2-6, si le débiteur ne peut, provisoirement, et pour des raisons légitimes, payer la pension alimentaire, il saisit le juge aux affaires familiales d'une demande de suspension. Si celle-ci est accordée, le juge en informe la caisse d'allocations familiales.

« En cas de défaut de paiement volontaire de la part du débiteur, la caisse d'allocations familiales peut exercer les recours nécessaires pour obtenir le recouvrement des pensions non versées.

« En cas de fraude de la part d'une des deux parties, la caisse d'allocations familiales engage des poursuites à l'encontre des personnes responsables.

« Durant les périodes de suspension, décidées par le juge, de non versement volontaire des pensions ou de poursuites pour fraude, la caisse d'allocations familiales se substitue au débiteur pour le versement de la pension alimentaire. »

Article 3

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 581-1 est complété par un second alinéa ainsi rédigé :

« Dans les conditions prévues par l'article 373-2-6 du code civil, les organismes et services auxquels incombe le service des prestations familiales perçoivent, et à défaut, recouvrent les créances dues au titre de l'entretien d'enfants pour en reverser le produit aux parents créanciers. »

2° Au quatrième alinéa de l'article L. 581-2, les mots : « de la créance alimentaire susvisée, sans toutefois pouvoir excéder le » sont remplacés par le mot : « du ».

3° Au début du dernier alinéa de l'article L. 581-4 sont insérés les mots : « En dehors du cas prévu à l'article 373-2-6 du code civil, ».

Article 4

Les éventuelles conséquences financières résultant pour les caisses d'allocations familiales de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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