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N° 629

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juin 2013

PROPOSITION DE LOI

relative à l' assistance médicalisée pour mourir ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Muguette DINI,

Sénatrice

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le sujet sensible de la fin de vie concerne tous nos concitoyens.

L'enquête Ifop realisée du 4 au 13 septembre 2012 et publiée dans le Pèlerin Magazine en est l'illustration.

Près d'un Français sur deux (48 %) estime que la loi française actuelle sur la fin de vie ne permet pas « suffisamment d'atténuer les souffrances physiques ou morales » des malades.

Pour 68 % des français, la loi ne permet pas « de respecter la volonté du malade concernant sa fin de vie ».

Dans ce contexte, 86 % des français se déclarent « favorables à la légalisation de l'euthanasie ».

Le sujet sensible de la fin de vie agite aussi de nombreuses familles.

La décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, le 11 mai dernier nous en donne un exemple crucial.

Le juge des référés a enjoint à l'hôpital de Reims de : « rétablir l'alimentation et l'hydratation normales » d'un homme de 37 ans en état de conscience minimale. Celles-ci avaient été respectivement arrêtées et limitées un mois plus tôt par l'équipe médicale. Ce processus de fin de vie avait été décidé par l'épouse du patient. Opposés, les parents ont alors saisi la justice et obtenu gain de cause.

Cette proposition de loi relative à l'assistance médicalisée pour mourir permet de répondre aux préoccupations des Français et d'éviter nombre de déchirements familiaux.

Ce texte de loi propose surtout de respecter la primauté de la volonté proclamée du patient.

Depuis l'évolution de la relation médicale instituée par la loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, le patient est un véritable acteur de sa santé. Il est et doit être considéré comme un partenaire, qui choisit son traitement en collaboration avec son médecin. Il a, de ce fait, droit d'information et de décisions sur sa santé et sa vie, dans une relation soignant-soigné, basée sur le respect et la confiance.

Le respect de la volonté du patient est donc érigé en principe fondamental pour les actes de soins.

Il doit en être de même en matière de fin de vie. Chaque être humain, dans la situation décrite à l'article 1 er de cette proposition de loi, a le droit de décider ce qui est bon pour lui. Il a le droit de décider de ce qui, pour lui, est la bonne mort ou la mort douce, traduction des termes grecs qui composent le mot « euthanasie ».

Ce texte de loi n'impose à personne une mort non désirée. Seuls ceux qui en auront fait la demande, claire et réitérée, pourront obtenir l'assistance médicalisée pour mourir.

Ainsi, l'article 1 er ouvre, aux personnes majeures capables, la possibilité d'une aide médicalisée pour mourir.

Il peut s'agir du stade avancé ou terminal d'une pathologie grave et incurable, quel que soit l'âge, ou d'une souffrance physique ou psychique ne pouvant pas être apaisée ou jugée insupportable par la personne.

L'article 2 offre la faculté, aux malades conscients, de demander cette aide et définit la procédure applicable : saisine par la personne de son médecin, qui s'adjoint deux de ses confrères pour examiner le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande et la situation médicale du malade.

La première mission de ces médecins sera de proposer, voire d'organiser, l'accès de la personne aux soins palliatifs.

Si c'est en pleine connaissance de cause que la personne refuse ces soins, les médecins remettront dans les huit jours un rapport écrit pour juger si son état de santé correspond aux critères définis par la loi.

Si le rapport est favorable et si, lors de sa remise, le malade persiste dans cette demande en présence de sa personne de confiance, alors seulement, l'assistance pourra être mise en oeuvre à partir de huit jours plus tard.

Afin que soit demandée pour elle une assistance médicalisée pour mourir, dans l'hypothèse où elle ne serait plus en mesure de s'exprimer elle-même le moment venu , l'article 3 offre la faculté, à une personne majeure capable, de laisser des directives anticipées.

L'article 4 détermine la procédure nécessaire à la mise en oeuvre d'une assistance médicalisée pour mourir, pour les personnes ayant établi des directives anticipées et demandant à être subrogées dans leur volonté, en cas d'incapacité à s'exprimer.

Il incombera aux personnes de confiance, précédemment désignées par le malade, de saisir le médecin traitant. L'examen médical portera sur l'état médical du patient. Pour la mise en oeuvre de l'aide, une fois la décision dûment prise et confirmée, le délai est de deux jours au moins.

Ce même article définit la procédure de contrôle mise en oeuvre sur les actes d'assistance médicalisée pour mourir. Il instaure une commission nationale et des commissions régionales chargées d'examiner les rapports transmis par les médecins, après la mise en oeuvre d'une assistance médicalisée. Ce système aboutit à la saisine du juge en cas de doute sur le respect des dispositions légales relatives à l'assistance médicalisée pour mourir.

Par ailleurs, afin d'éviter toute ambiguïté juridique s'agissant des contrats auxquels elles sont parties, l'article 4 prévoit que les personnes ayant été assistées pour mourir dans le cadre de la loi seront réputées mortes de mort naturelle.

L'article 5 dispose qu'aucun professionnel de santé n'est tenu de participer à une assistance médicalisée pour mourir. Cette clause de conscience est usuelle et naturelle, dès lors qu'il s'agit d'un acte ne relevant pas de la thérapeutique ou du soin.

L'article 6 prévoit qu'une formation à l'assistance médicalisée pour mourir sera dispensée.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'article L. 1110-9 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne capable majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d'une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur. »

Article 2

Après l'article L. 1111-10 du même code, il est inséré un article L. 1111-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-10-1. - Lorsqu'en application du dernier alinéa de l'article L. 1110-9, une personne demande à son médecin traitant une assistance médicalisée pour mourir, celui-ci saisit sans délai deux confrères praticiens sans lien avec elle pour s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle elle se trouve. Il peut également faire appel à tout autre membre du corps médical susceptible d'apporter des informations complémentaires.

« Le médecin traitant et les médecins qu'il a saisis vérifient, lors de l'entretien avec la personne malade, le caractère libre, éclairé et réfléchi de sa demande. Ils l'informent aussi des possibilités qui lui sont offertes par les dispositifs de soins palliatifs adaptés à sa situation et prennent, si la personne le désire, les mesures nécessaires pour qu'elle puisse effectivement en bénéficier.

« Dans un délai maximum de huit jours suivant cette rencontre, les médecins lui remettent, en présence de sa personne de confiance, un rapport faisant état de leurs conclusions sur son état de santé. Si les conclusions des médecins attestent, au regard des données acquises de la science, que l'état de santé de la personne malade est incurable, que sa souffrance physique ou psychique ne peut être apaisée ou qu'elle la juge insupportable, que sa demande est libre, éclairée et réfléchie et s'ils constatent alors qu'elle persiste, en présence de sa personne de confiance, dans sa demande, l'assistance médicalisée pour mourir doit lui être apportée.

« La personne malade peut à tout moment révoquer sa demande.

« L'acte d'assistance médicalisée pour mourir est réalisé sous le contrôle et en présence du médecin traitant qui a reçu la demande et a accepté d'accompagner la personne malade dans sa démarche ou du médecin vers lequel elle a été orientée. Il a lieu après l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la date de confirmation de sa demande.

« Toutefois, si la personne malade l'exige, et avec l'accord du médecin qui apportera l'assistance, ce délai peut être raccourci. La personne peut à tout moment révoquer sa demande.

« Les conclusions médicales et la confirmation des demandes sont versées au dossier médical de la personne. Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté l'assistance adresse à la commission régionale de contrôle mentionnée à l'article L. 1111-13-2 un rapport exposant les conditions dans lesquelles celui-ci s'est déroulé. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article. »

Article 3

L'article L. 1111-11 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-11. - Toute personne capable majeure peut rédiger des directives anticipées relatives à la fin de sa vie pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées sont modifiables ou révocables à tout moment.

« À condition qu'elles aient été établies moins de trois ans avant l'état d'inconscience de la personne, le médecin doit en tenir compte pour toute décision la concernant.

« Dans ces directives, la personne indique ses souhaits en matière de limitation ou d'arrêt des traitements et, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles elle désire bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir telle que régie par l'article L. 1111-10-1. Elle désigne dans ce document la ou les personnes de confiance chargées de la représenter le moment venu. Les directives anticipées sont inscrites sur un registre national automatisé tenu par la commission nationale de contrôle des pratiques relatives à l'assistance médicalisée pour mourir mentionnée à l'article L. 1111-13-2. Toutefois, cet enregistrement ne constitue pas une condition de validité du document.

« Les modalités de gestion du registre et la procédure de communication des directives anticipées au médecin traitant qui en fait la demande sont définies par décret en Conseil d'État. »

Article 4

La section 2 du chapitre I er du titre I er du livre I er de la première partie du même code est complétée par trois articles L. 1111-13-1, L. 1111-13-2 et L. 1111-13-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 1111-13-1. - Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, se trouve de manière définitive dans l'incapacité d'exprimer une demande libre et éclairée, elle peut bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir à la condition que celle-ci figure expressément dans ses directives anticipées établies dans les conditions mentionnées à l'article L. 1111-11.

« Sa ou ses personnes de confiance en font alors la demande à son médecin traitant qui la transmet à deux autres praticiens au moins. Après avoir consulté l'équipe médicale, les personnes qui assistent au quotidien la personne malade et tout autre membre du corps médical susceptible de les éclairer, les médecins établissent, dans un délai de quinze jours au plus, un rapport déterminant si elle remplit les conditions pour bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir.

« Lorsque le rapport conclut à la possibilité d'une assistance médicalisée pour mourir, la ou les personnes de confiance doivent confirmer le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande anticipée de la personne malade en présence de deux témoins n'ayant aucun intérêt matériel ou moral à son décès. L'assistance médicalisée pour mourir est alors apportée après l'expiration d'un délai d'au moins deux jours à compter de la date de confirmation de la demande.

« Le rapport des médecins est versé au dossier médical de l'intéressé.

« Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l'assistance médicalisée pour mourir adresse à la commission régionale de contrôle mentionnée à l'article L. 1111-13-2 un rapport exposant les conditions dans lesquelles celui-ci s'est déroulé. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article, ainsi que les directives anticipées.

« Art. L. 1111-13-2. - Il est institué auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre en charge de la santé, une commission nationale de contrôle des pratiques relatives aux demandes d'assistance médicalisée pour mourir. Il est également institué dans chaque région une commission régionale présidée par le représentant de l'État. Celle-ci est chargée de contrôler, chaque fois qu'elle est rendue destinataire d'un rapport d'assistance médicalisée pour mourir, si les exigences légales ont été respectées.

« Lorsqu'elle estime que ces exigences n'ont pas été respectées ou en cas de doute, elle transmet le dossier à la commission nationale qui, après examen, peut en saisir le Procureur de la République. Les règles relatives à la composition ainsi qu'à l'organisation et au fonctionnement des commissions susvisées sont définies par décret en Conseil d'État.

« Art. L. 1111-13-3. - Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats où elle était partie la personne dont la mort résulte d'une assistance médicalisée pour mourir mise en oeuvre selon les conditions et procédures prescrites aux articles L. 1111-10 et L. 1111-11.

« Toute clause contraire est réputée non écrite. »

Article 5

Le dernier alinéa de l'article L. 1110-5 du même code est complété par trois phrases ainsi rédigées :

« Les professionnels de santé ne sont pas tenus d'apporter leur concours à la mise en oeuvre d'une assistance médicalisée pour mourir ni de suivre la formation dispensée par l'établissement en application de l'article L. 1112-4. Le refus du médecin ou de tout membre de l'équipe soignante de participer à une procédure d'assistance médicalisée pour mourir est notifié au demandeur. Dans ce cas, le médecin est tenu de l'orienter immédiatement vers un autre praticien susceptible de déférer à sa demande. »

Article 6

Le deuxième alinéa de l'article L. 1112-4 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils assurent également, dans le cadre de la formation initiale et continue des professionnels de santé, une formation sur les conditions de réalisation d'une assistance médicalisée pour mourir. »

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