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N° 421

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 avril 2015

PROPOSITION DE LOI

supprimant une discrimination entre descendants de femmes françaises en matière de nationalité ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Jacky DEROMEDI, MM. Olivier CADIC, Jean-Pierre CANTEGRIT, Louis DUVERNOIS, Christophe-André FRASSA, Mmes Joëlle GARRIAUD-MAYLAM et Christiane KAMMERMANN,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs

Par décision n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014, le Conseil constitutionnel a décidé que l'article 87 du code de la nationalité française 1 ( * ) était contraire à la Constitution comme instituant une différence de traitement non justifiée entre les hommes et les femmes en matière de perte de la nationalité française.

En effet, cet article était ainsi rédigé : « Perd la nationalité française le Français majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère.

« Jusqu'à une date fixée par décret, l'acquisition d'une nationalité étrangère par un Français du sexe masculin ne lui fait perdre la nationalité française qu'avec l'autorisation du Gouvernement français.

« Cette autorisation est de droit lorsque le demandeur a acquis une nationalité étrangère après l'âge de cinquante ans.

« Les Français du sexe masculin qui ont acquis une nationalité étrangère entre le 1 er juin 1951 et la date d'entrée en vigueur de la présente loi, seront réputés n'avoir pas perdu la nationalité française nonobstant les termes de l'article 88 du code de la nationalité. Ils devront, s'ils désirent perdre la nationalité française, en demander l'autorisation au Gouvernement français, conformément aux dispositions de l'article 91 dudit code. Cette autorisation est de droit ».

Faisant droit à une question prioritaire de constitutionalité portant sur l'article 87 précité du code de la nationalité, le Conseil constitutionnel 2 ( * ) a décidé, le 9 janvier 2014, que les dispositions déférées instituaient une différence de traitement non justifiée entre les hommes et les femmes. Il a limité la déclaration d'inconstitutionnalité aux seuls mots « du sexe masculin », après avoir affirmé la constitutionnalité de l'article 87 du code de la nationalité susvisé et de l'article 9 précité pour le reste de ses dispositions.

La circulaire de la garde des Sceaux du 30 juin 2014 3 ( * ) a précisé les effets de cette décision. Elle en souligne les effets limités, rappelant qu' « elle ne peut être invoquée que par les seules femmes ayant perdu, entre le 1 er juin 1951 et le 11 janvier 1973, la nationalité française par l'application des dispositions de l'article 87 du code de la nationalité et de l'article 9 susvisé déférés. »

Les affaires, dans lesquelles est intervenue une décision ayant acquis force de chose jugée au 11 janvier 2014, n'entrent pas dans le champ d'application de la décision du 9 janvier 2014 du Conseil constitutionnel.

Sa décision a, au contraire, vocation à être invoquée dans les procédures judiciaires en cours.

La circulaire précise la situation des femmes ayant perdu la nationalité française par acquisition volontaire d'une nationalité étrangère en l'absence de toute procédure judiciaire relative à cette perte: « Sauf autres motifs de refus (ex : actes de l'état civil non probants, ...), les greffiers en chef des tribunaux d'instance sollicités pourront délivrer le certificat de nationalité française aux femmes auxquelles aurait pu être opposé l'article 87 précité et ce même lorsqu'elles n'ont pas judiciairement contesté cette perte et fait constater qu'elles sont de nationalité française. »

Certaines des femmes ayant perdu la nationalité française par application de l'article 87 entre le 1 er juin 1951 et le 9 janvier 1973 ont demandé et obtenu leur réintégration dans notre nationalité par décret ou par déclaration. Leurs enfants mineurs ont bénéficié de l'effet collectif de cette réintégration, mais non leurs enfants majeurs. La circulaire ministérielle du 30 juin 2014 précise que ces femmes peuvent demander le bénéfice de la décision du Conseil constitutionnel. Dans ce cas, on devra procéder à l'actualisation de leur acte de naissance. Le greffier en chef du tribunal compétent saisira le procureur de la République afin que celui-ci, sur le fondement des articles 99 du code civil et 1047 et suivants du code de procédure civile, fasse annuler, par voie judiciaire, la mention de la déclaration ou du décret de réintégration sur l'acte de naissance et s'assure ainsi de l'actualisation dudit acte.

La circulaire du 30 juin 2014 (§ 2.3.3.) précise la portée de la QPC à l'égard des descendants en l'absence de décision judiciaire reconnaissant la « conservation » de la nationalité française par leur ascendante : « Le Conseil constitutionnel a entendu limiter la portée de sa décision aux seules femmes qui ont perdu la nationalité française par l'application des dispositions de l'article 87 du code de la nationalité entre le 1 er juin 1951 et l'entrée en vigueur de la loi du 9 janvier 1973. Selon la décision n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014, leurs descendants peuvent également se prévaloir des jugements ou arrêts reconnaissant, compte tenu de cette inconstitutionnalité, que ces femmes ont conservé la nationalité française. À l'inverse, en l'absence de décision judiciaire constatant leur nationalité française, les descendants ne peuvent invoquer le bénéfice de la QPC, quand bien même leur mère ou ascendante aurait obtenu un certificat de nationalité française, ce titre ne faisant foi de la nationalité française qu'à l'égard de son titulaire. Le certificat de nationalité française ne faisant qu'attester de la nationalité française de son titulaire à un instant précis au vu des éléments produits, il n'est pas un titre décisoire, acquisitif de nationalité française et ne saurait profiter à une tierce personne, fût-elle un descendant, un ascendant ou un collatéral de son détenteur. C'est pourquoi, les greffiers en chefs ne pourront pas délivrer, sur ce seul motif tiré de la décision du Conseil constitutionnel, un certificat de nationalité française à ces descendants. »

Cette interprétation a pour effet d'introduire une division au sein d'une même fratrie, certains enfants d'une française étant français, les autres étant étrangers. Il s'agit d'un traitement discriminatoire de fait. Notre proposition a pour but d'y mettre fin pour ceux des enfants des françaises entrant dans le champ de la QPC qui restent étrangers qui souhaitent se voir reconnaître la qualité de français. Ces descendants pourraient acquérir la nationalité par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants du code civil.

Tels sont, Mesdames, messieurs, les motifs de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Peut acquérir la nationalité française par déclaration tout descendant étranger d'une femme ayant perdu la nationalité française entre le 1 er juin 1951 et la date d'entrée en vigueur de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 complétant et modifiant le code de la nationalité française et relative à certaines dispositions concernant la nationalité française en application de l'article 87 du code de la nationalité et ayant obtenu la reconnaissance de ladite nationalité en vertu de la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014.

Cette déclaration est souscrite conformément aux articles 26 à 26-5 du code civil.


* 1 Dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 et de l'article 9 de cette ordonnance dans sa rédaction issue de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954.

* 2 Conseil constitutionnel, décision n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014,

* 3 Circulaire relative aux incidences de la décision du Conseil constitutionnel n°2013-360 QPC du 9 janvier 2014 relative à la perte de plein droit de la nationalité française, par les femmes, ayant acquis volontairement une nationalité étrangère (NOR : JUSC1413886C).

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