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N° 256

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 janvier 2019

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

tendant à instaurer un vrai référendum d' initiative citoyenne ,

PRÉSENTÉE

Par M. Jean Louis MASSON,

Sénateur

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Nos concitoyens ont le sentiment que le Parlement n'est pas réellement représentatif du peuple. C'est au moins en partie vrai car les partis politiques traditionnels étouffent les initiatives qui ne s'inscrivent pas dans la pensée dominante des pseudos élites. De plus, le mode d'élection de l'Assemblée nationale et du Sénat entraîne une distorsion considérable entre les suffrages exprimés et les sièges obtenus.

De ce fait, lors des grands scrutins nationaux, les Français sont de plus en plus nombreux à manifester leur souhait d'un renouvellement politique et d'une démocratie directe plus proche des citoyens. Fort logiquement, le mouvement des gilets jaunes a donc relancé les demandes formulées depuis des années pour l'instauration d'un référendum d'initiative citoyenne (RIC).

L'auteur de la présente proposition tout comme le député, Nicolas DUPONT-AIGNAN à l'Assemblée nationale, fait partie des très rares parlementaires qui ont toujours été favorables à l'instauration d'un tel référendum. Quelques mois avant le début des manifestations des gilets jaunes, tous deux avaient d'ailleurs déjà annoncé une proposition de loi constitutionnelle, dont un chapitre concernait le référendum d'initiative populaire et la prise en compte du vote blanc (n° 640 du 5 juillet 2018 au Sénat).

On pouvait espérer que la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 1 ( * ) serait un pas décisif en faveur d'une véritable démocratie directe. Il n'en a rien été car la mesure proposée par le président SARKOZY ne cherchait qu'à donner une illusion de démocratie directe. C'est pourquoi, au lieu d'un vrai référendum d'initiative populaire, la réforme s'est bornée à créer un référendum dit d'initiative partagée, lequel est en pratique quasiment impossible à mettre en oeuvre.

En effet, avant de pouvoir collecter les signatures d'électeurs, il faut d'abord obtenir la caution d'un nombre important de parlementaires (185). Cela conduit inévitablement à un blocage car la finalité d'un RIC est précisément de passer outre à un Parlement de moins en moins représentatif des aspirations de la base. Compte tenu de l'emprise des grands partis politiques traditionnels sur les parlementaires, il est évident que ceux-ci ne seront jamais assez nombreux pour enclencher une éventuelle demande de RIC qui serait susceptible de remettre en cause la pensée dominante.

De ce fait, depuis la réforme du 23 juillet 2008, c'est-à-dire depuis plus de dix ans, aucun référendum d'initiative partagée n'a été réalisé. Il n'y a eu qu'un seul début de procédure, initié par le député Nicolas DUPONT-AIGNAN et le sénateur Jean Louis MASSON, lesquels avaient déposé au Sénat une proposition de loi n° 459 du 20 avril 2018 « visant à soumettre au peuple français des dispositions renforçant le contrôle de l'immigration en France ». Cependant, comme c'était prévisible, cette proposition n'a pas obtenu le nombre requis de 185 soutiens de députés ou de sénateurs, nécessaire pour pouvoir engager la collecte des signatures auprès des citoyens.

C'est la parfaite illustration de l'hypocrisie du référendum d'initiative partagée. Pour qu'il puisse être organisé, il faut au départ l'accord du système politique dominant incarné par les parlementaires. Or précisément si un grand nombre de citoyens demande un référendum, c'est bien parce qu'ils ne sont pas d'accord avec les partis politiques en place.

Courant décembre 2018, lorsque la demande des gilets jaunes s'est exprimée en faveur d'un RIC, les contre-feux des grands partis politiques se sont multipliés, chacun affirmant hypocritement un accord de principe mais mettant par ailleurs des conditions qui le vident de son sens :

- Au nom des Républicains, un député a proposé de réduire le nombre de 185 parlementaires dont la caution est exigée pour amorcer la procédure mais, en contrepartie, il veut exiger que ces parlementaires appartiennent à cinq groupes politiques différents de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Là aussi, c'est pratiquement impossible ;

- Un responsable du parti la France insoumise s'est lui déclaré favorable au RIC mais à condition qu'il ne remette pas en cause l'adhésion de la France à un traité international. Autant dire tout de suite que le peuple ne pourrait alors pas demander un référendum sur le traité de Schengen ou sur le pacte de l'ONU relatif aux flux migratoires, que la France vient de signer à Marrakech ;

- Enfin, le délégué général de La République En Marche a indiqué qu'un RIC qui ne serait pas encadré par le Parlement pourrait conduire à rétablir la peine de mort. Sans entrer dans le débat sur le sujet, c'est la parfaite illustration de la mauvaise foi des grands partis politiques. Ceux-ci veulent bien accepter l'organisation d'un RIC mais surtout pas sur des sujets où le peuple pourrait contredire la pensée dominante.

Ces quelques exemples montrent que les partis dominants et le microcosme des bien-pensants ne défendent la démocratie qu'à condition que les électeurs aillent dans le sens de ce qu'ils pensent et de ce qu'ils souhaitent. Sinon ils ne veulent surtout pas donner la parole au peuple.

La présente proposition de loi a un double but, d'une part, instaurer un vrai référendum d'initiative citoyenne (RIC) et, d'autre part, renforcer la valeur juridique du référendum qui exprime la volonté du peuple par rapport au pouvoir législatif du Parlement, lequel n'est détenu que par délégation du peuple.

- L' article 1 er instaure un vrai référendum d'initiative populaire (RIC). Il supprime le verrou des 185 parlementaires préalablement nécessaires pour recueillir les signatures citoyennes. Il abaisse aussi de 10 % à 1,5 % des électeurs inscrits le nombre de signatures citoyennes nécessaires pour déclencher un RIC. Il permet enfin la mise en cause par référendum d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an ;

- L' article 2 prévoit que le Parlement ne peut pas voter une disposition qui serait en contradiction avec le résultat d'un référendum datant de moins de dix ans. Il s'agit d'éviter le renouvellement de l'opération scandaleuse qui avait vu le Parlement approuver le traité de Lisbonne en désavouant ainsi le résultat du référendum qui venait d'avoir lieu ;

- L' article 3 supprime la limitation des matières pour lesquelles un référendum est possible. En effet, actuellement, le référendum ne peut concerner que des domaines strictement délimités, ce qui laisse de côté des problématiques d'une importance fondamentale pour l'avenir de la Nation. On vient encore de le constater lorsque le Gouvernement a refusé que le dossier de l'immigration soit l'une des thématiques de la grande consultation nationale prévue lors du premier trimestre 2019.

- L' article 4 supprime la possibilité de révision de la Constitution par la voie du Congrès. La Constitution est le socle de notre démocratie et seul le peuple doit pouvoir la modifier par référendum.

- L' article 5 impose la ratification par référendum de tout nouveau texte élargissant l'Union européenne à de nouveaux pays membres ou modifiant ses institutions ou procédant à un transfert de compétences à son profit.

Proposition de loi constitutionnelle tendant à instaurer un vrai référendum d'initiative citoyenne

Article 1 er

Le troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase, les mots : « d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales » sont remplacés par les mots : « de 1,5 % des électeurs inscrits sur les listes électorales » ;

2° Après le mot : « loi », la fin de la seconde phrase est supprimée.

Article 2

L'article 11 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Avant l'expiration d'un délai de dix ans suivant la date du scrutin, tout projet de traité et tout projet ou proposition de loi contraire en totalité ou en partie au vote exprimé par le peuple français lors d'un référendum doit être approuvé par référendum. »

Article 3

L'article 11 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Sur proposition du Gouvernement ou d'une des deux assemblées, le Président de la République peut soumettre tout projet ou proposition de loi à référendum. » ;

2° À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « portant sur un objet mentionné au premier alinéa » sont supprimés.

Article 4

Le troisième alinéa de l'article 89 de la Constitution est supprimé.

Article 5

La Constitution est ainsi modifiée :

1° L'article 88-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout texte élargissant le nombre de pays membres de l'Union européenne ou déléguant de nouvelles compétences ou de nouveaux pouvoirs à cette dernière doit être approuvé par référendum. » ;

2° L'article 88-5 est abrogé.


* 1 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République

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