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N° 197

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 1 er février 1996.

PROPOSITION DE LOI

visant à limiter la création et l'exploitation d'établissements
de spectacles ou de commerce à caractère pornographique,

PRÉSENTÉE

Par M. Edouard LE JEUNE,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Arts et spectacles. - Associations - Baux commerciaux - Code pénal - Fonds de commerce -Jeunes - Pornographie - Publicité.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La présente proposition de loi vise à rétablir un équilibre trop souvent malmené entre d'une part la liberté du commerce qui fonde notre économie libérale, mais qui ne saurait s'exercer au détriment des principes fondamentaux que sont le respect de la dignité humaine et la protection de la jeunesse.

L'évolution des moeurs et des comportements a permis l'essor dans nos villes de spectacles et commerces voués exclusivement à la pornographie, certains quartiers étant particulièrement touchés par ce phénomène au point d'en voir leur environnement détérioré.

En effet, la multiplication dans certaines rues de nos villes d'établissements pornographiques est cause, pour les riverains, de nuisances diverses compromettant la qualité de vie et l'image des sites concernés. Mais, surtout, il représente une agression permanente pour les familles et une menace au moins morale sur les mineurs.

Il importe donc d'assurer tout à la fois, dans le respect des droits de chacun, la liberté d'exploitation des établissements de ce type que la législation actuelle n'interdit pas, mais en se donnant les moyens légaux d'en limiter l'extension. Il convient également d'imposer aux responsables de ces commerces le respect de règles destinées à préserver les tiers - et spécialement les riverains - des nuisances engendrées par l'ostentation et la concentration excessive de commerces aussi spécialisés.

La présente proposition de loi, après avoir défini à l'article premier ce qu'est un établissement à caractère pornographique, prohibe à l'article 2 toute publicité et signalisation extérieure. En cas d'infraction, outre des peines pénales, est prévue la possibilité pour le tribunal d'ordonner la fermeture de l'établissement.

La création de périmètres protégés, dans lesquels ne pourront être établis ce type d'établissements, est précisée à l'article 3 : il s'agit de zones de deux cents mètres autour des édifices réservés au culte, des crèches et garderies d'enfants, d'établissements scolaires ou de formation, publics ou privés, de centres de loisirs, d'animation culturelle ou à caractère sportif, qui sont susceptibles d'accueillir des jeunes.

Est prévue en outre et sans préjudice des sanctions pénales la fermeture immédiate de l'établissement par l'autorité préfectorale, en cas d'infraction à cette disposition.

S'agissant des établissements à caractère pornographique existants et situés désormais dans une zone protégée en vertu de la présente proposition de loi, l'article 4 oblige les exploitants à cesser leur activité dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, les baux commerciaux en cours étant, en conséquence, résiliés de plein droit, de même que les contrats de location-gérance.

Cependant, un tel refus de reconduction entraînant pour le propriétaire une obligation d'indemnisation, cette indemnisation est prévue pour les exploitants. Il en va de même pour les bailleurs ou propriétaires du fonds de commerce, sous réserve qu'ils fassent la preuve d'un préjudice distinct de celui de l'exploitant et lié à l'application de ces dispositions.

À cette fin, est prévu à l'article 5 un fonds de garantie en faveur des exploitants évincés du fait du non-renouvellement du bail, des propriétaires de locaux et des propriétaires de fonds donnés en location-gérance et lésés par l'application de l'article 4. En effet, les activités visées par la présente proposition de loi sont certes réglementées, mais ne sont pas illégales et il eût été contraire au principe de liberté du commerce et de l'industrie d'en empêcher l'exercice sans prévoir un mécanisme d'indemnisation.

La création d'un fonds d'indemnisation alimenté par une taxe additionnelle à la taxe sur les salles projetant des films pornographiques ou violents permet d'éviter cet écueil. Un décret en Conseil d'État prévoit les modalités d'application de cet article.

L'article 6 fixe des peines pénales applicables en cas d'infractions aux dispositions des articles 3 et 4.

Enfin, l'article 7 permet aux associations concernées, syndicats de copropriétaires, associations familiales et associations de riverains régulièrement déclarées, d'exercer les droits reconnus à la partie civile, pour les infractions à la présente proposition de loi.

Telles sont les raisons, Mesdames, Messieurs, pour lesquelles il vous est demandé d'adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

I. - Dispositions générales.

Article premier.

La présente loi s'applique aux établissements qui, à titre principal ou accessoire, vendent des articles ou proposent des services à caractère pornographique.

Est dit à caractère pornographique tout produit ou service contraire aux bonnes moeurs ou à la décence.

Art. 2.

L'exploitant, ou toute personne agissant pour son compte, d'un ou de plusieurs établissements visés à l'article premier :

1 ° ne doit se livrer à aucune action de promotion publicitaire de quelque nature qu'elle soit, et quel qu'en soit le support ;

2° doit maintenir les locaux où s'exerce son activité clos en permanence ;

3° ne doit exposer, en dehors de ces locaux, ou visible de l'extérieur de ces locaux, ni article, ni affiche, ni reproduction, en relation directe ou indirecte avec son activité ;

4° ne doit mettre en place aucune signalisation sur la voie publique, par voie d'enseigne notamment.

Toute infraction à l'une des dispositions qui précèdent est punie de 5 000 F d'amende, et de tout ou partie des peines complémentaires prévues aux articles 131-16 et 131-17 du code pénal.

Le tribunal pourra, en outre, ordonner la fermeture de l'établissement pour une durée n'excédant pas six mois. En cas de récidive, la fermeture pourra être définitive.

II. - Création de périmètres protégés.

Art. 3.

Aucun établissement visé à l'article premier ne peut être implanté à moins de deux cents mètres d'une crèche ou garderie d'enfants quelle qu'en soit la catégorie, d'un établissement d'enseignement ou de formation public ou privé, d'un établissement d'animation culturelle ou de loisirs de la jeunesse, d'un établissement sportif ou d'un édifice consacré à un culte.

Sans préjudice des sanctions pénales prévues à l'article 6, et sous réserve des dispositions de l'article 4, l'infraction aux dispositions de l'alinéa précédent entraîne la fermeture immédiate de l'établissement concerné par l'autorité préfectorale.

Art. 4.

Les exploitants d'un établissement visé à l'article premier, existant à la date de promulgation de la présente loi, situé dans une des zones protégées définies à l'article 3, devront cesser leur activité dans le délai d'un an à compter de la promulgation de ladite loi.

Nonobstant toute disposition contraire ou toute clause contraire du contrat, le bail commercial et/ou le contrat de location-gérance d'un établissement devant cesser son activité par application de l'alinéa qui précède sont résiliés de plein droit, au terme du délai visé à cet alinéa.

Sans préjudice des sanctions pénales prévues à l'article 6, l'infraction aux dispositions des alinéas précédents entraîne la fermeture immédiate de l'établissement concerné par l'autorité préfectorale, et la déchéance du droit à l'indemnisation.

Art. 5.

Pourront prétendre à indemnisation :

- les exploitants d'un établissement devant cesser son activité par application des dispositions de l'article précédent, sous réserve que la fermeture de cet établissement ait été effectuée dans le délai imparti ;

- les bailleurs et les propriétaires du fonds de commerce qui apportent la preuve de l'existence d'un préjudice, distinct de celui de l'exploitant, lié à l'application des dispositions de l'article précédent.

L'indemnisation est assurée par un fonds de garantie doté de la personnalité morale, alimenté par une taxe additionnelle à la taxe spéciale sur les prix des places de cinéma applicables aux salles projetant des films pornographiques ou d'incitation à la violence, visés à l'article 1609 duovicies du code général des impôts.

Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application des dispositions de cet article.

Art. 6.

Toute infraction aux articles 3 et 4 est punie de 5 000 F d'amende et tout ou partie des peines complémentaires prévues aux articles 131-16 et 131-17 du code pénal.

III. - Droit des associations.

Art. 7.

Pour les infractions à la présente loi, les syndicats de copropriétaires ainsi que les associations familiales et les associations de riverains régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile.

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