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N° 6 rectifié

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 octobre 2008

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT,

sur le bilan de santé de la politique agricole commune ,

PRÉSENTÉE

Par M. Jean BIZET,

Sénateur

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Deuxième puissance agricole mondiale, l'Union européenne est devenue un acteur incontournable au coeur des enjeux économiques, stratégiques et sociaux liés à l'alimentation. Son haut degré de productivité, la remarquable qualité de ses produits, leur sécurité tant en termes sanitaires qu'en régularité d'approvisionnement, le poids prééminent de la filière agroalimentaire à l'exportation, ou encore la contribution du secteur primaire à l'entretien de ses espaces ruraux et à la vitalité de ses campagnes témoignent à cet égard de l'incontestable succès d'un ambitieux projet de soutien au monde agricole dans son ensemble : la politique agricole commune (PAC).

Depuis sa création voici une cinquantaine d'années jusqu'à aujourd'hui, en passant par ses multiples réformes et mises à jour, la PAC, plus ancienne et plus importante des politiques intégrées de l'Union, s'est avérée constituer un précieux instrument d'encadrement et de régulation des marchés agricoles ayant permis d'atteindre les objectifs fixés au secteur primaire dans l'après-guerre : assurer l'autosuffisance alimentaire de notre continent en stabilisant les cours et en assurant des prix raisonnables aux consommateurs.

Si le bilan de la PAC est donc à ce jour très nettement positif, le profil de nos agriculteurs, la structuration des marchés, les attentes sociales ou encore l'environnement international ont fortement évolué au cours des dernières décennies et abouti à un certain décalage entre son contenu actuel et les réalités économiques auxquelles elle s'applique : manque de compétitivité par rapport à certaines productions de grands pays tiers, insuffisante réactivité aux risques climatiques ou économiques, nécessité d'une meilleure prise en compte du cadre règlementaire international, contribution encore perfectible à la préservation de l'environnement et des espaces ruraux...

C'est dans ce contexte que la Commission européenne a proposé de procéder à un « bilan de santé » de la PAC permettant d'évaluer les politiques aujourd'hui en place et d'anticiper les évolutions à l'horizon 2013, date à laquelle interviendra une nouvelle programmation financière pour six ans impliquant une refondation plus profonde de son socle et de ses objectifs. Par l'intermédiaire de sa commissaire à l'agriculture, Mme Mariann FISCHER BOEL, elle a ainsi publié, fin novembre 2007, un premier état des lieux assorti de grandes lignes d'orientation. Puis, au mois de mai 2008, elle a formulé une série plus précise de propositions tendant à moderniser et à simplifier l'actuelle PAC, et s'est prononcée pour une adoption de ce « bilan de santé » sous présidence française, d'ici la fin de cette année 2008.

Prenant la forme de trois propositions de règlement du Conseil modifiant les règlements aujourd'hui applicables, ainsi que d'une proposition de décision du Conseil, le projet publié par la Commission suggère de rendre l'agriculture européenne plus compétitive et respectueuse de l'environnement, ceci passant entre autres par une baisse des subventions liées à la production et une plus grande aide au développement rural.

Or, si notre pays, première puissance agricole au sein de l'Union, ne peut que partager le constat dressé par la Commission et les objectifs qu'elle fixe à une PAC révisée, sa vision d'un modèle équilibré d'agriculture dans lequel le libre jeu du marché fait l'objet d'un encadrement garantissant le respect de principes supérieurs l'incite à faire entendre sa différence et à défendre des propositions alternatives servant les intérêts des producteurs, des consommateurs et de l'environnement. La présente proposition vise à soutenir les représentants de notre pays dans les négociations européennes en cours et à venir pour faire prévaloir un modèle de développement agricole à la fois plus efficace et plus pérenne pour une Europe à 27.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil : « Préparer le «bilan de santé» de la PAC réformée », COM [2007] 722 final ;

Vu la proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, la proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CE) n° 320/2006, (CE) n° 1234/2007, (CE) n° 3/2008 et (CE) n° .../2008 en vue d'adapter la politique agricole commune, la proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et la proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2006/144/CE relative aux orientations stratégiques de la Communauté pour le développement rural (période de programmation 2007-2013) - Bilan de santé, (COM [2008] 306 final/n° E 3878) ;

Considérant que l'agriculture se situe au coeur des enjeux stratégiques, économiques, environnementaux et sociétaux de demain et peut légitimement, à ce titre et en tant que de besoin, faire l'objet des mesures d'encadrement et de régulation nécessitées par ces intérêts supérieurs ;

Considérant que cette place prééminente de l'agriculture dans les équilibres internationaux ne peut que se renforcer au cours des décennies à venir en raison du triple défi démographique, environnemental et énergétique auquel devra faire face notre planète ;

Considérant que l'Union européenne possède les atouts, tant humains que naturels et technologiques, indispensables pour relever ce défi en produisant une agriculture à la fois productive, respectueuse des écosystèmes et territorialisée ;

Considérant que les marchés agricoles sont, dans un environnement aujourd'hui globalisé, soumis à des aléas naturels, économiques et sanitaires rendant erratique, à la hausse comme à la baisse, la variation des cours des matières premières et appelant des instruments de gestion des risques ;

Considérant que la PAC s'est révélée constituer un outil d'accompagnement des marchés indispensable à leur bon fonctionnement, à leur orientation vers des types de production adaptés à leur évolution et à la pérennisation de leurs acteurs ;

Considérant que les questions liées au financement de la PAC et à son cadre budgétaire, certes d'une extrême importance, ne doivent cependant pas primer sur celles relatives au contenu de cette politique intégrée, mais s'ajuster à ces dernières ;

Considérant qu'en tout état de cause, le bon fonctionnement des outils d'intervention relevant de la PAC, dont l'absence engendrerait des charges collectives bien plus importantes que leur seul coût, implique qu'y soient consacrés des moyens financiers suffisants ;

Considérant que l'Union européenne, qui a déjà procédé à des réformes d'ampleur de sa politique agricole au cours de la dernière décennie, est à présent en droit d'exiger, lors des négociations multilatérales du cycle de Doha, un effort comparable de la part de ses partenaires majeurs et une réciprocité dans les contraintes sociales, sanitaires et environnementales à l'import et à l'export ;

Reconnaît la nécessité d'adapter l'actuelle PAC sans attendre sa réforme à l'horizon 2013, afin notamment de mieux prendre en compte l'évolution des marchés secteur par secteur et d'optimiser le soutien de ceux confrontés à une conjoncture délicate ;

Partage les objectifs généraux fixés à la PAC par la Commission européenne, à savoir une agriculture productive, respectueuse de l'environnement et ancrée dans les territoires ;

Rappelle que les principaux objectifs de la PAC doivent être :

- d'assurer la sécurité alimentaire de l'Union européenne, y compris dans sa dimension sanitaire ;

- de construire une agriculture qui concilie performance économique et efficacité écologique ;

- de contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux ;

- de préserver les équilibres des espaces ruraux pour maintenir une cohésion territoriale ;

Insiste sur la nécessité de conserver un socle productif et une dimension économique permettant aux agriculteurs de vivre essentiellement de leur activité de production. En conséquence, s'oppose au projet de modulation proposé par la Commission à l'horizon 2012 en ce qu'il viderait substantiellement le premier pilier des moyens financiers nécessaires au maintien d'une agriculture productive forte ;

Juge indispensable de conserver une politique agricole commune et forte, financée majoritairement par des fonds communautaires. En conséquence, s'attache à une pérennisation du budget consacré à l'agriculture et s'oppose à toute volonté de renationaliser les aides européennes, qui aurait pour conséquence d'accroître les différences de développement entre territoires qu'une politique commune affirmée a jusqu'à présent permis de réduire. S'oppose également à toute régionalisation des aides, qui aboutirait à des différences de soutien discriminatoires et irrationnelles entre espaces régionaux ;

Souligne l'attachement de l'Union européenne à un modèle d'agriculture équilibré, économiquement viable et écologiquement responsable, porté par des exploitations de taille moyenne occupant y compris les espaces les plus reculés, garant de produits alimentaires de qualité accessibles au plus grand nombre de consommateurs ;

Salue le consentement de la Commission européenne au maintien de la possibilité d'aides couplées aux productions animales dans le cadre du premier pilier. S'oppose en revanche vivement à son projet d'instaurer un système d'aides entièrement découplées en 2010 pour certaines cultures, qui aurait pour conséquence une réduction de la production européenne dans ces filières et favoriserait la déprise agricole et la progression de la jachère volontaire dans certaines zones rurales ;

Estime impératif, parallèlement à la simplification du régime des paiements uniques, de procéder à une remise à plat de l'intensité des soutiens pour l'ensemble des filières afin de rééquilibrer les aides au profit de celles en bénéficiant faiblement alors qu'elles font face à une situation difficile, voire de crise. Demande à cet égard que le montant de ces soutiens soit réactualisé, filière par filière, à des échéances plus resserrées afin de tenir compte d'une évolution des marchés de plus en plus rapide et différenciée. Demande également que fassent l'objet d'un soutien accru les filières présentant des externalités positives en termes de préservation de l'environnement ou d'entretien des paysages, comme par exemple l'élevage de montagne ou les productions de qualité ;

Se félicite de la volonté de la Commission d'élargir le mécanisme de l'article 69, permettant de redistribuer l'enveloppe d'aide au sein du premier pilier à de nouvelles productions et de nouveaux instruments. Demande toutefois à ce que soit augmenté le montant maximal pouvant être alloué à ce mécanisme, fixé dans la proposition de la Commission à 10 % des plafonds nationaux pour les paiements directs dans le secteur concerné, dont 2,5 % peuvent être recouplés ;

Lie l'augmentation progressive des quotas laitiers et leur disparition programmée à l'horizon 2015 à l'instauration d'instruments de substitution propres à réguler la filière, et notamment de mesures de soutien spécifiques dans les régions d'élevage laitier, qui dépendent largement de ce type de production ;

Appelle au maintien de mécanismes publics d'intervention sur les marchés, « filets de sécurité » seuls à même de permettre leur stabilisation en cas de crise. Rejette notamment à ce titre la modification du régime d'intervention prévue par la Commission pour le lait et les céréales ;

Demande à ce que soit encouragé le développement de l'assurance récolte, comme l'un des moyens privilégiés de gestion des risques permettant d'obtenir un équilibre entre responsabilité publique et professionnelle ;

Appelle également au renforcement de la gouvernance des filières, à travers le développement des organisations de producteurs et des interprofessions, ainsi qu'à la mise en place d'une politique de contractualisation à la fois en amont et en aval, comme moyen pour les producteurs d'augmenter et de mieux répartir la valeur ajoutée au sein des filières ;

Souligne le nécessaire appui à l'innovation dans le secteur agricole, dans la lignée des préconisations de la stratégie de Lisbonne, comme moyen d'accroître la productivité tout en respectant mieux les équilibres écologiques et en valorisant davantage les productions. Préconise à cet égard la mise en oeuvre de politiques publiques intégrant recherche, formation et développement, et soutenant la diffusion d'itinéraires techniques durables.

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